Marie Portonalo reçoit Matthieu Lartot, journaliste et ancien rugbyman victime d'une récidive d'un cancer du genou il y a cinq mois qui a conduit à une amputation de sa jambe. Il nous raconte son combat contre la maladie, sa rééducation et les coûts liés aux prothèses.
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00:00 14, un interview d'actualité et c'est rare qu'on ait envie d'embrasser un invité d'actualité mais c'est le cas ce matin.
00:04 Et vous venez Thomas ?
00:05 Je viens parce que c'est Mathieu Larteau qui fait partie de la famille, qui vient de livrer un combat hyper courageux, spécialiste de la vie, du rugby et qu'on retrouve.
00:12 Merci pour le soutien.
00:13 On est émus de te voir.
00:14 C'est gentil.
00:15 Mathieu Larteau, bonjour.
00:16 Bonjour Marie.
00:17 Merci beaucoup d'être avec nous, je suis ravie de vous accueillir.
00:19 Porto l'anneau, soto Larteau.
00:20 Exactement, ça rime.
00:21 Je rappelle un petit peu les faits, vous êtes ancien rugbyman, vous êtes journaliste au service des sports de France Télévisions.
00:27 Il y a cinq mois, votre vie a basculé, vous avez été victime d'une récidive d'un cancer du genou que vous avez eu jeune à 16 ans.
00:34 Et cette fois, en plus des traitements, il a fallu vous amputer la jambe pour vous sauver la vie.
00:39 Alors comment ça va déjà ?
00:40 Ça va bien, ça va très bien, je suis en forme.
00:43 Tout ça est un peu dans le rétro maintenant, en tout cas moi j'essaye de l'évacuer un petit peu.
00:49 Ça a été une vie parallèle pendant cinq mois, jalonné de traitements, d'examens, d'un peu d'angoisse parfois.
00:57 Et puis l'amputation effectivement qui était inévitable pour me donner le plus de chance possible de me débarrasser définitivement de ce cancer qui m'a rattrapé effectivement 26 ans après.
01:10 Vous saviez que ça pouvait revenir, que ça pouvait récidiver, récidiver ?
01:14 Non, je savais qu'un jour ou l'autre il faudrait que je change la prothèse que j'avais eue lorsque j'étais adolescent.
01:21 Mais je ne pouvais pas m'imaginer que le cancer revienne.
01:24 26 ans après surtout ?
01:25 26 ans après, il y avait 1 à 5% de chance que ça se produise.
01:29 C'est arrivé.
01:30 Comment vous avez réagi quand on vous l'a dit ?
01:33 J'ai été surpris par rapport au cancer, mais je me doutais bien qu'il y avait quelque chose de grave.
01:39 Parce que j'ai serré les dents pendant le dernier tournoi Destination, j'avais des douleurs assez insupportables, notamment la nuit.
01:46 Donc je savais qu'il y avait quelque chose, mais je m'imaginais que c'était un matériel défaillant.
01:52 Parce qu'en général les prothèses, il faut les changer tous les 20-25 ans.
01:55 Donc j'arrivais à la date de péremption, donc je me suis dit peut-être que c'est ça.
01:59 Et finalement c'était un peu plus grave.
02:01 Alors quand on vous a annoncé qu'on allait devoir vous amputer la jambe, vous avez déclaré que vous étiez préparé à cette éventualité.
02:07 Mais quand même, comment vous avez réagi à une telle nouvelle ?
02:11 Très honnêtement, j'ai pris la chose de manière... Moi je suis quelqu'un d'assez pragmatique en général dans la vie.
02:17 Et effectivement, mentalement j'étais prêt pour ça.
02:20 Comment on peut être prêt pour ça ?
02:23 Parce que toute ma vie j'ai vécu avec une jambe malade, une jambe quasiment raide.
02:27 Donc je souffrais dans mon quotidien, et je savais pertinemment qu'un jour ou l'autre,
02:33 cette éventualité existerait parce que j'avais une jambe atrophiée avec des adhérences sur la prothèse.
02:40 D'ailleurs ma chirurgienne, quand elle m'a annoncé que la tumeur était revenue,
02:43 m'a dit que si le cancer n'était pas revenu, il aurait fallu amputer un jour ou l'autre.
02:47 Ah, de toute manière.
02:48 Parce que j'avais une jambe qui était trop abîmée pour enlever une prothèse et la remettre.
02:52 Donc je vivais avec cette idée-là, qu'un jour ça pourrait arriver.
02:57 Donc du coup, c'est même moi qui ai un peu anticipé la chose,
02:59 que la chirurgienne, la récidive de la maladie, elle me l'a annoncé tout de suite,
03:03 mais elle n'osait pas me dire qu'il allait falloir amputer.
03:06 Et c'est moi qui ai un peu mis ça sur la table en lui disant
03:09 "S'il faut amputer, on y va, je suis prêt".
03:12 Donc ça, ça n'a pas été une difficulté à gérer.
03:15 C'est plus les examens, quand vous êtes dans un tube à passer un PET scan,
03:21 vous avez un peu angoissé qu'il y ait des cellules qui se soient...
03:23 Parce que le sarcome est revenu d'une manière très très agressive,
03:26 était beaucoup plus gros que le précédent.
03:29 - Les métastases notamment, j'imagine. - Voilà, exactement.
03:31 - Vous vous êtes donné un objectif à ce moment-là, vous vous êtes dit
03:34 "Le premier match de l'équipe de France, je serai au Stade de France".
03:38 En fait, vous vous êtes préparé comme un sportif de haut niveau pour cet objectif.
03:42 Qu'est-ce qui a été le plus dur pour vous ?
03:45 - Le plus dur, c'était de convaincre le personnel soignant, mes kinés, mes médecins,
03:51 de leur dire... Parce que moi j'avais cette ambition et ça a été un moteur fantastique pour moi
03:58 de me dire "Voilà, je veux être..." - Comme une date de match, comme un sportif.
04:01 - Voilà, comme une date de match. Je me suis amputé le 16 juin,
04:03 le match d'ouverture c'était le 8 septembre, donc le délai était très court.
04:07 - Quand vous vous dites "convaincre le personnel", ils vous ont dit "ce ne sera pas possible" ?
04:10 - Non mais parce que, en fait, avant l'amputation, j'ai rencontré toutes les personnes
04:14 qui allaient me suivre après dans ma rééducation, et je leur ai dit ce jour-là,
04:18 à ce rendez-vous, je sortais de ma première chimio, je leur ai dit
04:21 "L'objectif pour moi c'est d'être présent au Stade de France le 8 septembre."
04:24 Et là, ils étaient un peu sceptiques, ils m'ont dit "Vous savez, là, vous avez des traitements lourds,
04:28 vous allez être amputé, une rééducation sur une amputation haute,
04:31 parce qu'en plus je suis amputé fémoral mais très haut, je pense que vous n'y serez pas."
04:37 Mais ils n'ont pas voulu complètement m'éteindre ce rêve, cette flamme que j'avais,
04:43 parce que je pense qu'ils ont compris que ça allait être mon moteur pendant ma rééducation,
04:47 donc ils m'ont laissé y croire.
04:49 - Vous avez réussi. - Oui, j'ai tenu ce pari.
04:53 - Vous avez fait trois heures de sport par jour, parce que marcher avec une prothèse,
04:57 c'est difficile au début, c'est ce que vous avez dit.
04:59 Maintenant, comment ça se passe ?
05:01 - Maintenant ça va, je marche avec une canne.
05:04 En gros, pour l'appareillage, on met un an, un an et demi à vraiment maîtriser la prothèse,
05:10 d'autant que le moignon, le bout de jambe qui reste, évolue pendant un an et demi,
05:16 donc c'est ça qu'il faut pouvoir gérer.
05:18 Mais moi, une fois qu'on m'avait enlevé les fils, 16 jours après l'opération,
05:24 j'étais appareillé, je marchais entre des barres parallèles.
05:27 On réapprend à marcher comme un enfant.
05:29 - Et un mois et demi après ? - Oui, et un mois et demi après, dans les rues de Paris.
05:32 - Alors vous avez d'autres combats en plus du vôtre, maintenant,
05:34 c'est de faire avancer la cause du handicap,
05:37 et également sur les prix des prothèses les plus sophistiquées,
05:40 qui sont beaucoup trop chères, qui sont inabordables.
05:42 Comment vous voulez vous engager, vous ?
05:44 - Moi, au départ, j'ai eu l'idée de monter une association
05:47 pour essayer de lutter contre cette injustice.
05:51 - C'est inégal, en fait. - Oui, c'est-à-dire que,
05:53 bon, et c'est tant mieux, un accidenté de la route qui a été renversé par un chauffard,
05:59 il y a un tiers, il y a des assurances, et lui, cette prothèse de 100 000 euros
06:03 qu'on doit changer tous les 6 ans.
06:05 - 100 000 euros, ça coûte. - 100 000 euros.
06:07 - La plus sophistiquée. - Oui, 100 000 euros tous les 6 ans.
06:09 Donc lui, il va avoir une assurance qui va prendre ça en charge.
06:12 Un même individu qui aurait la même pathologie que moi, un cancer,
06:16 il n'y a pas d'assurance.
06:18 Et qui peut assumer un tel investissement, 100 000 euros tous les 6 ans,
06:22 sachant que quand on rend cette prothèse-là, on ne récupère rien,
06:24 ce n'est pas comme quand on vend une voiture.
06:26 Donc à l'échelle d'une vie, ce sont des choses qui sont totalement inaccessibles.
06:30 Donc pour les malades du cancer, c'est la double peine.
06:32 - Donc monter une association, c'est votre ambition.
06:34 Avant de se quitter, est-ce que vous savez combien de matchs je vous avais commentés ?
06:37 - Absolument pas. - Je vous le dis.
06:39 - Oui. - Entre 500 et 600.
06:41 - Pas mal. - Ce n'est pas moi, je n'ai pas compté.
06:43 C'est le magazine Stratégie qui a compté.
06:45 - Ah oui ? - C'est incroyable.
06:47 - Ce n'est pas mal, mais j'ai commencé extrêmement jeune.
06:50 J'ai eu cette chance que la belle maison France Télévisions me fasse confiance très tôt.
06:54 Donc c'est vrai que 500, 600, je vais peut-être...
06:57 - Et le prochain, donc, demain ?
06:59 - Oui, le prochain, c'est demain, l'équipe de France,
07:02 sur les antennes de France Télévisions.
07:04 On est très contents parce qu'on est quand même un peu la chaîne historique du rugby.
07:07 On les retrouve à Marseille face à la Namibie,
07:09 avec le retour de tous les cadres en plus.
07:11 Donc je pense qu'il va y avoir du monde devant la télé.
07:13 - On va gagner la Coupe du Monde, n'est-ce pas ? - Évidemment.