• l’année dernière
Le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, a apporté son soutien à la mobilisation des policiers contre le placement en détention provisoire d’un agent de la BAC de Marseille, soupçonné d’avoir commis des violences policières en marge des émeutes. Un soutien qui a suscité l’indignation des magistrats et de plusieurs personnalités politiques.

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Transcription
00:00 – Oui, d'abord rappelez que Frédéric Vaud est un grand fonctionnaire,
00:05 un grand policier et qui a toujours toute sa vie rendu hommage à la justice
00:10 et ce n'est pas des critiques sur sa personne
00:13 parce que c'est quelqu'un qui est respectueux de l'institution judiciaire.
00:16 Ceci étant, les propos ont créé un véritable émoi au sein,
00:21 j'ai envie de dire, de la famille judiciaire,
00:23 j'imagine au sein de la magistrature mais aussi au sein du barreau, pourquoi ?
00:27 Parce que ces gens-là, dans toutes les enquêtes, ont le droit d'être défendus.
00:31 Vous venez d'évoquer le fait qu'il va y avoir un appel,
00:33 probablement sur la décision du juge de la liberté de la détention,
00:35 mais en tout cas il y a des avocats et vous remarquerez que les avocats,
00:38 des uns ou des autres, que ce soit des victimes ou des mises en cause,
00:41 sont très respectueux de l'institution judiciaire.
00:43 On imagine bien que le policier est défendu
00:46 et qu'il a des avocats compétents qui vont le défendre
00:48 et on imagine bien aussi que les parties civiles ou la partie civile
00:51 ont des avocats qui vont, et qui d'ailleurs ne vont pas statuer sur la question de la détention,
00:55 mais qui défendront leurs clients dans le cadre de la partie civile.
00:57 Donc l'institution judiciaire a besoin d'indépendance
00:59 et les droits de la défense, quels qu'ils soient, ils ont besoin d'être préservés.
01:03 Ce qui est étonnant, si vous voulez, dans la position de distinguer entre citoyens,
01:07 c'est-à-dire les policiers qui auraient un droit particulier
01:09 à ne pas aller en détention provisoire,
01:11 et les autres citoyens qui pourraient être traités de manière différente
01:14 et qui pourraient peut-être plus facilement aller en détention provisoire,
01:17 c'est quelque chose de très choquant,
01:19 c'est-à-dire que ça donne le sentiment qu'il peut y avoir une pression
01:22 qui est faite sur la justice.
01:25 Or nous avons besoin, hors émotion,
01:27 et même si on comprend parfaitement la difficulté que rencontrent les policiers
01:31 qui se sentent maltraités, une population qui ne les respecte pas,
01:34 on l'entend très bien, nous autres les avocats,
01:37 mais nous nous disons que la justice doit être rendue de manière sereine,
01:40 de manière indépendante, hors des pressions.
01:43 – Jérôme Gavodan, vous diriez que par ses propos,
01:47 finalement, Frédéric Vaud, le patron de la police nationale,
01:50 a tenté de faire pression sur les magistrats ?
01:53 – Je crois très précisément qu'il n'a pas voulu faire pression,
01:56 qu'il a cherché effectivement à apaiser les tensions,
01:59 mais que ses propos peuvent être objectivement interprétés
02:02 comme faisant pression sur l'institution judiciaire,
02:06 et ça, ce n'est pas admissible,
02:07 d'ailleurs les uns ou les autres s'en emparent pour dire en fait,
02:10 il y a pression, il y a soutien, il n'y a pas soutien.
02:13 Cette affaire-là, ce n'est pas les uns contre les autres,
02:15 c'est des affaires de violence,
02:17 ni vous, ni moi, ni personne autour de cette table,
02:19 dans votre plateau ne connaissant vos dossiers,
02:21 il faut donc être prudent,
02:23 le dossier est accessible aux personnes mises en cause,
02:26 il est accessible aux avocats, il est accessible aux parquets,
02:29 il est accessible aux juges,
02:31 et ces gens-là pourraient travailler en toute indépendance.
02:34 De venir dire qu'il y aurait un droit particulier,
02:36 ou laisser penser effectivement qu'une situation est inadmissible,
02:39 c'est-à-dire qu'il y aura finalement un privilège de juridiction,
02:42 ou un privilège de situation au profit des policiers,
02:45 ça fait effectivement peur.
02:47 Le véritable problème, simplement, en quelques secondes,
02:49 qui moi me paraît le plus important,
02:51 c'est que ça met le projecteur sur la vraie difficulté de ces dossiers-là.
02:54 La vraie difficulté, c'est la détention provisoire.
02:57 Nous avons en France une culture de la détention provisoire,
03:00 et lorsque ça touche un policier, finalement, c'est encore plus avif,
03:03 mais la détention provisoire, ça concerne tout le monde.
03:06 Et d'ailleurs, c'est très intéressant,
03:07 vous venez d'évoquer qu'il n'y a pas de statistiques.
03:09 Pourquoi ? Parce qu'en France, un citoyen,
03:12 quelles que soient ses fonctions, quel que soit son rôle,
03:14 est traité de la même manière.
03:16 C'est le juge qui appréhende que c'est un policier,
03:18 ou que ce n'est pas un policier,
03:19 que c'est un chef d'entreprise, que ce n'est pas un chef d'entreprise,
03:21 que c'est un brigand, que ce n'est pas un brigand.
03:24 Et c'est ça qui fait sa décision.
03:25 Mais le juge, il doit pouvoir, en toute indépendance,
03:28 prendre sa décision sans que des facteurs extérieurs
03:31 puissent lui mettre la pression.
03:33 D'ailleurs, vous voyez comme c'est malsain, le policier fait appel.
03:38 Si la cour d'appel, ça sera trois magistrats,
03:41 donc si la chambre de l'instruction le libère,
03:45 on dira "Ah, mais finalement, c'est les syndicats de police
03:48 qui ont obtenu ça".
03:49 Si on le maintient en détention, on risque de dire
03:51 "Mais finalement, c'est une lutte entre la justice et la police".
03:54 C'est ni ça, ni une situation, ni une autre.
03:58 C'est le cours normal de la justice dans des situations très difficiles,
04:01 des situations dramatiques,
04:03 des situations où, effectivement, il peut y avoir un esprit de corps.

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