Christian Nagearaffe, producteur de noix à Montmiral

  • l’année dernière
Les producteurs de noix de Grenoble traversent une crise sans précédent. Surproduction, importations massives de l'étranger et effondrement des cours : certains nuciculteurs drômois sont contraints de trouver un second travail, d'autres envisagent d'arracher leurs noyers.

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00:00 Christian Najaraf, bonjour !
00:01 Bonjour Emmanuel, bonjour à tous !
00:02 On vous connaît sur France Bleu de Romardais, vous êtes producteur de noix à Montmiral, dans le Nord-Rome,
00:06 membre du conseil d'administration du comité interprofessionnel de la noix de Grenoble.
00:11 Dites-nous pourquoi ça va aussi mal en ce moment pour les nuticulteurs ?
00:15 En fait, ça dure un petit peu parce que la précédente récolte, 2022,
00:19 on a eu énormément de mal à écouler notre récolte, qui a été vraiment exceptionnelle.
00:23 Il faut savoir qu'en moyenne, on fait maximum 12 000 tonnes de noix à eau paie, noix de Grenoble.
00:28 Là, on a fait plus de 16 500 tonnes.
00:30 Et puis, il y a toutes les noix à côté qui ne sont pas en appellation.
00:33 Donc, au niveau français, on est plutôt sur 57-58 000 tonnes, au lieu des 40 000 tonnes maximum habituelles.
00:40 Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi vous n'arrivez pas à les vendre ?
00:42 Pourquoi vous n'arrivez pas à écouler vos stocks ?
00:43 Alors, envoyez monter ça en fait, on a une production mondiale qui augmente.
00:47 Il faut savoir qu'en 18 ans, la production mondiale a été multipliée par 3.
00:51 Donc, on est dans un monde de plus en plus concurrentiel sur ce produit.
00:54 De notre côté, c'est vrai que les gens mangent plus des cerneaux ou des produits transformés,
01:01 et un peu moins de noix en coque.
01:02 Et notre appellation est sur la noix en coque.
01:04 Donc, c'est vrai qu'on avait des ventes qui s'érodaient un petit peu,
01:06 mais notre production ne progressait pas.
01:08 Donc, voilà, on continuait comme ça.
01:10 Et bon, normalement, là, ça allait bien.
01:11 Vous n'avez pas su vous adapter à la concurrence qui arrivait ?
01:13 Vous ne l'avez pas vu venir ?
01:14 Alors, ce n'est pas qu'on ne l'a pas vu venir.
01:16 C'est que notre histoire fait qu'on a notre appellation depuis 85 ans.
01:19 Noix de Grenoble.
01:20 Voilà, noix de Grenoble.
01:21 Donc, on a vraiment une notoriété et nos clients nous faisaient confiance.
01:24 Et on assurait nos ventes, voilà, sans trop bouger en termes de positionnement de produits
01:29 et puis de développement de nouveaux produits.
01:30 Donc, on s'en contentait.
01:32 Et en fait, je pense qu'il fallait que l'on bouge un peu.
01:34 Là, on est un peu obligés de bouger.
01:35 Il faut savoir aussi que la récolte 2022, on a eu une forte concurrence des États-Unis
01:40 qui n'ont pas pu expédier leur récolte 2021.
01:42 Donc, ils l'ont expédiée en 2022 en faisant du dégagement.
01:45 C'est-à-dire qu'ils se sont vraiment débarrassés de leur noix.
01:48 On ne peut pas dire autrement.
01:49 Et ils ont vraiment cassé les prix.
01:51 On se retrouve à des niveaux de prix qui sont inacceptables.
01:53 Aujourd'hui, avant de parler des prix, l'AOP Grenoble ne suffit plus pour vendre.
01:58 Mettre cette AOP-là sur un produit, on vend la qualité, mais ce n'est pas suffisant.
02:04 En fait, c'est suffisant et pas suffisant parce qu'en fait, oui, il faut d'autres choses.
02:10 Parce que la noix sur nos départements, il y a l'AOP, mais il y a aussi les autres noix,
02:14 d'autres variétés qui ne sont pas dans l'AOP.
02:16 Donc, il faut aussi les vendre.
02:18 L'AOP, on dit tout le temps que c'est la locomotive et c'est vrai, c'est notre fer de lance.
02:21 C'est ce qui fait que la noix est sur le territoire.
02:23 On ne peut pas la délocaliser.
02:24 Mais malgré tout, il y a des noix à côté à vendre aussi, à valoriser.
02:27 Et tout le monde emmène tout le monde.
02:29 - Vous la vendez à combien la noix aujourd'hui ?
02:31 - Alors aujourd'hui, pour l'instant, on va arriver sur la nouvelle récolte.
02:33 Donc, on est un peu dans l'inconnu.
02:35 La récolte passée, on tournait entre 1,10€ et 1,50€ maximum.
02:39 - Au lieu de ?
02:40 - Au lieu de 2,00€, 2,50€.
02:42 Nos coûts de production sont entre 1,80€ et 2,00€.
02:45 Et on a des noix qui ont été vendues cette année entre 20 et 50, 70 centimes.
02:49 Donc ça, c'est complètement inacceptable et ce n'est pas tenable.
02:51 - Christian Najaraf, on l'a dit, vous êtes producteur à Montmirail, dans le Nord-Rome.
02:55 Vous, il vous reste combien de tonnes sur les bras ?
02:58 Il vous en reste d'ailleurs sur les bras ou pas ?
02:59 - Alors, dans notre région sud-est, on a eu une chance.
03:01 C'est qu'on a su s'organiser en amont de la création de l'association.
03:05 - Alors, l'association qui a été créée hier, Hachat en Isère.
03:08 - Voilà, c'est ça.
03:09 - Association des producteurs, qu'ils soient en AOP ou pas.
03:11 - Voilà, tout producteur de noix du sud-est.
03:13 Et en fait, en amont de ça, on a déjà travaillé.
03:15 C'est-à-dire qu'on s'est mis en ordre de marche pour pouvoir sortir des fermes les noix qui restaient en stock.
03:20 Parce qu'avec la chaleur, les noix s'abîment.
03:23 Donc voilà, on a pu faire ça.
03:25 Il reste quelques petits lots, mais vraiment minimes.
03:27 C'est vraiment une minorité de lots qui reste dans les fermes.
03:30 Mais voilà, on a pu faire ça.
03:32 Après, il faut du stockage.
03:33 Il faut faire du dégagement un petit peu.
03:35 Donc on essaye de faire au mieux, en fait.
03:37 - Une association pour essayer de vous en sortir.
03:39 Il y a combien de producteurs de noix dans la Drôme ?
03:42 - Alors dans la Drôme, en fait, on a une connaissance fine des producteurs qu'à travers l'AOP.
03:47 L'AOP, c'est 750 producteurs.
03:50 Dans la Drôme, on en a à peu près 150.
03:52 - Est-ce que certains d'entre eux sont menacés aujourd'hui ?
03:54 - Clairement, à terme, oui.
03:57 Si la situation perdure, oui.
03:59 On a déjà des gens qui sont plus sur l'isère, ou des gens qui arrêtent carrément le métier.
04:03 - Ce sont des cas très particuliers ?
04:05 Ce sont des cas vraiment isolés ?
04:06 Ou est-ce que c'est une vraie tendance ?
04:08 - Il faut savoir que dans le monde agricole, on est très résilient.
04:11 On fait un métier de passion, donc on tient jusqu'au bout.
04:13 Donc les effets, des fois, sont des effets un peu retards.
04:17 C'est-à-dire que la difficulté est très grande et la cessation intervient vraiment au dernier moment.
04:21 On a des gens qui deviennent double actifs, qui repartent travailler à l'extérieur.
04:25 Donc c'est assez dramatique.
04:26 Et puis on a tous les gens qui ne sont pas spécialisés en noix.
04:28 Ceux-là, on en parle assez peu.
04:30 Et des gens qui ont de l'élevage, par exemple, ou d'autres cultures.
04:32 Souvent, la noix, c'était ce que j'appelais moi la béquille.
04:35 C'est-à-dire que ça permettait de garder l'exploitation à flot
04:37 et de pouvoir investir dans l'outil de travail et continuer à faire perdurer l'exploitation.
04:41 Donc celles-là aussi sont en grande difficulté.
04:43 - Et la béquille est mal en point aujourd'hui, on comprend bien.
04:46 L'association des producteurs du Sud-Est, qui a été créée hier, ça va changer quoi finalement ?
04:51 Est-ce que c'est une révolution ?
04:53 - Alors, ce n'est pas une révolution, mais ça va faire une révolution malgré tout.
04:58 C'est-à-dire que jusqu'à maintenant, on avait des structures comme l'Interprofession, qui gère l'AOP.
05:03 On avait les chambres d'agriculture, on avait la Sénura qui nous fait la recherche sur la noix.
05:07 Et quand il y avait un sujet qui touchait tous les nutriculteurs,
05:09 tout le monde se renvoyait un peu la faute sur l'autre en disant
05:11 "il y a une partie des producteurs qui ne sont pas concernés, donc on ne prend pas le sujet à bras-le-corps".
05:15 Là, au moins, on fait du transversal, tous les producteurs seront concernés
05:19 et on abordera tous les sujets qui touchent à la noix.
05:21 - Le prix, notamment avec les distributeurs ?
05:23 - Voilà, ça c'est l'effet déclencheur en fait.
05:25 Le prix, parce qu'on a eu quand même, il faut le dire,
05:28 on a eu des comportements sur la saison 2022 qui ne sont pas acceptables.
05:32 On a des différentiels de prix entre les négociants privés et les coopératives
05:36 qui ne sont pas expliqués, avec des gros différentiels de prix qui vont de 30 à 40 centimes.
05:41 Donc quand on ne gagne pas notre vie, c'est ce qui peut faire la bascule.
05:45 D'autre part, cette association a aussi vocation à nous défendre et nous structurer nationalement.
05:50 On est le deuxième verger quand même en France, derrière la pomme en surface,
05:53 et on n'est pas structuré au niveau national, c'est-à-dire qu'on n'existe pas en fait.
05:57 Quand par exemple on a des demandes de dérogation pour la mouche du Brouk,
06:01 un insecte qui nous embête beaucoup et qu'on n'a pas demandé à voir,
06:04 mais qu'on a et qu'on demande des dérogations pour des produits en bio,
06:07 on est obligé de passer par d'autres structures indirectement.
06:10 L'union fait la force, on l'entend bien ce matin avec vous,
06:13 d'où la création de cette association de producteurs, donc AOP ou pas, on l'a bien compris.
06:17 Christian Najarraf, je rappelle que vous êtes producteur de noix à Montmiral, dans le Nord-Rhum.
06:22 Merci à vous, passez une bonne journée.
06:23 Merci.
06:24 France Bleu.fr, c'est là où vous retrouvez les interviews de nos invités le matin
06:27 et sur l'appli ici par France Bleu et France 3.

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