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Dans un livre qui vient de paraître, "Ce petit morceau de tissu rouge", Romuald Muller se replonge dans un dossier "hors norme" : l'enlèvement, le viol et le meurtre sur la Côte d'Opale en 1997 de Peggy, Amélie, Audrey et Isabelle. L'enquête qu'il a dirigée à l'époque a permis la capture des frères Jourdain.

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Transcription
00:00 - Bonjour Emuelde Muller. - Bonjour.
00:02 En février 1997, quand début de cette affaire, vous avez à l'époque 33 ans,
00:05 vous dirigez la brigade criminelle de la PG de Lille.
00:08 Vous racontez dans le livre que quand vous voyez dans le journal les visages de Peggy, d'Amélie, d'Audrey, d'Isabelle,
00:14 qui sont alors portés disparus uniquement, vous vous dites "enlever quatre personnes en même temps me parait inconcevable".
00:20 C'est clair que ça a été dès le départ un dossier complètement hors normes.
00:24 Donc on n'imaginait pas qu'on puisse enlever quatre jeunes filles et donc la thèse de la fugue était celle qui était prédominante au départ,
00:33 mais qui s'est très rapidement, dès qu'on a été saisie, très rapidement anéanti cette thèse.
00:38 Puisque vous comprenez quand vous arrivez dans le boulonnais, vous comprenez que les quatre jeunes filles, quatre jeunes femmes,
00:43 qui sont entre 16 et 20 ans, allaient fêter le carnaval au portel, elles ont été enlevées.
00:47 Plusieurs témoignages vous mettent sur la piste d'un fourgon et ce fourgon appartient donc au frère Jourdain.
00:52 Pareil, vous revenez dans le livre quand vous recevez leur casier judiciaire et là vous vous dites,
00:56 votre première intuition c'est que ce sont eux les coupables, c'est-à-dire que vous le savez quand vous voyez leur photo.
01:00 La première chose c'est quand j'ai vu les deux mamans, les deux mamans des quatre jeunes filles,
01:06 qui ne croyaient absolument pas à cette thèse et qui m'ont quelque part convaincu qu'un drame avait pu arriver.
01:15 Donc on a enquêté de manière un peu schizophrène puisqu'il y avait beaucoup de choses à vérifier aussi.
01:20 On les voyait un petit peu partout puisque la presse avait parlé d'elles abondamment et à juste titre.
01:25 Donc il fallait aussi vérifier ça et puis en même temps il fallait retracer la soirée.
01:30 Et lorsqu'on retrace la soirée, on tombe effectivement sur un... on finit par identifier ce fourgon.
01:35 Et lorsqu'on trouve les propriétaires du fourgon, les propriétaires légitimes, puisque au fichier ça n'était pas eux.
01:42 Et donc quand on a le nom et qu'on voit le casier judiciaire de Jean-Michel Jourdain,
01:47 qui vient d'acquérir le camion quelques jours plus tôt,
01:50 effectivement ça fait froid dans le dos puisqu'il a été multirécidiviste en matière de viol et de meurtre.
01:56 Alors dans un premier temps les frères Jourdain vont nier tous les deux, être impliqués dans la disparition de ce groupe,
02:02 alors que vous de votre côté vous avez déjà des éléments qui permettent de les incriminer.
02:07 Mais votre priorité à ce moment-là c'est de retrouver les corps.
02:10 Vous le dites très bien, nous on veut retrouver les corps, il faut les rendre à, vous le citez les maires,
02:14 Marie-José Merlin et Laure Lamotte, c'est la priorité à ce moment-là.
02:18 Ce que nous avons essayé de retranscrire avec Elodie Rabet, avec qui j'ai co-écrit ce livre,
02:23 c'est de retranscrire effectivement au-delà d'un travail d'enquête simple,
02:28 l'émotion, ce qu'on ressent nous en tant qu'enquêteurs, en tant que femmes et hommes de la police judiciaire,
02:35 la priorité à un moment c'était à la fois d'avoir les auteurs,
02:40 de pouvoir les traduire en justice, mais surtout de retrouver les corps pour les rendre à la famille.
02:45 - Il est 7h48, vous êtes sur France Bleu, notre invité ce matin est Romuald de Muller,
02:49 ancien chef de la police judiciaire de Lille.
02:51 Vous racontez dans le livre Romuald de Muller, effectivement, que vous avez co-écrit avec Elodie Rabet,
02:55 qui est journaliste à La Voix du Nord, comment Jean-Louis Jourdain va craquer en garde à vue.
03:00 En fait c'est l'un de vos enquêteurs qui lui parle, c'est ça de sa sœur,
03:03 parce que la jeune sœur des frères Jourdain est décédée,
03:06 et il veut lui dire que c'est important pour les morts d'avoir une sépulture.
03:09 Vous pensez que si cet enquêteur n'avait pas parlé justement de la sœur de Jean-Louis Jourdain,
03:13 vous n'auriez jamais potentiellement retrouvé les corps ?
03:16 - Il est probable qu'on n'ait jamais retrouvé les corps tels qu'elles étaient ensevelies.
03:19 La profondeur, le lieu, fait que cette garde à vue était absolument capitale,
03:24 et cet échange qui s'est fait avec les deux gardes à vue,
03:28 même si Jean-Michel lui était complètement hermétique à toute discussion,
03:32 on sentait qu'avec Jean-Louis il y avait la possibilité d'engager un dialogue
03:37 et d'essayer de l'amener sur des aveux qui n'ont pas été des aveux complets,
03:43 mais qui ont été absolument déterminants,
03:46 puisque c'est ce qui nous a permis de retrouver les quatre victimes.
03:49 - Ce que Jean-Louis vous mène ensuite sur la plage de Sainte-Cécile,
03:51 vous allez creuser dans les dunes et vous allez retrouver le corps des quatre jeunes filles,
03:55 quatre jeunes femmes, et ce petit morceau de tissu rouge qui donne son titre.
03:59 A votre relief, c'est le premier morceau de costume que vous retrouvez.
04:02 C'est une image qui reste gravée aujourd'hui dans votre mémoire ?
04:04 - Il y a quelques images très fortes qui restent gravées dans ma mémoire.
04:08 La rencontre avec les deux mamans en premier,
04:11 mais également cette découverte des corps où, avec l'appui des pompiers,
04:16 on creuse profondément et on voit apparaître ce petit morceau de tissu rouge,
04:20 et ensuite l'extraction des quatre victimes du sable dans leur tenue de carnaval.
04:26 C'est quelque chose, des images qui restent gravées à jamais dans ma mémoire.
04:29 - Dans votre carrière à la police judiciaire, vous avez travaillé sur énormément d'affaires,
04:33 l'affaire Festina, l'affaire de dopage dans le monde du vélo,
04:36 l'affaire d'enlèvement également, Caroline Le Gentil a doué.
04:39 Pourquoi avoir voulu faire un livre sur celle-ci ?
04:42 - C'est Élodie qui est venue me proposer cette écriture,
04:45 parce qu'on avait fait un podcast sur cette affaire il y a quelques temps,
04:49 et elle avait senti toute l'émotion qu'il y avait encore à chaque fois que je parle de cette affaire.
04:54 Elle avait bien senti que c'était une affaire pour moi extraordinaire dans ma carrière,
04:59 même si j'ai traité beaucoup de dossiers.
05:02 Et donc lorsqu'elle est venue me proposer, j'ai un peu hésité d'abord,
05:05 parce que j'avais la crainte d'écrire et surtout de proposer sur le malheur de ces jeunes filles.
05:13 Et puis ma ligne de conduite et notre ligne de conduite a été de leur rendre hommage,
05:17 de rendre hommage à la fois aux quatre victimes, Peggy, Amélie, Audrey, Isabelle,
05:22 qui ont perdu la vie, mais de rendre hommage aussi à leurs deux mamans,
05:26 des mères Courage, qui ont perdu ce jour-là l'envie de vivre,
05:29 et elles ont suivi toute cette procédure,
05:32 notamment les procès, elles sont restées dignes jusqu'au bout,
05:36 c'est quelque chose qui m'a énormément marqué,
05:39 et voilà, je pense qu'aujourd'hui on passe un peu de l'information à l'émotion en écrivant ce livre.
05:45 Et dans ce livre, vous rendez aussi hommage à toutes celles et ceux qui ont travaillé avec vous,
05:49 les hommes et les femmes de la police judiciaire,
05:51 vous leur accordez beaucoup d'importance à la fin.
05:55 Dernière question, Romuald Muiner, mais la police judiciaire qui est amenée à disparaître dans sa forme actuelle,
06:00 avec la réforme voulue par le gouvernement, ça vous fait forcément quelque chose ?
06:03 Que ce service pour lequel vous avez travaillé pendant des années disparaisse,
06:06 en tout cas dans la forme qu'elle existe aujourd'hui ?
06:08 Alors ce service est évidemment très cher à mon cœur,
06:10 la police judiciaire dans sa globalité, mais la police judiciaire de Lille en particulier,
06:14 j'ai servi plus de 17 ans, j'ai eu l'honneur de la diriger,
06:17 avec des femmes et des hommes absolument formidables, engagés, professionnels, compétents,
06:23 des gens qui donnent tout pour ce métier.
06:27 Aujourd'hui, on ne peut pas dire que la police judiciaire disparaît, c'est trop fort de dire ça.
06:31 Je veux dire, la police judiciaire s'inscrit dans une autre organisation,
06:35 mais il y aura toujours de la criminalité organisée,
06:37 il y aura toujours besoin de spécialistes,
06:41 je compare souvent la police à la médecine,
06:44 la médecine généraliste et la médecine spécialiste sont nécessaires
06:48 pour avoir une bonne médecine complète, c'est la même chose avec la police,
06:52 il y a une police généraliste et une police de spécialistes.
06:54 La PJ ne peut pas disparaître, elle prend une autre forme,
06:57 mais les travails des enquêteurs et leur qualité sont toujours là,
07:01 et ils vont continuer à travailler.
07:03 En tout cas, pour savoir comment travaillent ces enquêteurs,
07:06 avec l'exemple de l'affaire Jourdain, le drame du portel, ce petit morceau de tissu rouge,
07:10 votre livre Romuald Muller, co-écrit avec Élodie Rabé, journaliste à la Voix du Nord,
07:14 c'est sorti aux éditions Michelon dans la série Polar Real.
07:17 Merci beaucoup de nous l'avoir présenté ce matin sur France Blaise.

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