Conditions et contraintes d’accessibilité didactique pour les élèves sourds ou aveugles scolarisés en classe ordinaire
( Teresa ASSUDE, Karine MILLON-FAURE et Edith PETITFOUR)
La question à laquelle nous allons nous intéresser est la suivante : quels sont les leviers et obstacles au fait de traduire les discours, ressources et situations d’enseignement pour permettre à des élèves aveugles ou sourds, scolarisés en classe ordinaire, d’accéder aux savoirs mathématiques ? La première étude de cas concerne le suivi d’élèves sourds inscrits dans un parcours bilingue LSF (Langue des Signes Française) - français écrit en classe de quatrième, appuyée par un dispositif ULIS (Unité localisé d’inclusion scolaire). La seconde étude porte sur le cas d’un élève aveugle scolarisé en classe de sixième ordinaire et accompagné par une AESH (Accompagnante d’Élève en Situation de Handicap). Nous étudierons les difficultés soulevées par la présence de différents systèmes sémiotiques (LSF, français écrit, français oral, braille, représentations graphiques…) en circulation dans la classe et les leviers mis en place pour permettre aux élèves d’accéder aux situations d’enseignement. Nous tenterons de dégager des points de convergence ou de divergence à ces deux contextes et proposerons des perspectives pour la formation des enseignants ou la production de ressources contribuant à l’École Inclusive.
( Teresa ASSUDE, Karine MILLON-FAURE et Edith PETITFOUR)
La question à laquelle nous allons nous intéresser est la suivante : quels sont les leviers et obstacles au fait de traduire les discours, ressources et situations d’enseignement pour permettre à des élèves aveugles ou sourds, scolarisés en classe ordinaire, d’accéder aux savoirs mathématiques ? La première étude de cas concerne le suivi d’élèves sourds inscrits dans un parcours bilingue LSF (Langue des Signes Française) - français écrit en classe de quatrième, appuyée par un dispositif ULIS (Unité localisé d’inclusion scolaire). La seconde étude porte sur le cas d’un élève aveugle scolarisé en classe de sixième ordinaire et accompagné par une AESH (Accompagnante d’Élève en Situation de Handicap). Nous étudierons les difficultés soulevées par la présence de différents systèmes sémiotiques (LSF, français écrit, français oral, braille, représentations graphiques…) en circulation dans la classe et les leviers mis en place pour permettre aux élèves d’accéder aux situations d’enseignement. Nous tenterons de dégager des points de convergence ou de divergence à ces deux contextes et proposerons des perspectives pour la formation des enseignants ou la production de ressources contribuant à l’École Inclusive.
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ÉducationTranscription
00:00:00 Déjà, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue
00:00:02 dans ce 49e colloque de la COPIRELEM.
00:00:06 Un petit mot sur le thème,
00:00:08 et qui se situe dans l'historique
00:00:10 de ce qui vous a été présenté dans l'ouverture de ce colloque.
00:00:15 C'est dans les années 90 que l'on trouve mention
00:00:19 dans les actes de nos colloques
00:00:21 du thème de l'hétérogénéité des élèves
00:00:24 et de l'aide aux élèves en difficulté.
00:00:27 Mais c'est la 1re fois aujourd'hui, pour ce colloque-là,
00:00:32 que le thème de la diversité est explicitement présenté
00:00:37 comme thème du colloque.
00:00:39 Donc quoi de plus naturel que de le proposer à Marseille,
00:00:43 ville qui s'auto-proclame capitale française
00:00:46 de la diversité culturelle.
00:00:48 Et puis ville aussi qui se situe dans un territoire de contraste,
00:00:53 puisqu'on trouve aussi bien des territoires ruraux alpins
00:00:59 très peu peuplés,
00:01:01 et qui vont jusqu'à la métropole d'ex-Marseille,
00:01:06 très, très dense.
00:01:07 Donc vraiment, le thème de la diversité
00:01:10 était évident, quelque part, pour ce colloque.
00:01:16 Alors, je vais vous présenter nos 3 conférencières,
00:01:19 qui sont 3 didacticiennes des mathématiques.
00:01:23 Et je voulais juste dire qu'à titre personnel,
00:01:25 j'étais très heureuse de les présenter,
00:01:27 puisque j'ai eu la chance de travailler
00:01:29 avec chacune d'entre elles.
00:01:32 Donc Thérésa Assude est professeure des universités.
00:01:35 Elle travaille au laboratoire ADEF, à ex-Marseille Université.
00:01:39 Ses thématiques de recherche sont très, très larges.
00:01:42 Je vais en citer 3.
00:01:44 Les systèmes d'aide aux élèves en difficulté,
00:01:47 les nouvelles technologies,
00:01:50 et les élèves à besoin éducatif particulier.
00:01:55 Karine Millon-Fauré est maîtresse de conférence
00:01:57 au même laboratoire ADEF, à ex-Marseille Université.
00:02:01 Elle s'intéresse notamment
00:02:04 aux répercussions, en fait,
00:02:06 des difficultés langagières des élèves
00:02:09 sur leur activité mathématique.
00:02:12 Et cela, elle s'intéresse également,
00:02:14 et ça a été l'objet de son HDR,
00:02:17 son habilitation à diriger les recherches,
00:02:19 des systèmes didactiques en difficulté.
00:02:22 Toutes les deux, aujourd'hui,
00:02:24 vont nous parler plutôt des élèves sourds.
00:02:29 Edith Petitfourd travaille au LDAR,
00:02:32 Laboratoire de didactique André-Revuse, à Paris.
00:02:35 Ses recherches s'inscrivent beaucoup
00:02:38 dans le champ de la géométrie,
00:02:40 et elle s'est intéressée au départ
00:02:43 aux élèves dyspraxiques, déficients visuospatiaux,
00:02:47 ce qui la conduit aujourd'hui à travailler
00:02:49 notamment avec les élèves aveugles.
00:02:53 Voilà. Donc toutes les trois vont s'intéresser...
00:02:56 Donc la question qui leur a été posée...
00:02:59 Je prends mon petit papier
00:03:01 parce que je voudrais pas dire des bêtises.
00:03:03 ...porte sur les leviers
00:03:04 qui permettent aux élèves à besoins particuliers
00:03:07 d'accéder aux situations d'enseignement,
00:03:10 et elles vont s'intéresser également
00:03:12 aux contraintes et aux difficultés
00:03:14 que ces adaptations nécessaires posent.
00:03:18 Voilà. Mais je leur laisse la parole.
00:03:21 -Mais...
00:03:23 (Applaudissements)
00:03:27 Merci, Claire. Bonjour à tous.
00:03:31 Donc on va commencer cette conférence à 3 pieds.
00:03:35 Donc en fait, nous voulons commencer par poser le problème
00:03:39 en donnant un témoignage d'une étudiante sourde en licence.
00:03:45 J'ai été une élève mise en difficulté,
00:03:48 alors que je ne suis pas une élève en difficulté.
00:03:53 Je n'ai pas pu obtenir des résultats
00:03:55 en lien avec mes compétences,
00:03:57 mais en lien avec le niveau d'accessibilité
00:04:00 qui m'a été accordé.
00:04:03 J'ai dû me contenter de notre moyenne
00:04:06 car j'étais évaluée sur le contenu d'un programme
00:04:10 dont l'accès m'a été refusé.
00:04:12 Et le pire, c'est que quand je me plaignais,
00:04:17 il m'était répondu que je ne m'intérais pas si mal que ça.
00:04:23 Alors ce témoignage, pour nous,
00:04:25 pose le problème exactement,
00:04:30 qui est celui de la question de l'accessibilité.
00:04:33 En fait, déjà, la loi du 11 février 2005
00:04:38 pour l'égalité des droits et des chances,
00:04:40 la participation et la citoyenneté des personnes handicapées en France,
00:04:44 cette loi avait deux piliers.
00:04:47 Un pilier qui était la compensation
00:04:50 et un autre pilier qui était l'accessibilité.
00:04:52 Alors il nous semble qu'il y a une dialectique
00:04:55 entre ces deux piliers qui sont tout à fait importants.
00:04:59 Et nous, nous nous intéressons
00:05:01 pas seulement à la manière dont on va compenser
00:05:03 en fait telle déficience, tel trouble,
00:05:07 mais à la manière dont on va permettre,
00:05:09 là où en fait la personne est,
00:05:12 donc comment on peut faire en sorte de lui proposer
00:05:17 des situations qui lui permettent d'accéder,
00:05:20 d'accéder à quoi ?
00:05:22 C'est bien la question de l'accessibilité
00:05:23 parce que dans cette loi,
00:05:26 c'était d'abord une accessibilité qui était matérielle.
00:05:30 D'accord ? Donc pouvoir accéder quand on est un fauteuil roulant.
00:05:34 Mais en fait, l'accessibilité,
00:05:35 c'est pas seulement une question matérielle,
00:05:37 c'est aussi une accessibilité scolaire,
00:05:40 c'est aussi une accessibilité pédagogique.
00:05:43 Et c'est à celle que nous, on s'intéresse,
00:05:46 c'est la question de l'accessibilité didactique,
00:05:50 l'accessibilité au savoir que nous avons définie à un moment donné
00:05:54 comme l'ensemble des conditions qui permettent aux élèves
00:05:58 d'accéder à l'étude des savoirs.
00:06:00 Donc vous voyez bien que c'est notre point de vue,
00:06:03 c'est cet entrée par les savoirs
00:06:05 à travers des formes d'études,
00:06:08 des situations d'enseignement, d'apprentissage,
00:06:10 des ressources d'accompagnement, des aides,
00:06:12 donc des représentations siméotiques, etc.
00:06:16 Et notre questionnement dans cette conférence,
00:06:19 c'est bien, comme Claire le disait,
00:06:22 c'était un peu la commande,
00:06:24 quels sont les léviers et obstacles
00:06:28 au fait de traduire les discours,
00:06:31 les ressources et les situations d'enseignement
00:06:34 pour permettre à des élèves aveugles, malvoyants,
00:06:37 à des élèves sourds, aux malentendants,
00:06:40 donc scolariser en classe ordinaire,
00:06:43 d'accéder au savoir mathématique.
00:06:46 Voilà, nous allons présenter donc 2 études de cas.
00:06:50 D'accord ?
00:06:51 Donc une sur les élèves sourds,
00:06:53 l'autre sur les élèves aveugles.
00:06:56 Nous allons essayer de voir en quoi ces 2 études de cas
00:07:00 nous permettent de dire des choses plus générales
00:07:04 que ces études de cas-là, donc en les comparant,
00:07:07 et nous donnerons quelques perspectives
00:07:09 pour la formation.
00:07:11 -Alors, tout d'abord, nous allons commencer
00:07:16 par la 1re étude de cas qui concerne les élèves sourds
00:07:19 qui sont scolarisés dans un parcours bilingue,
00:07:23 langue des signes française,
00:07:25 français écrit.
00:07:26 Et cette étude sera présentée par Thérésa Assude et moi-même.
00:07:32 Alors, tout d'abord, quelques éléments
00:07:34 concernant le contexte de l'étude.
00:07:36 Donc, il faut savoir que la langue des signes française
00:07:39 a été interdite en classe pendant près d'un siècle,
00:07:42 à partir de 1880,
00:07:44 et qu'il faut attendre, en fait, la loi de 2005
00:07:47 pour qu'elle soit reconnue
00:07:49 comme une véritable langue à l'école.
00:07:52 Et qu'à partir de ce moment-là,
00:07:54 les parents pouvaient faire le choix
00:07:57 d'inscrire leurs élèves sourds dans un parcours bilingue
00:08:01 où ils pourraient accéder aux enseignements
00:08:04 en langue des signes.
00:08:06 Alors, même si cette loi date de 2005,
00:08:08 en fait, il y a quelques difficultés
00:08:10 pour la mise en pratique.
00:08:12 Et par exemple, dans l'Académie d'Aix-Marseille,
00:08:15 il faut attendre 2016,
00:08:17 donc vraiment, il y a très peu de temps,
00:08:20 pour voir la création de la 1re Ulysse Collège bilingue.
00:08:24 Donc, c'est la 1re fois sur Aix-Marseille
00:08:27 qu'il y a un parcours au collège
00:08:29 où les élèves peuvent accéder aux enseignements
00:08:32 en langue des signes.
00:08:33 Et c'est depuis cette date
00:08:35 que nous suivons ce dispositif dans ce collège.
00:08:38 Alors, concrètement, comment ça se déroule ?
00:08:41 Eh bien, chaque année, il y a environ 6 élèves
00:08:44 qui sont accueillis dans ce dispositif,
00:08:47 qui sont scolarisés dans des classes ordinaires
00:08:51 pour la plupart des cours,
00:08:53 donc avec des élèves entendants,
00:08:55 des professeurs entendants
00:08:57 qui ne parlent pas la langue des signes.
00:08:59 Et ce dispositif est rendu possible
00:09:02 par la présence de traducteurs
00:09:05 qui sont là en permanence avec les élèves
00:09:07 pour faire les intermédiaires
00:09:09 entre la langue des signes et le français oral.
00:09:13 Et par ailleurs, ces élèves bénéficient également
00:09:17 de temps de regroupement après les cours
00:09:20 avec ces traducteurs
00:09:23 pour revenir sur certains points vus en classe
00:09:25 ou pour faire les devoirs.
00:09:27 Donc voilà comment s'organise le dispositif.
00:09:31 Et nous, l'enquête que nous avons menée,
00:09:33 en fait, s'est déroulée en plusieurs étapes.
00:09:36 Donc il y a eu tout d'abord une première étape
00:09:38 où nous avons mené des entretiens
00:09:41 avec les acteurs qui intervenaient dans ce dispositif.
00:09:45 Nous avons mené 33 entretiens avec des enseignants,
00:09:48 des élèves sourds et entendants, leurs parents,
00:09:52 afin de savoir comment chacun vivait
00:09:54 la mise en place de ce dispositif.
00:09:57 Puis, nous avons également observé et filmé
00:10:00 des séances de classe, donc des cours de mathématiques,
00:10:04 pour voir comment les élèves sourds
00:10:07 accédaient aux enseignements qui étaient proposés
00:10:09 dans ces classes ordinaires.
00:10:12 Puis, nous avons mené de nouveaux entretiens
00:10:14 deux ans après la mise en place de ce dispositif
00:10:18 avec les acteurs,
00:10:19 afin de voir si le ressenti par rapport à ce dispositif
00:10:22 avait évolué.
00:10:24 Et enfin, la dernière étape,
00:10:26 celle que nous commençons actuellement depuis 2022,
00:10:30 consiste à la conception de ressources
00:10:33 pour les élèves sourds.
00:10:36 -Voilà, juste quelques résultats
00:10:41 des premières enquêtes, donc par entretien.
00:10:45 Et en fait, là, on va vous donner rapidement
00:10:49 ce que les élèves de 6e et de 4e,
00:10:53 intendants et sourds,
00:10:55 ils disaient de cette expérience.
00:10:58 Il y avait 3 axes forts dans les récits des élèves.
00:11:01 D'une part, le statut de la LSF
00:11:04 en tant que plus-value scolaire et en jeu de communication.
00:11:08 Donc, pour les élèves sourds,
00:11:10 mais pas seulement pour les élèves sourds,
00:11:12 pour les élèves intendants,
00:11:13 parce qu'il faut dire que dans ce collège,
00:11:17 une partie des élèves ont voulu apprendre
00:11:21 la langue des signes française
00:11:23 pour pouvoir communiquer avec leurs camarades.
00:11:26 Ca, ça nous paraît quelque chose à souligner
00:11:29 parce qu'au départ, les enseignants, les parents,
00:11:33 ils étaient très méfiants
00:11:36 vis-à-vis de l'ouverture de cette ULIS
00:11:38 parce qu'ils pensaient que, en fait,
00:11:40 ça allait diminuer le niveau, etc.
00:11:43 Donc, on a le contraire de ce qui est dit par les élèves
00:11:48 et les parents aussi,
00:11:50 parce qu'on a fait des enquêtes avec les parents.
00:11:52 2e axe fort, c'est ce que nous, on a appelé
00:11:55 la dynamique topogénétique permettant de prendre sa place d'élève.
00:11:59 Est-ce que les élèves sourds arrivent à prendre sa place d'élève
00:12:03 dans une classe d'intendants ?
00:12:05 En fait, oui.
00:12:06 On voit que la manière de leur ressenti,
00:12:09 c'est bien de dire, oui, nous, on a notre place
00:12:13 dans cette classe.
00:12:15 Et donc, en fait, on l'apprend.
00:12:18 Et donc, on voit que...
00:12:20 On a des récits tout à fait positifs là-dessus.
00:12:24 Et les élèves intendants, idem.
00:12:26 Donc, en fait, les élèves intendants,
00:12:28 ils reconnaissent bien aux élèves sourds
00:12:31 leur place à cet endroit-là.
00:12:34 Et ça, ça nous paraît aussi quelque chose d'assez intéressant.
00:12:38 3e axe fort dans les récits des élèves,
00:12:41 c'est la fonction soutenante du dispositif d'aide mis en place.
00:12:47 Je vais revenir sur cette fonction soutenante
00:12:50 du dispositif mis en place.
00:12:52 Mais avant, ce qui ressort, en fait, de ces entretiens,
00:12:55 c'est bien, en fait, une expérience nuancée,
00:12:59 certes, parfois, avec certaines difficultés,
00:13:02 mais fortement positive de tous les acteurs
00:13:05 qu'on a interviewés,
00:13:07 et pas seulement des élèves sourds, des parents d'élèves sourds,
00:13:11 mais aussi des parents d'élèves intendants,
00:13:13 des professeurs, donc des élèves intendants, etc.
00:13:17 Ça, c'est quelque chose qui nous paraît vraiment important.
00:13:21 Alors, je reviens sur le dispositif mis en place
00:13:24 et le fait qu'il va participer
00:13:27 au processus d'accessibilisation
00:13:30 des situations scolaires pour les élèves sourds,
00:13:34 en permettant l'accessibilité au savoir et à la place d'élèves.
00:13:38 Alors, en quoi, en fait, ce dispositif,
00:13:41 c'est un dispositif soutenant ?
00:13:44 Alors, cette fonction soutenante,
00:13:48 elle vient du fait que...
00:13:49 Et là, on va utiliser une modélisation
00:13:52 en termes de systèmes didactiques principaux
00:13:55 et systèmes didactiques auxiliaires
00:13:57 qui a été proposé par Yves Chevalard.
00:14:00 Donc, effectivement, la classe étant un système didactique principal,
00:14:04 et en fait, il y a une myriade de systèmes didactiques auxiliaires
00:14:08 qui viennent aider, donc accompagner,
00:14:11 en fait, ce qu'on fait dans les systèmes didactiques principaux.
00:14:15 Et en fait, dans le cas particulier,
00:14:18 donc, on a un double système auxiliaire,
00:14:23 et c'est ça qui semble tout à fait intéressant,
00:14:26 c'est qu'on a un système didactique auxiliaire,
00:14:30 donc on a le système didactique principal,
00:14:32 bien sûr, la classe, d'accord ?
00:14:34 Donc, effectivement, formé par tous les élèves,
00:14:38 le professeur et les savoirs qui sont impliqués,
00:14:40 toutes les relations,
00:14:41 et en fait, il y a un système didactique auxiliaire
00:14:45 interne à la classe
00:14:46 constitué par les élèves sourds,
00:14:50 le traducteur et les savoirs aussi qui sont impliqués dans la classe.
00:14:55 Donc, en fait, ce dispositif-là a une fonction soutenante
00:15:00 qu'on reviendra,
00:15:01 parce qu'il est tout à fait important d'avoir ce...
00:15:04 Sinon, les élèves, ils n'auraient pas accès
00:15:06 à ce que le prof dit,
00:15:08 parce qu'effectivement, ils n'entendent pas.
00:15:10 Mais en fait, il y a des tensions qui peuvent se créer,
00:15:13 et donc, en fait, il y a un 2e système didactique auxiliaire
00:15:18 qui est externe à la classe,
00:15:20 et là, effectivement, ça se passe dans le cadre du dispositif ULIS,
00:15:24 et donc, là où il y a le traducteur,
00:15:27 donc, qui est aussi coordonnateur,
00:15:29 le traducteur, il y en a 4 traducteurs, d'accord ?
00:15:32 Parce que les élèves sont tout le temps dans la classe,
00:15:34 et donc, en fait, c'est un système qui permet de réguler,
00:15:37 en fait, le travail qui est fait en classe.
00:15:40 Il est tout à fait important aussi ce travail-là.
00:15:46 Alors, donc, en fait,
00:15:48 est-ce que les élèves peuvent accéder au même savoir
00:15:51 que les autres élèves ?
00:15:53 On va vous présenter un exemple
00:15:54 autour de la résolution de problèmes mathématiques.
00:15:59 Alors, on sait qu'il y a un certain nombre de travaux
00:16:02 qui existent, en fait, sur cette thématique-là,
00:16:07 des travaux en psychologie, voilà, donc essentiellement,
00:16:11 donc, qui indiquent, effectivement, qu'ils n'ont pas assez à l'oral,
00:16:16 donc un certain nombre de difficultés apparaissent
00:16:19 lors de la résolution de problèmes mathématiques
00:16:21 par le fait qu'ils n'ont pas accès à l'oral.
00:16:23 Il y a des difficultés aussi avec le français écrit,
00:16:26 donc, voilà, il y a des difficultés
00:16:29 avec l'analyse sémantique des situations,
00:16:32 donc, voilà, qu'est-ce que c'est, le sens de ces situations-là,
00:16:36 et difficultés à traiter et à mettre en relation
00:16:39 plusieurs dimensions simultanément.
00:16:42 Voilà, que parfois, on doit, effectivement,
00:16:44 faire des relations entre les choses.
00:16:46 Et chose importante, c'est que, par le fait qu'ils n'entendent pas,
00:16:51 il y a une insuffisance de situations vécues.
00:16:54 Il faut dire qu'une bonne partie des élèves sourds,
00:16:57 en fait, ils ont des parents entendants,
00:17:00 et donc, de ce point de vue-là,
00:17:02 en fait, il a toute une dimension espérantielle
00:17:05 qu'ils n'en ont pas.
00:17:07 Mais par contre, ces travaux montrent aussi
00:17:09 qu'il y a des léviés sur lesquels on peut s'appuyer.
00:17:13 Donc, voilà l'importance de la LSF,
00:17:16 l'importance aussi des dimensions visuelles,
00:17:19 corporelles et donc spatiales,
00:17:22 l'articulation de ces différentes modalités d'accès,
00:17:25 en particulier les représentations visospatiales,
00:17:29 graphiques, schématiques et relationnelles,
00:17:32 explications détaillées en langue des signes
00:17:36 et l'explicitation de certains savoirs informels.
00:17:40 Donc, voilà sur quoi on peut s'appuyer
00:17:43 et que ça apparaît comme certaines conditions
00:17:47 d'accessibilité didactique.
00:17:50 -Un autre point sur lequel on voulait insister,
00:17:56 c'est toutes les difficultés qui peuvent apparaître
00:17:59 lors de la traduction des interactions
00:18:03 qui se déroulent dans le système didactique principal
00:18:06 en langue des signes.
00:18:08 Parce que, finalement, on pourrait se dire
00:18:09 que comme il y a un traducteur dans la classe,
00:18:11 tout va bien se passer,
00:18:13 qu'il va pouvoir traduire tous les échanges
00:18:15 pour les élèves sourds
00:18:16 et qu'ils auront les mêmes conditions d'enseignement
00:18:19 que les autres.
00:18:20 En fait, quand on regarde de plus près,
00:18:21 c'est nettement plus compliqué que ça.
00:18:24 -Donc, on a pu relever plusieurs types de difficultés
00:18:28 qui se produisaient au moment des traductions.
00:18:30 Je ne vais pas toutes les détailler,
00:18:31 mais je vais vous en exposer certaines.
00:18:34 Tout d'abord, des difficultés qui sont liées
00:18:36 à toute traduction,
00:18:38 quelle que soit la langue cible.
00:18:40 Donc, notamment le fait, on le sait,
00:18:42 que lorsqu'on cherche à traduire un message,
00:18:45 on a du mal à rester parfaitement fidèle
00:18:47 au message de départ
00:18:49 parce qu'il nous manque parfois
00:18:51 certaines expressions dans la langue cible
00:18:54 pour traduire exactement les nuances
00:18:56 du message de départ.
00:18:57 Donc, on a forcément quelques déformations
00:18:59 au moment de la traduction.
00:19:01 Un autre élément, c'est la lourdeur entraînée
00:19:04 par ce passage par le traducteur
00:19:07 parce que ce qu'il faut bien imaginer en classe,
00:19:09 donc, vous avez un enseignant qui fait son cours
00:19:11 pour la classe, donc en français oral,
00:19:14 tout à fait normalement.
00:19:15 Et là, il va y avoir un traducteur
00:19:18 qui est obligé de traduire les questions
00:19:21 posées par l'enseignant en langue des signes.
00:19:23 Puis, l'élève sourd va traduire,
00:19:26 va répondre à la question en langue des signes.
00:19:29 Le traducteur va être obligé de traduire en français oral
00:19:32 pour que le professeur puisse prendre en compte la réponse.
00:19:36 Donc, on voit que c'est un cheminement
00:19:38 qui est beaucoup plus compliqué
00:19:39 que pour un élève ordinaire.
00:19:41 Donc, ça entraîne une certaine lourdeur
00:19:43 dans les interactions.
00:19:45 Un autre type de difficultés
00:19:47 qu'on voit également apparaître,
00:19:49 c'est des difficultés qui sont propres
00:19:51 à la langue des signes française.
00:19:53 Donc, la langue des signes française,
00:19:55 c'est une langue qui est visuelle et gestuelle.
00:19:58 Donc, ça suppose que les deux interlocuteurs,
00:20:01 pour communiquer, doivent avoir les mains libres
00:20:04 et doivent être en train de se regarder.
00:20:07 Et ça, c'est pas si simple que ça
00:20:08 parce qu'en classe, par exemple,
00:20:11 lorsque les élèves sont en train de copier la leçon du tableau,
00:20:14 eh bien, on voit généralement l'enseignant
00:20:16 qui continue à donner des explications.
00:20:19 Et pendant qu'il donne ses explications,
00:20:21 les élèves sourds regardent le tableau, leur cahier.
00:20:24 Donc, ils ne regardent pas le traducteur.
00:20:26 Et donc, le traducteur ne peut pas traduire
00:20:29 les explications qui sont données à ce moment-là.
00:20:32 Ca veut dire que ces explications-là
00:20:33 sont perdues pour les élèves sourds.
00:20:36 Autre chose aussi, la langue des signes française
00:20:39 n'est pas une langue uniformisée.
00:20:41 Il n'y a pas d'académie de la langue des signes.
00:20:44 Et par conséquent, on voit apparaître
00:20:45 certaines disparités d'une région à l'autre.
00:20:48 C'est-à-dire qu'on n'utilise pas toujours le même signe
00:20:51 pour traduire la même notion.
00:20:53 Donc, ça, ça peut créer des petits problèmes
00:20:55 de communication lorsqu'un élève arrive
00:20:57 d'une autre ville dans la classe.
00:20:59 Voilà des problèmes de communication
00:21:01 avec le traducteur.
00:21:03 Et le dernier type de difficultés dont je voulais parler,
00:21:07 c'était des difficultés qui étaient spécifiques
00:21:10 au contexte d'enseignement.
00:21:12 Donc, en fait, on sait bien que dans la classe,
00:21:14 les interactions qu'il y a sont assez désordonnées,
00:21:18 c'est-à-dire que lorsque l'enseignant parle,
00:21:21 eh bien, parfois, il va couper ses explications
00:21:24 pour reprendre à l'ordre un élève qui est en train de bavarder
00:21:28 ou bien pour donner un rappel
00:21:30 concernant l'évaluation de la semaine prochaine.
00:21:34 Voilà, donc on a une communication un peu désordonnée.
00:21:37 Et puis, en plus, on a des interlocuteurs
00:21:39 qui prennent la parole parfois sans lever le doigt.
00:21:41 Donc, on imagine que pour le traducteur,
00:21:43 ça va être beaucoup plus difficile
00:21:45 que s'il avait juste à traduire un monologue
00:21:48 d'un seul interlocuteur.
00:21:49 Voilà, donc des difficultés à ce niveau-là.
00:21:51 Également, ce qu'il y a, c'est que le traducteur
00:21:54 va être obligé de respecter la progression
00:21:57 choisie par l'enseignant,
00:21:59 c'est-à-dire que lorsqu'il va vouloir effectuer
00:22:01 ses traductions, il va falloir utiliser uniquement
00:22:04 des notions qui ont déjà été introduites
00:22:07 par l'enseignant auparavant.
00:22:09 Donc, il ne peut pas traduire les énoncés
00:22:11 comme il le voudrait.
00:22:12 Il faut tenir compte de cette progression pédagogique.
00:22:16 Voilà, donc tout ça, c'était pour vous montrer
00:22:18 que le travail du traducteur va être compliqué
00:22:21 et que, par conséquent, il ne peut pas traduire
00:22:23 de manière complètement fidèle
00:22:25 tout ce qui va se passer dans la classe.
00:22:27 -Nous allons donner un petit exemple assez rapide.
00:22:33 Donc, on va focaliser sur une science de classe
00:22:37 de 4e avec deux élèves sourds,
00:22:40 un traducteur, un professeur de mathématiques,
00:22:43 des élèves intendants,
00:22:45 et donc, leur jeu mathématique, c'était de modéliser
00:22:48 et résoudre un problème du quotidien.
00:22:50 Donc, en fait, la tâche qui était proposée
00:22:54 aux élèves était la suivante.
00:22:55 Donc, trouver le nombre de tours de pédales
00:23:00 nécessaires pour parcourir 5 km
00:23:03 avec un VTT 26 pouces à vitesse constante.
00:23:09 Donc, effectivement, on a bien le vélo.
00:23:13 Alors, si on fait une petite analyse très rapide a priori
00:23:17 pour voir, effectivement, quelles sont les difficultés
00:23:19 que cette situation peut poser à des élèves sourds,
00:23:23 mais pas seulement, à tous les élèves,
00:23:26 on se rend compte d'un certain nombre de ces difficultés
00:23:29 pour modéliser cette situation.
00:23:31 D'une part, qu'est-ce que ça signifie, un VTT 26 pouces ?
00:23:35 Tous les élèves ne savent pas qu'effectivement,
00:23:38 26 pouces correspond, en fait,
00:23:39 à la mesure du diamètre du vélo.
00:23:42 Donc, en fait, après, savoir que le pouce,
00:23:46 effectivement, il vaut 5,54 cm.
00:23:50 Donc, en fait, là aussi, voilà.
00:23:53 Et d'autre part, il y a toute la question
00:23:55 du fonctionnement du vélo qui n'est pas anodin.
00:24:00 Donc, ça veut dire qu'il y a des mots,
00:24:02 pignon, plateau, chaîne, dent.
00:24:06 Donc, il y a le mot vitesse,
00:24:09 qui, vitesse du vélo, voilà,
00:24:12 n'apporte forcément à la grande vitesse.
00:24:14 Donc, il y a, en fait,
00:24:17 bien le rapport entre les dents du plateau et celles du pignon.
00:24:20 Et selon la vitesse, le rapport entre le tour de pédale
00:24:24 et le tour de roue n'est pas le même.
00:24:26 Or, ça, c'est essentiel,
00:24:28 parce qu'effectivement,
00:24:30 le rapport entre le tour de pédale et le tour de roue
00:24:32 dépend, effectivement, de la vitesse.
00:24:35 Dans le cas particulier, dans la classe,
00:24:37 l'enseignant a décidé que ce rapport était de 2.
00:24:41 Donc, quand il a 42 dents au plateau,
00:24:44 il aura 21 au pignon.
00:24:46 Donc, c'est ce qui fait qu'un tour de pédale
00:24:48 correspond à un tour de roue.
00:24:51 Alors, vous voyez qu'il y a quand même
00:24:53 une complexité qui est assez importante.
00:24:57 Donc, on a essayé de voir quelle était la technique possible,
00:25:00 mais bon, je vais vous passer vite.
00:25:04 Bon, pour revenir à ce qui s'est passé dans la classe,
00:25:10 donc, en fait, effectivement, il faut trouver le diamètre d'un roue,
00:25:14 le diamètre donné en pouces, le périmètre.
00:25:16 Donc, il faut voir le rapport entre la distance à parcourir
00:25:20 et le périmètre d'un roue,
00:25:21 calculer le nombre de tours de roue,
00:25:23 calculer le nombre de tours de pédale.
00:25:25 Donc, en fait, vous voyez, ça implique toutes ces étapes-là.
00:25:28 Alors, qu'est-ce qu'on voit ?
00:25:30 Je sais pas si on a gardé les couleurs, oui,
00:25:33 donc, parce que... Voilà.
00:25:34 Alors, vous voyez, j'ai pris, en fait, une partie de la séance.
00:25:39 Et en fait, on voit que, vous voyez, vous avez 2 lignes.
00:25:44 C'est marqué SDP, SDA interne.
00:25:47 Donc, le SDP, c'est bien ce qui se passe en classe.
00:25:50 Et SDA interne.
00:25:51 Et en fait, vous avez, donc, la ligne du temps
00:25:54 et, en fait, les rectangles, donc, en rose.
00:25:59 Donc, en fait, c'est où les 2 systèmes sont synchronisés.
00:26:04 D'accord ? Quand il a donné l'énoncé du problème,
00:26:07 donc, le prof, il donne à l'oral et le traducteur, il donne à l'SF.
00:26:11 Donc, c'est les 2 lignes vertes. D'accord ?
00:26:13 Donc, en fait, après, vous voyez que, ensuite, le professeur,
00:26:17 comme il sait que le fonctionnement du vélo va poser problème,
00:26:21 il demande aux élèves de poser des questions
00:26:25 auxquelles il va répondre,
00:26:27 des questions que les élèves sentent nécessaires
00:26:31 pour pouvoir, en fait, modéliser le problème.
00:26:34 Donc, en fait, il écrit ces questions au tableau,
00:26:39 mais, entre-temps, le système didactique interne,
00:26:43 donc, ils sont en train de vouloir déjà répondre au problème
00:26:48 de telle manière que le traducteur, il a dit,
00:26:50 "Mais, attention, ne donnez pas une réponse au hasard."
00:26:53 Donc, en fait, il faut réfléchir, il faut calculer.
00:26:57 Donc, 2e moment où ils sont synchronisés,
00:27:01 c'est que le professeur, il amène son vélo dans la classe
00:27:05 et donc il montre le fonctionnement de son vélo,
00:27:08 mais, en même temps, il explique le fonctionnement de son vélo.
00:27:11 Les élèves, soit ils regardent
00:27:13 comment ils montrent le fonctionnement du vélo,
00:27:16 soit ils regardent la traduction en langue des signes
00:27:19 de ce qu'il est en train de voir.
00:27:20 Donc, en fait, ce moment qui était un moment synchronisé,
00:27:25 en fait, va faire en sorte qu'il y a des choses qui vont se perdre,
00:27:28 qu'il y a une désynchronisation
00:27:30 sur des informations qui sont tout à fait importantes,
00:27:32 lesquelles le fait que 26 pouces,
00:27:36 ça correspond vraiment au diamètre de la roue,
00:27:38 donc, information importante,
00:27:41 et dans le SDI,
00:27:44 les SDA internes, ils sont en train de discuter,
00:27:47 "Mais c'est quoi, le pouce ?"
00:27:48 Donc, en fait, vous voyez que c'est quelque chose là.
00:27:51 Entre-temps, nouveau moment où, en fait, ils sont synchronisés,
00:27:55 et voilà, autour de ce lien
00:27:58 entre rapport de tour de pédale et tour de roue,
00:28:02 et donc, il y a, en fait, à nouveau un moment désynchronisé,
00:28:07 d'accord, où, en fait, le traducteur,
00:28:10 il va expliquer, voilà,
00:28:13 il va expliquer le fait qu'effectivement,
00:28:15 le pouce va correspondre au diamètre de la roue,
00:28:18 mais c'est aussi le rapport entre tour de pédale et tour de roue,
00:28:21 et, en fait, après, il va y avoir une phase d'échange
00:28:25 entre les élèves sourds, entre eux,
00:28:27 et donc, ils vont chercher sur Internet
00:28:30 qu'est-ce que c'est le pouce et comment ils vont.
00:28:32 Donc, en fait, vous voyez que je décris rapidement ces moments-là
00:28:36 pour, en fait, passer à quelques éléments d'analyse
00:28:40 de ce qu'on a pu observer.
00:28:42 -Voilà, donc, comme Thérésa vous l'a présenté,
00:28:47 on voit qu'il y a des moments où les élèves sourds
00:28:49 fonctionnent vraiment avec le système didactique principal
00:28:53 et d'autres moments où, en fait,
00:28:54 ils fonctionnent à part avec le traducteur.
00:28:57 Donc, la question qu'on se pose à ce moment-là,
00:28:59 c'est est-ce qu'à la fin de la séance,
00:29:02 les élèves sourds ont eu accès aux mêmes conditions d'enseignement
00:29:07 que les élèves ordinaires ?
00:29:08 Alors, pour ça, on va regarder plusieurs dimensions.
00:29:11 Tout d'abord, la mésogénèse.
00:29:13 Donc, on va regarder quels sont les objets de savoir
00:29:16 sur lesquels les élèves sourds ont travaillé.
00:29:19 Est-ce que ce sont bien les mêmes
00:29:20 que ceux sur lesquels les élèves ordinaires ont travaillé ?
00:29:24 Donc, on peut voir que la plupart du temps,
00:29:26 c'est exactement le même milieu.
00:29:29 C'est-à-dire que le traducteur parvient à traduire
00:29:34 les principaux éléments pour les élèves sourds
00:29:37 et donc les élèves sourds peuvent travailler
00:29:39 sur les mêmes objets de savoir que les élèves ordinaires.
00:29:43 Et vous voyez qu'on a écrit la plupart du temps
00:29:46 parce qu'effectivement, il y a certains éléments
00:29:49 qui apparaissent dans le système didactique principal
00:29:53 et qui sont donc accessibles pour les élèves ordinaires,
00:29:56 mais par contre, qu'on ne retrouve pas
00:29:58 dans le système didactique auxiliaire
00:30:00 et donc les élèves sourds n'auront pas accès.
00:30:03 Alors, pourquoi ?
00:30:04 Parce que, comme on l'a expliqué,
00:30:06 le traducteur ne va pas pouvoir traduire
00:30:08 tout ce qui se passe dans le système didactique principal.
00:30:11 Donc, il est obligé de sélectionner en temps réel
00:30:14 les informations qu'il traduit.
00:30:16 La deuxième chose, c'est que, comme Teresa vous le disait,
00:30:19 quand l'enseignant fait, par exemple, des manipulations,
00:30:22 eh bien, les élèves ne peuvent pas regarder ces manipulations
00:30:26 parce qu'ils regardent le traducteur
00:30:27 qui traduit les explications.
00:30:30 Donc, on a des éléments comme ça qui se perdent.
00:30:32 Réciproquement, on s'aperçoit
00:30:34 qu'on a également certains éléments
00:30:36 qui apparaissent dans le système didactique auxiliaire
00:30:39 alors qu'ils n'étaient pas présents
00:30:41 dans le système didactique principal.
00:30:44 Donc, le traducteur amène des objets en plus.
00:30:47 Donc, notamment, on voit qu'à certains moments,
00:30:50 le traducteur commence à s'entendre avec les élèves
00:30:54 sur l'utilisation de tel ou tel signe
00:30:57 pour traduire cette notion.
00:30:58 Donc, ça, c'est quelque chose qui, bien sûr, ne figure pas
00:31:02 dans le système didactique principal.
00:31:04 Ou bien il y a des apartés concernant le français écrit
00:31:07 parce qu'on a vu que les élèves sourds
00:31:09 avaient d'avantages de difficultés sur le français écrit.
00:31:12 Donc, ça non plus, c'était pas nécessaire
00:31:14 pour les élèves ordinaires.
00:31:16 C'est bon.
00:31:17 Donc, en fait, ce qu'on peut voir,
00:31:18 c'est que, finalement, le traducteur
00:31:21 ne traduit pas exactement un énoncé.
00:31:24 Il traduit pas fidèlement ce que l'enseignant dit.
00:31:27 Ce qu'il cherche à traduire, c'est une situation d'enseignement.
00:31:31 C'est-à-dire qu'il traduit uniquement
00:31:33 les éléments qui sont importants
00:31:35 pour que les élèves sourds comprennent
00:31:37 la situation d'enseignement dont il est question.
00:31:40 Et le dernier élément par rapport à la mésogénèse,
00:31:43 c'est qu'en fait, on a pu voir qu'il y avait beaucoup
00:31:45 de transferts depuis le système didactique principal
00:31:49 vers le système didactique auxiliaire.
00:31:51 Mais par contre, il y a très peu de transferts
00:31:53 en sens inverse.
00:31:55 Et notamment, il y a très peu d'interventions
00:31:58 des élèves sourds dans le système didactique principal.
00:32:01 Alors, on en note quand même une durant cette séance
00:32:04 qu'on observe et on en a vu un petit peu
00:32:07 dans d'autres séances,
00:32:08 mais ça reste quelque chose de très rare.
00:32:11 Une autre dimension, ça concerne la chronogénèse
00:32:14 dont la question, c'est de savoir est ce que le temps didactique
00:32:17 avance de la même manière pour tous les élèves
00:32:20 qui soient sourds ou non?
00:32:22 Alors, ce qu'on constate, c'est qu'il y a parfois
00:32:24 certains ralentissements dans le système didactique auxiliaire
00:32:29 parce que le traducteur n'arrive pas à traduire
00:32:31 à la même vitesse.
00:32:32 Parfois, il y a un petit peu de retard qui est pris,
00:32:34 mais on constate aussi parfois certaines accélérations
00:32:38 puisque le traducteur ne traduit pas certaines informations
00:32:41 qu'il juge moins importantes
00:32:44 et que donc, globalement, eh bien, les deux systèmes
00:32:47 sont synchronisés,
00:32:49 c'est-à-dire qu'à la fin de la séance,
00:32:51 les élèves sourds auront rencontré
00:32:54 les mêmes types de tâches, les mêmes techniques
00:32:56 et les mêmes technologies que les élèves ordinaires de la classe.
00:33:00 Et c'est là qu'on voit l'importance de ces moments
00:33:03 où le traducteur se permet de se détacher
00:33:06 du système didactique principal
00:33:08 pour avoir d'autres temps,
00:33:12 pour parler d'autres choses avec les élèves sourds.
00:33:14 C'est ce qu'on a appelé ces bulles de compréhension.
00:33:17 Il apporte d'autres éléments et finalement, grâce à ça,
00:33:20 il parvient à garder les deux systèmes didactiques synchronisés.
00:33:24 Ensuite, la dernière dimension concerne la topogénèse.
00:33:29 Donc, concernant la topogénèse,
00:33:31 donc les rôles et positions que les élèves sourds
00:33:34 prennent durant la séance,
00:33:36 eh bien, on peut constater que c'est finalement à peu près
00:33:40 le même rôle et les mêmes positions
00:33:41 que les élèves ordinaires de la classe.
00:33:44 Donc, on remarque qu'il y a un des deux élèves sourds
00:33:47 qui a une position beaucoup plus haute que l'autre,
00:33:50 qui vraiment s'investit totalement dans la situation
00:33:53 et qui parvient à résoudre complètement le problème
00:33:57 à la fin de la séance,
00:33:58 alors que l'autre élève sourd, par contre,
00:34:00 a beaucoup plus de difficultés à comprendre la situation
00:34:04 et du coup, il va juste amorcer la résolution,
00:34:07 il va pas aller plus loin.
00:34:08 Et finalement, on constate les mêmes écarts
00:34:11 pour les élèves ordinaires de la classe.
00:34:13 Donc, on obtient une situation qui est complètement similaire
00:34:17 entre les élèves sourds et les élèves ordinaires.
00:34:20 Une chose quand même, c'est que toujours sur le plan
00:34:23 de la topogénèse, on constate que comme les élèves sourds
00:34:28 interviennent peu dans le système didactique principal,
00:34:31 on peut se demander s'ils sont vraiment perçus
00:34:34 comme étant des élèves,
00:34:36 s'ils ont vraiment le statut d'élèves
00:34:38 de la part des autres élèves de la classe et de l'enseignant.
00:34:42 Donc, ça, c'est l'impact sur la valeur scolaire.
00:34:45 Et d'après les entretiens qu'on a menés,
00:34:48 on constate que là aussi, ça fonctionne plutôt bien
00:34:51 parce que les autres élèves perçoivent les élèves sourds
00:34:54 comme étant de véritables élèves de la classe.
00:34:58 Alors, finalement, si on essaie de faire une conclusion
00:35:02 concernant cette première étude de cas,
00:35:04 donc on constate que le système didactique auxiliaire interne,
00:35:08 celui qui se déroule dans la classe,
00:35:11 va vraiment apporter aux élèves sourds
00:35:13 les éléments dont ils ont besoin en temps réel
00:35:16 pour suivre le cours donné par l'enseignant ordinaire.
00:35:21 Et on a vu que grâce à ces bulles de compréhension,
00:35:24 ça fonctionne plutôt bien.
00:35:26 Les élèves restent effectivement synchronisés.
00:35:29 Toutefois, on a vu qu'il y avait certains éléments
00:35:31 que le traducteur ne parvenait pas à traduire
00:35:34 en temps réel.
00:35:35 Et c'est là qu'on voit toute l'importance
00:35:37 du deuxième système didactique auxiliaire externe,
00:35:42 puisque dans ces cours qui ont lieu
00:35:44 après le temps de cours ordinaires,
00:35:47 le traducteur va pouvoir revenir sur les points
00:35:50 qu'il n'avait pas pu traduire en temps réel
00:35:52 et il va pouvoir combler les lacunes qui pouvaient y avoir.
00:35:55 Donc, il y a une vraie complémentarité
00:35:57 entre ces deux systèmes didactiques.
00:36:00 Nous lignons quand même qu'il reste certaines difficultés.
00:36:03 On est pas parfait.
00:36:04 On a vu qu'en fait, au cours de cette séance
00:36:07 et même des autres séances qu'on a observées,
00:36:09 il n'y avait pas d'adaptation anticipée.
00:36:11 Donc, par exemple, sur le fonctionnement du vélo,
00:36:14 on aurait pu imaginer une vidéo en langue des signes
00:36:17 présentée aux élèves sourds
00:36:19 pour leur expliquer le fonctionnement du vélo.
00:36:22 Mais c'est quelque chose qui n'avait pas été prévu
00:36:24 ni par l'enseignant ni par le traducteur.
00:36:27 Le deuxième point, c'est qu'on a vu
00:36:29 qu'il y avait de vraies difficultés
00:36:31 pour effectuer les traductions
00:36:32 et qu'il y avait donc certains éléments
00:36:34 qui se perdaient au cours de la séance de classe.
00:36:38 Troisième élément, en fait,
00:36:39 c'est que certains éléments du SDP
00:36:42 demeurent inaccessibles pour les élèves sourds,
00:36:44 donc notamment toutes les manipulations
00:36:46 qui sont faites pendant que le traducteur
00:36:49 donne des explications.
00:36:51 Et enfin, des difficultés pour participer au SDP,
00:36:55 puisqu'on voit que les élèves sourds
00:36:56 participent très peu dans la classe.
00:37:00 Et même lorsqu'on avait vu un travail de groupe
00:37:02 où il y avait d'autres élèves entendants,
00:37:04 les élèves sourds n'avaient pas du tout cherché
00:37:06 à communiquer avec les élèves entendants
00:37:08 et réciproquement.
00:37:10 Donc il y a peu de participation
00:37:12 entre élèves sourds et élèves entendants.
00:37:15 Voilà.
00:37:16 -Alors, nous allons maintenant nous intéresser
00:37:22 au cas d'un élève non voyant,
00:37:25 inclus en classe de 6e.
00:37:27 Ce travail s'inscrit dans des recherches
00:37:31 menées en collaboration avec Catherine Oudeman,
00:37:34 qui trouvent leur origine dans des questions professionnelles
00:37:37 sur l'enseignement des mathématiques
00:37:39 soulevées par des enseignants en formation initiale
00:37:42 ou en formation continue,
00:37:43 notamment dans le cadre de la formation KPI,
00:37:46 au certificat d'aptitude professionnelle
00:37:48 aux pratiques de l'éducation inclusive.
00:37:52 Nos recherches se font dans une double perspective,
00:37:56 celle de compréhension de phénomènes
00:37:58 dans des situations d'enseignement
00:38:00 et d'apprentissage des mathématiques.
00:38:02 Il s'agit pour nous de déceler des obstacles aux apprentissages
00:38:05 et d'identifier des leviers potentiels pour l'enseignement
00:38:09 pour permettre une accessibilité au contenu mathématique
00:38:12 à des élèves à besoins éducatifs particuliers
00:38:14 et plus largement à tout élève.
00:38:17 Et puis une autre perspective
00:38:20 est celle de la formation des enseignants
00:38:22 dans le but d'enrichir leurs pratiques
00:38:25 et leurs connaissances didactiques, mathématiques et pédagogiques.
00:38:29 Nous travaillons avec des enseignants.
00:38:32 Nous allons dans leur classe, pour commencer.
00:38:36 Nous allons observer une séance de classe.
00:38:38 On la filme, on l'enregistre.
00:38:40 On réalise des entretiens juste avant la séance et puis après.
00:38:45 On a, quelques temps plus tard, un entretien d'autoconfrontation
00:38:50 sur des extraits vidéo qu'a choisi l'enseignant
00:38:53 et que choisissent aussi les chercheurs.
00:38:56 Et puis ensuite, on va collaborer avec ces enseignants
00:39:00 dans le cadre d'une formation à des pairs
00:39:02 et ça nous permet d'avoir d'autres données
00:39:04 autour des problèmes, des questions
00:39:06 que se posent les professionnels sur les séances.
00:39:10 Nos analyses sont centrées
00:39:17 sur la dimension sémiotique des apprentissages
00:39:21 en faisant l'hypothèse que les interactions au sein de la classe,
00:39:24 l'activation de différentes ressources sémiotiques,
00:39:27 c'est-à-dire les discours, les gestes, les attitudes,
00:39:30 les actions produites avec du matériel,
00:39:33 tous ces signes sont constitutifs des apprentissages des élèves.
00:39:38 Et nous en ferons alors des interprétations
00:39:40 sur l'état de leur connaissance
00:39:43 par triangulation de nos différentes données
00:39:46 dans le but de dégager une interprétation la plus plausible.
00:39:52 Ce cadre étant posé, j'en viens
00:39:55 aux répercussions du handicap visuel
00:39:57 dans les apprentissages mathématiques,
00:39:59 répercussions recensées dans la littérature.
00:40:03 La déficience visuelle engendre un handicap
00:40:07 dans tout ce qui sollicite en classe la modalité visuelle.
00:40:11 Nous avons l'accès à l'écrit,
00:40:13 les documents que peut donner l'enseignant,
00:40:15 les manuels qu'utilisent les élèves,
00:40:18 les écrits ou tableaux.
00:40:21 Un handicap aussi dans l'accès aux représentations visuelles.
00:40:25 Et on a beaucoup en mathématiques, les figures, les tableaux,
00:40:29 les schémas.
00:40:31 Duval souligne qu'elle donne mieux ces représentations visuelles
00:40:36 à une appréhension synoptique et non successive
00:40:39 que nous procure l'écriture ou la parole.
00:40:43 Et puis enfin, un handicap dans la représentation de l'espace.
00:40:48 Donc un accès aux informations spatiales
00:40:49 qui va être difficile, de coût cognitif important.
00:40:53 C'est la modalité tactile que les élèves vont utiliser,
00:40:57 mais elle ne permet pas cette représentation globale
00:41:00 instantanée que l'on peut avoir des représentations visuelles.
00:41:05 Ca nécessite aussi une exploration lente, fragmentée,
00:41:09 coûteuse en temps et en concentration pour les élèves,
00:41:12 pour construire à partir de cette exploration
00:41:16 une représentation mentale.
00:41:19 Concernant la vitesse de lecture du braille,
00:41:21 on peut remarquer qu'elle est plus lente
00:41:23 que la vitesse de lecture pour les voyants.
00:41:26 Autre modalité utilisée, sollicitée,
00:41:31 c'est la modalité auditive.
00:41:33 Donc on va passer par l'oral.
00:41:36 Ca sollicite l'attention et c'est producteur de fatigue.
00:41:41 Et on peut souligner aussi que les élèves non voyants
00:41:45 n'auront pas accès à tout ce qui est non verbal,
00:41:47 les gestes, les expressions du visage, etc.,
00:41:50 tous ces aspects.
00:41:52 Je vais m'appuyer sur les travaux de Castillon et Collaborateur
00:41:58 pour vous présenter différents modes d'accès au contenu
00:42:02 qu'utilisent les élèves non voyants.
00:42:06 Accès direct ou adapté,
00:42:08 accès via des outils d'assistance ou via un tiers.
00:42:10 Et je les illustrerai à travers mon étude de cas.
00:42:14 Et pour commencer, je vais vous présenter
00:42:17 le dispositif d'aide à l'inclusion
00:42:20 prévu pour l'élève que j'ai observé.
00:42:24 Je vous présente en même temps le cas que j'étudie.
00:42:28 Donc il s'agit des Lois.
00:42:29 Un élève non voyant de naissance qui a 11 ans
00:42:34 et qui est scolarisé en classe de 6e,
00:42:36 classe de 22 élèves,
00:42:38 dans un collège d'une petite ville de milieu rural
00:42:42 qui se situe à 70 km du Centre d'éducation
00:42:46 pour déficients visuels.
00:42:48 Des professionnels de ce centre interviennent
00:42:52 dans l'établissement.
00:42:53 Ils sont notamment venus apporter des informations
00:42:56 au personnel de l'établissement
00:42:59 sur les conséquences de la déficience visuelle,
00:43:01 les adaptations qui pouvaient être mises en place.
00:43:05 On a aussi une enseignante spécialisée du centre
00:43:07 qui vient une à deux heures par semaine
00:43:11 et qui intervient auprès des Lois.
00:43:13 Par exemple, à l'école primaire,
00:43:16 les Lois ont appris à se servir d'un cubaritme.
00:43:18 Je vous mets là la représentation
00:43:20 pour apprendre à faire les opérations posées
00:43:23 avec les chiffres écrits en braille.
00:43:27 A l'école primaire, il a aussi appris à lire le braille.
00:43:30 Et le centre encourage l'élève à se servir du braille.
00:43:36 On va avoir des transcripteurs,
00:43:38 un service de transcription-adaptation
00:43:40 qui va traduire les écrits,
00:43:42 les documents que va donner l'enseignant en braille
00:43:46 pour permettre de lire le braille.
00:43:48 Là, ça concerne un accès adapté
00:43:51 par un transcripteur-adaptateur.
00:43:54 Et pour les représentations,
00:43:56 on a l'utilisation de thermogonflage.
00:43:58 Là, par exemple, on a une représentation
00:44:00 en perspective cavalière d'un cube.
00:44:02 Et l'élève va repérer cette représentation par le toucher
00:44:07 parce que c'est en relief.
00:44:10 Eloa bénéficie enfin...
00:44:13 Ah non, j'oublie le bloc-notes braille.
00:44:16 C'est cet appareil qui lui permet d'écrire en braille
00:44:22 grâce à ces touches ici.
00:44:24 Et on a ici une bande tactile de 32 caractères
00:44:28 qui permet de lire ce qui est écrit en braille.
00:44:32 Et ce bloc-notes braille, il est relié
00:44:33 à un écran d'ordinateur en classe
00:44:36 qui traduit en écriture pour les voyants,
00:44:38 ce qui fait qu'on peut communiquer par écrit,
00:44:42 voir ce que l'élève écrit.
00:44:44 Donc il a appris à s'en servir depuis le CM1
00:44:47 et donc à en disposer de cet appareil en 6e.
00:44:51 Et il bénéficie enfin en classe
00:44:53 de l'aide d'une accompagnante d'élèves
00:44:55 en situation de handicap, AESH,
00:44:58 pendant 26 heures par semaine.
00:45:00 C'est la même personne qui le suit
00:45:02 depuis qu'il est en grande section de maternelle.
00:45:05 Donc elle a pour mission de l'aider
00:45:07 à l'installation matérielle au sein de la classe.
00:45:11 Elle est présente si besoin,
00:45:13 mais sinon, elle se met en retrait dans la classe.
00:45:16 Elle favorise aussi la participation orale des lois
00:45:20 en lui signalant les moments où il peut lever le doigt,
00:45:24 où c'est le moment où il a la possibilité
00:45:26 de prendre la parole.
00:45:28 Et puis elle contribue à l'adaptation
00:45:30 des situations d'apprentissage.
00:45:35 Donc là, on est dans un accès adapté via 1/3.
00:45:38 Alors j'en viens plus précisément à la séance observée.
00:45:44 Elle a eu lieu début janvier 2020.
00:45:47 Je vais m'intéresser au début de la séance de mathématiques.
00:45:53 Les élèves ont eu un entraînement à la course en nombre.
00:45:58 Alors peut-être vous connaissez, c'est un concours mathématique
00:46:03 dans lequel les élèves doivent répondre rapidement
00:46:06 à une trentaine de questions.
00:46:08 Et là, l'entraînement était pour trois minutes,
00:46:11 répondre à 10 questions,
00:46:12 des questions où la réponse va être un nombre qui est donné.
00:46:17 L'épisode qui m'intéresse, c'est passé en deux temps.
00:46:25 Un temps de passation individuelle qui a duré 7 minutes,
00:46:28 donc les consignes plus le test.
00:46:32 Et puis un temps de correction collective au tableau
00:46:35 de ce test, donc immédiatement après.
00:46:38 Là, on voit dans l'organisation spatiale
00:46:41 l'AESH qui était aux côtés des lois
00:46:43 pendant la passation du test.
00:46:45 Et puis la voisine des lois ici
00:46:47 la rejoint après pendant la correction collective.
00:46:51 Donc maintenant, je vais m'intéresser
00:46:53 à l'accessibilité didactique effective
00:46:57 en regardant quels sont les modes d'accès au contenu
00:47:03 réels pour les situations d'enseignement
00:47:06 et puis en dégager après les leviers et les obstacles.
00:47:09 Donc je reviens sur le support,
00:47:13 le document qui était proposé aux élèves,
00:47:16 donc présenté sous forme de tableau.
00:47:20 On a des questions qui sont accompagnées parfois de figures
00:47:23 ou des calculs à réaliser.
00:47:25 Et à chaque fois, pour les élèves,
00:47:27 c'est un nombre qu'il y a à mettre dans la colonne réponse.
00:47:31 Donc ça permet d'aller vite,
00:47:34 de ne pas rédiger des phrases réponse.
00:47:37 Il y a aussi l'avantage, cette présentation synoptique,
00:47:40 de permettre aux élèves de parcourir rapidement,
00:47:43 de voir en un coup d'oeil les questions
00:47:45 et puis de commencer par les questions
00:47:47 où ils pensent répondre plus rapidement
00:47:51 et revenir aux autres.
00:47:52 Donc intérêt pour les voyants.
00:47:56 Alors l'enseignante, au mois de décembre,
00:47:59 début décembre, a envoyé ce document
00:48:01 au transcripteur adaptateur
00:48:04 pour aller vers un accès adapté,
00:48:07 donc transcription en braille de ce document.
00:48:10 C'est cet accès qui est préconisé par le centre.
00:48:13 Ca a l'avantage de permettre une autonomie complète
00:48:16 pour l'élève dans l'accès au document.
00:48:19 Quand on regarde l'adaptation produite,
00:48:24 on peut voir que le tableau a été supprimé,
00:48:27 la forme de présentation.
00:48:29 Ce qui n'est pas du tout gênant pour l'accès au contenu.
00:48:33 Il nous reste de le contenu.
00:48:35 Par contre, on a eu la suppression d'un item, l'item 13.
00:48:40 Et la raison qui a été avancée
00:48:42 était que c'était trop coûteux en temps
00:48:44 d'en faire la transcription
00:48:46 au regard de la durée de l'épreuve,
00:48:48 puisque ce test devait durer 3 minutes.
00:48:51 Ca leur demandait beaucoup de temps
00:48:53 de faire en thermogonflage la figure en relief.
00:48:57 Donc suppression de cet item.
00:49:00 La durée pour transcrire le tout, c'est une demi-heure.
00:49:05 On va voir un ordre d'idée.
00:49:07 D'autres contraintes, ce sont les délais.
00:49:14 L'enseignante nous dit...
00:49:16 On nous dit 15 jours avant qu'il faut remettre le document,
00:49:19 mais vu qu'elle nous apporte les documents tous les 15 jours,
00:49:22 il faudrait presque un mois pour le retour,
00:49:25 parce que le transit des documents
00:49:27 se fait par l'enseignante spécialisée
00:49:29 qui vient dans l'établissement.
00:49:30 Je vous rappelle la distance, 70 km,
00:49:33 ce qui fait qu'on profite de ces occasions
00:49:35 pour envoyer le document et pour le récupérer.
00:49:38 Ce qui fait que le délai de 15 jours est beaucoup plus important.
00:49:42 Et ça, ça provoque...
00:49:46 C'est contrariant, une anticipation contrariante,
00:49:49 nous dit l'enseignante.
00:49:51 Par exemple, quand elle prévoit une évaluation,
00:49:53 pour elle, la prévoir un mois avant,
00:49:56 ce n'est pas possible,
00:49:58 parce que moi, je travaille dans l'instant aussi,
00:50:02 avec les gamins, on avance plus ou moins,
00:50:04 on peut jamais...
00:50:06 On avance comme on peut, en fonction de la classe
00:50:09 et pas en fonction de ce qu'on aimerait.
00:50:11 Donc on voit des obstacles
00:50:14 à cette utilisation de la transcription en braille.
00:50:18 Et à l'EA de cette séance observée,
00:50:23 le support transcrit en braille n'a pas été transmis à temps.
00:50:26 Donc finalement, il n'a pas pu être utilisé.
00:50:29 Et la veille de la séance,
00:50:33 l'enseignante a utilisé une deuxième solution.
00:50:37 Elle a elle-même converti, transcrit ce document
00:50:42 en se disant que l'EA utiliserait son bloc-notes braille.
00:50:46 Donc pour ça, il faut convertir tout en texte.
00:50:51 Et ça a aussi l'intérêt d'une autonomie pour l'élève.
00:50:54 Donc pas de tableau non plus, pas de puce.
00:50:57 On va faire un document numérique épuré.
00:51:02 Et ce document-là a posé beaucoup de questions à l'enseignante
00:51:06 pour les 3 items que je vous présente ici,
00:51:09 où on avait des représentations visuelles.
00:51:11 Donc elle s'est beaucoup questionnée
00:51:15 comment ne pas dénaturer l'activité
00:51:17 en allégeant ou en complexifiant
00:51:19 et puis quelle information sélectionner.
00:51:22 Donc elle nous dit lors de l'entretien,
00:51:25 "J'ai essayé de décrire, mais quand je décris,
00:51:27 "je donne plus d'indices que... Voilà, c'est très compliqué.
00:51:31 "Quand je décris la figure, je donne des indices.
00:51:34 "L'élève ne prendrait peut-être pas les mêmes indices."
00:51:38 Et puis elle nous a dit aussi que le texte
00:51:40 devait être d'une longueur raisonnable
00:51:42 quand on fait la description,
00:51:44 parce que l'épreuve, là, elle est de 3 minutes.
00:51:47 Il ne faut pas la rallonger pour des mesuréments
00:51:49 pour avoir accès à la consigne.
00:51:52 Aléa le jour J sait que l'enseignante a oublié sa clé USB.
00:52:00 Donc moi, à posteriori, je me suis dit,
00:52:05 je vais profiter de l'occasion pour faire une étude comparative.
00:52:09 Et donc...
00:52:14 Finalement, elle a demandé à l'AESH de transmettre,
00:52:18 là, elle n'avait plus le choix de faire autrement,
00:52:21 donc à l'oral, le contenu du document.
00:52:25 Et elle avait imprimé le texte
00:52:30 qu'elle avait fait en document numérique.
00:52:34 Donc elle a donné à l'AESH ce texte,
00:52:37 et puis le support élève.
00:52:39 C'est de ça dont disposait l'AESH.
00:52:44 Pour transmettre.
00:52:45 J'ai mesuré le temps pour transmettre chacun des items.
00:52:51 C'est en secondes.
00:52:53 Et puis le temps qu'a mis Eloi pour répondre.
00:52:56 Il répondait avec son braille sans réponse chiffrée.
00:53:02 Donc le temps le plus long, sans grand étonnement,
00:53:07 ça concerne ces 3 items où on avait une représentation.
00:53:12 L'item 11 a été plus long.
00:53:15 L'AESH a démarré au départ en lisant ce qu'avait écrit l'enseignante,
00:53:20 mais immédiatement, Eloi a dit qu'il n'avait pas compris,
00:53:23 puis elle a dit "c'est trop compliqué, ça".
00:53:25 Je vais dire autrement, elle s'est détachée de son support
00:53:29 de l'enseignante, ce qui fait que, après ce qu'elle a dit,
00:53:32 c'était elle qui l'improvisait au fur et à mesure.
00:53:36 L'item 17 aussi était plus long,
00:53:41 et là, c'est dû au moment où l'enseignante a dit
00:53:44 "fin des 3 minutes",
00:53:45 et moment de perturbation, Eloi n'avait pas fini.
00:53:47 Donc on lui a dit "tu peux avoir une minute de plus".
00:53:51 Et en 4 minutes, ils ont réussi à tout terminer.
00:53:57 Donc ça, ça nous met en évidence le besoin de temps
00:54:02 quand on a la transcription, enfin pas la transcription,
00:54:06 mais une transmission autre que par le document original.
00:54:11 Donc là, je m'intéresse à l'item 13 et ce qu'a dit la ESH.
00:54:17 Donc on voit que...
00:54:19 Elle nous dit la question au départ,
00:54:22 quelle est la fraction de la figure qui est grisée ?
00:54:24 Alors je t'explique, et on peut observer,
00:54:28 elle pointe en même temps une lecture linéaire.
00:54:31 Il y a un triangle, il y a un autre à l'envers,
00:54:34 il y a un triangle gris,
00:54:36 il y a un autre à l'envers, blanc,
00:54:39 un autre normal, gris,
00:54:41 un autre à l'envers, blanc.
00:54:43 Je redescends, il y a deux triangles blancs,
00:54:46 un grisé, encore un blanc.
00:54:49 Donc elle fait des gestes qui accompagnent son discours
00:54:55 pour elle-même, puisque Eloi ne les voit pas.
00:54:58 On voit qu'il n'y a pas d'informations
00:55:00 sur la figure globale,
00:55:03 on ne sait pas le lien entre tous ces triangles.
00:55:08 Des informations inutiles et non conventionnelles
00:55:11 à l'endroit, à l'envers,
00:55:13 qui ont un lien avec, on devine derrière,
00:55:16 une description spatiale,
00:55:18 le triangle en position prototypique.
00:55:21 Mais cette orientation n'est pas utile
00:55:26 pour résoudre le problème.
00:55:28 Une information manquante,
00:55:30 on ne nous dit pas que tous les triangles sont identiques.
00:55:33 Donc après, pour calculer la fraction,
00:55:35 ça va être plus compliqué.
00:55:37 Et puis aussi, l'AESH, après sa description,
00:55:41 va récapituler, va compter.
00:55:43 Elle en trouve 8, mais elle va dire
00:55:45 il y a 8 triangles blancs.
00:55:46 Donc une information erronée.
00:55:49 Et la question à la fin, quelle est la fraction ?
00:55:55 Eloi dit dans quel sens ?
00:55:58 La question est incomplète.
00:56:00 L'AESH dit ça, on s'en fiche.
00:56:04 Mais finalement, Eloi, il a plutôt bien interprété
00:56:08 que c'était le grisé qui nous intéressait
00:56:11 en utilisant les données de l'AESH.
00:56:13 Et donc, il nous écrit sa réponse 3 sur 11.
00:56:17 Donc on voit quelques déformations
00:56:23 dans cet accès bien entier.
00:56:29 Je continue sur l'item 13 en regardant maintenant
00:56:34 l'accès direct, l'enseignante à la classe
00:56:36 au moment de la correction.
00:56:38 Donc on a une interaction entre professeur et la classe.
00:56:42 On observe la figure, on regarde comment elle est faite,
00:56:45 on regarde ce qui est grisé.
00:56:47 La figure, les élèves l'ont sur leur document.
00:56:50 Un élève répond, ça fait 3/8.
00:56:52 3/8, pourquoi ?
00:56:53 Parce qu'il y a 3 triangles grisés sur 8.
00:56:57 Et ensuite, elle présente comment on écrit.
00:57:00 Donc là, l'information visuelle n'est pas explicitée
00:57:05 sur les triangles identiques à l'oral
00:57:07 quand on reprend le problème.
00:57:09 Et j'ai mis là en dessous ce qu'avait écrit l'enseignante
00:57:13 quand elle avait décrit la figure.
00:57:15 Et on peut voir qu'elle l'avait écrit.
00:57:18 8 triangles identiques.
00:57:20 Donc elle a bien conscience que cette information est importante,
00:57:22 elle l'avait donnée.
00:57:23 Mais on voit qu'elle disparaît à l'oral.
00:57:26 Elle disparaît, on peut supposer à l'implicite, ça se voit.
00:57:30 Mais en tout cas, ça ne se dit pas.
00:57:32 Et l'élève n'y a plus accès.
00:57:35 Et puis, deuxième remarque, c'est que la description de la figure
00:57:37 n'a pas été rappelée.
00:57:39 Donc, Eloi est censé se rappeler de la description faite
00:57:42 par l'AESH qui a eu lieu 8 minutes plus tôt.
00:57:46 Et c'est là que je vous disais au départ,
00:57:50 la mémoire est importante,
00:57:52 mais peut-être ce serait une piste pour lui
00:57:54 de rappeler cette description de la figure étudiée.
00:57:59 Alors, que se passe-t-il pendant cet échange prof/classe ?
00:58:05 L'AESH se rend compte qu'il y a un problème.
00:58:09 "Mais pourquoi tu m'as mis 11 ? Qu'est-ce que je t'ai dit, moi ?
00:58:12 Tu m'as dit il y en a 8 blanches et 3 grisées.
00:58:15 Ah, mais je me suis trompée.
00:58:17 En fait, dans les 8, il y en avait...
00:58:19 Ah, il y avait 8 triangles. Ah ouais, OK.
00:58:23 C'est moi qui me suis mal exprimée.
00:58:25 Donc là, zut, c'est pas normal que t'aies faux
00:58:28 parce que c'est moi qui t'ai mal expliquée.
00:58:31 Donc là, on est dans une illustration
00:58:33 d'une désynchronisation entre système didactique,
00:58:37 ce dont vous a parlé Thérésa tout à l'heure,
00:58:40 système principal, système auxiliaire,
00:58:43 où l'élève n'est plus dans la correction de l'activité.
00:58:49 Ca n'a pas posé de problème ici.
00:58:52 Elouah est un élève très performant
00:58:56 et capable de raccrocher après,
00:58:59 mais on peut se poser la question,
00:59:01 pour un élève moins performant,
00:59:02 on a ces instants de désynchronisation.
00:59:08 Alors, quelques éléments pour conclure
00:59:13 cette 2e étude de cas.
00:59:15 Cet extrait analysé m'a donné l'opportunité
00:59:20 de voir une mise en oeuvre de 4 différents modes d'accès
00:59:24 pour un même document et donc de voir les bénéfices
00:59:27 des uns et des autres.
00:59:29 On peut voir que 2 modes d'accès sont pertinents
00:59:32 pour une autonomie de l'élève,
00:59:34 accès adapté en braille ou avec un outil d'assistance,
00:59:40 mais qu'ils ne sont pas toujours fonctionnels,
00:59:43 notamment pour des contraintes de temps,
00:59:46 le temps long pour transcrire,
00:59:47 le temps long pour acheminer le document.
00:59:51 Et on a la nécessité aussi d'une anticipation
00:59:54 qui n'est pas toujours compatible
00:59:57 avec l'organisation pédagogique de la classe.
00:59:59 L'enseignante nous disait aussi
01:00:02 qu'elle ne pouvait plus suivre, cette année-là,
01:00:05 la programmation faite avec ses collègues de 6e en mathématiques
01:00:10 parce qu'à chaque fois, il fallait qu'elle improvise,
01:00:14 qu'elle s'adapte en fonction des documents
01:00:18 qu'elle pouvait avoir ou ne pas avoir.
01:00:21 La conversion de documents en fichiers numériques
01:00:24 peut aussi être coûteuse en temps et en réalisation,
01:00:27 notamment quand il y a des représentations visuelles,
01:00:31 et ça nécessite des connaissances mathématiques
01:00:34 pour pouvoir le faire.
01:00:36 Deuxième série de modes de transmission,
01:00:42 la transmission orale, donc accès via un tiers.
01:00:46 On voit là que la ESH a joué un rôle déterminant
01:00:50 pour permettre une accessibilité au contenu
01:00:52 parce qu'elle a permis de pallier l'absence des documents prévus
01:00:58 en en transmettant le contenu.
01:01:00 On voit que le travail est complexe,
01:01:03 elle adapte en situation, elle n'avait pas pu anticiper,
01:01:07 et donc on voit aussi des erreurs,
01:01:10 en tout cas, on voit la nécessité de connaissances mathématiques
01:01:13 pour pouvoir le faire.
01:01:15 L'intérêt de cette transmission permet un ajustement
01:01:19 de son discours au signe de compréhension
01:01:21 ou de non-compréhension des lois.
01:01:23 Au fur et à mesure, il ne comprend pas,
01:01:25 elle va redire autrement, elle va pouvoir ajuster.
01:01:28 C'est l'intérêt aussi de l'oral.
01:01:30 Notre étude met en évidence aussi la tension particulière
01:01:36 apportée sur la transmission du non-verbal.
01:01:38 Le non-verbal, c'est expliciter les informations visuelles
01:01:43 qui peuvent sembler évidentes quand on les montre,
01:01:47 ça se voit où on le montre,
01:01:49 c'est nécessaire pour l'élève non voyant de les entendre,
01:01:54 et on peut se dire que ça peut être nécessaire aussi
01:01:56 pour tout élève d'entendre ce qui peut rester implicite.
01:02:01 -Bien. Maintenant, après ces deux études de cas,
01:02:07 on va essayer de mener une comparaison
01:02:10 pour essayer de dégager les points communs qu'il y avait
01:02:13 et voir les leviers et les obstacles
01:02:17 qu'on pouvait avoir dans ces deux études de cas.
01:02:20 Alors, tout d'abord, la première chose qu'on remarque
01:02:23 dans ces deux études de cas,
01:02:24 c'est un appui sur différentes modalités
01:02:28 d'accès aux situations et aux interactions en classe.
01:02:32 Par exemple, avec les élèves sourds,
01:02:36 on remarque qu'ils peuvent s'appuyer sur le français écrit,
01:02:39 même si c'est un peu plus difficile d'accès
01:02:42 que pour les élèves ordinaires.
01:02:44 Par contre, ils ne peuvent pas s'appuyer sur l'oral.
01:02:46 Ils peuvent s'appuyer sur les gestes à travers la langue des signes,
01:02:51 même si on a vu que, par contre,
01:02:52 les manipulations de l'enseignant n'étaient pas forcément traduites.
01:02:56 Donc c'est surtout les gestes de la langue des signes.
01:02:58 Et surtout, ils profitent énormément
01:03:01 de tout ce qui concerne les schémas,
01:03:03 tout ce qui est représentation graphique,
01:03:05 tout ce qui est fait appel au visuel,
01:03:07 et bien sûr du matériel de manipulation
01:03:10 qui peut leur être proposé.
01:03:12 -Les élèves non voyants n'ont pas d'accès direct
01:03:15 aux représentations visuelles.
01:03:17 Ils ont un accès au support écrit via le braille,
01:03:20 produit par un transcripteur ou par des outils numériques,
01:03:24 un accès direct aux interventions orales,
01:03:27 mais seulement la partie verbale.
01:03:30 Il leur manque tout le non-verbal
01:03:33 et donc pas d'accès à la dimension corporelle
01:03:36 qui est produite pendant l'expression.
01:03:40 -Un deuxième point commun,
01:03:43 c'est qu'on a pu observer dans ces deux études de cas
01:03:46 les difficultés qui pouvaient apparaître
01:03:48 lors de la conversion
01:03:49 des différentes représentations sémiotiques.
01:03:53 Donc, pour les élèves sourds,
01:03:55 on a vu les difficultés que le traducteur pouvait rencontrer
01:03:58 pour traduire les situations d'enseignement
01:04:02 qui se passaient en classe.
01:04:04 On a pu voir qu'il y avait certaines pertes d'informations
01:04:07 puisque le traducteur n'arrivait pas à tout traduire.
01:04:11 Et certaines difficultés au niveau de la transmission du non-verbal
01:04:14 concernant les manipulations de l'enseignant
01:04:17 qui n'étaient pas décrites par le traducteur.
01:04:20 -Notre étude de cas confirme aussi
01:04:22 que la conversion de représentations visuelles en discours
01:04:25 ne va pas de soi.
01:04:27 Des connaissances mathématiques sont nécessaires
01:04:29 pour sélectionner les propriétés pertinentes
01:04:31 des représentations à communiquer.
01:04:34 Et on peut aussi noter que la conversion
01:04:36 d'une représentation visuelle
01:04:40 en une représentation à explorer par le toucher
01:04:42 ou en une description langagière
01:04:44 entraîne inévitablement une perte d'informations.
01:04:47 C'est l'appréhension globale de la représentation.
01:04:52 -Un 3e point concerne le rythme.
01:04:57 Donc, le rythme qu'on a dans le système didactique principal
01:05:00 et dans les systèmes didactiques auxiliaires
01:05:03 puisqu'on a vu que même si, pour les élèves sourds,
01:05:07 globalement, les deux systèmes didactiques étaient synchronisés,
01:05:10 il y avait quand même des passages
01:05:12 où il y avait des désynchronisations
01:05:14 et puis ensuite, obligation de repasser
01:05:16 par une resynchronisation,
01:05:18 donc avec l'apparition de bulles de compréhension
01:05:21 où le traducteur et les élèves sourds
01:05:25 menaient leurs propres explications
01:05:27 indépendamment de ce qui se passait
01:05:29 dans le système didactique principal.
01:05:32 Et surtout, on a pu observer pour les élèves sourds
01:05:36 que c'était un peu plus long,
01:05:37 que le rythme ne pouvait pas être aussi rapide
01:05:40 que dans le système didactique principal.
01:05:42 Et notamment à ce propos, on a le traducteur
01:05:46 qui, maintenant, après plusieurs années d'expérience,
01:05:49 nous dit que de temps en temps,
01:05:51 il demande à l'enseignant de s'arrêter
01:05:53 parce qu'il a besoin d'un petit peu plus de temps
01:05:57 pour arriver à traduire ce qui s'est passé dans la classe.
01:06:01 Donc, on voit qu'il est vraiment important
01:06:03 de prendre en compte ce rythme
01:06:05 qui est un petit peu différent avec les élèves sourds.
01:06:10 -L'accès au contenu nécessite aussi un temps plus long
01:06:14 pour l'élève non voyant,
01:06:15 quel que soit le mode d'accès,
01:06:18 donc accès adapté à l'écrit ou verbalisé,
01:06:21 ce qui va entraîner des désynchronisations
01:06:24 avec le travail de la classe,
01:06:26 par l'usage du tiers-temps
01:06:28 ou par la nécessité d'explications, d'un énoncé
01:06:32 pendant un temps de correction collectif, par exemple.
01:06:36 -Un autre point concerne l'articulation
01:06:38 de tous ces systèmes didactiques
01:06:41 parce que, finalement, on a vu que pour les élèves sourds,
01:06:44 il y avait quand même 3 systèmes didactiques différents,
01:06:48 un système didactique principal,
01:06:50 un système didactique auxiliaire interne et un externe.
01:06:54 Et on a vu que la complémentarité
01:06:57 entre les 2 systèmes didactiques auxiliaires
01:06:59 était vraiment essentielle
01:07:01 pour apporter aux élèves sourds
01:07:02 tous les éléments dont ils avaient besoin.
01:07:05 On a vu également que c'était quand même difficile
01:07:08 pour les élèves sourds d'intervenir
01:07:11 dans le système didactique principal.
01:07:13 Donc il nous paraît vraiment important
01:07:15 de prendre en compte cette articulation
01:07:18 entre les différents systèmes didactiques.
01:07:20 -On a observé une complémentarité de même type
01:07:25 pour l'élève non voyant.
01:07:27 L'AESH, elle contribue à ce que l'élève participe
01:07:30 au système didactique principal.
01:07:32 Elle lui signale les moments opportuns de prise de parole.
01:07:36 Et elle se place aussi en retrait.
01:07:39 Elle n'est pas toujours à côté de l'élève.
01:07:40 Son positionnement dans la classe est très important
01:07:44 pour laisser à l'élève le plus d'autonomie
01:07:47 et de se sentir dans la classe et d'y participer.
01:07:52 -Dernier point concernant les adaptations.
01:07:54 Donc on a vu qu'elles n'étaient pas si faciles que ça
01:07:56 à mettre en place en pratique.
01:07:59 Concernant les élèves sourds,
01:08:00 on a vu qu'il n'y avait pas d'adaptation anticipée,
01:08:04 faute de temps.
01:08:06 Voilà, donc ce n'est pas prévu.
01:08:08 Et c'est donc le traducteur qui lui-même doit décider
01:08:11 sur le coup de ce qu'il propose aux élèves sourds.
01:08:14 On a vu également que pour le traducteur,
01:08:17 il avait un rôle très délicat
01:08:18 parce qu'il devait sélectionner en temps réel
01:08:21 les informations qu'il allait ou non traduire.
01:08:23 Donc c'est vrai que c'est une position très difficile pour lui.
01:08:27 -La nécessité de prévoir des supports à adapter en braille,
01:08:31 cette prévision nécessite un temps long
01:08:35 qui n'est pas compatible avec un enseignement
01:08:37 qui s'ajuste au fur et à mesure
01:08:38 aux difficultés et réussites des élèves.
01:08:41 Notre étude laisse entrevoir la grande complexité
01:08:44 du travail de l'AESH
01:08:45 et son rôle déterminant pour permettre une accessibilité.
01:08:51 -Le dernier point, c'est que ces réflexions,
01:08:53 finalement, nous amènent à entrevoir des perspectives
01:08:56 concernant la formation.
01:08:57 Alors, quelques exemples de pistes,
01:08:59 c'est qu'on a vu que la multimodalité
01:09:02 était vraiment essentielle pour ces élèves
01:09:04 pour pouvoir accéder au contenu de savoir.
01:09:08 Et ça, ça nous semble un axe important également
01:09:11 à présenter en formation, même pour les enseignants ordinaires,
01:09:14 parce qu'on a des élèves ordinaires
01:09:15 qui ont besoin de cette multimodalité
01:09:17 pour vraiment appréhender correctement la notion.
01:09:20 Et c'est vrai que c'est un point sur lequel, nous,
01:09:23 on insiste avec Teresa
01:09:25 parce que dans la dernière étape de notre recherche,
01:09:28 dans la conception de ressources,
01:09:30 on est en train d'essayer de concevoir des capsules
01:09:33 qui s'appuient énormément sur le visuel
01:09:36 pour les élèves sourds.
01:09:38 Et donc, on utilise schémas,
01:09:40 mais également gestes et français écrit.
01:09:43 Donc, on s'appuie sur ces trois modalités
01:09:45 pour pouvoir transmettre les explications.
01:09:48 -Une autre piste qui nous paraît...
01:09:53 En fait, il me semble juste pour rajouter quelque chose
01:09:57 à ce que disait Karine.
01:09:59 Le travail spécifique de conversion est très important.
01:10:02 Donc, Duval l'a déjà dit,
01:10:04 donc, ça fait très longtemps
01:10:07 que peut-être on ne donne pas assez d'importance
01:10:09 à la prise en charge de ce travail de conversion
01:10:13 et à la réflexion sur ce travail de conversion
01:10:15 dans le cadre de la formation.
01:10:17 L'autre piste que ça nous paraît intéressant,
01:10:21 c'est à réfléchir à la question du rythme.
01:10:24 C'est vrai que cette question, elle est toujours présente.
01:10:27 Qu'est-ce qu'on entend par rythme ?
01:10:29 Nous, on définit un rythme dans la classe
01:10:31 comme le rapport entre le temps didactique
01:10:35 et le capital temps, donc le temps disponible qu'on a
01:10:38 et la valeur qu'on attribue.
01:10:40 Et dans ce cadre-là,
01:10:42 une réflexion autour du rythme nous paraît tout à fait importante
01:10:46 parce que là, on a vu deux exemples
01:10:50 où, en fait, ce qui pose un problème,
01:10:53 c'est cette question du rythme.
01:10:55 Et donc réfléchir à cette question dans le cadre de la formation
01:10:59 nous paraît tout à fait important.
01:11:01 Troisième piste, donc, pour finir.
01:11:03 Ah oui, c'est...
01:11:05 -Dernière piste.
01:11:07 Une perspective pour la formation serait de réfléchir
01:11:11 à l'articulation des différents systèmes didactiques.
01:11:15 On pourrait, par exemple, articuler la formation des enseignants
01:11:18 et celle des AESH.
01:11:20 Mais pour que ce soit possible, il faudrait bien sûr
01:11:22 que les AESH aient un nombre d'heures de formation plus important
01:11:26 et aussi qu'enseignants et AESH
01:11:29 aient des temps de concertation prévus dans leur pratique.
01:11:33 Donc ceci est un rêve.
01:11:35 Ceci est une proposition.
01:11:41 Merci pour votre attention.
01:11:44 (Applaudissements)
01:11:46 -Merci beaucoup à toutes les 3
01:11:55 pour cette conférence très intéressante.
01:11:58 Est-ce que vous avez des questions ?
01:12:00 Alors, on a pris un peu de retard
01:12:01 avec l'ouverture légèrement décalée,
01:12:03 donc on va prendre quand même 10 minutes de questions.
01:12:06 (...)
01:12:16 -Bonjour.
01:12:18 J'interviens comme parent d'un enfant malvoyant,
01:12:23 donc pas aveugle, mais malvoyant.
01:12:25 Alors je rajouterai à ce qui a été dit à la fin
01:12:28 qu'idéalement, il faudrait que tous les enfants
01:12:30 aient effectivement accès à un ou une AESH,
01:12:34 sachant que, par exemple, dans mon cas,
01:12:35 il a le droit à 12 heures et il en a 4,
01:12:37 et qu'il a commencé par ne pas en avoir du tout.
01:12:40 Donc voilà, il faut rappeler
01:12:42 que ce que vous avez exposé, c'est très intéressant,
01:12:44 mais c'est quand même des enfants
01:12:46 qui ont la chance déjà d'avoir le droit à leur dispositif
01:12:48 et qu'on est très, très loin d'avoir ça.
01:12:51 Autre chose, puisque là,
01:12:53 on a plein d'enseignements du primaire,
01:12:54 vous avez la chance de pouvoir...
01:12:57 Enfin, vous êtes votre équipe à vous tout seul,
01:13:00 ou vous êtes à 2 ou à 3,
01:13:02 et donc vous avez cette chance-là
01:13:03 d'avoir une petite équipe autour de vos élèves,
01:13:06 et ça, c'est une force avec des enfants
01:13:08 en situation de handicap.
01:13:10 Au collège, on se retrouve avec une équipe
01:13:12 de 11, 12 enseignants autour de chaque élève,
01:13:16 et ça, c'est très, très dur,
01:13:18 en particulier pour les parents
01:13:19 et pour ceux qui s'occupent des difficultés de ces enfants-là,
01:13:23 d'arriver à mettre en branle une équipe de 11 personnes,
01:13:27 même dans un établissement qui est supposé être
01:13:30 avec un dispositif ULIS,
01:13:34 par exemple, juste pour vous dire
01:13:35 que les choses sont très, très compliquées.
01:13:37 Pour ce qui me concerne, notre enfant était dans un collège
01:13:39 avec une ULIS,
01:13:43 et on a été malheureusement obligés de le retirer
01:13:45 parce que c'était vraiment catastrophique et chaotique.
01:13:48 Et donc, la situation est très, très loin d'être idéale,
01:13:51 on va dire.
01:13:52 -Vous avez décidé de me faire courir ?
01:13:58 Non ?
01:14:02 On a déjà un blessé.
01:14:05 -Oui, juste un petit commentaire.
01:14:07 Effectivement, on est tout à fait conscientes
01:14:10 des difficultés pratiques qu'il peut y avoir.
01:14:13 Bon, ça, c'est un levier sur lequel il est très difficile d'agir,
01:14:17 mais c'est indéniable.
01:14:18 Il y a de nombreuses difficultés d'organisation,
01:14:22 des aides matérielles ou humaines
01:14:25 qui devraient être pourvues et qui ne le sont pas.
01:14:28 -Oui. Alors, bonjour.
01:14:31 J'avais une question concernant ce que vous avez étudié.
01:14:35 Vous avez essentiellement étudié des problèmes de conversion.
01:14:39 Et ma question, c'est, est-ce qu'on pourrait pas étudier
01:14:41 aussi les traitements ?
01:14:43 C'est-à-dire, pour le formuler autrement,
01:14:45 est-ce qu'un élève sourd,
01:14:47 il voit différemment qu'un élève entendant ?
01:14:51 Est-ce qu'un élève aveugle,
01:14:53 il entend différemment qu'un élève qui voit ?
01:14:57 C'est-à-dire, est-ce que dans le handicap,
01:15:00 on pourrait mettre en valeur,
01:15:01 dans le traitement des informations, des choses ?
01:15:04 Et ça, ça m'amène à ma 2e question.
01:15:06 On sait, en ayant étudié des élèves plurilingues,
01:15:10 qu'ils ont une conscience métalinguistique
01:15:13 plus élevée que les autres,
01:15:15 et donc un accès à des concepts linguistiques plus facilité.
01:15:19 Et on sait qu'il y a des mathématiciens aveugles
01:15:21 qui sont justement des spécialistes de géométrie
01:15:24 ou de topologie.
01:15:25 Donc, est-ce que dans l'accès au concept,
01:15:28 vous avez remarqué des singularités
01:15:30 pour ces élèves qui ont des handicaps ?
01:15:33 -En fait, je pense que dans le cas des élèves sourds,
01:15:43 on peut dire que la manière
01:15:46 comment ils ont accès au concept,
01:15:49 va utiliser les modalités qu'eux, ils peuvent mettre en place.
01:15:55 Et c'est le fait de s'appuyer sur ces modalités qui est importante.
01:16:00 Donc, en fait, c'est pas de dire, voilà ce qui te manque,
01:16:02 et tu peux pas accéder parce que tu entends pas,
01:16:05 mais sur quoi, en fait, c'est essayer de mettre l'accent
01:16:09 sur quelles sont les potentialités qu'il a,
01:16:12 donc, en fait, en termes de développement,
01:16:14 peut-être de capacités visuelles,
01:16:18 donc, qui sont très importantes, par exemple,
01:16:22 donc que nous, on n'en a pas.
01:16:24 Et donc, effectivement, se baser
01:16:28 sur les potentialités préservées
01:16:32 pour pouvoir bâtir quelque chose à partir de là.
01:16:35 Je pense qu'on se dit, est-ce que c'est différent des autres ?
01:16:38 Peut-être, oui, c'est différent des autres,
01:16:40 mais en fait, c'est ce sur quoi on peut,
01:16:44 effectivement, faire en sorte qu'il va accéder au concept
01:16:48 comme d'autres vont accéder,
01:16:50 et peut-être, il va avoir plutôt une dimension
01:16:54 qui est plutôt iconique,
01:16:56 donc, en fait, il va utiliser l'aspect iconique
01:17:00 plus que l'aspect, en fait, d'oralité.
01:17:05 Donc, en fait, je pense que c'est plutôt cette question-là
01:17:08 qui est importante.
01:17:09 C'est pas de voir ce qui te manque,
01:17:11 mais c'est sur quoi tu peux t'appuyer
01:17:14 parce qu'en fait, il y a tout un développement
01:17:16 qui a été fait par les personnes,
01:17:19 et qu'en fait, il faut s'appuyer là-dessus.
01:17:22 -Merci à vous 3 pour votre présentation.
01:17:30 Moi, je suis là.
01:17:32 J'ai une question qui concerne la 1re étude de cas.
01:17:37 C'est plutôt une demande de précision.
01:17:40 Quand vous parlez des traducteurs,
01:17:42 vous pointez les difficultés liées à cette traduction
01:17:45 que parfois, elle n'est pas toujours conforme,
01:17:47 et en fait, vous n'utilisez pas le mot "interprétation".
01:17:50 Je voulais savoir si c'était un choix
01:17:52 et si vous pouviez nous l'expliquer.
01:17:54 Merci.
01:17:55 -Effectivement, c'est une question qu'on s'est posée.
01:18:00 Quels termes on utilise pour dessiner ces personnes-là ?
01:18:04 Et on a fait le choix de ne pas utiliser le mot "interprète"
01:18:07 parce que la fonction d'interprète
01:18:10 fait référence à un statut particulier
01:18:12 avec des compétences particulières
01:18:15 que n'ont pas nécessairement les traducteurs
01:18:18 qui interviennent dans ce dispositif.
01:18:20 Donc, c'est vraiment un métier différent
01:18:23 et c'est pour ça qu'on n'a pas opté pour ce terme-là.
01:18:26 Et on a préféré le terme "traducteur"
01:18:28 qui nous paraissait moins connoté.
01:18:31 Voilà, parce qu'en fait, ce sont des personnes
01:18:33 qui peuvent avoir une formation très, très différente,
01:18:36 un niveau en langue des signes très, très différent
01:18:40 et qui n'ont pas, a priori,
01:18:42 les compétences d'un interprète,
01:18:44 mais qui ont d'autres compétences,
01:18:45 mais pas forcément celles d'un interprète.
01:18:48 Alors, oui, voilà.
01:19:03 Alors, ça, c'était effectivement une question qu'on avait aussi,
01:19:06 mais "interprétation", ça faisait référence à un interprète
01:19:10 et puis il y avait l'idée de changer quand même
01:19:14 le texte de départ.
01:19:15 Donc, on a préféré "traduction de la situation d'enseignement"
01:19:19 pour dire que globalement, ils traduisent la situation,
01:19:22 mais qu'ils ne traduisent pas l'énoncé mot-à-mot.
01:19:25 Voilà. Voilà le choix qu'on a fait.
01:19:28 -Oui, je suis là. Bon, merci.
01:19:33 Ma question porte sur...
01:19:35 Dans chacun des 2 cas, vous avez mentionné
01:19:37 que soit l'AESH, soit le traducteur
01:19:39 faisait une forme de sélection.
01:19:41 Est-ce que vous avez étudié comment ils sélectionnaient ?
01:19:45 Quels étaient ses choix ?
01:19:46 Est-ce que vous avez pu échanger avec eux à ce sujet ?
01:19:50 -Oui, je laisse après Edith,
01:19:55 mais dans le cadre de la situation qu'on vous a présentée ici,
01:19:59 donc, en fait, celui qu'on a appelé le traducteur
01:20:03 était le coordonnateur ALIS,
01:20:04 qui était un ancien prof de mathématiques.
01:20:07 Donc, quelque part, en fait, on est dans un cas favorable,
01:20:11 disons, comme ça, parce qu'en fait,
01:20:12 il connaît les enjeux de la situation
01:20:15 et, en fait, il pourrait revenir comme ça.
01:20:18 Ce n'est pas toujours le cas.
01:20:19 Et effectivement, c'est pour ça qu'on se dit
01:20:21 qu'en fonction du rapport économique-mathématique,
01:20:23 donc, en fait, ce qu'on va choisir,
01:20:27 donc, de laisser ou de prendre,
01:20:31 donc, dans ses buts de compréhension,
01:20:33 en fait, ne va pas être la même chose.
01:20:36 En fait, là, effectivement, dans ce collège,
01:20:42 donc, en fait, on avait 4 traducteurs
01:20:45 avec des statuts différents
01:20:47 et avec des rapports aux mathématiques différents
01:20:50 et à la langue des signes aussi différents.
01:20:53 Donc, c'est pour ça que, finalement,
01:20:55 on n'a pas voulu parler d'interprète ces métiers,
01:20:59 mais on a parlé de quelle est la fonction
01:21:01 qu'il assume dans le système didactique.
01:21:04 Et voilà, en fait, c'est pour ça que...
01:21:06 Mais ça dépend, effectivement, de leur rapport.
01:21:10 Et en fait, on a observé, en fait, ou par les entretiens,
01:21:16 donc, en fait, on a vu que ça peut, effectivement,
01:21:21 poser problème, d'accord ?
01:21:23 Comme on a vu le cas avec l'élève aveugle,
01:21:27 donc, avec les informations, là, et sa chaîne de données.
01:21:32 -Ce que j'ai observé, c'est quelque chose
01:21:34 qui n'avait pas été anticipé par la ESH
01:21:37 et dont, dans le quotidien,
01:21:39 elle n'a pas la possibilité d'anticiper à ce niveau
01:21:44 puisqu'elle ne reçoit pas les documents en avance
01:21:47 et elle réagit plutôt face aux imprévus.
01:21:51 Quand j'étudie tout ce qu'elle a transmis,
01:21:55 je peux aussi percevoir qu'elle n'a pas de...
01:22:00 Il y a des connaissances mathématiques
01:22:01 qui lui manquent pour transmettre.
01:22:05 La transmission fonctionne plutôt bien
01:22:08 parce qu'elle agit, c'est une interaction...
01:22:12 En fonction des réactions de l'élève,
01:22:15 elle ajuste son discours en fonction de ce qu'elle voit.
01:22:17 C'est ça qui peut peut-être faire que ça fonctionne.
01:22:22 -OK. Dernière intervention, je vous propose,
01:22:24 si tout le monde est d'accord,
01:22:26 comme ça, on rattrape un petit peu sur l'horaire.
01:22:30 -Merci de prendre ma question.
01:22:32 Bonjour, merci beaucoup.
01:22:34 Ma question porte sur les ressources proposées
01:22:37 à l'élève éloi,
01:22:39 notamment en géométrie, ces ressources thermoformées
01:22:44 qui représentent en 2D un solide.
01:22:48 Et donc, en fait, ça m'interroge beaucoup
01:22:50 parce que c'est un accès à une représentation visuelle
01:22:53 que, de toute façon, il n'a pas
01:22:56 et une interprétation d'une représentation d'un solide.
01:23:01 Donc, déjà, ça m'a interrogée.
01:23:03 Et du coup, au-delà de cette question-là,
01:23:06 je me suis demandé sur la prise d'informations.
01:23:10 Il m'a semblé que c'était toujours dans le même sens,
01:23:13 c'est-à-dire on lui donne toute une série d'informations,
01:23:16 soit avec le thermoformé, soit à travers une description,
01:23:20 alors que, finalement, c'est un accès que lui n'a pas.
01:23:23 Donc, dans sa prise d'informations,
01:23:25 naturellement, sur quelque chose de perceptif visuellement,
01:23:30 il aurait besoin d'un tiers pour pouvoir l'interroger,
01:23:33 lui poser des questions, "Comment sont les triangles ?"
01:23:37 Et ces questions-là, en fait,
01:23:39 est-ce que c'est un aspect qui a été discuté
01:23:41 avec les enseignants sur, finalement,
01:23:43 quelles sont les compétences qu'on cherche à travailler avec lui ?
01:23:47 Et à travers son handicap,
01:23:49 comment est-ce qu'on peut faire autrement
01:23:51 pour lui permettre de, lui aussi, accéder à cette prise d'informations ?
01:23:57 Et 3e question, du coup, un peu en cascade,
01:24:00 c'est l'intérêt que ça aurait aussi
01:24:02 d'impliquer les autres élèves de la classe
01:24:05 dans ce type de dispositif de dialogue avec lui
01:24:09 sur qu'est-ce qu'on lui donne,
01:24:11 comment on répond à ses questions, etc.,
01:24:13 et comment, justement, vivre le handicap dans la classe
01:24:17 et travailler sur l'inclusion.
01:24:20 -Donc, l'accès en géométrie aux objets,
01:24:23 c'est par le toucher,
01:24:24 mais on n'a pas que les représentations
01:24:26 en perspective cavalière.
01:24:27 Pour les solides, c'est les solides en bois matériel.
01:24:31 Donc, c'est aussi ça qui est travaillé,
01:24:33 le lien entre les représentations.
01:24:35 Et je pense que la différence entre le visuel et le toucher,
01:24:40 c'est l'aspect global qui va devoir être reconstruit.
01:24:44 Mais il n'empêche que par le toucher,
01:24:46 on arrive à saisir,
01:24:48 on arrive à saisir les trois côtés du triangle,
01:24:52 à le ressentir.
01:24:54 Donc, c'est un autre moyen d'accès
01:24:57 auquel on n'est pas habitué
01:24:59 et qui pourrait avoir aussi un intérêt
01:25:02 pour les élèves voyants,
01:25:05 une autre perception pour compléter,
01:25:07 pour accéder à ce concept abstrait.
01:25:12 Impliquer les autres élèves dans la description,
01:25:17 j'adhère à cette idée.
01:25:19 C'est des conclusions que j'avais aussi
01:25:22 parce que j'en parlais en disant
01:25:25 ce qui est implicite, ce que l'on montre,
01:25:27 n'est pas toujours vu par les élèves.
01:25:31 On montre en quoi que l'autre voit,
01:25:33 mais en fait, il ne le voit pas forcément.
01:25:35 Et doubler ça par le langage,
01:25:38 en demandant aux autres élèves de dire
01:25:41 ces informations importantes,
01:25:43 là, on le voit quand on entend l'AESH
01:25:46 écrire cette figure,
01:25:48 on voit qu'il lui manque les informations importantes.
01:25:51 Demander ça aux élèves, aux autres élèves,
01:25:53 nous permettrait de voir si eux sont en capacité
01:25:56 de sélectionner les informations importantes
01:25:58 pour répondre à la question posée.
01:26:01 -OK. Merci beaucoup encore à toutes les trois.
01:26:06 (Applaudissements)
01:26:08 (...)