"Sois toujours très imprudent, mon petit" : zoom sur "Le hussard sur le toit" - Juliette Arnaud

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Coup de projecteur sur le roman d'aventure publié par Jean Giono en 1951… car quoi de mieux qu'une épidémie de choléra pour célébrer ma joie de vous retrouver !

La Dramatique : dans le fil de la Chronique de Juliette Arnaud : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-de-juliette-arnaud
Transcript
00:00 Juliette Arnault, cette saison encore, vous choisissez les vieux livres, les classiques,
00:06 et vous y décelez, ce qui peut résonner avec l'actualité.
00:10 Pour ouvrir le bal, vous convoquez Jean Giono et son tube, le hussard sur le toit.
00:16 Et oui, quoi de mieux qu'une épidémie de choléra pour célébrer ma joie de vous retrouver.
00:21 Alors on est en été, celui de 1832 en Haute-Provence, que notre héros Angelo, un jeune type de
00:28 25 ans, pur, généreux, naïf, susceptible aussi, est en train de traverser.
00:33 Parfois il est à cheval, parfois il est sur les toits, pour éviter d'être littéralement
00:39 écharpé par ses contemporains, affolé par cet homme qui voyage quand l'heure est à
00:43 la quarantaine.
00:44 Parce que dans son pays d'origine, l'Italie, Angelo est colonel de hussard, le roman s'appelle
00:50 le hussard sur le toit.
00:52 Ce qu'il va vite comprendre Angelo, c'est que le problème avec le choléra, c'est l'eau,
00:57 la flotte, l'eau souillée par une bactérie qui te refile un genre de gastroenterie géante
01:03 et mortelle.
01:04 La déshydratation violente due au vomissement et à la diarrhée donne ton corps rédit
01:09 une teinte bleu noir, spectacle abominable, tant sur le plan visuel qu'olfactif.
01:14 Et ça, comptez sur Jono pour bien le comprendre.
01:17 L'eau est dangereuse ? Très bien, Angelo ne boira que de l'alcool.
01:22 Et ça, c'est une chose qu'on comprend bien ici.
01:25 De l'alcool ou de l'eau bouillie, Angelo se méfiera des tomates et des melons sur
01:31 lesquels se jettent ses contemporains parce qu'il fait une chaleur affreuse.
01:35 Une canicule, oui, voilà, pile comme celle auquel nous sommes désormais abonnés.
01:40 Sauf si, bien sûr, on pense que les rapports du GIEC sont une invention écoterroriste.
01:45 Cet été en France, pas de choléra, certes, mais un gros bout de montagne qui s'est
01:50 rasé dans la vallée de la Morienne, pile le décor du Hussar, suite à la canicule,
01:56 plusieurs milliers de mètres cubes de roche, une avalanche somme toute mais grise.
02:01 En 1832, ce qui sauve Angelo de la canicule, du choléra et de la trouille généralisée,
02:08 à mon sens, c'est sa mère, une femme.
02:12 Elle l'a élevée et il reçoit une longue lettre d'elle avec de singulières recommandations.
02:18 Elle lui écrit « Sois toujours très imprudent, mon petit.
02:21 C'est la seule façon d'avoir un peu de plaisir dans notre époque de manufacture.
02:26 Tu peux être grave et fou qui empêche.
02:28 Tu peux être tout ce que tu veux et fou en surplus, mais il faut être fou, mon enfant.
02:34 » Et parce que les gens qui se prennent au sérieux puent littéralement la matière
02:38 fécale, et on en connaît, elle lui précise « Promène-toi comme un jasmin au milieu
02:47 de tous ». Quel incongru et joli conseil parental.
02:51 Je me propose moi aussi d'essayer de faire le jasmin.
02:54 Et vous, merci, bisous, merci.
02:57 Et à présent, nous allons renouer comme l'indique ce petit générique avec la grande
03:09 tradition des dramatiques de Radio France.
03:11 Juliette va poser le hussard sur le toit de notre époque.
03:15 On retrouve Angelo durant cet été 2023.
03:18 Angelo, c'est Emerick Lomprey.
03:20 Il correspond avec sa maman, Juliette, à coup de message WhatsApp.
03:24 « Chère maman, j'espère que tu vas bien.
03:30 Moi, je suis un peu ballonné, mais sinon ça va.
03:33 Sais-tu que cet été en France, il fait exprès… il fait… il fait chaud en France.
03:41 Ils appellent ça la canicule.
03:43 Mais j'ai vu que sur Twitter, c'est faux et que 40 degrés au mois d'août, c'est
03:47 tout à fait normal.
03:48 Mon cher fils, non, 40 degrés, ce n'est pas une température normale.
03:53 Enfin, sauf si évidemment tu vis dans le slip de Jean-Marc Morandini.
03:57 Chère maman, non, je ne vis pas dans le slip de Jean-Marc Morandini, car personne ne vit
04:03 dans des slips.
04:04 Ne t'inquiète pas pour la canicule, je suis toutes les recommandations de notre ministre
04:07 de l'écologie, Christophe Véchu.
04:09 Oh là là, Christophe Véchu, qu'est-ce qu'il est beau ! Pour lui, c'est vrai,
04:13 j'aimerais bien vivre dans son slip.
04:15 On dirait Alex Vizorek qui aurait fait une école de commerce.
04:18 Enfin, Alex Vizorek quoi.
04:20 Et bien le ministre, il nous a dit ce qu'il fallait faire quand il fait exprès… quand
04:26 il fait chaud.
04:27 Et alors, il faut faire quoi ?
04:29 Il faut baisser les stores.
04:30 Et puis ?
04:31 Et bien moi, comme je vis sur les toits, je n'ai pas de store.
04:35 Mais sinon, je l'aurais fait.
04:36 Non mais d'accord, mais il a dit quoi d'autre, ton Christophe Véchu ?
04:39 C'est tout.
04:41 Sérieusement ? Sa seule action ?
04:43 Sa seule action, c'est de vous dire de baisser les stores.
04:44 Ah non, il a également créé un numéro vert.
04:47 Sérieusement ? Un numéro vert, mais pour faire quoi ? Pour te dire qu'il faut boire
04:50 quand t'as chaud ?
04:51 Oui, c'est ça.
04:52 Sérieusement ? Non mais c'est pas possible, c'est quoi le conseil d'après ? Ils vont
04:56 te dire de couper les cheveux ?
04:57 Euh… Chère maman, il va falloir que je te parle de mon voyage en Turquie.
05:05 Oh, tu es allé combattre Erdogan.
05:09 Oh, comme tu fais ma fierté, mon petit.
05:11 Erdogan ?
05:12 Erdogan ?
05:13 Ah oui ! Mais quel horrible tyran ce personnage.
05:17 Mon cher enfant, le péril climatique, c'est quelque chose de sérieux qui n'a pas grand-chose
05:22 à voir avec leur conseil tiré par les cheveux.
05:25 Elle sait.
05:28 Chère maman, je te remercie d'être aussi soucieuse de mon bien-être, mais sois assurée
05:34 que les autorités compétentes font des tas de choses pour lutter contre le dérèglement
05:37 climatique.
05:38 Ah bien, me voilà rassurée.
05:39 Ils font quoi ? Ils taxent les jets privés ?
05:41 Mieux.
05:42 Les propriétaires de yachts ?
05:43 Bien mieux.
05:44 Ils obligent les entreprises à réduire leurs émissions de carbone ?
05:47 Non, mieux.
05:48 Ils ont supprimé les tickets de caisse.
05:49 Mon cher Angelo, eh ben maman, elle est fatiguée.
05:55 Merci.

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