L’absence de sanctions pour les mineurs est-elle la principale cause de la récidive ?

  • l’année dernière
Les Vraies Voix avec Philippe Bilger, Françoise Degois, Michaël Sadoun et Philippe Pichon, commandant honoraire de la Police Nationale, ancien commandant d’unité de la BAC 93 et UMS 93, auteur en 2007 du livre Journal d’un flic publié chez Flammarion.

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##LE_GRAND_DEBAT_DES_VRAIES_VOIX-2023-06-29##
Transcript
00:00 Les vraies voix Sud Radio, le grand débat du jour.
00:03 Une agression violente qui a dû être évidemment ressentie comme telle par cette pauvre dame de 89 ans.
00:08 Les individus sont jeunes, 14 ans, sont connus pour des larcins, ils sont connus pour des recelles de vol.
00:13 Le parquet de Nanterre affirme que Nahel était connu de la justice, notamment pour refus d'obtempérer.
00:19 Être connu chez les police ça veut absolument rien dire.
00:21 Il y a un quasi judiciaire vierge.
00:23 Nous avons des fichiers de police qu'on appelle les fichiers stick,
00:25 où l'otage avec des individus qui sont fichés alors qu'ils n'ont jamais commis d'infraction.
00:28 Dans ce type de quartier, c'est assez rare qu'un jeune n'ait jamais été contrôlé ou n'ait jamais été placé en garde à vue.
00:33 Ce qui est important en matière judiciaire, c'est ce qu'on appelle un casier judiciaire.
00:37 Lorsqu'il n'y a pas de mention au casier, les éléments ne sont pas précis et c'est très compliqué de les mettre en avant.
00:41 Et donc un an de prison avec sursis, obligations de soins, c'est la peine écopée par deux mineurs qui ont frappé en août dernier à Cannes.
00:47 Une octogénaire pour l'avocat de la victime, la sanction n'est pas suffisante.
00:51 Oui, d'autant plus que la vieille dame continue aujourd'hui de souffrir des conséquences de cet acte odieux
00:56 qui avait fait le buzz sur les réseaux sociaux.
00:58 Dans le cas du jeune Nel, une sanction éducative figurait sur son casier judiciaire pour un refus d'obtempérer
01:03 datant de janvier 2022, le week-end précédent de sa mort.
01:06 Il avait été déféré au parc alimentaire pour un nouveau refus d'obtempérer
01:09 et attendait d'être présenté à un juge pour enfants en septembre prochain.
01:12 Alors vous, qu'en pensez-vous ?
01:14 Est-ce que l'ordonnance de 45 qui a été modifiée mais qui n'a pas été particulièrement durcie
01:19 pose problème pour dissuader les jeunes délinquants qui deviennent récidivistes, multirécidivistes,
01:25 réitérants, multiréitérants de recommencer leurs méfaits ?
01:29 Est-ce qu'il faut changer cette loi ?
01:30 Est-ce que pour vous l'absence de sanctions pour les mineurs est la principale cause de récidive ?
01:34 Venez nous donner votre opinion au 0826 300 300.
01:37 Et pour l'instant vous dites que vous êtes à 87% et pour en parler, Philippe Pichon est avec nous.
01:41 Bienvenue. Merci d'être avec nous sur Sud Radio.
01:44 Vous êtes commandant honoraire de la police nationale, ancien commandant d'unité de la BAC 93
01:48 et auteur de ce livre "Journal d'un flic" publié chez Flammarion.
01:52 Avant de revenir avec vous, Philippe Bilger, cette sanction est estimée comme bien en dessous de ce qu'elle devrait être.
01:59 Alors, l'ordonnance de 45, ça n'est pas une nouvelle, n'est plus du tout adaptée à la minorité d'aujourd'hui.
02:07 Deuxième élément, je veux essayer d'être honnête.
02:10 Il est évident que dans l'instant, je trouve la sanction scandaleusement faible.
02:16 Mais j'aurais été face à ces deux mineurs dont j'ai cru comprendre qu'ils avaient moins de... qu'ils avaient 14 ans.
02:25 Il n'est pas sûr que j'aurais requis différemment.
02:28 Je vais dire par là que j'ai le sentiment que cet acte gravissime qui a été commis par eux,
02:35 d'abord du temps a passé et l'indignation malheureusement commence à se déliter.
02:41 Ensuite, c'est une chose de vouloir qu'on les incarcère par une peine lourde,
02:46 mais quand on les voit à 14 ans avec le profil qui est le leur, un an avec sursis,
02:52 ça n'est peut-être pas si dérisoire que ça à partir du moment où s'ils renouvellent,
02:59 on tient compte du sursis et ils repartent en prison avec le sursis révoqué et la nouvelle sanction.
03:05 Donc pardon, je ne fuis pas mes responsabilités, mais je voudrais bien distinguer le sentiment d'humeur que j'ai,
03:13 qui me paraît représenter une réaction instinctive, avec ce que j'aurais peut-être demandé si j'avais été face à François Tulloch.
03:22 - Oui, ça s'entend. Voilà pourquoi j'aime Philippe Bilger, parce qu'il est honnête et qu'il a la justice chevillée au corps,
03:28 en ce sens que la justice n'est pas la vengeance.
03:31 Je me faisais la même réflexion, en moins sophistiqué parce que je ne suis pas juriste,
03:36 de cette idée du grand gap qu'il y a entre l'émotion qu'on peut avoir, parce que cette dame elle a l'âge de ma mère,
03:42 et que je pense que ma mère est un peu plus jeune, mais ça me serait insupportable que ma mère se fasse tabasser.
03:49 Voilà, donc ça nous parle à nous tous, quelque part, l'effet divers, et le fait qu'on a des gamins de 14 ans.
03:55 Et je regrette tellement infiniment, moi vous savez je suis pour l'ordre juste chevillée au corps,
04:00 je regrette tellement qu'on n'ait pas réussi à mettre en place dans ce pays une alternative à la prison pure et dure.
04:06 Ségolène parlait bien sûr d'encadrement militaire, tout le monde avait grimpé au rideau,
04:10 mais cette idée-là, cette idée que passer par la casque prison n'est peut-être pas la meilleure des choses quand on a 14 ans,
04:16 le sursis, je pense que quand même c'est une ombre portée, et pour répondre, mais punir suffisamment.
04:22 Et pour répondre à votre question, moi je crois que la peur du gendarme ne fait absolument rien quand on est ado.
04:27 Je pense qu'il y a un tel sentiment, à un moment donné, d'impunité de toute puissance,
04:32 peut-être que notre ami Philippe Pichon nous dira le contraire, mais je crois qu'au fond, que les mômes risquent trois,
04:37 c'est même peut-être un honneur de se dire "t'in, je vais faire quatre ans de violences, après tout je serai un caïd", je sais pas.
04:43 - Je suis pas loin de penser tout ce qui a été dit, moi je trouve que les principes sur lesquels se base l'ordonnance de 45,
04:50 qui est repris par le code de justice pénale des mineurs, c'est quoi ? C'est atténuation de la responsabilité pénale des mineurs,
04:56 avec un principe de non-discernement qui me semble assez normal jusqu'à un certain âge,
05:00 et primauté de l'éducatif sur le répressif, ce qui me paraît être un principe pas absurde non plus.
05:06 Donc, sachant cela, il faut quand même s'adapter à la délinquance des mineurs, à une violence qui est de plus en plus importante,
05:13 pas seulement chez les mineurs, mais dans la société en général, et essayer de donner un sentiment de justice aussi aux victimes.
05:19 Pour moi, ça doit passer par une solution, c'est de remettre aussi la responsabilité des parents au centre de ce genre d'affaires,
05:26 et que ça se règle entre adultes. Moi, le moment où David Lissnard a répondu immédiatement, en enlevant l'emplacement,
05:33 ça va peut-être faire dissension sur ce plateau, mais en enlevant l'emplacement de marché du père d'un des jeunes hommes qui a agressé cette grand-mère,
05:39 j'avais trouvé ça pas totalement absurde, parce qu'à cet âge, les parents sont encore responsables des enfants.
05:46 - Vous pensez que les parents doivent être responsabilisés lorsque leurs enfants se comportent mal ? Appelez-nous au 0826 300 300.
05:53 - Je rebondis, Philippe Lichon, sur ce que vient de dire Mickaël, de dire la primauté de l'éducatif sur le répressif.
06:01 Mais dans cette sanction, il n'y a pas d'éducatif, en fait.
06:05 - Alors, je vais essayer de faire mien l'adage de Philippe Bilger, de penser contre soi-même.
06:10 La question qui se pose, c'est que les mineurs délinquants, puisqu'on parle de mineurs délinquants, ont besoin d'une décision qui, temporellement, est proche de leur acte.
06:19 Parce que le temps de l'adolescence, c'est ce que vous disiez, et pas le temps de l'âge adulte.
06:23 Mais une fois qu'on a dit ça, je rappelle quand même que le droit des mineurs n'est pas un droit dérogatoire, mais une sorte de particuléralisme du droit pénal.
06:30 Il me semble que le vrai sujet, vous avez parlé de récidive, ce n'est pas tellement la récidive, et je pense que Philippe sera d'accord avec moi, c'est la réitération.
06:39 - Et qu'est-ce que c'est que la récidive ?
06:41 - La récidive, c'est une condamnation pénale définitive et une seconde qui se profile, qui ferait de vous un récidiviste.
06:48 Alors que la réitération, je vais vous donner un exemple 5, la même semaine, un gamin va voler trois voitures, il y aura eu, certes, peut-être un rappel à la loi,
06:58 - C'est la réitération ?
07:00 - Et en réalité, les services de police et peut-être de justice sont noyés sous ces gamins qui sont...
07:06 - Qui réitèrent ?
07:07 - Pardon, non, non, c'est délinquants, ce ne sont pas des gamins.
07:09 - Ah, c'est intéressant.
07:11 - C'est ça le vrai sujet.
07:13 - C'est vraiment bien.
07:15 - Est-ce que c'est le cas de Nahel, par exemple, où on dit que...
07:19 - C'est vous qui dites vous-même qu'il y a 15 occurrences otages, c'est ce que j'entends.
07:27 - Oui, c'est ça.
07:28 - Qu'il n'a jamais été condamné.
07:29 - Alors, c'est ça la réalité.
07:31 - Il devait passer visiblement devant le juge.
07:34 - On ne peut pas inventer le casier judiciaire, je fais vraiment un aparté sur Nahel, ce qu'on entend est odieux.
07:41 - On a inventé un casier, seul compte la mention au casier judiciaire, il a une mention éducative, il a deux refus d'obtempérer.
07:48 - On lui a inventé du multiresidivisme, du narcotrafiquant, et moi quand l'avocat dit évidemment...
07:54 - J'ai entendu 5 refus d'obtempérer.
07:56 - Oui, mais 5, 15, tout ça pour charger la barque, quand bien même il aurait 15 refus d'obtempérer...
08:02 - Ah, c'est pas ça qui est vrai ?
08:04 - Non, mais c'est bien comme vrai.
08:05 - Mais personne n'a dit que c'était un sang.
08:07 - Si, si, il y avait batté par la brise.
08:09 - Excusez-moi de vous le dire, à 17 ans, en vivant en Pablo Picasso, il a un refus d'obtempérer avec une mesure éducative,
08:17 vous ne pouvez absolument pas le dire, comme je l'ai entendu d'un certain nombre...
08:20 - Apparemment il y en a 5, et un refus d'obtempérer, malheureusement ça n'est pas rien et ça met en péril la vie de personne.
08:25 - Écoutez, dans les faits...
08:27 - Ça n'est justificatif de rien du tout.
08:29 - Excusez-moi, est-ce qu'on peut le laisser finir ?
08:32 - Non, mais...
08:33 - Merci, pardon.
08:34 - Je connais, mais vous ne vous en rappelez plus.
08:36 C'est d'où, je pense, qu'on parle bien de réitération et pas de récidive, je pense que vous êtes d'accord ou que Théa est d'accord avec ça.
08:41 Et donc, on ne sait pas traiter ça.
08:43 La preuve, c'est que si ce gamin avait fait...
08:45 Si on avait eu les moyens de bétonner, les moyens de connaître une enquête de personnalité,
08:48 ce qu'on fait la plupart pour les grands...
08:50 Ce qui nous permet, lorsque la réquisition du procureur est possible,
08:53 de le déférer maintenant dans les nouveaux dispositifs, ce qu'on appelle le jugement à délai rapproché,
08:58 de le transmettre, de le transmettre, pardon, de le déférer directement au juge des mineurs,
09:02 je pense qu'on ne serait pas là.
09:04 Je ne justifie en rien l'acte de...
09:07 Bien qu'il y ait des choses à dire, peut-être qu'on aura des choses à dire,
09:10 parce qu'il y a quand même une vidéo qui dit des choses,
09:12 ça me paraît moins simple quand je peux bien dire la mort d'un gamin...
09:16 - Mais ce n'est pas le sujet du jour, c'est sur le sujet du jour.
09:18 Mais je voudrais vous poser une question.
09:20 Il y a certains pays où, pour les mineurs, vous faites un délit,
09:23 le lendemain ou le surlendemain, vous êtes chez le juge,
09:25 il dit par exemple "une semaine de prison" et vous partez directement une semaine en prison.
09:29 - Aux Etats-Unis, beaucoup d'États aux Etats-Unis...
09:31 - On est même en Europe.
09:32 - Non mais je pense aux Etats-Unis, la législation, je pense à l'État de Washington...
09:35 - Est-ce que la solution ne serait pas ça ?
09:38 Parce que, excusez-moi, mais comme vous voyez, les deux gamins, on va me dire, ils ont 14 ans.
09:42 Mais moi à 14 ans, personne n'a l'idée d'aller tabasser une vieille,
09:46 vous me passerez l'expression de 89 ans pour lui piquer son porte-monnaie.
09:49 Est-ce que quelque part, les envoyer une semaine, mais dans une prison,
09:53 avec un encadrement, comme disait Ségolène Royal, militaire, par exemple...
09:57 - Non mais on est d'accord, c'est pas une prison.
09:59 - Un centre d'enfermement encadré et où vraiment on vous remet au carré,
10:03 on vous remet les ongles comme il faut, ce ne serait pas la solution.
10:07 - Je suis d'accord avec ça, mais avant la prison ou avant le centre éducatif fermé,
10:10 il faut une décision de justice.
10:11 Et le problème, c'est que je pense, sous réserve de ce que vous allez dire,
10:16 qu'il faut généraliser la présentation immédiate devant la juridiction de mineurs.
10:19 C'est-à-dire dans un délai très très très court.
10:22 - Mais c'est évident, on a fait l'inverse.
10:24 Je ne suis plus ça de très près, mais la coupure entre la déclaration de culpabilité
10:30 et des mois après la condamnation est une absurdité.
10:34 - J'ai une question à Philippe Pichon, parce que ça me...
10:37 - Vous dites "propre, limite, tout court, il y en a trop".
10:39 - Non, non, j'ai une question qui me paraît...
10:42 Parce que je sais que c'est un gros mot, parce que tout le monde a fait pipi dessus
10:45 sur la police de proximité, mais est-ce que vous n'avez pas le sentiment quand même
10:49 de cette dégradation dans le comportement des mineurs, ce sentiment de toute puissance,
10:53 "je roule au volant de grosse bagnole, je fais le chouffe, je gagne 1000 balles par jour"
10:57 au fond, est-ce que ce sentiment-là n'aurait pas été atténué par le maintien de la police de proximité,
11:04 cette capacité qu'ont les policiers, notamment de la BAC,
11:06 notamment les gens de chez vous, de créer des liens avec la tête un peu dure du quartier,
11:12 d'avoir la capacité... Est-ce que ça c'est le bini oui-oui ou pas ?
11:15 - Alors, la BAC, on avait des liens un peu particuliers qui n'avaient rien à voir avec la police.
11:18 - La Polprox ? - Non.
11:20 - Non, mais ça je sais très bien, mais au fond...
11:22 - Et au fond, l'argument qui peut être donné, c'est que j'ai été en Seine-Saint-Denis
11:26 pendant les années 90, la Polprox existait, on appelait ça l'îlotage à l'époque,
11:30 ça n'a jamais empêché les émeutes urbaines.
11:32 - Ça n'a pas empêché. - On est d'accord avec ça ?
11:34 - Non, non, je sais pas, je vous pose une série de questions, c'est un vrai questionnement.
11:37 - Et que c'est pas l'un ou l'autre, c'est-à-dire que...
11:39 - Non, mais je parle pas des émeutes, mais la dégradation au quotidien,
11:43 la relation entre les policiers, tout ce qui représente l'autorité de l'État,
11:47 et ces ados, est-ce que...
11:49 Il va bien falloir qu'à un moment donné, on fait tous partie du même pays,
11:52 on est tous dans le même bateau, on peut pas imaginer à un moment donné
11:54 qu'on va couper une branche qu'on considère comme malade
11:57 et qu'on va s'en sortir, ça n'existe pas, ça marche pas comme ça à la vie.
12:00 - Je suis d'accord. - Donc, est-ce que...
12:02 - Mais la Polprox, pardon, je vous interromps, a pas été évaluée déjà,
12:05 et les rares évaluations qui ont été locales, ça a été une catastrophe,
12:09 il faudrait quand même le dire. - Ok, bon.
12:11 - Pour les petites infractions, je crois que ça pourrait être valable.
12:15 Mais je rejoins ce qu'a dit Philippe, pour les infractions,
12:18 lorsqu'on a deux jeunes de 14 ans qui agressent,
12:22 ça renvoie à une sorte d'obscurité morale,
12:25 il faudrait savoir qu'est-ce qui passe dans leur tête.
12:29 - Des ados qui agressent des vieux pour leur piquer leur porte-monnaie,
12:32 ça existe depuis la nuit des temps, on peut pas revoir.
12:34 - Excusez-moi, excusez-moi, une question,
12:36 Michael Sadoun, est-ce que le plan Borloo, par exemple,
12:39 qui avait été proposé à Nicolas Sarkozy, aurait pu être...
12:42 - À Macron ! - À Macron, pardon, parce que vous m'avez parlé de ça tout à l'heure.
12:46 À Macron, aurait pu être une solution ?
12:48 - Moi je vous dis très franchement, je pense que ça n'est plus une question de moyens dans ces quartiers,
12:52 je pense qu'il y a eu une débauche de moyens avec des milliards balancés
12:55 avec des plans successifs pendant des années, que ça n'a jamais été une solution.
12:59 Le département le plus pauvre de France, c'est la Creuse,
13:01 on n'a pas les mêmes problèmes de délinquance,
13:03 donc il y a une question certainement de politique de la ville, d'enclavement,
13:06 de bâtiments, qui vous est compris, de densité, évidemment,
13:09 de concentration de même population,
13:11 il y a aussi un problème, désolé, de culture et d'éducation,
13:14 et dans ce cas-là, il faut que l'État revienne dans ses territoires
13:18 et use de la force qu'il a le droit d'utiliser.
13:21 - Allez, 0826-300-300 avec Johan qui nous appelle de Marseille.
13:25 Re-bonsoir Johan. - Re-bonsoir.
13:27 - Bonjour, bonsoir, bonsoir.
13:29 - Allez-y. - J'abandonne un petit peu dans la face de votre intervenant.
13:33 - C'est Pichon. - Monsieur Pichon, voilà, merci.
13:35 Pour moi, d'abord, la première responsabilité, d'abord, c'est les parents.
13:39 Quand vous avez deux gamins de 14 ans qui agressent une dame de 90 ans,
13:45 comment ont été éduqués ces enfants ?
13:48 Qu'est-ce qu'ils ont dans la tête ?
13:50 - Avant de dire comment ils ont été éduqués, est-ce qu'ils ont été éduqués ?
13:54 - C'est comme quand le père porte plainte contre la mairie de Cannes,
13:57 là, on tombe de l'armoire, on se demande, on se dit que sur l'éducation,
14:00 ça a dû coincer un peu, quand même. - Allez-y.
14:02 - Alors, ouais, sur le fait que le père porte plainte, c'est pour d'autres trucs,
14:08 mais effectivement, ça donne une idée un petit peu de comment ces enfants ont pu être éduqués ou pas.
14:14 - Ou pas. - Oui.
14:16 - Dans la prise de conscience des mineurs,
14:21 quand à 14 ans, vous êtes en capacité d'agresser une dame pour lui voler son porte-monnaie,
14:27 je ne pense pas que d'aller passer une semaine dans un centre de rééducation,
14:31 ça va changer beaucoup de choses,
14:33 parce que pour arriver à cet extrême-là, il faut quand même être très très dur dans sa tête.
14:38 - Quel est le lien pour ces enfants ?
14:41 - Laurent, moi, je fais... Yohan, pardon, je fais quand même très attention sur la question de l'éducation,
14:46 objectivement, vous avez des gens très bien qui élèvent des monstres sans s'en rendre compte,
14:50 parce que si on part sur la question de l'éducation, vous avez quand même toute une frange de la classe politique
14:55 qui passe sa vie à nous faire la morale sur l'éducation et la responsabilité des parents,
14:59 et dont les enfants refusent d'obtempérer, sont sniffés de coque et créent des accidents, je pense.
15:04 - Oui, ça existe aussi, mais c'est pas la même chose.
15:09 - On peut pas dire que c'est pas la même chose. Je veux dire par là qu'il y a des gens...
15:14 - Dans un cas, il y a une volonté intentionnelle de faire le mal.
15:17 - Ecoutez, on peut pas dire... L'idée de responsabiliser les parents, je dis faites attention,
15:22 surtout quand tout le monde dit "oui mais moi, j'ai pas aimé mes enfants comme ça".
15:26 - On aimerait bien entendre Philippe Pichon, justement, sur ça.
15:29 - Moi je suis pas là pour vous politiser le débat, mais la réalité, moi j'ai fait 10 ans en Seine-Saint-Denis,
15:34 en 1990-2000, c'est que depuis 40 ans, la défiance des jeunes, pour la plupart quand même,
15:40 issus des générations de la seconde ou de la troisième génération, la règle c'est la défiance,
15:45 et que la réponse pénale est très largement insatisfaite, et que tant qu'il n'y aura pas une réponse
15:50 ferme, mais ferme, je dis pas forcément carcérale, mais une réponse ferme,
15:55 on pourra tourner autour du pot. Je vais vous donner un deuxième exemple si vous permettez.
15:59 On dit souvent, il y avait une expression, un procureur de Seine-Saint-Denis que je citerai pas,
16:03 avait dit un jour "oh bah les noyaux durs de la délinquance en Seine-Saint-Denis c'est 5%".
16:06 D'abord c'était étayé par un rien, et en réalité c'est absolument faux.
16:09 Quand on intervenait dans les quartiers les plus chauds de Seine-Saint-Denis,
16:12 qui ont souvent des noms de poètes, vous avez remarqué ça...
16:15 - Pernod et Rouda, Picasso, N'gaz...
16:17 - Qui n'ont pas lu, mais peu importe, c'est quand même des poètes.
16:20 - Il y a beaucoup de français même, de gens qui ne vivent pas dans les cités,
16:23 qui n'ont pas lu Pernod et Rouda, ça va pas qui sait.
16:26 - N'ébrouille pas forcément des voitures.
16:28 Un, c'est de dire qu'il y a une forme de...
16:32 Le mot de complicité va être fort, mais quand on intervenait,
16:35 le gars, je parle pas de grands trafiquants, je parle bien de petits trafiquants,
16:38 comme ils remplissaient le frigo, la maman ne disait rien,
16:41 le papa ne disait rien, la soeur ne disait rien, le petit frère ne disait rien.
16:45 Je l'ai vécu, on peut me raconter.
16:47 On peut me faire intervenir François Deloteau si on veut,
16:50 c'est plus qu'un échec de l'éducation.
16:53 - C'est un échec de la misère aussi.
16:55 C'est pourquoi les parents m'ont donné,
16:58 en s'en réduisant à ce que ce soit les enfants qui remplissent le frigo,
17:01 non mais c'est un vrai sujet.
17:03 - Que la France soit le pays dans lequel on laisse le plus les gens dans la misère.
17:06 - Je sais que les parents n'ont pas de moralité.
17:09 - Oui, c'est ça aussi.
17:11 - Mais faites attention, c'est un terrain glissant,
17:13 si vous allez avoir un monde qui va déraper,
17:15 vous regretterez absolument tout ce que vous voulez dire.
17:17 - Mais les mondes comme vous dites François,
17:19 ils ont aussi leur propre liberté.
17:21 - Oui mais il y a des phénomènes individuels et il y a des phénomènes aussi de masse.
17:23 On peut percevoir que dans l'immigration récente,
17:26 il y a quand même une plus grande permissibilité
17:28 à ce genre de phénomène que dans les vagues d'immigration
17:30 qui leur ont précédé, qui vivaient dans les mêmes situations de misère et de precarité.
17:33 - Je veux bien tout ce qu'on veut,
17:35 je voudrais quand même qu'on transforme les cités françaises
17:38 en espèces de repères de sauvageons pas éduqués par les parents.
17:41 - Mais personne n'a dit ça.
17:43 - Mais François, vous n'entendez pas en fait.
17:46 Vous parlez déjà d'immigration,
17:48 vous êtes tout à fait permissive à ça,
17:50 et donc de quoi vous parlez à part faire une généralisation ?
17:52 - Je parle du fait qu'il y a 50 ans,
17:54 il y avait des gens qui vivaient exactement dans les mêmes conditions sociales
17:57 et qu'il n'y avait pas les mêmes phénomènes.
17:59 - Vous êtes en train de me dire que vous faites de la généralisation,
18:02 ou vous ne faites que ça ?
18:03 - Non, je ne fais pas de généralisation.
18:05 - Mais si vous voulez aller à l'aise,
18:07 c'est multifactoriel.
18:09 - Merci beaucoup Philippe Pichon d'avoir été avec nous,
18:14 commandant honoraire de la police nationale,
18:16 ancien commandant d'unité de la BAC 93,
18:18 et ce livre que vous pouvez relire,
18:20 "Journal d'un flic" publié chez Flammarion.
18:23 Merci d'avoir été avec nous.
18:25 On fait une petite pause et à suivre un grand moment.
18:30 - Qui sait qui qui l'a dit ?

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