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00:00 Des aliens géants à la peau bleue sur une planète très lointaine, ça n'est pas Avatar de James Cameron,
00:05 mais La Planète Sauvage, véritable ovni du cinéma français sorti en 1973,
00:10 signé René Lalou et Roland Thauport.
00:12 Une fable poétique et politique qui a influencé les plus grands réalisateurs d'animation comme Niazaki.
00:18 Ce film est une sorte de révolution dans le cinéma d'animation.
00:22 Pour la première fois en France, un long métrage d'animation d'Âme le Pion à Walt Disney.
00:27 Et ce n'est pas un long métrage d'animation adapté d'une bande dessinée, c'est une création originale d'auteur.
00:33 Cannes 1973. La Planète Sauvage remporte le prix spécial du jury.
00:39 Le sujet, c'est une histoire de géants qui vivent sur une planète imaginaire,
00:45 qui ont ramené d'un voyage galactique des petits animaux domestiques qui sont des hommes.
00:49 Le film, c'est l'aventure d'un de ces petits hommes.
00:52 Les hommes sont asservis par les dragues, des êtres géants à la peau bleue,
00:56 dotés d'une intelligence et d'une spiritualité bien supérieures.
01:00 Mais les hommes finissent par avoir accès au savoir des dragues et se révoltent.
01:04 Cette fable de science-fiction se déroule sur la planète Tigram,
01:07 dans un futur indéterminé mais dont on suppose qu'il n'a pas été très favorable à l'humanité.
01:12 Ce que l'on voit à un moment donné dans le film, c'est effectivement les ruines de notre civilisation.
01:16 Donc on peut penser qu'effectivement l'activité humaine, le développement de la société humaine,
01:22 a conduit l'humanité à sa perte.
01:25 Il y a chez René Lalou une préoccupation sur le devenir de l'humanité,
01:29 mais cette préoccupation passe souvent par un discours plus cynique,
01:33 plus provocateur qu'un appel à la préservation de la nature, etc.
01:39 René Lalou, à la réalisation, a déjà travaillé avec Roland Topor,
01:44 l'illustre dessinateur à l'humour noir sur deux courts-métrages.
01:47 Leur nouveau projet, La planète sauvage, est une adaptation d'un roman de science-fiction français,
01:52 Homme en série, de Stephen Wool.
01:54 Mais l'ASF n'est pas la seule inspiration du film.
01:57 La planète sauvage s'inscrit dans la lignée des contes philosophiques de Voltaire,
02:00 comme Micromégas, ou Les voyages de Gulliver de Jonathan Swift.
02:04 Il est aussi le reflet de son époque de bouleversement politique.
02:07 C'est vraiment une délocalisation du regard par le jeu sur les dimensions,
02:12 par le jeu sur le changement de perspective entre l'humain et l'animal,
02:15 qui amène une réflexion métaphysique sur le sens de nos existences et le sens des sociétés, surtout.
02:22 Son propos est suffisamment vaste et à la fois pointu pour que l'on puisse, si on le veut,
02:30 y voir l'écho de la dictature de Pilochet, de la répression du printemps de Prague.
02:35 Lalou et Topor écrivent ensemble le scénario.
02:38 Topor dessine tous les objets et donne vie aux créatures du récit.
02:42 Pour moi, le dessin animé ne peut être qu'un luxe.
02:44 Ce n'est pas un ersatz de film avec des personnages.
02:48 Dans le trait du dessinateur, on retrouve l'influence de la gravure du XIXe siècle,
02:53 dont le caricaturiste Grandville et l'illustrateur Gustave Doré.
02:57 Il y a aussi un peu de peinture symboliste et de surréalisme.
03:01 Dali notamment, parmi d'autres, qui intervient beaucoup dans la composition du cadre,
03:06 dans la présence permanente de la ligne d'horizon comme effet structurant de l'espace,
03:13 dans les représentations architecturales, dans les représentations de la flore.
03:19 Et puis il y a des références beaucoup plus anciennes,
03:21 comme Jérôme Bosch, le jardin d'Elysse en particulier,
03:24 auquel on peut penser en regardant le bestiaire fantastique de la planète sauvage,
03:30 qui semble effectivement tout droit sorti de l'iconographie médiévale et renaissance.
03:34 Mais le projet avance trop lentement pour Roland Topor, qui finit par le délaisser.
03:38 René Lalou réalise le storyboard et tient la barre de la production.
03:42 La réalisation est délocalisée à Prague pour faire des économies,
03:46 mais aussi car la Tchécoslovaquie, à l'époque, possède un certain savoir-faire en matière d'animation.
03:51 Des équipes d'illustrateurs travaillent minutieusement sur les dessins de Topor,
03:55 avec une nouvelle technique, le papier découpé, et non le celluloïde,
03:59 la technique traditionnelle des productions Disney où le dessin est décalqué sur des feuilles transparentes.
04:04 Mais la planète sauvage, c'est aussi une bande-son qui détonne à l'époque,
04:07 une sorte de jazz fusion hybride couplé à la guitare wah-wah et autres effets bizarroïdes.
04:12 Elle est signée Alain Goraguer, pianiste de jazz et arrangeur pour Gainsbourg, Boris Vian ou Serge Reggiani.
04:22 Donc en réalisant la planète sauvage, vous étiez d'accord sur ce point,
04:25 que c'était un film autant pour les adultes que pour les enfants ?
04:28 Moi je donnerais plutôt la priorité aux enfants, où les enfants sont encore des poètes,
04:33 et par rapport à Disney par exemple, je serais fier de faire un long métrage pour enfants,
04:40 dont l'enfant ne rougira pas quand il aura 30 ans, quand il sera devenu un adulte.
04:44 La Loupe sera célébrée lorsqu'il ira au Japon, aussi bien par Go Nagai,
04:49 le créateur de Goldorak, que Tezuka, le créateur d'Astro le robot.
04:56 On sait aussi que Miyazaki a vu très tôt le film, avant même sa sortie au Japon,
05:00 que c'est un film qui l'a marqué. Il y a sans doute des citations de la planète sauvage
05:05 dans Nausicaa de la Vallée du Vent, qui est quand même le film avec lequel commence
05:09 la formidable aventure du sieu de Ghibli.
05:13 [Musique]

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