Yazid Kherfi parle de l'importance des médiateurs dans les quartiers l Speech

  • l’année dernière
"La parole est plus forte que la violence"
Yazid Kherfi est médiateur. À bord de son camping-car, il intervient dans les quartiers et crée des espaces de parole pour améliorer les relations entre les jeunes, les adultes et les institutions. Après l'assassinat de Nahel, il revient sur l'importance des médiateurs.
Transcript
00:00 La première chose que me disent les jeunes quand je vais le soir dans les quartiers,
00:03 ils me parlent d'amour.
00:04 Ils me disent de toute façon personne ne nous aime.
00:05 Regardez comment on parle de nous à la télé,
00:07 regardez comment ils parlent des musulmans, des quartiers, des pauvres.
00:09 Que des choses négatives.
00:10 Le métier de médiateur, c'est améliorer les relations entre les uns et les autres.
00:15 Notamment par exemple entre les jeunes, la police, les jeunes, les adultes.
00:19 On met des tables dehors comme une terrasse de café,
00:21 on fait du thé à la menthe, de la musique, des jeux de société
00:23 et on crée des espaces de parole.
00:25 En partant du principe que la parole est plus forte que la violence.
00:27 C'est souvent les mairies qui appellent ou des animateurs, des associations ou des parents.
00:31 Je travaille la nuit parce qu'il y a une demande.
00:32 Quand on regarde les statistiques, c'est souvent la nuit
00:35 qu'il y a le plus de problèmes de toxicomanie,
00:37 problèmes d'alcoolisme, des violences,
00:39 des rapports entre les jeunes et la police.
00:41 Et quand on prend les chiffres également,
00:43 la nuit, à part la police, il n'y a pas beaucoup d'acteurs.
00:45 Quand je parle des acteurs, des animateurs, des médiateurs,
00:46 des adultes bienveillants qui soient sur l'espace public.
00:48 Parce que si nous on n'y va pas,
00:50 il y en a d'autres qui occupent le terrain et qui endoctrinent nos jeunes.
00:53 Moi j'étais pendant 15 ans délinquant,
00:55 j'ai fait en tout 5 années de prison.
00:56 À ma dernière peine de prison, le ministère de l'Intérieur a dit,
00:59 de toute façon il y a Zidkerfi,
01:00 c'est un irrécupérable, il faut le renvoyer en Algérie.
01:03 Parce qu'avant je n'étais que nationalité algérienne,
01:05 pourtant je suis né en France.
01:06 Le maire de Mante-la-Jolie, le maire socialiste Paul Piccard,
01:08 est venu à la barre, il a dit au juste que j'étais un mec intelligent,
01:11 que j'avais des capacités, que je n'étais pas irrécupérable.
01:14 Et à partir de là, il s'est passé un déclic.
01:15 Parce que pour une fois, on a plutôt mis en avant mes qualités que mes défauts.
01:18 Moi dans ma famille, ça n'allait pas très bien.
01:20 Donc quand tu n'es pas bien chez toi, tu as tendance à être dehors.
01:22 J'étais dans la rue, et les seuls qui m'ont tendu les bras dans le quartier,
01:25 c'est les voyous.
01:26 J'aurais bien voulu que ce soit un médiateur, un éducateur ou quelqu'un de bien.
01:29 C'est les voyous qui m'ont tendu les bras, c'est pour ça qu'il faut occuper le terrain.
01:31 Les jeunes qui sont dehors s'ennuient.
01:32 Et les jeunes qui s'ennuient ont tendance à faire des bêtises.
01:34 Quand tu t'ennuies, tu vas rencontrer d'autres jeunes qui s'ennuient,
01:37 et au bout d'un moment, tu peux faire des mauvaises rencontres.
01:39 Les jeunes nous ont dit, ce qui est arrivé à Nahel,
01:41 ça pourrait très bien m'arriver.
01:42 Et c'est ça qui a créé ce sentiment d'émotion, de révolte et de violence collective.
01:47 Je peux comprendre l'émotion par rapport à Nahel et tout ça,
01:49 mais les violences, les pillages derrière, c'est ce qu'on appelle de l'auto-destruction.
01:53 Il faudrait qu'il y ait beaucoup plus de médiateurs.
01:55 On met beaucoup plus de moyens dans la sécurité, dans la police,
01:58 que dans les médiateurs, les animateurs, les éducateurs.
02:00 L'important, c'est de convaincre aussi bien les policiers que les jeunes,
02:03 qu'à un moment donné, on résoudra ces problèmes par le dialogue,
02:06 y compris le dialogue conflictuel.
02:08 En général, quand je discute avec les jeunes,
02:09 ils veulent vraiment discuter avec les policiers,
02:10 mais à condition que les policiers leur disent la vérité.
02:12 Parler du racisme, parler des discriminations,
02:15 parler que parmi les policiers, il y en a qui agissent mal, qui se comportent mal.
02:18 Et ce que demandent les jeunes, c'est qu'à un moment donné, on puisse parler vraiment.
02:20 Pourquoi la fois, vous m'avez frappé ? Pourquoi vous m'avez insulté ?
02:23 Mais que les policiers aussi, à un moment donné, peuvent dire,
02:25 oui, mais on est arrivé dans le quartier, vous nous avez lancé des pierres.
02:27 Chacun peut se dire les vérités.
02:29 C'est pour ça qu'il faut accepter le conflit, créer à un moment donné ce dialogue.
02:32 Mais ça passera par une phase de conflit au départ.
02:34 La violence ne résout rien.
02:36 Quand on choisit la violence, c'est un échec.
02:38 [Sous-titres par Christophe Chassol]
02:42 [Musique]

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