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Peimane Ghaleh Marzban, président du tribunal de Bobigny, était mercredi 5 juillet l'invité de la matinale de franceinfo. Il répondait aux questions de Lorrain Sénéchal.

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Transcription
00:00 Le gouvernement en tout cas a promis la fermeté pour mettre un terme aux violences urbaines.
00:04 Emmanuel Macron a redit hier devant plus de 200 maires qu'il voulait maintenir des moyens
00:07 exceptionnels pour garantir l'ordre durablement, notamment dans l'optique du 14 juillet.
00:12 Et le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a transmis au parquet une circulaire.
00:16 Il lui demande de renforcer les comparutions immédiates.
00:20 Bonjour Paimann Gallé-Marsban.
00:21 Bonjour.
00:22 Président du tribunal de Bobigny, c'est le deuxième tribunal de France après Paris.
00:26 Combien de prévenus ont été jugés dans votre tribunal depuis le début des violences ?
00:30 Je peux vous donner deux chiffres.
00:32 Le parquet, le procureur de la République, Éric Mathey, m'a indiqué qu'ils ont géré
00:38 en deux jours près de 300 gardes à vue.
00:41 Et s'agissant des juges, juges des enfants, juges des libertés de la détention, formation
00:47 correctionnelle de comparution immédiate, c'est 120 personnes dont les situations ont
00:52 été examinées, 50 mineurs et 70 majeurs en trois jours.
00:57 C'est beaucoup plus que d'habitude ?
00:58 C'est considérable, c'est quasiment un doublement voire un triplement des situations.
01:03 Et l'enjeu pour l'institution judiciaire, le défi singulièrement pour le tribunal de
01:07 Bobigny, c'est d'assurer dans des conditions normales, respectueuses des principes d'organisation
01:13 judiciaire, un flux important de procédures face à une situation exceptionnelle.
01:19 Est-ce que vous avez justement les moyens de répondre, et notamment à cette injonction
01:23 du garde des Sceaux ?
01:24 Alors le tribunal s'est adapté et a fait face de réactivité, adaptabilité et d'une
01:31 forte mobilisation.
01:33 Réactivité car dès le vendredi, avec le procureur de la République, nous avons estimé
01:37 qu'il était indispensable d'augmenter la capacité, la voilure du tribunal pour assurer
01:43 le flux des procédures.
01:45 Et nous avons donc doublé l'ensemble des moyens magistrats, fonctionnaires, et je
01:52 veux ici rendre hommage à l'ensemble des personnels de la juridiction, magistrats,
01:57 fonctionnaires, mais également la mobilisation du barreau et des autres associations.
02:02 Et nous avons donc créé exceptionnellement une audience de comparution immédiate samedi,
02:07 et l'ensemble des magistrats et fonctionnaires ont été mobilisés tout le week-end, et
02:11 également hier et aujourd'hui.
02:13 Hier soir à 22h, il y avait quatre formations correctionnelles qui continuaient à travailler
02:19 et qui continuaient à juger.
02:20 Il n'y a pas pour autant de justice expéditive ? On a le temps de bien juger les prévenus ?
02:24 Non, il n'y a pas de justice expéditive et le message que je souhaite passer, c'est
02:29 que l'institution judiciaire fonctionne normalement face à une situation exceptionnelle, et les
02:35 citoyens doivent avoir confiance dans l'institution judiciaire, car nous avons la capacité de
02:40 nous adapter avec la mobilisation des magistrats, des greffiers, et je veux aujourd'hui rendre
02:45 hommage au travail considérable qui est réalisé par les greffiers, et nous avons donc la capacité
02:51 de nous adapter pour pouvoir gérer ces situations.
02:54 Quel est le profil des personnes que vous avez eues à juger ces derniers jours ? Il
02:58 y a beaucoup de jeunes ?
02:59 Je crois que ce qui est très frappant, et les juges des enfants me l'ont indiqué, et
03:03 moi-même je m'en suis rendu compte étant de permanence dimanche après-midi, vous avez
03:07 beaucoup de primo-délinquants, beaucoup de personnes qui ne sont pas forcément ancrées
03:12 dans la délinquance, il y avait des étudiants, beaucoup d'enfants mineurs qui sont scolarisés,
03:19 ce qui n'est pas habituel dans l'activité pénale qu'on peut avoir au tribunal de Bovino.
03:24 Vous parlez d'enfants ?
03:25 Oui, enfants, il y avait des enfants très jeunes, de 13 ans, près de 50% qui avaient
03:31 moins de 16 ans, et les juges des enfants ont été très mobilisés, je veux dire ici
03:35 qu'ils ont triplé leur permanence samedi, il y avait trois juges, là où il y en a
03:41 un habituellement, et je veux vraiment leur rendre hommage, parce qu'il faut bien voir
03:45 comment les choses se sont passées, les magistrats, les fonctionnaires se sont mobilisés, se
03:50 sont portés volontaires, car il y a une solidarité à avoir, et je veux associer aussi le barreau,
03:56 et aussi parler des fonctionnaires de police qui travaillent au tribunal.
03:59 La moitié ont moins de 16 ans, est-ce qu'il y a eu des peines de prison ? Est-ce que certains
04:03 sont aujourd'hui en détention ?
04:04 S'agissant des majeurs et des procédures de comparution immédiate, il y a eu des peines
04:10 d'emprisonnement, il y a eu des mandats de dépôt, mais il y a eu aussi des contrôles
04:13 judiciaires, il y a eu des relaxes, il y a eu aussi des procédures qui ont été annulées,
04:17 les juges ont appliqué les principes directeurs du fonctionnement institutionnel, il n'y
04:22 a pas une vision unilatérale des choses.
04:26 S'agissant des mineurs, compte tenu de la matière correctionnelle, c'était des délits
04:32 qu'on leur reprochait et de leur jeune âge, ce sont essentiellement des mesures éducatives
04:36 qui ont pu être prononcées.
04:38 Le gouvernement, le garde des Sceaux notamment, met l'accent sur le rôle des parents.
04:42 Ils sont là, dans la salle d'audience, les parents de ces mineurs, quand ce week-end
04:46 vous étiez dans votre tribunal de Bobigny ?
04:48 Alors les juges des enfants ont témoigné, j'ai discuté avec eux, ils m'ont indiqué
04:53 qu'ils avaient face à eux des mères isolées, des mères en plein désarroi face à des
04:59 enfants qui parfois leur échappent.
05:02 Donc il faut bien avoir en tête que les parents ont bien évidemment une responsabilité civile
05:07 quand leurs enfants commettent des infractions.
05:09 Il peut y avoir des poursuites pénales qui sont engagées par le parquet quand il y a
05:14 un délaissement de mineurs, quand il y a une soustraction volontaire aux obligations
05:18 parentales.
05:19 Et ça a été le cas ce week-end à Bobigny par exemple ?
05:20 Je ne pourrais pas vous dire spécialement s'il y a eu ce type de poursuites, mais je
05:23 crois qu'il faut avoir en tête que dans bien des cas, il faut avoir une assistance
05:29 éducative forte.
05:30 Il y avait des mineurs qui étaient suivis par les juges des enfants en assistance éducative,
05:35 mais pour lesquels les mesures d'assistance éducative n'ont pas pu être mises en œuvre
05:39 car nous avons dans le département une difficulté de recrutement d'éducateurs par le conseil
05:44 départemental.
05:45 Et je crois qu'il faut mettre l'accent aussi, il n'y a pas que la répression, il y a aussi
05:50 la nécessité d'un suffi d'assistance éducative.
05:52 Et je crois que sur ce point il faut avoir des actions fortes.
05:55 Et une toute dernière chose, vous êtes en train de dire qu'il existe déjà une réponse
05:59 pénale qui pourrait viser les parents le cas échéant.
06:01 Est-ce qu'il faut selon vous aller plus loin, comme le réclame par exemple la droite, qui
06:05 voudrait suspendre les allocations familiales le cas échéant ?
06:09 Moi j'aurais une vision technique et de juriste.
06:12 Je crois qu'en la matière il faut faire preuve de pragmatisme et de réalité.
06:17 Il n'y a pas des parents qui seraient systématiquement défaillants.
06:22 Vous avez dans certains cas des parents qui sont en plein désarroi, des mères seules.
06:27 Il faut avoir cela en tête et je crois qu'il faut à la fois pouvoir réprimer et à la
06:31 fois pouvoir aider et accompagner.
06:33 Merci infiniment Emmanuel Gallemarsban, le président du tribunal de Bobigny, deuxième
06:38 plus grande France.
06:39 Invité d'Actu ce matin de France Info.

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