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Transcription
00:00 Et on va poser les choses avec Benoît Pellistandi.
00:02 Bonjour, merci d'être avec nous sur France 24.
00:04 Vous êtes historien spécialiste de l'Espagne.
00:06 Votre dernier livre, Les fractures de l'Espagne.
00:09 Alors là, il n'y a pas de fracture.
00:11 Tout le monde est d'accord sur cette affaire qui a une résonance dans tout le pays.
00:15 Il y a une vague d'indignation.
00:16 Vous diriez une onde de choc ?
00:19 Sans aucun doute, une onde de choc qui est liée aussi au fait que ça vient gâcher
00:23 une très belle fête qui était la victoire de l'équipe féminine
00:27 dans ce mondial féminin de football.
00:29 Et c'était d'autant plus important en Espagne que le football occupe en Espagne
00:35 une place absolument considérable et centrale
00:37 et que le football féminin n'y était pas complètement respecté.
00:41 Et ça ne faisait qu'une toute petite dizaine d'années
00:43 que pied à pied, il finissait par occuper un certain espace.
00:48 Et là, cette victoire absolument splendide,
00:51 permettait tout d'un coup de réhabiliter,
00:54 mais de placer le football féminin à égalité avec le football masculin.
00:58 Et donc la fête est entièrement gâchée
01:00 parce qu'on a eu l'illustration d'un comportement machiste,
01:04 brutal, grossier, vulgaire, et qui est, je dirais,
01:09 multiplié par la manière dont Rubiales s'accroche à son poste
01:14 de façon complètement indécente.
01:16 Un geste qu'on n'aurait jamais imaginé venu d'un Espagnol
01:18 tant le pays est attaché aux droits des femmes.
01:22 Il est vraiment à l'avant-garde en Europe.
01:25 Complètement. Ça fait maintenant plus d'une vingtaine d'années
01:28 qu'avec le gouvernement socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero,
01:32 il y avait eu vraiment la mise en place de politiques de prévention
01:35 par rapport au féminicide.
01:37 Et à cet égard, l'Espagne a effectivement un taux le plus faible d'Europe.
01:42 Et puis le gouvernement actuel de Pedro Sánchez,
01:45 avec notamment son aile gauche autour d'Irene Montero,
01:49 qui est la ministre de l'égalité et qui était la numéro 2 de Podemos,
01:52 le parti radical de gauche,
01:55 et bien ce gouvernement avait considérablement accentué la politique
01:59 en faveur de la protection des femmes,
02:01 notamment dans les relations sexuelles,
02:04 avec la fameuse loi du consentement,
02:06 qui est en espagnol la ley del solo si es si,
02:10 c'est-à-dire seulement un oui est un oui.
02:12 Or là, on a bien vu en effet que le président de la Fédération de football
02:16 a embrassé la joueuse.
02:18 Alors il dit "c'est la joueuse qui en fait m'a déséquilibré,
02:22 c'est pour ça".
02:22 Il essaye de trouver des arguments absolument fallacieux.
02:25 En fait, on a un comportement d'une obscénité extrêmement grave
02:29 et qui vient percuter complètement tout l'effort
02:32 que la société espagnole est en train de faire
02:34 pour éliminer ces pratiques et ces gestes
02:37 qui effectivement relèvent d'une autre mentalité et d'un autre âge.
02:40 Oui, d'un marxisme qu'on pensait appartenir au passé,
02:43 vous parliez de politique.
02:44 Est-ce que ce geste,
02:47 est-ce que cette condamnation est unanime
02:51 au sein de la classe politique espagnole ?
02:54 Est-ce que par exemple la droite et l'extrême droite la condamnent ?
02:57 Complètement, complètement.
02:58 Il ne faudrait pas se tromper parce que dans cette affaire,
03:01 celui qui est en difficulté,
03:02 c'est plutôt le président du gouvernement, Pedro Sánchez,
03:05 qui a longtemps protégé Rubiales.
03:07 Le président de la Fédération espagnole de football
03:10 est en fait sur le grille depuis bien longtemps
03:14 et notamment depuis un an,
03:15 quand à la faveur d'enquêtes journalistiques,
03:18 on a mis au jour ces pratiques largement frauduleuses,
03:23 le train de vie somptueux qu'il s'accorde.
03:26 Imaginez qu'il touche 600 000 euros par an
03:29 plus 3 000 euros de subvention pour payer son loyer par mois.
03:33 Et donc on sait qu'il fait des voyages privés avec sa famille
03:37 sur les frais de la Fédération espagnole de football.
03:41 Donc on demandait déjà sa démission,
03:43 certains secteurs le demandaient.
03:44 Or il était extrêmement protégé par Pedro Sánchez
03:47 et son ministre des Sports, Mikel Iceta.
03:49 Et donc en réalité, le gouvernement socialiste,
03:52 qui a tout de suite condamné et qui aujourd'hui
03:55 est en train d'essayer d'obtenir la démission de Rubiales,
04:00 a longtemps été un protecteur.
04:01 Alors il ne faudrait pas croire que, par exemple,
04:04 les gens de Vox qui ne sont pas favorables aux politiques
04:07 en faveur de la femme,
04:09 aient trouvé le comportement de Rubiales décent.
04:11 De ce côté-là, la fracture n'est pas sur droite-gauche.
04:14 Je dirais que la fracture est entre gens éduqués
04:18 et personnalités absolument, j'allais presque dire primaires.
04:22 Oui, on sort de la sphère politique.
04:24 Vous diriez que les socialistes, là,
04:27 jouent une carte politique dans cette affaire ?
04:28 C'est devenu un marqueur politique
04:31 alors qu'on le sait, l'Espagne se cherche une majorité ?
04:33 Non, ce ne sera pas l'événement majeur.
04:36 Comme vous le dites, l'Espagne se cherche une majorité.
04:39 On va avoir un processus qui va commencer.
04:41 C'est d'abord le leader du Parti conservateur,
04:43 Alberto Núñez-Fecro,
04:44 qui est appelé à se présenter le premier
04:47 pour essayer d'obtenir l'investiture du Parlement,
04:49 ce qu'il n'obtiendra sans doute pas à la fin du mois de septembre.
04:52 Ensuite, ce sera sans doute au tour de Pedro Sánchez.
04:55 Mais en réalité, on est dans une situation absolument endiablée
04:59 où personne ne sait vers quoi on va.
05:02 Peut-être va-t-on vers la répétition des élections,
05:05 c'est un mécanisme qui est constitutionnel,
05:07 qui s'est opéré en 2016, qui a eu lieu aussi en 2019.
05:11 Donc on est dans une situation, j'allais presque dire,
05:14 d'apesanteur politique où il y a un gouvernement en fonction
05:17 qui n'a donc pas tous ses pouvoirs.
05:19 On a une majorité qui est en train d'essayer de se créer.
05:23 Et puis on a une société espagnole qui est fatiguée de la politique,
05:27 ravie des succès sportifs, qu'ils soient masculins ou féminins,
05:32 et des institutions sociales qui révèlent à quel point
05:35 elles sont, j'allais dire, phagocytées par le clientélisme,
05:39 par des comportements presque népotiques.
05:42 Et tout ça crée une ambiance qui n'est pas fondamentalement bonne,
05:47 avec une fracture de plus en plus nette entre les Espagnols
05:51 et leurs représentants, qu'il s'agisse des représentants politiques
05:55 ou des représentants sportifs, syndicaux, socioculturels.
05:59 Merci Benoît Pellistandy d'avoir accepté de répondre à France 24.

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