Concert du 8 juillet 2023. Présentation de l'orgue de La Ménitré par M. Henri Franck Beaupérin.
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00:25 L'origine de cet orgue de la Ménitrée se trouve en fait dans l'église Saint-Lô d'Angers
00:31 pour laquelle avait été construit un orgue en 1842 par le facteur d'orgue parisien Hulbert.
00:37 Mais ce n'était pas l'église Saint-Lô qu'on connaît actuellement à côté de la gare,
00:41 mais justement l'ancienne église qui se trouvait à sa place depuis la fin de l'époque gothique
00:48 et qui avait été une des premières églises après la Révolution à se pourvoir à nouveau d'un orgue à Angers.
00:54 Simplement, 20 ans après, on décidait d'abattre cette vénérable église pour la remplacer justement par la grande église gothique que tout le monde connaît.
01:03 Et il y avait donc cet orgue neuf qui ne serait plus adapté à la nouvelle église et qu'il fallait vendre pour faire de l'argent
01:10 et tant que faire se peut pour que ne soit pas perdu cette œuvre d'art.
01:13 La ville de la Ménitrée qui venait d'être fondée s'est donc portée à Quereuse.
01:17 Elle venait elle aussi de construire la grande église où nous nous trouvons actuellement.
01:22 Et l'orgue a été remonté sans modification dans l'église de la Ménitrée en 1869.
01:29 La seule modification, mais ô combien spectaculaire, étant le grand buffet qu'on voit là
01:35 qui est une simple façade sans lien mécanique ou organique avec l'instrument lui-même,
01:44 mais qui donne bien l'idée d'une part de la magnificence de l'instrument qui se trouve derrière
01:51 et puis du désir qu'on avait à la Ménitrée, d'avoir un certain orgueuil du grand orgue tout neuf qu'on venait d'acquérir.
01:59 Cet orgue par la suite ne sera plus jamais modifié.
02:03 Il y a juste une réparation en 1898 par la maison nantaise de Bière
02:08 qui a sans doute modifié trois ou quatre jeux qui semblent d'une manufacture plus industrielle que les jeux de Hulbert ou de Louis Bonne
02:19 et ensuite plus rien pendant un siècle jusqu'à la restauration effectuée en 2007 par les établissements nantais de Nicolas Toussaint.
02:29 Et c'est sans doute ça la très grande chance de cet orgue de la Ménitrée,
02:33 c'est d'avoir pu traverser ainsi les siècles sans aucune modification,
02:38 puisque la restauration de 2007 a été extrêmement scrupuleuse,
02:42 il s'agissait seulement de remettre l'orgue en fonctionnement.
02:45 La seule modification qui a été faite a consisté à ajouter un ventilateur électrique,
02:51 puisque jusqu'à cette époque là, pour jouer l'orgue, il fallait donc pomper par une des pompes manuelles pendant que l'organiste jouait.
03:01 Les claviers de l'orgue sont toujours d'origine depuis 1842.
03:14 C'est la construction à Angers.
03:17 Le clavier est demi, puisque le deuxième clavier n'a pas de basse.
03:23 Le premier clavier est entier et un petit bout de pédalier qui ne fait que tirer les basses du premier clavier.
03:32 Chaque clavier dispose d'un certain nombre de jeux qui lui sont attribués,
03:41 alors que pour le premier clavier, c'est réparti entre jeux graves et jeux aigus,
03:45 avec une coupure au milieu, comme sur les harmoniums,
03:47 et donc on peut supposer qu'à l'époque, c'était le type de répertoire qui y était joué.
03:52 Simplement, ici, pour que ce ne soit pas trop simple,
03:55 ce ne sont pas simplement les jeux de gauche qui font partie de la partie gauche,
04:00 et ce de droite pour la partie droite,
04:02 il y a évidemment quelques inversions, c'est tout à fait amusant,
04:06 et puis quelques jeux qui parlent sur la totalité des claviers,
04:10 et évidemment il n'y a aucune symétrie entre les deux côtés,
04:13 on ne peut pas dire que tel bouton ici correspond à tel autre de la même façon en face,
04:17 si on veut avoir effectivement un jeu continu pour la partie grave et pour la partie aigüe.
04:22 Quant au clavier du haut, qui est donc le clavier de récit,
04:25 il ne comporte que quatre jeux, qui sont pour ainsi dire les plus forts de l'orgue,
04:30 parce que comme les tuyaux sont disposés au-dessus des claviers,
04:35 c'est eux qui portent le plus dans l'église, comme des véritables jeux de solo d'un orchestre d'ailleurs,
04:40 et il y a en particulier une flûte qui est sans doute de Louis de Bière,
04:45 qui est extrêmement séduisante dans l'imitation qu'elle peut donner d'une vraie flûte,
04:53 et qui domine pour ainsi dire la totalité de l'orgue, c'est complètement rare,
04:57 on n'imagine pas un orchestre où l'instrument le plus fort serait une flûte justement.
05:02 Et c'est un petit peu ce genre d'équilibre ou de déséquilibre qui font toute la spécificité et tout le charme de cette orgue de la Minitrie.
05:09 L'avantage de cette orgue, c'est qu'elle est conçue d'une manière relativement fruste,
05:16 notamment parce que toute la console est ouverte pour qu'à travers les vitres du mécanisme,
05:22 on puisse voir l'autel et l'action liturgique.
05:27 Et ça fait également que l'organiste et toute personne qui monte à la tribune voit le fonctionnement même de l'orgue.
05:35 C'est-à-dire des tringles qui, partant de chaque touche du clavier,
05:40 vont ensuite monter dans le mécanisme, repartir et tirer les soupapes qui se trouvent sous les tuyaux.
05:46 Si je joue par exemple cette note-là, on voit que ça pousse ce qu'on appelle le pilote,
05:51 qui se trouve en fond de touche, qui vient à son tour tirer un balancier ici,
05:57 on voit l'ensemble remu, et par une vergette,
06:03 tous des mots très techniques, n'est-ce pas,
06:06 qui est directement liée à la soupape, ça va ouvrir et laisser passer le vent,
06:14 puisque le tuyau se trouve directement placé au-dessus de la soupape.
06:18 Et comme ça, chaque note...
06:22 Il en va de même évidemment pour le premier clavier,
06:29 mais la mécanique est plus complexe, parce qu'il faut donc descendre jusqu'au niveau du sol,
06:34 passer sous le plancher, et ensuite remonter dans le dos de l'organiste,
06:38 jusqu'au niveau des tuyaux qui sont à 2 mètres du sol.
06:42 Donc ça fait une mécanique plus longue, et sans doute aussi sensiblement plus résistante aux doigts.
06:48 D'autant plus qu'on peut accoupler les deux claviers ensemble,
06:52 c'est-à-dire accrocher le double mécanisme,
06:54 de telle sorte qu'on va voir les touches du clavier du haut bouger dès qu'on joue,
07:00 et le clavier du bas, et évidemment l'organiste tire double mécanique,
07:05 donc c'est encore une fois un double poids à assumer.
07:09 Et cette orgue de la Minitré est relativement robuste.
07:13 L'orgue de la Minitré est un des premiers exemples en Maine et Loire,
07:20 et sans doute même dans l'ensemble des pays de la Loire,
07:22 à posséder ce qu'on appelait à l'époque, et ce qu'on appelle toujours, une boîte expressive.
07:26 C'est-à-dire une sorte de grande chambre,
07:29 qui contient la totalité des tuyaux d'un clavier,
07:32 laquelle peut s'ouvrir par des jalousies mobiles, et effectivement faire des nuances.
07:37 Donc ici nous avons une grande bascule,
07:40 avec laquelle l'organiste pèse de tout son pied droit,
07:44 et va garder le pied dessus tant qu'il veut que ça reste ouvert,
07:48 et on peut refermer en quittant la bascule.
07:52 Et évidemment, plus les volets qui sont connectés à cette bascule sont ouverts,
07:59 plus le son qui en sort va paraître plus fort vis-à-vis des auditeurs.
08:06 C'est dans cette grande caisse, qui se trouve derrière, dans le dos de l'organiste,
08:12 et au fond de la tribune plaquée contre le clocher,
08:15 que se trouve toute la tuyauterie du premier clavier,
08:18 qui est l'essentiel de l'orgue à portée d'Angers.
08:22 C'est là-dedans, avec les ajourements grillagés qui permettent justement au son de passer,
08:28 que se trouvent les dix jeux du clavier principal,
08:31 qui offrent la particularité, outre leur parfaite homogénéité,
08:36 puisqu'à part un jeu qui a peut-être été modifié,
08:39 tout est complètement d'origine depuis bientôt 200 ans.
08:43 La seconde particularité étant que les jeux comportent des reprises du grave à l'aigu,
08:51 c'est-à-dire que d'un seul coup, les tuyaux devenant plus petits,
08:55 on fait une rupture et on redescend à l'octave en dessous pour remonter après.
09:00 Ce qui fait que tout l'orgue se maintient dans une tessiture moyenne,
09:05 quelle que soit la note qu'on joue sur le clavier.
09:08 Alors évidemment, un organiste pourrait être tout à fait surpris par un tel dispositif,
09:13 qui est assez unique à un tel point,
09:16 et en fait, quand on joue l'orgue, on se rend compte que tout cela a une sonorité tout à fait homogène,
09:22 qui était sans doute à l'époque conçue pour rééquilibrer les graves et les aigus,
09:26 parce que toujours les tuyaux graves ont tendance à couvrir les petits sons aigus,
09:32 comme dans "Si vous entendez passer une fanfare dans la rue, la grosse caisse couvre les fifres".
09:37 Et donc il fallait compenser ça de façon à ce qu'on puisse jouer une mélodie
09:42 sans que son propre accompagnement la couvre.
09:45 Et alors maintenant, ça se fait avec des pressions ascendantes,
09:49 c'est-à-dire que plus on joue dans l'aigu, plus le vent est fort,
09:53 et avant qu'on ait obtenu de tels raffinements,
09:56 un système consistait justement à faire des reprises,
09:59 de telle sorte qu'on se maintienne en permanence dans une tessiture moyenne,
10:03 et que même les aigus conservent la puissance des jeux graves.
10:09 Et contrairement à ce qu'on pourrait croire,
10:12 les différentes reprises se compensent les unes les autres,
10:16 et on conserve cet effet d'ascendance du clavier,
10:20 qui est amplifié en quelque sorte par les reprises que tel ou tel jeu va faire à tel ou tel enfant.
10:26 L'aspect le plus original de cet ogre de la Minitré est sans doute
10:32 l'absence absolue de connexion qui existe entre la façade qu'on voit d'en bas et l'instrument lui-même.
10:38 Toute la façade date de l'installation par Louis Bonne en 1869,
10:44 et elle est intégralement fausse,
10:47 c'est-à-dire que c'est juste un décor de quelques centimètres de largeur,
10:51 avec l'ensemble de la sculpture en bois,
10:54 et puis les éléments ornés qui sont en carton-pâte,
11:00 les tuyaux qui sont de faux tuyaux, qui ne peuvent donner aucun son, qui sont en zinc,
11:05 et le tout d'en bas vous donne l'impression d'un grand orgue de cathédrale,
11:09 dans la tradition classique tout à fait habituelle,
11:13 sauf que l'orgue qui se trouve largement derrière, lui, n'a aucun rapport avec ça.
11:19 Sans doute que le buffet d'origine n'était pas adapté visuellement à la Minitré,
11:24 ou qu'en arrivant à la Minitré on ait voulu mettre les petits plats dans les grands,
11:28 et mettre vraiment une façade tout à fait monumentale,
11:31 pour masquer un orgue qui à Angers ne l'était sans doute pas,
11:35 mais qui ici, dans cette petite église, prenait d'un seul coup un relief énorme,
11:40 parce qu'il devenait vraiment, à l'échelle de l'église, un très grand orgue.
11:46 (Applaudissements)
11:50 (...)
12:02 (Applaudissements)
12:04 [SILENCE]