Le député LFI de la Somme François Ruffin réclame également une indexation des salaires sur l’inflation et souhaite aussi un blocage des prix temporaires. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-18-septembre-2023-8638228
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00:00 Cléa Salamé, nous recevons dans le grand entretien du 7-10, le député LFI Nup de
00:05 la Somme, sort en poche assortie d'une nouvelle préface.
00:09 Je vous écris du front de la Somme aux éditions des liens qui libèrent.
00:14 Vos questions, attendues au standard 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:20 Bonjour François Ruffin.
00:21 Bonjour.
00:22 Bonjour.
00:23 Et merci d'être à ce micro pour votre première interview de rentrée à la radio.
00:27 François Ruffin, vous êtes celui qui pousse depuis quelques temps maintenant la gauche
00:31 à réfléchir à des sujets qu'elle n'a pas nécessairement envie d'embrasser.
00:35 Comment parler aux classes populaires ? Comment sortir de la radicalité qui, à vos yeux,
00:39 cornérise la gauche et risque de la diaboliser ? Bref, comment pour la gauche revenir au
00:44 pouvoir ? Vos positions créent le débat dans votre famille politique.
00:48 On va en parler largement.
00:50 Mais d'abord, l'actualité brûlante et dramatique de cette semaine à Lampedusa, avec l'arrivée
00:56 entre lundi et mercredi dernier de 11 000 migrants sur l'île italienne.
01:01 Giorgia Meloni parle d'une pression migratoire insoutenable.
01:05 L'avenir de l'Europe se joue à Lampedusa, a-t-elle également déclaré ? Le pensez-vous
01:11 aussi ? Je pense qu'il faut s'avoir raison.
01:13 Regardez, quand on regarde les chiffres, là vous dites 11 000, je regardais en proportion
01:18 si la France prenait sa part là-dedans, ça ferait aux alentours d'un millier de personnes.
01:23 Je pense qu'on peut le faire sans parler d'invasion, sans parler de submersion.
01:27 Maintenant, si on fait ça, il s'agit de le faire non pas dans le bazar, dans la pagaille,
01:32 mais de manière organisée, de manière encadrée, en prévoyant pour ces migrants et je dirais
01:37 pour toutes les personnes qui arrivent en France, pour moi il y a une chose qui est
01:41 essentielle, c'est une formation à la langue et ensuite une formation à un métier, pour
01:45 que ces personnes puissent travailler, faire ensemble, faire notre pays de demain.
01:49 Jean-Luc Mélenchon hier soir à la télé disait « si je venais à gouverner, je commencerais
01:53 par une vague de régularisation massive en France ». Vous êtes d'accord avec ça ?
01:58 C'est ce qu'il faudrait faire ? Il faudrait commencer par une vague de régularisation
02:01 massive ? Il faut d'abord voir que la politique aujourd'hui
02:04 du gouvernement ne marche pas.
02:05 Ils ont dit « on va doubler les OQTF », donc les obligations de quitter le territoire français.
02:10 La réalité c'est qu'aujourd'hui, on a 9 OQTF sur 10 qui ne sont pas exécutés.
02:15 Pourtant on a augmenté les moyens de police, c'est là-dessus qu'on a mis le paquet
02:19 sur la politique.
02:20 C'est 8 sur 10 maintenant, ils ont un peu augmenté.
02:21 Qu'est-ce qui se passe du coup ? Il se passe qu'on a des gens qu'on laisse dans des
02:27 hôtels pourris, à qui on accorde des subsides pour survivre et qui potentiellement pourraient
02:34 être pour notre pays une force de création de richesse.
02:37 Et à la place, je ne sais pas si vous vous souvenez du colonel Chabert, qui mène des
02:43 guerres napoléoniennes, plein d'énergie, un vrai militaire, et qui finalement se retrouve
02:49 à s'enliser quand il arrive pour réclamer sa pension à son retour dans le labyrinthe
02:54 administratif français.
02:55 Et j'ai l'impression des fois que quand je vois ces réfugiés qui arrivent ici, d'avoir
03:01 des milliers de colonels Chabert.
03:03 C'est-à-dire quoi ? Des gens qui arrivent plein d'énergie, plein d'envie, qui ont
03:05 envie de réussir leur vie et qu'on fait péricliter, qu'on fait s'enliser dans
03:12 un labyrinthe administratif.
03:13 Oui, parce que si c'était si terrible ce labyrinthe administratif, ils ne voudraient
03:16 pas venir en France.
03:17 Or, ils viennent en France, ils choisissent souvent la France.
03:20 Je dis que de toute façon, ce n'est pas vrai.
03:23 Et ceux qui disent ça mentent.
03:25 Ce n'est pas vrai qu'on va renvoyer tout le monde.
03:27 Ce n'est pas vrai.
03:28 Donc s'ils sont là…
03:29 Mais quand vous entendez le Rassemblement National, puisque vous essayez de déconstruire
03:31 le discours du Rassemblement National, quand le Rassemblement National parle de submersion
03:35 migratoire, vous dites quoi ? C'est faux ?
03:37 Je dis qu'il n'y a pas de submersion migratoire ici en France.
03:41 Maintenant, moi je suis pour deux choses.
03:43 À l'extérieur de la régulation.
03:46 Donc il y a un droit à notre pays de réguler les migrations, de dire qui on veut et qui
03:51 on ne veut pas.
03:52 Mais ensuite, il y a l'intégration.
03:53 Je redis un mot des EQTF.
03:55 Pour moi, en arrosant de manière générale comme ça d'EQTF, d'obligation de quitter
03:59 le territoire français de manière généralisée, on échoue à cibler ceux qui peuvent le
04:05 plus nuire à la République et à l'ordre public.
04:08 Je ne comprends pas.
04:09 En généralisant, en faisant des centaines de milliers d'EQTF qui ne sont pas pour
04:14 la plupart appliqués, vous renoncez à cibler sur les personnes qui troublent le plus l'ordre
04:18 public.
04:19 Donc moi je suis pour une politique d'EQTF qui soit beaucoup plus ciblée et beaucoup
04:23 plus effective.
04:24 Qu'on ne soit pas à 10, 15%, on était à 5% d'EQTF exécutée.
04:29 Et derrière, pour moi, il y a un objectif.
04:31 Vous savez, je viens constamment avec un objectif qui est de faire ensemble.
04:34 Nous avons un pays à transformer.
04:36 Nous avons un pays à transformer pour affronter le choc climatique.
04:39 Ça suppose beaucoup de travail.
04:40 Ça suppose beaucoup de travail pour transformer l'agriculture, pour transformer les déplacements,
04:45 construire des rails, pour transformer nos logements, 5 millions de pastoires thermiques
04:49 à rénover.
04:50 Et on manque de main d'œuvre.
04:51 Et on manque de main d'œuvre.
04:52 Tout ça c'est du travail.
04:53 Bah du coup, vous soutenez la proposition du gouvernement de régulariser ceux qui
04:56 travaillent dans les métiers en tension ?
04:57 On verra ce qu'il en est.
04:59 Vous savez, la loi immigration c'est un truc dont on nous parle en permanence.
05:02 La loi grand âge, ça fait 6 fois qu'on nous l'annonce et on n'en voit toujours
05:05 pas venir.
05:06 Et pourtant, pour s'occuper des personnes âgées, il faudrait un véritable investissement
05:10 sur ce point.
05:11 Donc on verra bien ce qu'il y aura dans le projet de loi du gouvernement.
05:14 Mais s'il y a ce texte-là, vous le soutenez ce point-là ?
05:16 Je pourrais soutenir ce point-là.
05:18 Maintenant, je ne veux pas d'une immigration choisie.
05:21 Entendez bien la limite que je pose.
05:23 Entendez bien la limite que je pose.
05:24 Je refuse toute immigration choisie, telle qu'elle se pratique aujourd'hui dans un
05:28 certain nombre de secteurs.
05:29 Quand j'entends dans les sphères ministérielles qu'on manque d'auxiliaires de vie, qu'on
05:33 manque d'aides à domicile, qu'on manque d'infirmiers et d'infirmières et que
05:36 donc peut-être qu'une immigration subsaharienne pourrait aider à ça, je m'y refuse.
05:41 Je m'y refuse parce que je refuse…
05:43 S'il n'y a pas de travail, on fait quoi alors ?
05:44 Il y a du travail.
05:46 Dans notre pays, vous voulez dire ?
05:47 Oui.
05:48 Dans notre pays, il y a du travail.
05:49 Vous voyez tout le travail qu'on a à faire ensemble.
05:51 Je vous ai lissé les secteurs dans lesquels on a du travail.
05:54 Mais vous le savez, il manque des bras dans le BTP, chez les aides-soignants.
05:57 Alors on fait quoi ?
05:58 Je vais vous dire, là on arrive sur un terrain qui est plus le mien.
06:01 Qu'est-ce qu'il faut faire ?
06:02 Je note quand même que c'est la première fois que vous vous acceptez de répondre à
06:05 des questions sur l'immigration.
06:06 On prend ça en référence parce que jusqu'à maintenant, depuis que je vous interview,
06:08 vous refusez de répondre.
06:10 Vous dites que ce n'est pas mon sujet.
06:11 Qu'est-ce qu'il faut faire ?
06:12 Qu'est-ce qu'il faut faire ?
06:13 Statut revenu, Madame Salamé.
06:14 Statut revenu.
06:15 Tous les métiers qui sont aujourd'hui en tension sont des métiers où durant les
06:20 40 dernières années, on s'est dit que la main-d'œuvre, le travail était un
06:23 coût qu'il fallait diminuer, qu'on réprimait, qu'on humiliait, qu'on écrasait.
06:28 Donc vous pensez que comme LR, si on augmente les salaires, il y aura du boulot ?
06:30 Je pense que les Français doivent vivre de leur travail, et tous les habitants de
06:36 ce pays, ils doivent vivre de leur travail.
06:38 Bien en vivre, pas en survivre, et bien le vivre.
06:41 Les salaires ne suffiront pas si derrière, on n'a pas un projet sur les horaires,
06:45 si on n'a pas un projet sur bien vivre dans son travail, si on n'a pas un statut.
06:49 Vous savez, quand j'entends Emmanuel Macron dans Le Point qui dit qu'il y en a marre
06:53 de la vie liquide, vous avez vu ça ? C'est quand même incroyable.
06:56 Il est le président de la vie liquide.
06:58 Il est le président qui nous dit en permanence mobilité, flexibilité, qui dit à un charisme
07:03 du Nord qui se retrouverait au chômage, qui doit devenir serveur dans le Sud.
07:06 C'est le président de la bougeotte généralisée.
07:08 Les gens aujourd'hui, de quoi ils ont besoin ? Ils ont besoin de stabilité, ils ont besoin
07:13 de sécurité, ils ont besoin de protection.
07:16 Et voilà ce que le travail doit apporter.
07:18 Il doit apporter ça.
07:19 Quelle est la grande transformation du marché de l'emploi sous Macron ? C'est qu'on
07:23 a transformé des métiers en des bouts de boulot.
07:25 C'est l'explosion des auto-entrepreneurs.
07:27 Et du coup, le chômage baisse.
07:28 Oui, le chômage baisse, mais les gens n'arrivent pas à vivre de leur travail.
07:31 Parce qu'à l'arrivée d'avoir un vrai salaire, des vrais horaires, des vrais statuts,
07:35 des vrais revenus, ils ont quoi ? Ils ont des bouts de boulot dans tous les sens avec
07:37 une espèce de bougeotte.
07:39 Je le dis, nous devons retrouver de quoi permettre aux classes populaires de ce pays de s'asseoir,
07:45 d'avoir une assise, de pouvoir s'installer, de pouvoir se payer un pavillon, de pouvoir
07:51 penser à l'avenir de leurs enfants.
07:52 Et ça, ça se fait sur un travail qui est bien payé, mais aussi sur lequel il y a un
07:56 statut, une garantie pour l'avenir.
07:57 François Ruffin, deux questions rapides dans le contexte d'inflation sur deux mesures
08:02 annoncées par Elisabeth Borne.
08:04 Les prix alimentaires ont augmenté de 11% sur un an en août.
08:08 Elisabeth Borne s'engage à interdire la "shrinkflation", cette méthode qui consiste
08:16 à vendre moins de produits dans un emballage tout en augmentant son prix.
08:20 Et s'engage par ailleurs à permettre la vente à perte des carburants.
08:26 Dans les deux cas, shrinkflation, vente à perte, qu'en pensez-vous ?
08:29 Si on voulait rire avec le gouvernement, on en aurait l'occasion.
08:34 On est une espèce de comique de répétition, Bruno Lemaire et son panier anti-inflation
08:38 et qui viennent nous annoncer tous les 15 jours que ça y est, c'est fini l'inflation,
08:42 on a trouvé…
08:43 Bon, ces mesures sont nulles et ridicules.
08:46 Elles sont nulles et ridicules, mais je ne veux pas dire que c'est parce qu'on aurait
08:50 des gouvernants qui sont bêtes.
08:51 Juste, ils ne sont plus adaptés au moment que nous vivons.
08:54 Nous avons des dirigeants dont l'idéologie qui fait que tout passe par le marché n'est
09:01 plus adaptée au moment qu'on vit.
09:02 Qu'est-ce qu'il faut faire là ? C'est simple, il faut un côté salaire, une indexation
09:08 des salaires sur l'inflation.
09:09 Qu'est-ce qui se passe ? Vous savez, moi je lis…
09:11 Vous connaissez là, vous savez ce qu'on vous répond.
09:14 Spiralerie inflation.
09:15 Vous avez vu que tous les économistes un petit peu sérieux, le FMI, la BCE y compris,
09:22 voient que la spirale qui est aujourd'hui en œuvre, ce n'est pas une spirale salaire-inflation,
09:28 c'est une salaire-bénéfice-inflation.
09:30 C'est la spirale des profits.
09:33 Vous savez, ça c'est les échos, journal de Dominique Seux.
09:36 Les marges des entreprises continuent d'alimenter l'inflation en France.
09:40 Aujourd'hui, ce qui alimente l'inflation, ce sont les bénéfices des entreprises.
09:43 Donc il faudrait quoi ? Arrêter les bénéfices ? Supprimer pendant un an les bénéfices
09:46 des entreprises ? C'est quoi votre position ?
09:47 Je reviendrai après.
09:48 Mais première proposition, indexation des salaires sur l'inflation.
09:53 Ce qui existait jusqu'en 1982, l'échelle mobile des salaires, c'est-à-dire qu'il
09:57 n'y a pas que le SMIC, on peut estimer que peut-être jusqu'à 2000 euros, ça augmente
10:00 automatiquement.
10:01 Première chose.
10:02 Et le travail payera mieux.
10:03 Deuxième chose, un blocage des prix temporaires.
10:06 Je le dis quand on interroge les économistes, le blocage des prix dans la durée, ça ne
10:10 marche pas, ça finit par craquer.
10:12 Mais un blocage des prix temporaires gère une situation.
10:15 Or là, on a bien besoin de gêner la situation.
10:17 Et enfin, Madame Salamé, vous voyez, votre papier, vous vous demandez ce qu'il faut
10:20 faire.
10:21 Votre papier, toujours des échos.
10:22 Les dividendes atteignent de nouveaux records sur le deuxième trimestre.
10:26 Ça avait déjà été explosif l'année dernière, mais voilà que la France bat tous les records
10:30 internationaux et c'est plus 13% par rapport à l'année dernière.
10:34 C'est 50 milliards rien que pour un trimestre, rien que pour trois mois.
10:37 Et les deux tiers de ces dividendes vont non pas aux 1% les plus riches, mais aux 0,1%
10:43 les plus riches.
10:44 Donc une hyperconcentration de ces dividendes-là.
10:46 Il est très clair, Madame Salamé, vous me demandez qu'est-ce qu'il faut faire.
10:49 Il faut passer du grand gavage au grand partage aujourd'hui.
10:52 Il faut passer du grand gavage au grand partage.
10:55 Si vous voulez, je continue.
10:56 Et je vous dis, parce que vous allez me dire, mais ça c'est un grand principe.
11:00 Je peux vous dire comment techniquement on fait si vous voulez.
11:04 Fabien Roussel, sur le sujet, a appelé à envahir les stations-service, les grandes
11:10 surfaces, mais aussi les préfectures au nom de la légitime défense.
11:14 On se fait plumer, attaquer, raqueter, on ne devrait rien dire.
11:17 C'est ce qu'il a proposé.
11:19 Jean-Luc Mélenchon a parlé d'une initiative impréparée, violente, qui n'est pas raisonnable.
11:24 Votre sentiment là-dessus ?
11:25 Écoutez, si je pouvais décréter la révolution tous les matins dans ma salle de bain, je
11:30 ne m'en priverais pas.
11:31 Et il se trouve que ça ne fonctionne pas comme ça.
11:32 J'ai passé mon week-end à la fête de l'Huma, j'ai interrogé les communistes, ils étaient
11:35 quand même plus en train de préparer des ponches que la prise du palais d'hiver.
11:41 Ça vous a rassuré ?
11:42 Oui.
11:43 Vous n'êtes plus révolutionnaire ?
11:44 Est-ce que vous n'avez pas changé ?
11:45 Est-ce que vous avez changé ?
11:46 Sur ça, je n'ai pas changé, je vais vous dire ce que je suis.
11:53 Je me définis comme Jean Jaurès, comme un réformiste révolutionnaire.
11:56 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le réformisme, ce n'est pas un gros mot.
12:02 Et c'est les petits pas.
12:03 Parce qu'aujourd'hui, en plus, on a un peuple qui en convoie l'essence, qui ne peut pas
12:07 croire qu'il va y avoir le grand soir, qui ne peut pas croire qu'il va y avoir des
12:09 lentemains qui chantent.
12:10 Mais en revanche, ces petits pas, tout comme les Jean Jaurès, il s'agit de les inscrire
12:14 dans une direction et il s'agit de les inscrire dans un horizon.
12:17 Et c'est la conjugaison du deux.
12:19 Par ailleurs, de manière générale, moi je suis pour le dépassement des contradictions.
12:22 Et je pense qu'il y a plein de fausses contradictions qui existent aujourd'hui et qui peuvent être
12:25 aisément dépassées.
12:26 Par exemple, quand j'entends le débat entre Rousseau et Roussel sur valeur-travail ou
12:32 droit au repos, l'histoire du mouvement ouvrier est l'histoire de dépassement de
12:36 cette contradiction-là.
12:37 Puisque le mouvement ouvrier, c'est à la fois la fierté, la dignité par le travail,
12:41 gagner son pain à la sueur de son fond.
12:43 Et en même temps, c'est le droit au repos, c'est le congé maternité, c'est la fin
12:47 du travail des enfants, c'est le dimanche chômé, c'est le samedi à l'anglaise,
12:50 c'est les congés payés et enfin la retraite.
12:52 - Elle dit que le travail est une valeur de droite.
12:54 - J'ai pas envie de réagir.
12:57 Vous savez, ça fait six ans que je viens dans votre studio en tant que député.
13:01 Et en six ans, je n'ai jamais dit de mal d'un camarade de gauche.
13:06 Je pense que tous les personnages qui sont aujourd'hui dans la gauche, que vous recevez
13:10 dans votre studio, ils pourraient composer une symphonie.
13:14 Ils pourraient chacun se compléter.
13:17 Ils pourraient chacun opérer un dépassement qui nous permettrait d'embrasser la France
13:22 dans sa diversité et dans sa fierté.
13:24 - Ça c'est sur le papier François Ruffin.
13:25 Dans la réalité, vous remarquez que ça ne se passe pas comme ça.
13:27 - Je le remarque tous les jours et je le déplore.
13:30 Je le déplore que chacun joue juste sa partition sans se demander comment on pourrait faire
13:33 un beau concert tous ensemble.
13:35 - Allez, on passe au Standard Inter.
13:37 Aurélien à Montpellier.
13:38 Bonjour, bienvenue.
13:39 - Oui, bonjour messieurs-dames.
13:40 Je voulais savoir que propose M. Ruffin pour ramener dans le girand de la gauche les classes
13:46 populaires rurales ?
13:47 - Merci Aurélien pour cette question qui ouvre un chapitre important de cet entretien.
13:56 Alors, on vous laisse la parole François Ruffin.
13:59 - Qui rappelle aussi le livre de Thomas Piketty et Julia Cagé qui explique que les classes
14:04 rurales populaires sont passées au Rassemblement National et qui explique qu'elles sont passées
14:08 au Rassemblement National pour des raisons sociales et économiques et non pas pour des
14:12 raisons identitaires.
14:13 Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
14:14 Et répondez ensuite à l'auditeur qui vous demande comment vous les ramenez.
14:16 - Le plaisir que j'ai à lire le livre de Julia Cagé et Thomas Piketty, je ne vais
14:21 pas vous dire que j'ai terminé, il fait 849 pages, donc ça serait de mentir.
14:24 Mais le plaisir que j'ai à lire…
14:25 - Le résumé à la fin en 50 pages.
14:27 Ce qu'il martèle, il nous faut reconquérir les classes populaires rurales.
14:31 Il nous faut reconquérir les classes populaires rurales.
14:34 C'est déjà le message que je venais vous passer il y a un an quand je publiais, je
14:38 vous écris, du Front de la Somme qui était une espèce de signal d'alarme que je venais
14:42 tirer à la gauche en disant "Jean-Luc Mélenchon, il a très bien réussi dans les
14:47 cités, c'est bien que la gauche retrouve droite citée dans les cités, il a très
14:50 bien réussi dans le centre-ville et c'est très bien que la jeunesse écologiste voit
14:54 un avenir à gauche, il a très bien réussi dans les dom-toms, mais on a un gros coup,
14:58 les classes populaires rurales".
15:00 Et je le faisais avec inquiétude, avec crainte, parce que je redoutais de n'être pas entendu
15:04 par la gauche.
15:05 - Et elle ne vous a pas entendu ?
15:06 - Pas trop.
15:07 - Non, elle ne vous a pas entendu François Ruffin.
15:09 Elle vous a répondu, même Jean-Luc Mélenchon, il a répondu, je suis d'accord avec certains
15:12 trucs de François Ruffin, mais pas avec ça.
15:14 - Je pense que maintenant qu'il y a, pour moi, l'appui théorique, le socle statistique
15:19 que viennent apporter Julia Cagé et Thomas Piketty, il faut qu'on soit maintenant d'accord
15:24 sur le diagnostic, il nous faut reconquérir les classes populaires rurales.
15:28 Bon, alors, maintenant, une fois qu'on a dit ça, il ne s'agit pas de s'oustraire, il s'agit
15:32 d'allier la France des bourgs et la France des tours.
15:34 Comment on fait ?
15:35 - Ça c'est des slogans.
15:36 - Mais comment on fait ? Il y a des questions qui rassemblent.
15:40 La question que je viens de poser de manière centrale, c'est la question du travail.
15:43 Quand je dis, comme je vous l'ai dit, les Français, tous les habitants de ce pays doivent
15:47 pouvoir vivre de leur travail, bien en vivre et bien le vivre, ça rassemble.
15:51 Parce que quand je suis dans mon coin, les auxiliaires de ville, les caristes, qui peinent
15:56 à vivre, ils sont blancs.
15:57 Mais quand on est à Paris, à Lyon, à Marseille, dans les grandes métropoles, les mêmes métiers
16:02 sont des métiers colorés.
16:03 Donc là, on a quelque chose qui rassemble, qui rassemble et qui doit nous faire dire
16:07 de faire ensemble.
16:08 Le deuxième point sur lequel il s'agit d'agir, c'est les services publics.
16:12 On a l'État social, c'est l'hôpital qui est en train de se casser la figure, la République,
16:17 elle s'est installée par l'école et c'est pareil.
16:19 Il nous faut reconstruire ces deux piliers, je vous l'ai dit, stabilité.
16:23 Mais la stabilité, c'est la garantie que quasiment de la naissance à la mort, on
16:28 aura des services publics qui vont venir apporter une certaine égalité.
16:32 Enfin, je termine M.
16:33 Demorand.
16:34 Dans le livre de Thomas Piketty et Julia Cagé, il est dit que la gauche retrouve un ancrage
16:40 dans les quatre points impopulaires quand elle place en son cœur la question de la
16:44 redistribution.
16:45 La redistribution, c'est ce que je vous disais, passer du grand gavage au grand partage.
16:49 Et il me semble que là encore, ça peut rassembler à la fois les quartiers et les campagnes.
16:53 Et puis il y a François Ruffin, une question de méthode dans la nouvelle préface de votre
16:59 livre.
17:00 Vous revenez, vous l'aviez dit déjà aux universités d'été de la France Insoumise,
17:04 vous revenez à la question de la radicalité, notamment à ce sondage de Libération qui
17:09 montrait que le Rassemblement National était plus crédible, perçu comme plus crédible,
17:14 plus compétent, moins violent et dangereux que la France Insoumise pour plus de 35% des
17:20 Français interrogés sur le sujet.
17:22 Vous écrivez « On fait quoi ? On hausse les épaules, on affirme qu'on ne croit
17:26 pas au sondage, on fait assaut de radicalité, notre mot-clé comme s'il s'agissait d'endiabler
17:31 des étudiantes sociaux en AG et pas de convaincre un pays tout entier, ou ça nous fait un électrochoc
17:36 et on s'interroge vraiment sur le pourquoi du comment ». Pour vous, ça a été un électrochoc
17:41 ce sondage ?
17:42 Ce qui a été un électrochoc, c'est l'arrivée de 89 députés Rassemblement National dans
17:49 l'hémicycle.
17:50 Ce qui a été un électrochoc, c'est que 8 députés sur 17 de ma Picardie soient aujourd'hui
17:55 au Rassemblement National.
17:56 Ce qui a été un électrochoc, c'est que des terres de gauche, du nord basculent massivement
18:00 à l'extrême droite.
18:01 Mais ceci, c'est un électrochoc en même temps que j'ai eu le temps d'encaisser,
18:03 parce que je l'ai vu arriver aussi.
18:05 Mais qu'est-ce que vous dites sur la radicalité ? Dans votre camp, beaucoup vous répondent
18:10 « non, c'est cette radicalité qui fait notre succès ». C'est ce que vous avez
18:13 dit Mathilde Panot, si Jean-Luc Mélenchon a fait 22%, c'est à cause de notre ton
18:17 et de notre radicalité.
18:18 Sauf Sacha Kirou, je ne sais pas si vous l'avez lu dans Libération, elle dit « on ne peut
18:22 pas demander de sortir de la radicalité à un insoumis, on n'est pas des sosses d'aime,
18:26 c'est ça l'insoumission, c'est une colère profonde.
18:28 Si vous ne faites pas le bruit et la fureur, vous n'existez pas ». François, s'il
18:32 a rejoint les insoumis, c'est que ça lui plaisait.
18:34 Je pense que le bruit et la fureur, ou la force tranquille, on va dire, ce ne sont
18:39 pas des choses qui sont bien ou mal en soi.
18:41 Ça dépend pour moi des situations historiques.
18:43 Or, la situation historique après 2022, elle a changé.
18:46 Elle a changé parce qu'on a un rassemblement national qui est maintenant et désormais
18:50 dans l'hémicycle et dont une victoire majeure est possible.
18:54 Ça doit induire de la gravité.
18:55 On a une autre raison pour laquelle ça a changé, c'est que c'est autour de nous,
19:00 autour de notre programme, autour de notre groupe parlementaire, que la gauche se renaît.
19:05 Donc on est dans une position de centralité.
19:07 Je pense qu'à partir du moment où on est dans une position de centralité, on le voit
19:10 même dans les sondages, quand on demande aux Français s'ils veulent le SMIC à 1600
19:13 euros, c'est 70% des Français qui sont pour.
19:16 Ce qu'il faut taxer les dividendes, c'est 80% des Français qui sont pour.
19:19 Bref, on est dans une position de centralité qui fait qu'au fond, on peut dire la même
19:23 chose, et je pense en étant mieux entendu, sans agiter le drapeau de la radicalité.
19:29 Et vous redoutez que la diabolisation, ce soit pour vous maintenant, et plus pour le
19:34 RN ? Je veux dire, c'est un mouvement qui est
19:37 en cours et que Macron a organisé, on peut dire.
19:40 La responsabilité d'Emmanuel Macron qui disait qu'après un de ses mandats, il n'y
19:44 aurait plus de raison de voter pour le RN, la responsabilité de Macron dans la montée
19:48 du RN, elle est majeure.
19:51 Donc évidemment, là, il y a une inversion de la diabolisation contre laquelle je crois
19:56 qu'on doit lutter.
19:57 Mais pour revenir sur le ton, si vous voulez, vous pouvez dire que sortir aujourd'hui
20:00 du marché européen de l'électricité, qui me paraît une nécessité parce que
20:03 c'est une folie d'indexer les prix de l'électricité sur le prix du gaz, c'est
20:07 du délire.
20:08 Vous pouvez le dire en disant que c'est de la radicalité, vous pouvez aller voir
20:10 les gens de chez moi en leur disant que c'est du bon sens.
20:13 Et je pense que dire ça le convaincra davantage.
20:18 Question de Hugo sur l'appli de France Inter.
20:21 Partagez-vous les positions de Jean-Luc Mélenchon sur la laïcité ? Qu'avez-vous pensé de
20:24 l'interdiction de la baïa ?
20:25 Moi, je suis pour la loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905, et
20:32 qui s'est prolongée avec un long dialogue de 2004 sur l'interdiction des signes ostensibles
20:41 religieux à l'école.
20:42 Maintenant, il ne faut pas que la baïa nous serve à cacher la forêt de la rentrée.
20:48 Qu'est-ce que c'est que la forêt de la rentrée ?
20:50 Oui, la forêt de la rentrée, c'est le manque de profs.
20:52 Non, mais vous n'avez pas répondu sur la baïa.
20:54 Mais vous n'avez pas répondu sur la baïa.
20:56 Vous êtes pour cette suppression.
20:58 Je vais vous répondre.
21:00 Un tiers des enfants handicapés n'ont aucun accompagnement.
21:06 Ils n'accèdent pas à l'école.
21:07 Est-ce que c'est un sujet important ?
21:09 Oui, c'est un sujet important.
21:10 Ce n'est pas ma question.
21:11 Je vais vous répondre quand même.
21:12 Mais voyez comment le débat est détourné.
21:15 Si je veux m'adresser aux classes populaires de tout le pays, c'est leur dire pourquoi
21:19 l'école va mal aujourd'hui.
21:20 On a des salaires d'enseignants qui sont inférieurs, je l'ai découvert, aux salaires
21:24 de la Colombie.
21:25 Dire aussi votre position sur la laïcité, vous ne répondez pas.
21:28 Parce que ça fait partie.
21:29 Dans votre camp, il y en a certains qui sont pour, certains qui sont contre la suppression
21:32 de la baïa.
21:33 Qu'est-ce que pense François Méchun ?
21:34 Écoutez, quand on a au mois de juin le ministre de l'Éducation nationale, Pape Ndiaye, qui
21:38 ne considère pas à l'époque que la baïa soit en soi un signe religieux, que sept
21:44 jours avant la rentrée, Gabriel Attal vient l'interdire au fond par une forme de 49-3
21:51 comme il y a eu sur les retraites.
21:52 Je pense qu'en tout cas, il y a la nécessité dans ce pays de dialogue.
21:55 Je ne veux pas de guerre de religion, je ne veux pas de division de notre pays.
21:59 Donc vous dites que ce n'était pas nécessaire de la supprimer.
22:01 Je dis que tout ça doit être fait dans le dialogue.
22:05 La loi de 2004, elle s'est faite dans le dialogue et elle prévoyait du dialogue.
22:09 Elle prévoyait qu'il y ait du dialogue avec les cultes, mais qu'il y ait du dialogue
22:12 avec les élèves, avec les parents d'élèves, avec les chefs d'établissement.
22:15 Donc il y a la nécessité d'une clarification, mais qui doit se faire dans le dialogue.
22:19 Je fais confiance aux enseignants, maintenant que la loi est là, pour l'appliquer dans
22:24 le dialogue.
22:25 François Ruffin, rapidement, plus d'un an après la constitution de la NUP pour les
22:28 législatives, la gauche apparaît plus divisée que jamais pour les européennes.
22:33 Vous pensez qu'elle peut encore s'unir rapidement s'il vous plaît ?
22:36 En tout cas, je suis favorable à ce qui est une liste unique pour les élections européennes.
22:40 Vous l'aurez déjà dit, je trouve ça très bien qu'il y ait les pressions des jeunes
22:45 des différents partis pour dire qu'il faut aller vers une liste unique.
22:48 Maintenant, je le redis, on est dans un couple à cinq.
22:53 Alors on m'a appris que ça s'appelait un quintuple.
22:55 Donc on est dans un quintuple au sein de la NUPES.
22:59 Déjà à deux, ce n'est pas facile.
23:02 Une infidélité dans un quintuple, ça ne doit pas nécessairement conduire au divorce.
23:06 Et je veux vous dire, j'espère que j'entends les échanges là qui se déroulent à gauche.
23:16 J'espère que l'arrivée d'un événement démocratique majeur, d'une élection importante
23:21 pour notre pays, à cette occasion-là, les dirigeants de la gauche sauront retrouver
23:25 de la gravité et de la responsabilité pour dépasser…
23:28 Vous parlez de 2027 ?
23:29 Oui, bien sûr que je parle de 2027.
23:30 Alors 2027, très important.
23:32 2027, Jean-Luc Mélenchon a été très clair, il ne veut pas de primaire de la gauche.
23:36 Nous n'irons pas, nous n'irons jamais dans des primaires parce que d'abord la
23:39 primaire fait exploser tous ceux qui y participent.
23:41 Deuxièmement, la primaire donne toujours la prime à celui ou celle qui clive le moins,
23:45 celui ou celle qui fait le moins peur.
23:46 Partout où on fait des primaires, ça a toujours été pour élire des quiches qui nous ont
23:50 ensuite trahis.
23:52 Bon, écoutez, on verra ça.
23:53 Moi, pour moi…
23:54 Ah non, vous en avez pensé quoi ?
23:55 Non, non, on verra ça.
23:56 Oh non, n'enfuyez pas la question.
23:57 Mais si, je vais la fuir complètement celle-là.
24:00 Je vais la fuir parce qu'aujourd'hui, ce qu'il y a, c'est la nécessité de
24:03 construire une équipe.
24:04 Je vais vous dire une chose, Mme Salamé, c'est que en dessous des chefs de partis
24:08 qui se querellent, qui s'envoient des invectives et ainsi de suite, il y a une somme de députés,
24:13 une somme d'élus de gauche, des différentes formations, qui sont sans doute moins visibles,
24:17 qui font sans doute moins de bruit, mais qui ont envie que l'aventure continue ensemble
24:21 parce que c'est une nécessité pour notre pays, pour y apporter de la justice et pour
24:24 affronter…
24:25 Les primaires, vous n'êtes pas contre par définition ?
24:26 Non, je ne suis pas contre par définition.
24:28 Je ne suis contre rien par définition, d'accord ? Il faut voir quelles seront les cartes
24:32 qui seront sur la table en 2026 et quelle carte sera la meilleure pour gagner à gauche.
24:36 Non pas pour exister, mais pour aller au deuxième tour, pour l'emporter parce que c'est
24:40 une nécessité pour notre pays.
24:41 François Ruffin, merci d'avoir été à notre micro.
24:44 8h48.