Florence Jouve s'exprime sur RTL après la mise en examen d'un homme de 24 ans suite au décès de sa fille, Tessa, renversée en 2018.

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Transcription
00:00 Il est 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bégaud, vous recevez donc ce matin Florence Jouve.
00:05 - Bonjour Florence Jouve. - Bonjour.
00:08 - Et merci beaucoup d'être en direct avec nous ce matin, vous êtes la maman de Tessa.
00:12 Tu es le 20 décembre 2018 à l'âge de 17 ans.
00:16 Tessa a été fauchée alors qu'elle marchait sur une route de campagne à Saint-Julien-de-Consell en Loire-Atlantique, c'est tout près de Nantes.
00:22 Vous avez vécu, madame, quatre ans et demi sans savoir ce qui était arrivé à votre fille,
00:26 qui l'avait renversée et laissée sur le bas-côté quatre ans et demi jusqu'à cette semaine
00:31 et cet appel lancé sur M6 dans l'émission Appel à témoins présentée par Julien Courbet.
00:36 - Je vous ai adressé de nombreux messages depuis que Tessa est décédée.
00:40 Je comprends que vous n'avez pas voulu provoquer l'accident,
00:44 mais ce soir-là vous avez fait un choix.
00:46 Vous avez fait le choix de ne pas prévenir les secours et vous avez fait le choix de fuir.
00:51 Ce soir, les yeux dans les yeux, j'aimerais vous lancer ce dernier appel.
00:58 Vous nous devez bien ça.
01:00 - Ça, Florence Jouff, c'était lundi, il y a quatre jours seulement et depuis hier,
01:04 vous savez qui a tué votre fille ?
01:07 Un jeune homme de 24 ans est passé aux aveux, il a été mis en examen hier.
01:11 Que s'est-il passé ? C'est l'émission qui a tout fait basculer ?
01:17 - Je pense que l'émission a provoqué beaucoup de réactions.
01:22 Ça a été en tout cas le déclencheur.
01:25 Mais ce n'est pas les témoignages qui ont été donnés lors de l'émission
01:30 qui a provoqué cette garde à vue.
01:33 Il y a eu une personne à qui ce jeune homme s'était confié,
01:38 qui a décidé d'appeler la brigade de recherche de Rosé
01:42 pour les informer de ses confidences.
01:46 - J'ai regardé l'émission lundi soir et en vous écoutant,
01:49 j'avais l'impression que vous saviez qui c'était.
01:52 Est-ce que c'était le cas ?
01:55 - Oui, ça fait trois ans, on va dire, cette intuition de maman,
02:00 ce pressentiment que ça pouvait être ça.
02:05 Et puis des rumeurs assez nombreuses qui se sont intensifiées
02:09 depuis juillet 2022,
02:12 mais sans possibilité d'aboutir.
02:17 Voilà.
02:19 - Une intuition, des rumeurs, mais comment est-ce que vous expliquez, vous,
02:22 que l'enquête n'ait pas permis de remonter plus tôt jusqu'à lui ?
02:26 - Parce qu'il y avait très peu d'éléments
02:31 et que quand ces éléments ne sont pas aussi probants,
02:36 ça nécessitait aux enquêteurs de faire un gros travail de fond.
02:42 Ils en ont parlé lors de l'émission, l'analyse des traces sur le sac à main de Tessa,
02:49 les analyses de cet échantillon d'arbres.
02:54 Mais on n'avait pas plus d'éléments, si ce n'est des traces de véhicules.
02:59 - Vous diriez quoi ? Que l'enquête a été bâclée ?
03:03 - Non, pas du tout.
03:05 Je dirais qu'on a peiné sur le manque de moyens au départ.
03:12 Et puis, c'est arrivé du directeur de l'enquête en juin 2020,
03:19 qui a permis de tout reprendre les éléments.
03:22 Mais ça ne tenait pas à grand-chose.
03:26 Sans ces aveux, on ne pouvait rien faire.
03:31 Je pense que tout a été tenté.
03:35 Et puis, à vrai dire, nous parents, forcément, on vit avec la douleur de ce drame.
03:42 Et forcément qu'à notre niveau, on ne peut pas s'empêcher de penser que ça ne va pas assez vite.
03:50 Dans les premiers mois de son décès, c'était insoutenable.
03:57 C'était insoutenable et c'est incompréhension que ça puisse être possible.
04:03 Mais je ne reviendrai pas sur l'enquête, sincèrement, aujourd'hui.
04:09 Le principal, c'est que les choses soient enfin posées.
04:13 Voilà.
04:15 - Ce que vous vouliez savoir, c'est comment c'est arrivé, ce qu'il est arrivé à Tessa.
04:22 Est-ce que vous savez s'il a expliqué quelque chose aux gendarmes ?
04:27 - Non, pour l'instant, on ne sait rien.
04:30 Et oui, c'était important parce que ce sentiment...
04:33 Enfin, on a quand même tout un chemin et un processus de deuil.
04:38 Et le fait qu'il y ait cette part d'inachevée, c'est compliqué, en fait.
04:48 Parce que même si personnellement on fait le chemin sur ce deuil,
04:56 il y a cette part d'inachevée qui ne nous appartient pas.
04:59 Et puis ces rumeurs constantes qui nous ramènent sans cesse.
05:03 C'est comme si on était attaché à un élastique.
05:06 Et nous, on a beau essayer d'avancer,
05:08 à un moment donné, on est sans cesse ramené à l'événement, encore et encore et encore.
05:13 Et c'est pour ça que je n'ai eu de cesse de lancer ces appels.
05:17 Parce que nous, famille, on avait besoin de réponses,
05:23 pas tant quant à l'identité de la personne,
05:25 mais pour pouvoir achever ce processus de deuil.
05:29 Et ça, ce n'était pas possible tant que cet élément n'était pas posé,
05:34 parce qu'il y a toujours cette sensation d'inachevée.
05:36 Pour nous, mais aussi pour ces amis qui, à 18 ans, restent sans réponse.
05:43 Ce sentiment d'injustice qui est quand même très compliqué à gérer.
05:50 Mais les choses sont posées aujourd'hui et c'est l'essentiel.
05:54 Alors bien sûr, Madame, ça ne vous ramènera jamais votre fille,
05:58 mais est-ce que vous diriez que vous vous sentez un peu apaisée ?
06:02 C'est très particulier comme sentiment.
06:07 Hier, j'étais à la fois en joie et extrêmement triste.
06:12 J'ai tout à fait conscience.
06:14 C'est ce que je n'ai eu de cesse de répéter dans mes appels.
06:18 Je ne suis pas en colère par rapport à cet accident,
06:21 parce que j'ai conscience que la personne ne s'est pas levée le 20 décembre
06:25 en se disant "je vais tuer quelqu'un ce soir".
06:28 Ça ne réparera rien, en fait.
06:33 Les faits sont là et ça n'est plus là.
06:36 Et à la fois, la vie continue, en tout cas je le sais, je le mesure aujourd'hui.
06:41 Donc forcément que j'étais heureuse hier, profondément heureuse,
06:46 un soulagement, ce sentiment que je vais,
06:49 et nous la famille, son papa, moi et aussi nos proches,
06:53 on va pouvoir lâcher prise.
06:55 Ça y est, c'est terminé et à la fois extrêmement triste,
06:59 parce que hier soir, j'ai appris que notamment la soeur de ce jeune homme
07:05 subissait des menaces de mort et c'est ce que je craignais en fait.
07:10 Et je suis une maman qui a perdu un enfant et je pense à ses parents
07:15 et je pense à sa famille qui va subir tout ça.
07:19 Et vraiment hier, j'étais profondément affectée pour ça,
07:23 parce que c'est tout sauf ce que je souhaite en fait.
07:26 Je pense qu'il est grand temps que la page se tourne
07:29 et que tout ça s'apaise en fait.
07:32 Votre témoignage, il est d'une extrême dignité.
07:35 Vous dites "je ne suis pas en colère".
07:37 J'imagine que tous les parents qui nous écoutent se disent
07:40 "s'il m'arrivait ça, je ne serais sans doute pas comme vous l'êtes aujourd'hui".
07:45 Vous attendez, aujourd'hui j'imagine, que ce jeune homme soit jugé.
07:49 Il y aura un procès ?
07:51 Vous redoutez le moment où vous serez face à lui ?
07:54 Je suis extrêmement sereine en fait pour ça,
07:59 mais pour une raison, c'est que je travaille depuis 4 ans et demi
08:03 avec mon psychiatre, le docteur Bardot,
08:07 sans cesse en fait sur cet événement.
08:09 Ça a été des phases, avec des hauts, mais aussi des très bas.
08:15 Et puis, on a quand même un petit garçon,
08:21 Juliane, qui n'a eu de cesse de nous montrer à quel point la vie continue.
08:28 C'est un petit enfant qui est rempli de joie
08:31 et qui fait preuve d'une extrême résilience.
08:34 Vous savez, quand Tessa est décédée, quelques semaines après,
08:39 moi j'étais en profonde dépression, et ce jour-là, c'était un soir,
08:44 il est venu vers moi et il m'a dit
08:47 "maman, je sais que Tessa n'est plus là,
08:50 je ne pourrai pas la remplacer, mais regarde-moi, moi je suis en vie".
08:53 Et je crois qu'en fait, ça a été le départ d'une prise de conscience
08:58 et que j'ai fait tout ce chemin-là.
09:02 Et puis, à quoi ça me servirait en fait, cette colère ?
09:07 Encore une fois, il s'agit d'un accident.
09:13 Et pour ça, je ne peux pas le mettre en défaut,
09:20 plus qu'innoler, parce que je pense qu'il subit déjà la peine depuis 4 ans et demi.
09:24 Il a 24 ans.
09:26 24 ans seulement, et vous parlez de votre petit garçon,
09:29 il avait 7 ans au moment du décès de Tessa.
09:33 Il vous a dit "je suis là".
09:36 Un grand merci Florence.
09:38 On pense à vous, à votre petit garçon, au papa de Tessa également.
09:43 Et je rappelle donc que ce jeune homme de 24 ans a été mis en examen,
09:47 hier soir placé en détention provisoire.
09:50 Il risque jusqu'à 7 ans de prison.
09:52 Merci beaucoup, je remercie aussi Mathieu Lopineau,
09:54 qui a assuré les moyens techniques de cette interview.

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