Ce jeudi 21 septembre le roi Charles III poursuit sa visite en France et prononce un discours devant les parlementaires français. Le Président du Sénat Gérard Larcher a fait un discours rendant hommage "au parlementarisme moderne" du Royaume-Uni
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NewsTranscription
00:00 Madame la Présidente de l'Assemblée nationale,
00:05 Monsieur le Secrétaire d'État aux Affaires étrangères, aux Commonwealths et au Développement,
00:11 Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, mes chers collègues parlementaires,
00:16 Sire, c'est un moment inédit que nous fait vivre Votre Majesté
00:23 en nous faisant l'honneur de s'adresser, dans cet hémicycle du Sénat,
00:28 à la représentation parlementaire française.
00:32 Pour la première fois dans l'histoire multiséculaire de nos deux pays,
00:37 un souverain britannique va prendre la parole devant le Parlement français,
00:43 réuni dans sa composition bicamérale et dans sa diversité politique.
00:50 Vous me permettrez de souhaiter la bienvenue à la Présidente de l'Assemblée nationale
00:56 et à vous tous, chers collègues députés, qui siégez aujourd'hui parmi vos collègues sénateurs.
01:04 J'ai le plaisir également de saluer les membres de la Chambre des Communes
01:07 et de la Chambre des Lords qui se sont joints à nous ce matin.
01:12 (Applaudissements)
01:24 Vous avez tenu, Sire, à réserver au Parlement français
01:27 le discours public que vous prononcerez dans votre visite d'État.
01:33 C'est dire l'estime nouée entre la plus ancienne des nations parlementaires,
01:40 le Royaume-Uni, et le parlementarisme français.
01:45 De l'Habeas corpus à la Charte des droits,
01:48 le Royaume-Uni a ouvert la voie au parlementarisme moderne.
01:53 Il faut avoir assisté comme Châteaubriand aux séances du Parlement britannique
01:59 pour s'éclamer dans les mémoires d'Outre-Tombe, je le cite,
02:04 « la liberté contenue dans les limites de l'ordre semblait se débattre à Westminster ».
02:11 Fin de citation, Châteaubriand.
02:14 La démocratie parlementaire, et j'en suis persuadé,
02:17 le plus sûr antidote pour juguler les passions politiques.
02:24 Et entre nos deux pays, c'est bien de passions dont il s'agit.
02:29 Parfois ennemis, souvent alliés, longtemps concurrents,
02:35 le Royaume-Uni et la France ont des destins liés.
02:40 Dans les heures sombres, le Royaume-Uni fut un refuge pour tous les Français contraints à l'exil.
02:46 Il fut même un temps, en juin 1940, où la capitale de la France
02:51 s'était en quelque sorte transportée à Londres
02:55 pour édifier ensemble une digue commune au totalitarisme et à l'empire de la brutalité.
03:04 Dont l'adversité se réalisait après bien des tumultes,
03:08 la vision prophétique de Victor Hugo, qui assiégait ici, sur ces bancs.
03:14 « L'Angleterre, toujours, sera sœur de la France », écrivait Victor Hugo.
03:22 Aujourd'hui, alors que nous nous apprêtons à commémorer,
03:27 au printemps prochain, le 80e anniversaire du débarquement en Normandie,
03:34 le destin du Royaume-Uni demeure intimement lié au continent européen.
03:41 Le Brexit, sire, n'y a rien changé.
03:45 Votre nation est un acteur primordial de la sécurité en Europe.
03:52 Le Royaume-Uni et la France, deux nations de tradition militaire,
03:57 dont l'une, la vôtre, n'a jamais été envahie,
04:02 sauf par Guillaume le Conquérant, français avant l'heure.
04:06 Oui, le Royaume-Uni et la France se sont à de multiples reprises éprouvées,
04:13 mais toujours respectées.
04:16 Depuis l'entente cordiale, il y aura bientôt 120 ans,
04:20 elles se tiennent côte à côte.
04:23 Elles sont toujours dits fidèles à leur vocation,
04:26 en se portant au secours de l'Ukraine, agressées et meurtries.
04:32 Vous avez choisi, sire, comme la Reine Elisabeth II,
04:36 lors de sa visite d'État en 2004, de vous rendre au Sénat.
04:40 Au-delà du respect porté à la Reine, dont je tiens à saluer la mémoire,
04:44 nous voulons y percevoir un hommage au territoire de la République,
04:49 que les souverains britanniques ont si assidûment parcouru
04:53 et que le Sénat représente.
04:56 Un hommage à cette diversité de territoires et de paysages,
05:00 dont la préservation vous tient, sire, tellement à cœur,
05:05 et qui constitue l'une des grandes causes de notre temps.
05:10 Les collectivités territoriales de nos pays,
05:13 au travers notamment des communes,
05:15 ont noué tant de relations entre elles.
05:18 Elles sont le socle le plus solide de notre amitié.
05:24 À travers les territoires se forge le génie d'une nation.
05:29 Cette idée n'est pas mienne.
05:31 Elle provient du plus français des historiens britanniques,
05:37 Théodore Zeldin, dans l'histoire des passions françaises.
05:41 Et concédons-le, oui, concédons-le à notre fierté nationale.
05:47 Il faut bien un historien britannique de grand talent
05:50 pour réussir à décrypter les méandres des passions françaises.
05:57 Sire, sire, rares sont les pays européens
06:01 qui, comme le Royaume-Uni et la France,
06:03 ont préservé une même aspiration à considérer le monde dans sa globalité,
06:09 et tissé autant de liens de solidarité avec les pays les plus vulnérables.
06:15 Avec un constat partagé,
06:17 l'exacerbation des fractures nord-sud
06:20 ne sert que les ambitions de puissance des gouvernants qui les attisent.
06:26 Le néocolonialisme est le fait d'états prédateurs,
06:29 et non des colonisateurs d'hier.
06:33 La France et le Royaume-Uni disposent des ressorts nécessaires
06:38 pour proposer un autre horizon,
06:41 des coopérations équilibrées, la sécurité,
06:45 un développement qui soit durable,
06:47 et une attention particulière à la jeunesse de ces pays.
06:52 Le moment me semble venu de rassembler les grandes familles du Commonwealth
06:58 et de la francophonie,
07:00 pour qu'elles forgent une ambition et un langage commun.
07:05 Ce que préfigurait avec humour le général de Gaulle,
07:09 qui se confiait à Winston Churchill, et je le cite,
07:13 "Plus vous progressez en français, et plus vous comprenez mon anglais."
07:19 Cette mormule me va assez bien aussi pour mon anglais.
07:23 (Applaudissements)
07:30 Cyr, Sa Majesté la Reine Élisabeth,
07:35 avait déclaré en 1996, lors d'une autre visite d'État,
07:41 celle du président Jacques Chirac à Londres,
07:44 et je la cite,
07:46 "Il est vrai que nous ne conduisons pas du même côté de la route,
07:50 il est tout aussi vrai que nous avançons dans la même direction."
07:57 De ce trait d'esprit,
07:59 qui nous paraît à nous, Français, si typiquement britanniques,
08:03 "So British",
08:05 nous distinguons une vérité essentielle.
08:08 Nos chemins peuvent être différents,
08:11 ils divergent même parfois,
08:13 mais par une constante qui défie les règles de la logique et de la géographie,
08:18 de Londres, ils nous ramènent toujours à Paris,
08:22 et de Paris à Londres.
08:25 Ainsi s'incline le cartésianisme français
08:29 devant l'humour et l'esprit britanniques.
08:32 Cyr, maintenant, à travers les parlementaires réunis,
08:37 c'est la nation française toute entière qui vous écoute.
08:40 Merci.
08:41 (Applaudissements)
08:44 (Générique)