Comment la bulle immobilière va se dégonfler ?

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Comment la bulle immobilière va se dégonfler ?
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00:00 Jean-Luc Bouchalet, bonjour.
00:07 Bonjour.
00:08 Vous êtes président de la société de conseil Pythagore et membre du cercle des analystes
00:13 indépendants.
00:14 Vous venez régulièrement sur le plateau pour nous parler d'économie et aujourd'hui
00:18 vous venez nous parler d'un ouvrage que vous avez co-écrit avec Christophe Pratt aux éditions
00:24 Erol et qui s'intitule "Immobilier, comment la bulle va se dégonfler".
00:29 Alors dire du mal de l'immobilier en France, c'est un vrai tabou l'immobilier, c'est
00:34 une passion française et c'est une valeur refuge et puis les prix jusqu'à présent
00:39 n'ont pas baissé alors que tous les actifs se sont dépréciés.
00:42 Alors juste pour rappeler que l'immobilier dans la richesse des ménages représente
00:45 à peu près 68%, c'est le pays en Europe avec l'Italie où le poids de l'immobilier
00:49 dans la richesse des ménages est très très important.
00:51 Donc vous voyez bien la sensibilité lorsque vous traitez de ce sujet.
00:55 Alors concernant l'évolution des prix de l'immobilier, donc les prix de l'immobilier
00:58 ont progressé par rapport au point bas de 98% jusqu'au point haut qui a été atteint
01:03 l'été 2011 de 161% si on prend l'ensemble de la France et sur Paris Intramuros on est
01:08 à plus de 270%.
01:10 Alors les prix ont baissé, ont commencé à baisser mais de façon finalement relativement
01:15 faible puisque par rapport au point haut on est de l'ordre de -2 à -3% sachant que si
01:20 on regarde un peu plus dans le détail vous avez des différenciations qui se sont construites
01:23 et on a toujours ce genre de phénomène quand le démarrage de la baisse se fait avec la
01:26 baisse des volumes et donc il y a des régions qui commencent à être véritablement sinistrées
01:30 où l'offre s'est complètement... a disparu, les acheteurs ne sont plus là et les gens
01:37 sont obligés de baisser des fois de 15 à 20% leur prix pour pouvoir trouver un acquéreur.
01:40 Alors cette bonne résistance globale des prix en particulier à Paris, vous l'expliquez
01:45 dans votre ouvrage, il y a plusieurs raisons.
01:47 Alors il y a plusieurs raisons, donc la première de toute façon que ce soit sur Paris et même
01:51 sur l'ensemble de la France, vous avez une baisse des taux qui a été considérable
01:55 et contre toute attente les taux ont continué à baisser notamment en 2013 et ont atteint
02:00 un point bas historique puisqu'on a touché à peu près à 1,60% au mois de mai de l'année
02:05 dernière, on a touché il y a quelques jours 1,70% et donc cette baisse des taux a resolvabilisé
02:10 une couche supplémentaire de la population qui a pu donc continuer à maintenir à un
02:16 certain niveau les prix de l'immobilier.
02:18 Alors en termes de prix pour qu'on puisse situer les choses, en moyenne sur très longue
02:23 période Paris intramuro se payait entre 5 et 6 fois le revenu disponible, je rappellerai
02:28 que la bulle sur les subprimes aux Etats-Unis a éclaté lorsque les prix ont atteint 6
02:32 fois le revenu disponible et aujourd'hui on est entre 12 ou 13 fois selon les départements
02:38 dans Paris intramuro.
02:39 Sur l'ensemble de la France, vous êtes sur un ratio qui s'échelonne entre 5 et 6 fois
02:47 le revenu disponible, donc là encore un niveau qui est historiquement élevé puisque sur
02:50 très longue période on était plutôt entre 2 et 3 fois le revenu disponible.
02:54 Donc on voit que les choses sont en train de caler mais elles se font lentement.
02:57 C'est pour ça que vous parlez de bulle en fait, c'est parce que historiquement vous
03:00 constatez une forte corrélation entre l'évolution des prix et l'évolution des revenus et depuis
03:05 l'an 2000 ça n'est plus le cas.
03:07 Voilà donc une chose qui est très simple à comprendre c'est que le pouvoir d'achat
03:11 des ménages suit donc le revenu et c'est en fonction du revenu que les gens ont la
03:14 possibilité d'acheter un bien immobilier et donc sur très très longue période vous
03:18 avez une corrélation parfaite entre l'évolution des revenus et celle des prix.
03:21 Et puis à partir de 1997-98, quand on assiste à une financiarisation de l'économie et
03:26 on comprend donc cette hausse, vous avez une sortie par le haut et en gros les prix de
03:30 l'immobilier ont progressé au-dessus du revenu disponible de plus de 87%.
03:36 Donc on a essayé de comprendre en prenant l'ensemble de la France, les 160% et vous
03:40 apercevez que grosso modo la forte baisse des taux qui a solvabilisé comme je l'ai
03:44 dit représente à peu près 45% sur ces 161%.
03:48 Vous avez un phénomène d'allongement de la durée des crédits qui a contribué à
03:52 peu près aussi pour un problème du même ordre de l'ordre de 45%.
03:55 Le revenu disponible des ménages pour 35% et le solde c'est-à-dire 39% on n'arrive
03:59 pas à expliquer si ce n'est les mesures fiscales qui ont été mises en place par
04:03 les différents gouvernements qui sont systématiquement procycliques et qui ont toujours tendance
04:08 à accentuer la pression à la hausse sur les prix.
04:11 Alors l'environnement fiscal malgré tout il reste toujours favorable à l'immobilier
04:14 en particulier à résidence principale ?
04:16 Voilà donc c'est probablement l'une des dernières niches fiscales puisque lorsque
04:21 vous vendez votre appartement vous êtes complètement exonéré d'où ce qu'on peut imaginer dans
04:26 un état largement endetté un jour ou l'autre le fisc aura la volonté d'aller trouver
04:33 de l'argent et l'argent se trouve bien entendu dans cette poche compte tenu de l'évolution
04:38 des prix de l'immobilier.
04:39 Et puis d'autre part aussi toutes les mesures incitatives fiscales qui ont toujours été
04:42 je vous ai dit dans le sens de la hausse ont tendance plutôt à disparaître compte tenu
04:47 de la problème de solvabilité de l'état français.
04:50 Alors tous ces soutiens que vous mettez en avant vous nous dites ils sont plutôt derrière
04:55 les taux sont historiquement très très bas et en revanche vous mettez en avant des nouveaux
05:01 paramètres qui risquent de renverser la tendance et en particulier le vieillissement de la
05:06 population ?
05:07 Le vieillissement de la population est un facteur très long terme donc on a eu ce baby
05:11 boom qui se transforme aujourd'hui à partir de 2005 en papy boom avec une explosion des
05:16 gens de plus de 60 ans et on a constaté statistiquement que vous étiez acheteur des biens immobiliers
05:21 entre 20 et 59 ans et au delà de 60 ans vous étiez plutôt vendeur mode et donc en fonction
05:26 de l'évolution de la démographie des structures de la population on s'aperçoit qu'on passe
05:30 à partir de 2005 auparavant nous avions de l'ordre à peu près de 100 000 acheteurs
05:36 net donc plus d'acheteurs que de vendeurs et à partir de 2005 les choses se sont renversées
05:40 brutalement avec de l'ordre de 250 000 vendeurs net et donc cette tendance de fond va avoir
05:47 va certainement mettre la pression compte tenu du renversement.
05:51 Puis on va avoir un deuxième phénomène qui va jouer c'est à dire que nous on a plutôt
05:53 une anticipation de l'ordre en gros on considère que les prix de l'immobilier sont surévalués
05:57 de 35% mais les choses vont se faire lentement dans la mesure où les taux d'intérêt ont
06:01 de fortes probabilités de rester bas encore longtemps donc on va pas avoir une remontée
06:04 brutale des taux d'intérêt même si vous avez raccourcissement de la durée des prêts
06:08 les choses vont se faire sensiblement mais doucement et puis d'autre part les banquiers
06:13 ont fait correctement leur métier c'est à dire que les ménages sont globalement solvables.
06:16 Donc on a un profil de baisse de l'ordre de 5% cette année peut-être une petite accélération
06:23 à partir de 2015 en fonction de la politique monétaire qui sera menée de l'autre côté
06:28 de l'Atlantique et si l'économie américaine va beaucoup mieux on aura une remontée des
06:32 taux des directeurs avec une contagion comme on a pu l'assister au moment de l'année
06:36 dernière lorsque le gouverneur de la banque centrale avait annoncé le fait qu'il allait
06:39 retirer un peu son quantitative easing et avait provoqué une remontée brutale des
06:43 taux d'intérêt.
06:44 Donc dans ce type de scénario on voit difficilement qu'est-ce qui pourrait pousser les prix
06:48 encore à la hausse donc le chemin se fera lentement mais sûrement sur une période
06:54 relativement longue avec une baisse des prix je vous ai dit de l'ordre de 35% avec une
06:59 hypothèse d'une progression des revenus disponibles de 1%.
07:02 Alors il y a un autre argument qui est mis en avant malgré tout par le secteur immobilier
07:07 pour expliquer cette résistance des prix c'est la pénurie de l'offre.
07:12 Alors cet argument, déjà si on regarde les chiffres si on avait véritablement une pénurie
07:18 d'offres vous auriez une évolution des loyers qui aurait progressé beaucoup plus
07:22 vite que l'évolution des revenus et donc là à la différence de ce qu'on a pu voir
07:25 sur les prix de l'immobilier les choses sont complètement parallèles.
07:27 Deuxième chose, bien entendu il y a un déficit de l'ordre de 1 million de logements mais
07:33 qui concerne les catégories les moins favorisées, celles du dernier décile de la population
07:38 mais qui n'ont de toute façon pas la possibilité et qui ne sont jamais intervenus sur le marché
07:41 de l'immobilier, ce n'est pas eux qui ont fait la hausse donc ils sont complètement
07:43 restreints et donc on mélange deux choses, le problème de l'offre pour cette catégorie
07:47 sociale mais qui ne sont pas dans le marché privé et qui ne sont jamais propriétaires
07:52 et le problème de solvabilité, ces gens là ne sont pas solvables donc ils n'ont
07:55 pas participé à la hausse de toute façon ils ne participeront pas aussi à la baisse.
07:58 Jean-Luc Bouchalet, merci.
08:01 Merci.
08:01 !

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