Le Match du Soir entre Charles Consigny, avocat et écrivain, et Pablo Pillaud-Vivien, rédacteur en chef de la revue Regards.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 (Générique)
00:06 Le face-à-face entre Pablo Pioviglia, rédacteur en chef de la revue "Regard".
00:13 Bonsoir Pablo et Charles Consigny, avocats, écrivains.
00:17 Bonsoir à vous. Est-ce que vous êtes d'attaque ce soir ?
00:20 - Mais on est d'attaque. - Comme toujours.
00:22 - Ça me fait toujours rire, je ne sais pas quoi. Écrivain, pour parler de Charles.
00:24 - Pourquoi ? - Ben oui.
00:26 - Mais il est ! - Mais il est écrivain, il est écrivain.
00:28 - J'ai un nouveau livre qui sort l'année prochaine. Vous allez tout savoir.
00:32 - À quel sujet ? - Vous verrez.
00:35 - D'accord. - C'est secret.
00:37 - Suspens, c'est secret. - Un livre à scandale.
00:39 - Un livre à scandale ? - Non, je plaisante.
00:41 - D'accord. Bon, on verra ça un peu plus tard.
00:44 - Un livre contemplatif.
00:46 - Alors ça fait 6 heures que les 11 chefs de parti sont donc réunis avec Emmanuel Macron à Saint-Denis
00:52 pour tenter de se mettre d'accord sur les réponses à apporter aux préoccupations des Français.
00:56 On voulait vous montrer ce petit sondage élable pour BFM TV qui vient de sortir et qui dit la chose suivante.
01:01 Le pouvoir d'achat reste la préoccupation principale des sondés, mais ce qui ressort surtout, c'est que la sécurité,
01:08 elle, ça devient vraiment un thème important. Il y a une poussée de 9 points depuis le dernier sondage, c'est beaucoup.
01:16 A priori, là, ils s'en sont au dîner, le dîner devait commencer à 20h. De quoi ils parlent en ce moment, selon vous ?
01:21 - Alors, ils ne sont pas tous présents au dîner.
01:23 - Non, sauf la NUPES, mais ils étaient là toute la journée quand même.
01:26 - Il y a Fabien Roussel, le patron du Parti communiste français, qui a décidé d'aller au dîner finalement,
01:32 et les autres, c'est-à-dire Europe Écologie, Les Verts, La France Insoumise et le Parti Socialiste,
01:37 eux, ils ont décliné l'invitation au dîner.
01:39 - Mais quand même, ce qui était fort, c'est qu'aujourd'hui, ils étaient tous là.
01:42 - Exactement, ils étaient tous là, Emmanuel Macron, mais d'ailleurs, Alain Duhamel le rappelait tout à l'heure,
01:49 quand il y a des crises politiques, parce qu'en vérité, là, on fait un peu face à une crise politique et une crise institutionnelle,
01:56 il est un peu d'usage que le Président de la République réunisse les principaux patrons de parti.
02:05 - Oui, mais aussi longtemps, reconnaissez-le quand même. C'est sur plusieurs heures, toute une journée.
02:09 - Mais vous savez... - En fait, c'est inédit. Vous saluez cette démarche de la part du Président ?
02:13 - Mais alors, il y a plein de choses qu'a fait le gouvernement et qui a duré des heures,
02:17 voire des jours, voire des mois. Je me souviens de consultations diverses et variées,
02:23 notamment sur la question écologique. Il y avait des citoyens qui avaient planché pendant plusieurs mois
02:29 et ils avaient accouché de quoi ? D'une souris. C'est-à-dire qu'on peut réunir les gens, c'est bien,
02:34 les écouter parler, c'est bien, mais quand il n'y a pas de méthode,
02:38 quand on n'arrive pas à s'architecturer de propositions, de solutions, ça ne sert pas à grand-chose.
02:45 On a vu, la NUPES, par exemple, ils ont produit un document avec différents éléments
02:51 dont ils souhaitaient parler, avec des propositions. Est-ce qu'Emmanuel Macron va les écouter ?
02:57 Honnêtement, j'en doute fort. Surtout quand on voit ce qu'a fait Emmanuel Macron auparavant.
03:01 Il a appelé qui ? Il a appelé, avant, Éric Ciotti et Jordan Bardella.
03:05 - Et Jordan Bardella, mais quand même, il arrive avec sa feuille blanche et il dit "j'écoute vos propositions".
03:08 Vous êtes d'accord ? Ça ne sert à rien, ce qui se passe aujourd'hui ?
03:11 - Non, je ne dirais pas que ça ne sert à rien. C'est une initiative comme une autre.
03:17 Pour quelqu'un qui a pratiqué un pouvoir très vertical et assez solitaire,
03:23 c'est presque une forme de séance de rattrapage.
03:27 Tout à coup, il a l'air de s'intéresser à ce que pensent les chefs des autres familles politiques que la sienne.
03:33 - Il en a organisé déjà des espèces de réunions, des conventions, des débats, poste gilet jaune, etc.
03:40 - Oui, poste gilet jaune, c'était le grand débat avec des élus locaux.
03:45 C'était quand même assez sur le thème du monologue, malgré tout.
03:49 L'exercice du grand débat était un exercice assez narcissique
03:55 où les conseillers du président vantaient sa capacité à tenir des heures en bras de chemise, à répondre à tout.
04:01 - Pour l'instant, c'est pas ce qui s'est passé.
04:04 - Les conseillers un peu courtisans n'aident pas toujours ceux qu'ils conseillent.
04:10 Mais ceux qu'on clave, moi, j'ai rien contre cette idée qui me paraît pas absurde,
04:18 d'autant que c'est quand même un peu particulier puisqu'il n'y a pas de conseillers, il n'y a pas d'entourage,
04:23 il n'y a même pas de téléphone, si j'ai bien lu.
04:26 - Il y a Elisabeth Borne avec Emmanuel Macron et c'est un huis clos.
04:29 - Il y a même des brouilleurs pour ne pas qu'on puisse, nous, journalistes, avoir accès à des informations.
04:35 - Pourquoi pas, si vous voulez. Je trouve l'exercice pas absurde.
04:40 Simplement, j'observe chez notre chef de l'État une tendance furieuse à rechercher toujours du consensus,
04:50 comme si on pouvait toujours trouver une voix qui contente tout le monde.
04:57 - Est-ce que c'est pas la seule façon de faire avancer les choses ?
04:59 Justement, il est bloqué parce qu'il n'y a pas de majorité et qu'il n'arrive pas à trouver de consensus.
05:03 - D'abord, c'est pas vrai, ils pourront trouver des majorités sur certains textes.
05:09 Sur les retraites, s'il n'y avait pas eu l'échappée solitaire de quelques députés LR,
05:14 en réalité, il aurait fait voter la réforme des retraites.
05:17 Donc, il peut trouver des... Bah oui, s'il n'y avait pas eu l'échappée solitaire de Pradié et de quelques-uns avec lui...
05:22 - On va le décider, on va le parier en bouteille, ça n'a aucun sens.
05:24 - Oui, mais donc, il y a des textes sur lesquels il n'y a pas besoin de faire ça pour les faire voter.
05:28 - Alors, lesquels ? Parce que pour l'instant, on a du mal à les trouver, quand même, Charles Consigny.
05:31 - Là, je sais qu'ils ont un projet sur l'immigration. Après, on ne gouverne pas seulement en faisant des lois.
05:36 Tous les quatre, maintenant, on gouverne. Si vous voulez, moi, je...
05:38 - Bonne chance dit Pablo.
05:40 - Je pense que... Moi, je n'aime pas... Je pense que toute couleur en commission termine par un beige.
05:48 C'est-à-dire que quand on essaye de mettre tout le monde d'accord, on aboutit à rien.
05:52 Je lisais l'autre jour dans l'excellent journal L'Opinion, une interview du non moins excellent Alain Minc,
06:00 qui est un des parrains d'Emmanuel Macron, qui disait qu'il faut un candidat unique pour les gens raisonnables en 2027.
06:08 Et donc, il faudrait faire une primaire dans laquelle puissent concourir à la fois Clément Beaune et Laurent Wauquiez,
06:13 enfin, deux Clément Beaune et Laurent Wauquiez.
06:15 Et il disait, mais si vous les mettez ensemble dans une pièce, au fond, qu'est-ce qui va vraiment les différencier ?
06:19 Et moi, je déteste cette pensée-là, parce que je pense, au contraire, qu'il y a énormément de différences politiques
06:26 entre les différentes sensibilités politiques.
06:29 Et je crois que l'ordre tel qu'il est, l'ordre bourgeois tel qu'il est, tel qu'il est défendu par Emmanuel Macron,
06:36 il n'arrange que ceux qui sont du bon côté du manche, ceux qui ont besoin du politique,
06:41 qui ont besoin de l'État, qui ont besoin de décisions qui tranchent.
06:45 Ce sont les gens qui souffrent de la situation actuelle.
06:48 Et donc, je pense que cette recherche permanente de consensus ne peut aboutir finalement qu'à une espèce de stabilité
06:57 qui confine à un conservatisme qui ne nous fait pas avancer.
07:00 Et puis, il peut y avoir des consensus sur quoi, là ?
07:02 Qu'est-ce qui peut quand même sortir de ça ? Je sais que vous n'y croyez pas trop, Fabrice.
07:05 Mais justement, moi, je pense qu'il ne peut pas sortir de consensus.
07:07 Et je vais ajouter, je vais poursuivre la réflexion de Charles, parce que je ne crois pas non plus au consensus.
07:12 Je ne pense pas qu'il fallait rechercher des consensus absolument.
07:15 Et d'abord, on ne peut pas les trouver.
07:18 En revanche, il faut organiser les conflits.
07:20 Et il faut organiser les conflits pour qu'ils se fassent de façon le plus apaisée possible.
07:24 C'est-à-dire organiser des conflits ?
07:26 C'est-à-dire qu'en fait, on a des organes, des institutions, notamment l'organe législatif,
07:31 qui est un endroit où sont organisés, en gros, des débats démocratiques.
07:36 On pourrait en fait donner de l'importance à cet organe-là, notamment à l'Assemblée nationale.
07:41 Emmanuel Macron, et notamment depuis le début de son deuxième quinquennat,
07:46 a fait le choix de s'asseoir, en fait, de ce qui pourrait sortir de cet espace de conflictualité apaisée.
07:54 Il a décidé, avec Elisabeth Borne, la première ministre, de passer au 49-3.
07:59 Mais en vérité, c'est un espace où peuvent s'exprimer, en fait, des avis qui sont divergents,
08:05 et où peuvent se construire des choses sans pour autant que ça soit des consensus.
08:11 Et c'est ça qui est intéressant.
08:12 Enfin, là, toute la difficulté, c'est que justement, il n'arrivait plus à rien faire.
08:15 Oui, mais la façon dont on construit les lois, c'est pas nécessairement par consensus.
08:20 C'est-à-dire que c'est des gens qui rajoutent des choses, ils débattent,
08:24 et à la fin, bon, effectivement, il y en a qui sortent un peu plus gagnants et d'autres un peu plus perdants,
08:29 mais c'est un exercice, en fait, qui est, à mon sens, particulièrement sain pour la démocratie.
08:34 Et le problème, c'est qu'Emmanuel Macron, pour l'instant, s'est assis dessus.
08:37 Et il a décidé que ça ne l'intéressait pas, puisque, et Charles faisait référence au cercle de la raison,
08:42 qui a été, comment on dit, échafaudé par Alain Manc, etc., et par d'autres.
08:48 Ce cercle de la raison pensait qu'il y a des gens qui ont raison et d'autres qui ont tort.
08:53 Je vois pas, en fait, comment est-ce qu'on fait dans une démocratie où, bah oui, il y a des amis populaires,
08:58 où il y a une tripartite.
08:59 Non, mais il y a des gens qui gouvernent, il y a une majorité.
09:01 Non, il n'y a plus de majorité.
09:04 Si vous voulez, moi, ce que je n'aime pas dans cette nouvelle matrice politique,
09:09 c'est qu'elle tue le débat et la confrontation d'idées.
09:12 À partir du moment où vous affirmez qu'il y a une famille politique qui détient le monopole de la raison
09:20 et que vous faites de tous ceux qui refusent de s'aligner des extrémistes, des fascistes, etc.,
09:27 vous tuez la confrontation politique.
09:30 Moi, je ne peux pas souscrire à ça parce que je pense qu'il faut de la conflictualité.
09:35 C'est ces gens soi-disant raisonnables qui ont pris les mesures probablement les plus liberticides
09:42 depuis la Seconde Guerre mondiale, qui ont été les mesures contre le Covid,
09:47 qui ont été des mesures... Il n'y avait pas de précédent historique récent.
09:50 Alors, les gens étaient d'accord.
09:51 Contre une pandémie mondiale mortelle.
09:53 Mais d'ailleurs, ils ont aussi sans précédent.
09:54 On a pris les mesures les plus liberticides qu'ils soient.
09:58 Je suis désolé de vous dire qu'à l'époque, il était très difficile de contester ces mesures,
10:04 de venir dire sur un plateau télé qu'on n'avait peut-être pas envie d'être enfermés chez nous.
10:10 Même si l'idée-là, c'était quand même de sauver des vies.
10:12 Donc, c'était quand même encore un autre calcul.
10:14 Oui, d'accord. Mais dans ces cas-là, vous interdisez aux gens de prendre leur voiture.
10:17 Et vous sauvez des vies aussi.
10:18 Non, mais attendez, il ne faut pas comparer les deux.
10:21 Mais surtout, Charles, là où il existe un espace de consensus, c'est le consensus scientifique.
10:27 Oui, mais les scientifiques qu'on les a vus sur les plateaux de télévision pendant le Covid,
10:34 ils n'étaient d'accord sur rien.
10:35 Donc, le consensus scientifique, moi, je me disais...
10:37 Deuxième exemple, c'est ce même espace central de la raison qui veut maintenant,
10:43 par la voix de Thierry Breton, le commissaire européen, censurer les réseaux sociaux.
10:47 Puisqu'à la suite des émeutes, on s'est dit, puisqu'ils n'ont pas compris d'où venaient ces émeutes.
10:51 J'ai vu d'ailleurs que là, les discussions, essentiellement, c'était quelle réponse apporter à ces émeutes.
10:56 Donc, ils n'ont pas... Et même Macron a découvert les banlieues, ce qu'on appelle les racailles,
11:02 la relégation sociale, les jeunes déscolarisés.
11:05 Ça a été une grande découverte à l'occasion de ces émeutes.
11:08 Et vous avez un commissaire européen qui vient vous dire,
11:11 "En fait, le problème, c'est qu'il se passe le mot sur les réseaux sociaux.
11:14 Donc, qu'est-ce qu'on va faire ? On va censurer les réseaux sociaux."
11:16 Donc, moi, je me méfie de ce cercle-là.
11:17 Et je pense que la confrontation politique, c'est quelque chose qui est fécond.
11:22 Et c'est pour ça que je stime que cette recherche de consensus permanente,
11:27 elle finit par nuire au débat démocratique.
11:29 Donc, vous n'attendez pas grand-chose de ce rendez-vous.
11:31 On a bien compris. Vous l'avez dit, il n'y a quasiment personne.
11:33 Il y a Emmanuel Macron et Elisabeth Borne.
11:35 Mais on voulait aussi parler de Gérald Darmanin ce soir,
11:37 parce qu'il a quand même fait sa rentrée en grande pompe à Tourcoing.
11:41 C'était dimanche dernier.
11:42 On a tous compris qu'il voulait se lancer en 2027, sauf que le chemin va être long.
11:46 Je voulais vous montrer, là encore, ce sondage est là pour BFMTV,
11:49 qui montre que ça risque d'être un petit peu compliqué.
11:53 Est-ce qu'il est un bon candidat pour la présidentielle en 2027 ?
11:56 74% des Français disent non.
11:58 Autre élément intéressant, pourrait-il battre Marine Le Pen en 2027 ?
12:03 Parce que c'est là-dessus qu'il voudrait jouer le ministre de l'Intérieur.
12:06 Ils sont 68% à dire non. C'est mal barré, là.
12:10 Oui, c'est relativement mal barré.
12:12 En gros, pour être candidat à la présidentielle, il y a trois étapes.
12:15 Il y a d'abord être le candidat de sa famille politique.
12:17 Ensuite, il y a le premier tour. Et puis, ensuite, il y a le deuxième tour.
12:20 Aujourd'hui, on pense que le deuxième tour, c'est nécessairement
12:22 contre l'extrême droite et contre Marine Le Pen.
12:24 Effectivement, là, il semble mal barré.
12:26 Sûrement parce qu'aujourd'hui, Gérald Darmanin chasse beaucoup
12:29 sur les terres de Marine Le Pen.
12:31 Vous avez beaucoup de gens, notamment à gauche, qui se disent
12:34 « Mais pourquoi ? » C'est un peu du pareil au même.
12:36 C'est un peu pif et paf, Marine Le Pen et Gérald Darmanin.
12:39 On se souvient de leur pasteur.
12:40 Il la trouve même trop molle.
12:41 Oui, il la trouvait même trop molle.
12:43 Donc, c'est compliqué.
12:44 C'est compliqué pour des gens de gauche d'aller voter Gérald Darmanin
12:47 contre l'extrême droite de Marine Le Pen.
12:49 Il y aurait une différence entre Gérald Darmanin, membre du gouvernement
12:52 et Marine Le Pen.
12:53 Moi, je le considère comme ça.
12:55 Mais ce n'est pas le cas de beaucoup de gens qui votent pour la NUPES aujourd'hui.
13:02 Et ensuite, il y a un autre problème.
13:04 Moi, Gérald Darmanin, j'ai aussi vu ce qu'il a essayé de faire
13:06 pendant sa rentrée.
13:07 Il a essayé de se présenter comme étant le candidat populaire.
13:09 Je vois ce qu'il poste sur les réseaux sociaux.
13:11 Il a un programme de communication où il met très en avant ses origines modestes.
13:15 On le rappelle quand même, il est fils d'un tenancier de bar à Valenciennes
13:19 et d'une femme de ménage à la Banque de France.
13:22 Il a été maire de Tourcoing, qui est une commune qui est plutôt…
13:27 Il ne vient pas de Neuilly-sur-Seine.
13:30 C'est intéressant parce que quand on regarde un peu en détail
13:34 les gens qui sont plutôt pour Darmanin,
13:37 ils surperforment où ?
13:38 Ils surperforment chez les artisans,
13:40 ils surperforment chez les CSP+,
13:42 ils surperforment à Paris.
13:43 Et où est-ce qu'ils sous-performent ?
13:45 Chez les employés et chez les ouvriers.
13:47 C'est vrai que c'est paradoxal.
13:48 C'est quand même paradoxal.
13:49 72% trouvent que Gérald Darmanin ne comprend pas les classes populaires.
13:55 C'est paradoxal, Charles Consigny.
13:58 Moi, je pense tout simplement que c'est trop tôt.
14:02 Je pense que dans la réponse que les Français font sur 2027,
14:06 c'est simplement, à mon avis, qu'ils considèrent que c'est trop tôt
14:10 pour se poser la question de cette élection.
14:13 Et je serai, à titre personnel,
14:15 partisan d'une réforme institutionnelle
14:17 pour retirer du pouvoir au président de la République
14:20 pour que notre vie politique et publique
14:23 ne soit pas polarisée à ce point-là
14:25 sur l'élection présidentielle
14:27 et sur la personne du président de la République.
14:29 Il y a plein de choses à faire,
14:32 mais je pense qu'il faut absolument sortir de ça,
14:35 transférer plus de pouvoir au Premier ministre.
14:37 Pourquoi pas aller vers un système
14:38 où on vote d'abord pour les députés
14:40 et puis, un peu comme en Angleterre,
14:42 le leader de la famille politique qui a gagné les législatives
14:45 devient Premier ministre.
14:47 Je suppose qu'il y a vraiment beaucoup de pouvoir,
14:49 un vrai rééquilibrage avec le président de la République.
14:51 En France, quand vous regardez le détail du pouvoir du président,
14:55 on est un pays encore complètement monarchique
14:59 et le fait du prince est partout.
15:01 Dans les nominations, dans la composition du gouvernement.
15:07 Mais la suite d'Armanin ?
15:09 Ce que je veux dire, c'est que ce système
15:12 fait que des hommes politiques, par ailleurs sans doute de qualité,
15:15 moi je trouve que d'Armanin a du mérite.
15:18 La vie politique, c'est dur, c'est difficile.
15:22 C'est un bon candidat pour vous ?
15:24 Il est encore faux, mais...
15:26 C'est un bon candidat dans l'absolu.
15:28 Après la présidence d'un très jeune homme,
15:33 puisqu'il était jeune, Emmanuel Macron, quand il a été élu,
15:36 qui n'avait pas forcément beaucoup roulé sa bosse,
15:39 en tout cas politiquement,
15:41 qui avait eu une carrière,
15:43 c'est pas lui faire injure que de le dire,
15:45 assez confortable, dans des cercles
15:48 pas tout à fait exposés aux plus grandes duretés.
15:52 C'est le moins qu'on puisse dire.
15:54 Je pense que la France gagnera, oui, à avoir en tout cas
15:58 un président qui ait souffert, qui ait vécu,
16:01 qui lit, qui écrit, qui voyage.
16:05 Donc ça, ça peut être pour d'Armanin, mais ça peut être pour d'autres aussi.
16:08 Et donc, moi, son parcours, issu d'un milieu modeste,
16:12 qui se fait élire à Tourcoing,
16:14 qui à mon avis a travaillé comme un damné
16:17 pour se faire élire, pour obtenir les postes, etc.
16:20 Je trouve que c'est pas totalement inintéressant.
16:23 Et par ailleurs, Pablo a rappelé les sondages
16:27 et le fait que peut-être les Français n'y croient pas ou n'y croient pas encore,
16:31 mais il a mis le doigt sur un phénomène qui, moi,
16:35 à mon sens réel, m'a beaucoup gêné
16:38 durant le premier quinquennat de Macron
16:41 et qui continue de me gêner maintenant.
16:43 C'est ce que je perçois, moi,
16:45 comme une espèce de détestation ou de rejet des classes populaires
16:49 par la classe politique macronienne.
16:52 C'est-à-dire, je pense qu'ils ont été traumatisés
16:55 par l'épisode des Gilets jaunes
16:57 et j'ai le sentiment qu'ils n'aiment pas le peuple
16:59 ou qu'en tout cas, ils en ont peur.
17:01 - Ce problème, c'est qu'apporter qu'une réponse sécuritaire
17:03 pour récupérer les classes populaires,
17:05 je pense que c'est pas suffisant,
17:07 notamment lorsqu'on voit la façon dont les Français,
17:09 dans le sondage Elabe, jugent l'action de Gérald Darmanin
17:12 en tant que ministre de l'Intérieur,
17:14 c'est particulièrement sévère.
17:16 - Alors, justement, on voulait...
17:18 - C'est pas vrai. Le chiffre est énorme.
17:20 - Les Français considèrent au contraire
17:22 que c'est un bon ministre de l'Intérieur.
17:24 - Oui, 41% des Français jugent qu'il est un bon ministre de l'Intérieur.
17:27 La majorité pense que non, mais 41% pense que oui.
17:30 - Non, non, attendez.
17:32 Si on regarde, à mon avis, avec les autres ministres,
17:34 si on compare, est-il un bon ministre de ce chiffre-là,
17:38 je pense que son score est pas mal.
17:40 - Il s'en sort pas si mal sur cet aspect-là, effectivement.
17:42 Juste un autre sujet, justement, qui concerne encore les classes populaires.
17:45 Est-ce que vous avez vu cette proposition
17:48 de la ministre de la Ville, Sabrina Agressy-Roubach,
17:51 qui dit la chose suivante sur les uniformes.
17:54 Elle voudrait les instaurer dans certains quartiers populaires, justement,
17:57 pour réduire les inégalités et enlever une charge mentale
18:00 à tous les parents, je suis favorable,
18:02 à l'expérimentation d'une tenue scolaire
18:04 dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville.
18:07 C'est louable ou pas comme proposition ?
18:10 - En fait, je sais pas si vous vous rendez compte
18:12 de l'absurdité de la proposition.
18:14 Au nom de l'égalité, on va stigmatiser les quartiers populaires
18:17 en spécifiquement, juste eux,
18:20 en leur disant "vous, vous allez porter une tenue scolaire".
18:23 Alors que les élèves, les enfants des quartiers favorisés,
18:26 alors eux, y aura pas de problème.
18:28 - Enfin, y a des écoles privées où les enfants viennent de familles très aisées
18:31 où y a des uniformes aussi.
18:33 - C'est tout à fait vrai.
18:35 Mais aujourd'hui, ce qui est proposé, c'est que ça soit dans l'école publique.
18:38 C'est dans l'école publique.
18:40 C'est-à-dire que dans l'école publique, y aura une différence, donc,
18:42 entre les enfants issus des quartiers défavorisés
18:44 et les enfants issus des quartiers favorisés.
18:46 - Mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'il y a derrière la tête ?
18:48 En fait, c'est toute l'idée de l'uniforme.
18:50 En fait, l'uniforme, c'est quoi ? En fait, ils veulent les fliquer.
18:52 Ils veulent les transformer en petits soldats.
18:54 Qui porte l'uniforme aujourd'hui ?
18:56 C'est les soldats lorsqu'ils vont défiler le 4 juillet.
18:58 - Vous pensez vraiment que c'est l'intention de la ministre de la Ville ?
19:00 Elle a dit que c'est pour éviter une charge mentale supplémentaire à ses familles.
19:03 - Non, mais Pablo, moi, je suis là-dessus.
19:05 Je ne suis pas d'accord avec Pablo sur le principe de l'uniforme
19:08 qui, pour moi, n'est pas forcément à rejeter comme ça.
19:12 Après, je constate en effet, les inégalités aujourd'hui en France,
19:18 elles ne sont pas entre élèves.
19:21 Parce que ce que dit Madame la ministre, c'est qu'en gros,
19:24 quand un élève a des parents qui peuvent lui payer une paire de baskets à la mode,
19:29 il va se différencier et écraser celui dont les parents ne peuvent pas.
19:34 Et donc, les parents qui ne peuvent pas acheter ces baskets à la mode
19:38 vont avoir la charge mentale qu'elle évoque
19:40 parce qu'ils se sentent coupables de ne pas pouvoir habiller leur enfant
19:44 selon les derniers canons des magasins de vêtements.
19:49 Mais ça n'est pas dans la réalité, ça.
19:53 Ça n'est pas entre élèves des quartiers populaires qu'il y a des inégalités.
19:58 Les élèves des quartiers populaires subissent ensemble les mêmes inégalités
20:03 vis-à-vis des élèves des quartiers bourgeois et des établissements haut de gamme
20:10 dans lesquels il n'y a malheureusement maintenant en France plus que des enfants de bourgeois.
20:15 Et ça, c'est une réalité.
20:17 Moi, je le constate en permanence.
20:20 Aujourd'hui, dans les lycées comme Henri IV, Louis le Grand, les Bonnes Prépas, etc.
20:25 L'Alsacienne qui s'est fait une publicité paradoxale
20:29 avec deux ministres de l'éducation successif liés à l'école alsacienne.
20:33 Bref, l'Alsacienne en effet.
20:35 L'ENA qui est devenue l'INSP, l'école normale supérieure.
20:40 Qui y a dans ces établissements qui deviennent ensuite les élites françaises
20:44 qui trustent les cabinets ministériels, les grandes entreprises, etc. ?
20:48 Des enfants de personnes extrêmement favorisées.
20:52 Donc, il n'y a plus de mobilité sociale en France, en réalité.
20:55 La France est devenue un pays de castes.
20:57 Et mettre un uniforme aux enfants, c'est un casse-sexe.
21:01 Moi, rien.
21:03 Les inégalités seront toujours là.
21:05 Même si vous leur mettez le même uniforme, il y aura quand même les inégalités sociales.
21:08 Même l'uniforme !
21:09 Ce n'est pas que l'habit, non.
21:10 Si on le mettait en place, d'ailleurs vous avez vu que Gabriel Attal disait
21:12 "je suis très favorable à une expérimentation pour mettre l'uniforme globalement".
21:15 En fait, c'est parce que ce gouvernement a l'air obsédé par la question de l'habit.
21:19 Et il pense qu'ils vont tout résoudre avec des habits.
21:21 En réfléchissant juste aux questions des habits.
21:24 C'est sur les abayas, c'est sur les tenues.
21:26 C'est un pansement.
21:28 Il y a des inégalités sociales qui pèsent lourdement sur le parcours des élèves.
21:33 Ça, c'est tout à fait vrai.
21:35 Il faut le résoudre.
21:36 Mais je suis désolé, interdire l'abaya ou mettre une tenue obligatoire
21:41 ne va rien résoudre du tout au problème de différences et d'inégalités
21:46 entre les classes sociales et à leur répartition spatiale sur le territoire français.
21:50 Je trouve que c'est un vrai sujet dont on aurait espéré qu'Emmanuel Macron s'empare.
21:58 Puisqu'il avait un discours en 2017 qui était relativement séduisant
22:02 sur l'émancipation, sur la possibilité pour chacun de s'arracher à sa condition
22:08 par son travail, etc.
22:10 Et finalement, ce qu'on a vu, c'est que les inégalités se sont en réalité
22:16 terriblement renforcées en France.
22:18 Et après, ce qui me fascine, c'est qu'ils ne comprennent pas pourquoi il y a des émeutes,
22:22 pourquoi il y a des pillages de magasins, pourquoi il y a une jeunesse qui porte des abayas,
22:26 pourquoi il y a finalement une jeunesse qui fait sécession avec le pays.
22:32 Et donc, en revanche, une initiative qui est intéressante, pour être un peu juste,
22:38 et j'en terminerai par là, c'est que j'ai vu qu'ils allaient organiser des présentations
22:44 de métiers dans les établissements scolaires.
22:46 Et ça, je pense que c'est très important de pouvoir donner des horizons aux jeunes,
22:51 aux collèges, aux lycées, qui...
22:53 - Dans les catégories populaires.
22:55 - Notamment parce que leurs parents, peut-être, ne peuvent pas leur transmettre un intérêt
23:01 pour certains métiers, donc ils ne connaissent même pas l'existence de certains métiers,
23:04 de certains domaines.
23:05 - Et donc vous saluez cette initiative.
23:06 - Et ça, je trouve que c'est une très bonne initiative.
23:07 - Merci beaucoup les amis.
23:08 On se retrouve demain, même heure, 21h, sur ce plateau.