Conférence RSE et finance: comment la recherche perçoit-elle la RSE dans le secteur financier ?
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00:00 [Musique]
00:03 On se retrouve pour un premier "Regard croisé".
00:05 Alors "Regard croisé" entre un chercheur et un praticien,
00:09 un universitaire et un spécialiste financier sur le terrain.
00:14 Et on va vous écouter sur ces problématiques de RSE et de finance.
00:18 Alors dans le rôle du chercheur, bonjour Philippe Routet.
00:23 Philippe, vous êtes maître de conférence en sciences économiques,
00:25 doyen de l'AEI International School de l'UPEC qu'on vient de nous décrire.
00:30 Dans le rôle du financier, Philippe Zawadci. Bonjour Philippe.
00:33 Bonjour.
00:34 De Philippe, je vais avoir du mal.
00:35 Vous êtes directeur général de Mirova.
00:37 C'est générationnel.
00:38 Peut-être.
00:39 Vous êtes directeur général de Mirova et vous êtes aussi co-auteur de l'ouvrage récent
00:44 que je montre en caméra là si on arrive à le voir,
00:48 "La finance face aux limites planétaires" qui est sorti cet été.
00:53 Voilà, je pense qu'on le voit bien.
00:56 Alors pour commencer, je me tourne vers le chercheur.
01:01 Philippe, comment est-ce que vous définissez en tant que chercheur la RSE ?
01:10 Qu'est-ce que ça signifie ?
01:12 Comment est-ce que le monde de la recherche appréhende cette notion ?
01:16 Il y a plusieurs dimensions par rapport à la responsabilité sociétale des entreprises.
01:22 La première chose, c'est que c'est un engagement des entreprises
01:25 pour exercer un impact positif sur la société.
01:30 En général, c'est multidimensionnel.
01:33 Trois dimensions sont étudiées.
01:36 La dimension environnementale, lutter contre le réchauffement climatique,
01:40 réduire son empreinte carbone par exemple.
01:42 La dimension sociétale, c'est avoir l'impact, par exemple, favoriser la diversité,
01:48 l'égalité hommes-femmes.
01:50 Puis la gouvernance, les fameux critères EIG,
01:53 c'est notamment le fonctionnement d'entreprise,
01:55 faire en sorte que l'ensemble des parties prenantes participent à la prise de décision.
01:59 Mais la RSE, c'est aussi plus que cela,
02:02 puisque notre définition, qui est souvent utilisée en recherche,
02:06 notamment en économie,
02:08 c'est d'aller au-delà des obligations légales et réglementaires
02:12 qui s'imposent aux entreprises dans ces aspects.
02:15 Et ce qui a trois conséquences, c'est qu'il y a une dimension stratégique pour l'entreprise,
02:22 de pouvoir montrer comment elle va mettre en œuvre la RSE,
02:26 comment elle va pouvoir aller au-delà de la réglementation.
02:29 Il y a un aspect également de communication sur l'activité de l'entreprise,
02:37 et ça suppose de pouvoir avoir accès à de l'information sur la stratégie, la diffuser.
02:43 C'est aussi le point central de beaucoup de travaux de recherche,
02:47 avec des dimensions de transparence, qualité, fiabilité,
02:51 donc beaucoup de choses qu'on va évoquer dans la suite de cette conférence.
02:57 C'est un sujet que vous voyez beaucoup.
03:00 Est-ce que c'est un sujet très étudié, la RSE, par les chercheurs ?
03:03 Et ça fait combien de temps que vous voyez un nombre croissant de recherches sur le sujet ?
03:10 En fait, il y a un intérêt croissant pour plusieurs raisons.
03:14 En même temps, c'est quelque chose qui n'est pas nouveau.
03:17 Et notamment en France, on a été très en avance dans les réglementations, notamment juridiques.
03:22 Dès le début des années 2000, avec la nouvelle loi sur la régulation économique,
03:27 les sociétés cotées ont dû communiquer justement sur leurs engagements.
03:31 Donc beaucoup de choses qui ont été faites en matière juridique.
03:34 Alors aujourd'hui, il y a un point central, parce que la réglementation continue d'évoluer,
03:39 et devient de plus en plus contraignante pour les entreprises.
03:43 Et donc dans cette dimension de faire plus que la régulation, ça devient de plus en plus difficile.
03:49 Donc il y a un enjeu d'aller aussi assez vite pour les entreprises, parce que les entreprises doivent être pionnières.
03:53 Et donc ça a des grands enjeux, et des grands enjeux en matière de recherche,
03:57 pour éviter de tomber notamment le greenwashing, et donc la face sombre de la RSE.
04:04 Donc il y a beaucoup beaucoup de travaux sur ces questions, dans différentes disciplines,
04:09 que ce soit en sciences de gestion, en économie, en finance.
04:12 Donc c'est une question qui alimente beaucoup de travaux de recherche.
04:17 Donc c'est pas nouveau, mais il y a de plus en plus de travaux dans ces nouvelles dimensions,
04:20 de faire de la bonne RSE, si on peut le dire comme ça.
04:24 Philippe Zawadie, vous étiez conscient, vous étiez scruté par les chercheurs,
04:27 et est-ce que vous vous reconnaissez dans cette définition, jusqu'au terme RSE, que je vous lance ?
04:35 D'abord, on travaille beaucoup avec les chercheurs, c'est quelque chose qui est très important pour nous depuis toujours,
04:42 parce qu'on avance avec le monde académique dans la définition de ces concepts-là.
04:48 Alors le concept RSE, c'est pas le concept que je préfère, enfin c'est pas un concept que j'apprécie particulièrement.
04:55 Alors pourquoi ? Parce qu'en fait, la RSE, il faut bien voir d'où ça vient et qu'est-ce que ça signifie.
05:02 On dit que les entreprises ont une responsabilité sociale,
05:05 mais on ne remet pas en cause, en disant ça, le concept de l'entreprise en tant que tel.
05:11 C'est-à-dire qu'on a toujours une entreprise, qui est censée être une réunion de personnes
05:15 qui mettent en commun du capital pour créer de la richesse et faire du profit,
05:20 et à un moment donné, on dit à ces entreprises "Ok, vous continuez à faire ça, il n'y a pas de problème,
05:25 ça ne change pas votre ADN, votre méthode, votre modèle, mais attention, vous avez quand même un petit peu de responsabilité.
05:32 Donc à la marge de votre activité, sans forcément transformer votre activité, vos produits, vos services,
05:38 vous allez avoir de la responsabilité, et donc faire des choses vis-à-vis de telle communauté ou de l'environnement, etc."
05:45 Alors, évidemment, c'est déjà un premier pas, parce que si on vient au niveau d'avant,
05:51 au niveau de la théorie économique traditionnelle, vous avez Milton Friedman qui vous dit
05:57 "La seule responsabilité sociale d'une entreprise, c'est de faire du profit."
06:01 Et donc la seule chose qu'on doit demander à son boulanger, c'est de faire le maximum de profit,
06:05 parce que c'est comme ça qu'il va faire du bon pain.
06:07 Et donc là, on va effectivement passer une première étape en disant
06:12 "Non, l'entreprise, elle est quand même dans un environnement, ce n'est pas une île,
06:16 ce n'est pas un truc complètement isolé du reste du monde, et donc elle va avoir un certain nombre de responsabilités."
06:21 Mais on voit bien que le concept est né, il change, mais il est né comme un correctif
06:27 par rapport à la situation initiale de l'entreprise, et pas comme une transformation fondamentale de ce qu'est une entreprise.
06:33 Il y a des réflexions et des modèles aujourd'hui qui vont beaucoup plus loin que ça,
06:38 et qui vont vers une transformation de la gouvernance et du modèle de l'entreprise.
06:42 Et donc là aussi, il y a eu des travaux académiques.
06:44 Nous, on a beaucoup travaillé avec certains de vos collègues de l'École des Mines,
06:48 en l'occurrence Armand Hachuel, Blancet-Grestin, puis tous les travaux du Collège des Bernardins,
06:53 où il y a une réflexion un peu plus profonde sur qu'est-ce que c'est que l'entreprise.
06:57 L'entreprise, ce n'est pas seulement des gens qui mettent du capital en commun,
07:00 c'est un projet d'un collectif humain qui se donne un objectif, une raison d'être.
07:07 Et donc tout ça nous amène à effectivement les grandes évolutions qu'on a connues ces derniers temps,
07:11 avec la loi PACTE, qui a donc créé l'entreprise à mission,
07:16 d'abord la raison d'être, l'entreprise à mission,
07:18 mais qui a aussi modifié l'article fondateur,
07:22 en fait l'article qui définit l'entreprise dans le Code civil,
07:25 dans lequel on a maintenant ajouté des responsabilités environnementales et sociales.
07:28 – En plus, vous deviez l'inscrire par essence.
07:30 – Elle devient responsable par essence, c'est-à-dire qu'on a bien ce premier degré et niveau
07:34 qui est que l'entreprise a une responsabilité sociale,
07:37 et ça s'applique aujourd'hui, maintenant avec la loi, à toutes les entreprises,
07:41 puisque l'entreprise doit tenir compte de ces aspects-là,
07:43 puis ensuite on a des étages un petit peu supérieurs,
07:46 où on entre beaucoup plus dans un capitalisme des parties prenantes,
07:49 c'est-à-dire où l'entreprise n'est plus seulement une réunion d'actionnaires,
07:52 mais une relation avec tout un ensemble de parties prenantes.
07:56 – Alors justement, si j'enchaîne tout de suite entre ce nouveau monde,
08:00 alors je ne peux plus employer le terme RSE, mais la mission,
08:04 où est-ce qu'on en est dans le secteur financier, dans la finance ?
08:10 – La finance, elle a un rôle un peu, je dirais,
08:14 elle a un positionnement un peu particulier, parce qu'elle doit agir pour elle-même,
08:19 donc c'est sa propre façon de s'organiser, sa propre gouvernance,
08:25 ses règles de transparence, sa lutte contre la corruption,
08:29 – C'est une entreprise comme les autres.
08:31 – C'est une entreprise comme les autres, elle a aussi des émissions de carbone,
08:34 même si elles sont faibles, il y a quand même des employés,
08:36 donc il y a la façon dont on traite les employés.
08:39 Donc on a bien une responsabilité un peu, voilà,
08:42 inhérente à l'entreprise en tant que telle,
08:44 mais la finance c'est beaucoup plus que ça, c'est surtout un élément,
08:48 enfin une entité qui va aider à d'autres entreprises de se développer.
08:54 – Donc elle a un effet cascade.
08:56 – Elle a un énorme effet cascade, c'est-à-dire que ce qu'on appelle,
08:59 dans le cas du carbone, le scope 3, c'est-à-dire les effets indirects,
09:03 pour la finance, ils sont gigantesques, c'est-à-dire qu'une entreprise
09:07 comme Mirova qui gère 30 milliards d'euros sous gestion,
09:10 on est une petite entreprise de 250 personnes,
09:13 ce n'est pas ça qui va créer un impact monumental sur le climat.
09:18 En revanche, nos 30 milliards d'investissements,
09:20 eux, ils vont avoir un impact considérable,
09:22 si on décide plutôt de les investir dans les énergies renouvelables
09:25 que dans l'exploration pétrolière.
09:27 – Mais vous ne calculez pas votre scope 3 quand même, comme ça ?
09:29 – On calcule d'une certaine façon notre scope 3,
09:32 puisqu'on calcule l'empreinte carbone de tous nos portefeuilles.
09:39 Et donc effectivement, on prend des engagements,
09:41 non seulement sur ce qu'on fait nous, sur notre comportement en tant qu'entreprise,
09:45 mais sur la façon dont on va financer les autres entreprises.
09:48 Et on a aussi des exigences, des demandes, on est un peu prescripteur,
09:54 c'est-à-dire que nous, on a tendance à donner des leçons,
09:56 à dire aux entreprises, voilà, vous devriez faire ceci et cela,
09:59 voilà comment vous devriez voir votre RSE.
10:01 Et donc en cela, on a effectivement cet effet multiplicateur qui est important.
10:07 – Philippe Fouté, en tant que chercheur,
10:11 vous regardez le secteur financier et sa responsabilité,
10:16 je m'arrête à ce mot-là, et son effet cascade,
10:19 est-ce qu'on peut commencer à analyser des choses,
10:21 à voir ce que ça a à juger de la responsabilité du secteur financier ?
10:27 – Alors oui, donc il y a des éléments,
10:30 c'est vrai que dans le secteur financier,
10:32 par rapport à la comptabilité nationale, pourrons dire,
10:34 c'est un secteur à part entière et qui a cette caractéristique,
10:37 effectivement, d'avoir cette mission de fournir des services au reste de l'économie.
10:41 Et si on regarde justement la gestion d'actifs,
10:45 je crois qu'à l'échelle globale, si on donne des ordres de grandeur,
10:47 on a un tiers des fonds qui, justement, sont investis dans des projets
10:54 qui vont respecter des critères OEG ou qui vont avoir cette dimension
11:00 et être mesurés pour avoir cet impact.
11:02 En Europe, c'est un peu plus, je crois que les proportions, ça doit être 50%,
11:05 donc on peut penser qu'on est arrivé à…
11:08 c'est le verre à moitié vide ou à moitié plein,
11:10 donc on a fait la moitié du chemin,
11:12 et c'est quelque chose qui a tendance à aller de…
11:16 enfin donc à… comment dire, à s'étendre.
11:18 Donc on a de plus en plus cette transmission du secteur financier,
11:22 enfin donc cet effet de créer des incitations pour le reste de l'économie
11:27 à se diriger vers des investissements et des projets plus responsables.
11:31 Maintenant, la thématique qu'on va avoir,
11:34 c'est comment est-ce qu'on peut mesurer véritablement tout ça ?
11:37 Et en fait, là, votre question, ce n'est pas évident de répondre
11:40 parce qu'il faut vraiment disposer d'indicateurs
11:43 qui soient disponibles, fiables, transparents,
11:46 et qu'on puisse avoir aussi sur du long terme,
11:49 c'est-à-dire des données, donc on peut voir un projet,
11:52 donc quel va être son impact à un moment donné dans le temps,
11:54 mais est-ce qu'on va pouvoir mesurer cet impact sur des longues périodes
11:58 pour pouvoir avoir une vision plus précise de l'impact de la finance
12:03 sur l'engagement et la responsabilité des entreprises ?
12:07 Puis alors après, en fonction des pays, des aires géographiques,
12:12 on ne va pas avoir forcément les mêmes focales.
12:15 On a un peu d'interculturel, de différences aussi qui est assez intéressante,
12:20 donc on ne va pas répondre forcément de la même façon
12:23 selon de l'endroit où on regarde ce concept de responsabilité.
12:27 Par exemple, aux États-Unis, on va avoir plutôt une tendance
12:31 à privilégier l'aspect moral et l'aspect suivre des règles éthiques
12:36 et notamment on peut exclure du financement, ce qui a été un peu évoqué,
12:42 certains secteurs d'activité qui vont investir dans des produits
12:47 qui ne respectent pas, qui ne vont pas favoriser les énergies renouvelables.
12:52 Et donc de ce point de vue-là, effectivement, la finance est très prescriptive.
12:56 Si on est au niveau de la Grande-Bretagne, là la focalisation,
12:59 notamment sur la définition des normes,
13:01 mais plutôt sur l'ensemble des parties prenantes
13:05 qui doivent être impliquées dans la prise de décision.
13:07 Et donc si on n'a pas ces dimensions et qu'on doit pouvoir mesurer, contrôler,
13:11 on ne va pas avoir l'impact complet qui est recherché.
13:18 En France et dans l'Europe continentale, même s'il y a des différences,
13:22 on va aussi analyser l'efficacité des politiques RSE
13:28 au regard des critères, des objectifs du développement durable,
13:32 qui ont une dimension, qui sont différentes,
13:35 puisque c'est beaucoup plus macroéconomique dans l'approche.
13:37 Mais on a ces différents niveaux de régulation qui s'entremêlent
13:41 et qui complexifient l'analyse de l'RSE.
13:44 Mais il y a un enjeu actuel, puisqu'effectivement,
13:47 on est sur un moment où on a un développement important
13:50 par rapport à des nouvelles régulations qui sont mises en place.
13:53 La CSRD qui va être effective au 1er janvier 2024
13:57 pour le reporting sur l'ensemble des entreprises.
14:00 C'est un peu ces thématiques qui occupent la recherche.
14:03 Philippe Zavoiti, vous investissez partout dans le monde, je crois.
14:06 Vous percevez ces différences ?
14:09 Il y a des différences majeures aujourd'hui d'approche.
14:13 Je ne vais pas répéter et redire, mais c'est vrai qu'en gros,
14:20 sur les sujets financiers, on a trois approches très différentes
14:23 entre les États-Unis, l'Europe et l'Asie.
14:26 Vous avez aujourd'hui en Asie toujours un focus très orienté performance.
14:32 La finance reste un jeu en Asie, dans beaucoup d'économies asiatiques,
14:37 beaucoup de sociétés.
14:39 Il y a vraiment cette recherche de rentabilité maximum.
14:42 Il y a un intérêt pour les sujets d'environnement, de social et de SG,
14:48 mais qui passe à chaque fois par cette volonté de créer
14:51 de la valeur financière supplémentaire.
14:54 Aux États-Unis, vous avez aujourd'hui une polarisation absolument terrible politique
15:02 entre les pro-SG et les anti-SG.
15:05 C'est devenu un vrai sujet de dissension politique très forte.
15:10 Les Républicains appellent l'ESG la finance woke.
15:14 Vous avez vraiment un très fort mouvement qui se développe.
15:19 Donc quelque chose de très politique aux États-Unis.
15:23 En Europe, on a une situation qui est très orientée par la régulation.
15:28 C'est la régulation qui dirige.
15:30 C'est vraiment toutes les nouvelles réglementations européennes
15:33 qu'on a connues ces 4-5 dernières années qui ont structuré le marché
15:38 et qui continuent à le structurer.
15:40 Ce sont des réglementations qui vont dans le sens de beaucoup plus de transparence
15:44 à tous les niveaux.
15:45 Donc une plus grande transparence pour les entreprises.
15:48 C'est-à-dire que les entreprises doivent être beaucoup plus transparentes
15:51 sur leurs impacts environnementaux et sociaux,
15:53 sur tout un tas de critères du climat, la biodiversité,
15:57 en passant par les impacts sociaux, les droits de l'homme, etc.
16:00 C'est cette fameuse directive CSRD qui va obliger toutes les entreprises
16:04 de plus de 250 personnes en Europe à faire ce reporting
16:07 de façon extrêmement détaillée et très normée.
16:09 C'est une nouvelle comptabilité qu'on est en train d'inventer avec ça.
16:12 C'est un grand pas.
16:13 Et puis, cette évolution européenne, vous avez une situation très réglementaire.
16:23 Vous avez des réglementations de transparence sur les produits financiers eux-mêmes
16:27 où on doit expliquer de façon plus claire comment on intègre ces critères
16:32 environnementaux et sociaux dans notre gestion d'actifs.
16:35 Donc effectivement, une différence d'approche assez forte
16:40 entre les différentes zones géographiques.
16:42 Alors rapidement, parce que je vois que le temps passe déjà,
16:46 on y reviendra pendant les deux tables rondes qui suivent.
16:50 Mais est-ce que votre jugement vraiment personnel, j'ai envie de dire, de Vautrip,
16:54 est-ce que le secteur est aujourd'hui à la hauteur de ce qu'on attend de lui,
16:58 des ambitions qu'on met en lui ?
17:00 Philippe Fauté ?
17:02 Effectivement, il y a des progrès qui ont été réalisés,
17:04 mais il y en a encore à faire par rapport aux indicateurs.
17:08 Là, c'est vraiment le point de vue de la recherche.
17:11 On bute sur cet aspect.
17:14 Donc la régulation qui impose plus de transparence,
17:17 plus de fiabilité sur les données va pouvoir améliorer effectivement la chose.
17:22 Mais pour moi, ce serait le point que je questionnerais.
17:26 Il y a eu un changement de prise de conscience,
17:29 un changement, je dis souvent, on a gagné la bataille culturelle.
17:32 C'est vrai qu'aujourd'hui, on ne peut pas parler de finances
17:36 sans parler d'environnement, de social, de soutenabilité.
17:40 Donc sur ce plan-là, on peut dire qu'on a passé un cap ces dernières années.
17:44 Il y a eu un cap très important aussi passé sur la régulation.
17:46 On a vraiment maintenant aujourd'hui un cadre global qui fait
17:49 qu'on ne peut plus trop raconter n'importe quoi sur ces sujets-là.
17:54 Maintenant, on est évidemment très, très loin de ce qu'il faudrait faire
17:58 parce que l'ensemble de ce marché financier n'a pas beaucoup bougé
18:01 dans son fonctionnement court-termiste.
18:03 Donc on reste quand même sur des marchés très, très court-termistes.
18:06 Et puis très passifs, ça reste un monde très passif par rapport à l'économie.
18:11 C'est-à-dire que ça reste un outil qui finance l'économie
18:15 qui vient à elle, la finance.
18:20 Et donc ça manque beaucoup de proactivité pour effectivement rediriger de l'argent
18:25 vers là où c'est nécessaire.
18:26 L'exemple évident, c'est les marchés émergents.
18:28 Il y a très peu d'argent qui va vers les marchés émergents
18:30 alors qu'on sait de toute façon évident que c'est là
18:32 où il y a les besoins de financement les plus forts.
18:34 Donc il y a effectivement une inefficacité, une inefficience absolument majeure
18:37 dans cette organisation-là.
18:39 – Qu'est-ce qu'évoquait tout à l'heure l'épargnant, le rôle de l'épargnant ?
18:42 Il a changé un peu de prisme ?
18:44 – L'épargnant, d'abord il a besoin là pour le coup d'information
18:49 pour prendre ses décisions.
18:50 Or aujourd'hui, enfin jusqu'à il n'y a pas très longtemps,
18:54 il n'y avait même pas de discussion.
18:55 C'est-à-dire que là maintenant, la réglementation oblige les conseillers financiers
18:59 à entamer la discussion, à poser des questions à leurs clients
19:02 en leur demandant "est-ce que vous avez des préférences environnementales et sociales ?"
19:05 Et je pense que déjà, ça, on est en train de passer un cap là-dessus
19:08 parce que ça permet à l'épargnant déjà de pouvoir dire ce qu'il pense.
19:11 "Oui, voilà, moi j'aimerais bien que mon argent soit placé plutôt dans du vert
19:14 ou j'aimerais bien que mon argent ne soit pas placé dans telle ou telle industrie, etc."
19:19 Et donc ensuite charge au financier de proposer des produits
19:23 qui sont en adéquation avec ses préférences de l'investisseur.
19:25 Donc on a avancé un petit peu là-dedans, mais on manque énormément
19:29 d'éducation financière et puis de vraies politiques publiques sur ce sujet-là.
19:33 Et là, on a... C'est d'ailleurs un sujet de politique publique nationale, là, pour le coup,
19:37 beaucoup plus que... Enfin, à la fois européenne et nationale,
19:39 puisque les règles de l'épargne, notamment les règles fiscales de l'épargne,
19:42 sont des règles nationales. On aurait vraiment besoin, là,
19:45 d'avoir une vraie politique publique envers les citoyens épargnants.
19:49 — Écoutez, on arrive presque au bout. Alors un mot pour conclure.
19:53 Qu'est-ce qu'on doit retenir de cet échange ? Qu'est-ce qui est important aujourd'hui ?
19:58 — Ah bah c'est que je pense qu'on va sur une direction qui est plutôt bonne.
20:03 Donc il reste quand même pas mal de choses à faire. Donc ça reste un sujet...
20:09 — À travailler. — À travailler, oui, tout à fait.
20:12 — Philippe Zawati. — Allez au-delà de la RSE.
20:16 — Merci beaucoup à tous les deux. Et on se retrouve dans quelques instants
20:19 après un petit changement de plateau.
20:21 (Générique)