entrevue avec Jacques Martin (partie 1)

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Transcription
00:00 [Musique]
00:20 Nous sommes en Wallonie, à 25 kilomètres de Bruxelles, dans la commune de Bousval.
00:25 Le dessin-auteur Jacques Martin, à 85 ans, nous reçoit chez lui.
00:29 Souvenons-nous qu'il est le créateur des aventures d'Alix, depuis 1948,
00:34 et de plusieurs autres séries, tirées à plus de 20 millions d'exemplaires
00:38 et traduites en une dizaine de langues.
00:40 [Musique]
00:54 Monsieur Martin! Bonjour! Bonjour!
00:57 Merci de nous accueillir. C'est gentil de venir me voir.
00:59 C'est gentil, comme tout. C'est un beau coin.
01:02 Est-ce que c'est le secret le mieux gardé de Belgique?
01:05 Je ne sais pas, mais c'est un endroit que j'aime beaucoup,
01:07 parce que c'est très calme et très agréable.
01:10 Nous sommes à Bousval. Ça fait longtemps que vous habitez la maison ici?
01:12 Depuis 80... J'ai fait construire la maison en 59-60,
01:17 et j'y habite régulièrement depuis 81 ans.
01:20 Vous faites partie de ces pionniers de ce qu'on appelle l'école franco-belge,
01:24 il faut le dire, parce que vous êtes là depuis longtemps.
01:27 Vous avez formé beaucoup de gens aussi.
01:29 Oui, oui. Je suis rentré en Belgique en 1946, pour trois semaines.
01:33 Je suis resté 35 ans.
01:35 Parlez-moi donc un peu d'Alex et de l'univers que vous avez créé autour du personnage.
01:39 Oui, alors, quand j'avais rencontré Leblanc en 1946, Raymond Leblanc,
01:43 il m'avait dit, "Faites-moi un projet, mais original."
01:46 Et je suis rentré chez moi, et puis j'ai trouvé Alex en un quart d'heure.
01:51 En fait, je l'avais en moi, si vous voulez. C'était quelque chose que j'ai mijoté.
01:55 Comme ça, parce que je trouvais un personnage clé,
01:58 et Alex est venu comme ça, tout seul.
01:59 Pourquoi la thématique historique romaine?
02:01 Parce que j'étais très traversé dans les histoires de l'Antiquité,
02:05 dans l'histoire, j'adorais l'histoire.
02:07 J'achetais beaucoup de livres sur l'histoire, et sur l'époque romaine, entre autres.
02:11 J'avais déjà beaucoup de choses, j'avais lu beaucoup de choses.
02:14 [Musique]
02:25 Alors, c'est un succès immédiat dans le journal Tintin?
02:27 Alors, ça arrive dans le journal Tintin, mais non, c'était très original,
02:29 parce que personne ne faisait des histoires de ce genre à l'époque.
02:32 Même avant, l'Antiquité était quelque chose qui était parfaitement méconnu.
02:36 C'est pour ça aussi, il faut le dire, que vous êtes devenu une référence dans ce type de bande dessinée historique.
02:41 Oui, mais on était très peu nombreux, vous savez, il y en avait 4-5 au journal de Spirou,
02:45 et il y en avait une douzaine au journal de Tintin.
02:47 Je crois qu'on était 15 en tout en Europe à l'époque.
02:49 Maintenant, en Méxique, il y en a plus de 1000.
02:52 Donc, la bande dessinée a un succès fantastique, si vous voulez.
02:57 Elle n'est même pas vraiment victime de son succès.
02:59 [Musique]
03:06 Donc, tranquillement, Alex prend son air d'aller.
03:09 Au début des années 50, vous vous retrouvez aussi avec Roger Leloup,
03:12 le créateur de Yoko Tsuno à Disney, pour Hergé un peu plus tard.
03:16 Non, non, non. Alors, je l'ai pris comme assistant un peu à contre-cœur.
03:20 Il avait 15 ans.
03:21 Lui, il vous donnait un coup de main pour Alex.
03:22 Alors, il m'a donné d'abord un coup de main pour Alex.
03:25 Il a commencé par faire des cadres, des couleurs, il s'est montré tout de suite très bon.
03:29 Et puis, donc, ça se passe en 1951, ça.
03:33 Et deux ans après, Hergé me demande de venir à Bruxelles pour collaborer avec lui.
03:38 J'ai dit d'accord, mais je prends mes deux collaborateurs.
03:40 Il ne les voulait pas.
03:41 Non, non. Je dis, ben, écoutez, je ne bouge pas.
03:45 Alors, il m'a dit, bon, ça va, ça va, je prends les deux, mais bon, c'est pour vous faire plaisir.
03:50 Et en fin de compte, il était heureusement qu'il a pris ses deux collaborateurs qui ont été très efficaces.
03:54 Donc, vous avez tenu tête à Hergé.
03:56 Oui, oui. Il a tenu tête à beaucoup de choses.
03:58 Mais, ça, c'est un autre sujet, ça.
04:01 Mais, comment dirais-je, Roger Leloup a tout de même été le créateur de l'avion Caradas
04:07 de, je ne sais plus combien, le numéro?
04:09 714.
04:10 714. Et Leloup a tout fait.
04:12 Parlons-en des séries. Il y a Alex, il y a Lefranc, il y a d'autres séries qui sont apparues.
04:15 Alors, Lefranc, je l'ai créé en 1952 parce que j'avais été visiter dans les Vosges,
04:21 le col de Buisson, où il y avait encore des V1 désarmés braqués sur Paris.
04:25 Ça m'avait choqué, ça.
04:26 Je me dis, comment, n'importe quel fou n'a qu'à remettre des moteurs en marche,
04:30 mettre une bombe et ça part sur Paris.
04:31 Ben, oui.
04:32 Oui, ben, c'est, je ne raconte pas de blague.
04:34 En revenant en voiture, j'ai inventé le scénario de La Grande Menace,
04:39 que j'ai présenté aux adultes d'un, d'un.
04:40 Alors, on m'a dit, mais pourquoi vous voulez faire ça?
04:42 Et déjà, Jacques Cobb, elle voulait faire une histoire moderne.
04:45 Je dis, mais écoutez, parce que j'ai une, une, laissez-moi faire une.
04:47 Elle me dit, une, ça va.
04:48 Alors, je fais La Grande Menace sans me rendre compte
04:51 parce que les communications n'étaient pas comme maintenant,
04:53 que le succès que ça avait.
04:55 Et puis, quand, après La Grande Menace, en 1953, j'ai présenté l'histoire d'Alex suivante,
05:01 elle m'a dit, pourquoi vous voulez faire Alex? Le Front, ça marche très, très fort.
05:04 J'étais coincé dans mon truc. J'étais piégé.
05:07 Deux succès à jeter.
05:08 J'ai dû, j'ai dû, je ne comptais pas continuer les histoires de Le Front.
05:12 J'ai dû continuer sous la pression du journal.
05:15 Et vous continuez à démarrer de nouvelles séries.
05:25 Il y a Loïs qui vient de sortir.
05:26 Oui, oui, oui, mais je ne les dessine plus.
05:28 Mais enfin, je les ai, comment, embrayées, si vous voulez.
05:30 Et Loïs, c'est une, j'avais longtemps que j'avais envie de faire ça.
05:33 Quand Olivier Pâques est venu me trouver pour essayer de travailler avec moi,
05:37 je lui ai dit, d'accord, voilà, est-ce que ça t'intéresse?
05:39 Il s'est dit, oui, tout à fait.
05:41 Mais le problème, c'est la documentation.
05:43 C'est une époque très riche, très difficile, mais très intéressante.
05:48 Par exemple, pour le château de Versailles, contrairement à ce qu'on peut imaginer,
05:51 ce n'est pas facile d'avoir de la documentation.
05:54 Qu'est-ce que vous croyez que vous léguez à la bande Disney belge de part tout votre travail?
06:00 Je sais que c'est une question un peu...
06:01 Oui, je ne sais pas.
06:02 Mais c'est 50 ans de l'histoire.
06:04 Je crois avoir créé un genre spécial.
06:07 Je suis, je crois, un inventeur, je pense.
06:10 Des histoires dessinées historiques,
06:14 j'étais le premier à traiter l'antiquité, en tout cas, ça ne fait pas longtemps d'autre, ça.
06:19 Et même de mettre à la mode les histoires de l'histoire.
06:26 Est-ce que vous regrettez de plus dessiner comme avant?
06:29 Est-ce que vous vous ennuyez de ça, la planche à dessin, le crayon?
06:32 Oui, beaucoup, beaucoup, beaucoup.
06:33 C'est ce que j'aime le plus.
06:34 C'est ce que j'aime le plus.
06:35 C'est ce que j'aime le plus.
06:36 C'est ce que j'aime le plus.
06:37 C'est ce que j'aime le plus.
06:38 C'est ce que j'aime le plus.
06:39 C'est ce que j'aime le plus.
06:40 C'est ce que j'aime le plus.
06:41 C'est ce que j'aime le plus.
06:42 C'est ce que j'aime le plus.
06:43 C'est ce que j'aime le plus.
06:44 C'est ce que j'aime le plus.
06:45 C'est ce que j'aime le plus.
06:47 Est-ce que vous regrettez de plus dessiner comme avant?
06:50 Est-ce que vous vous ennuyez de ça, la planche à dessin, le crayon?
06:53 Oui, beaucoup, beaucoup, beaucoup.
06:54 C'est ce que j'aime le plus.
06:55 J'ai un problème de vue, comme beaucoup de gens le savent.
06:57 Et je suis très puni, parce que je ne méritais pas ça.
07:01 Mais je ne peux plus dessiner.
07:03 Ou d'une façon, j'ai un appareil ici, un appareil optique qui a grandit très fort,
07:07 mais même ça, ça ne va plus.
07:09 Vous aviez autant de plaisir à la toute fin, vos derniers dessins.
07:12 Ah oui, oui.
07:13 Je suis un des rares dessinateurs qui, après plus de 50 ans de profession,
07:17 aimait toujours dessiner.
07:19 J'avais la rage du dessin.
07:20 Travailler avec cette équipe de collaborateurs, vous en avez combien maintenant?
07:23 24, 25.
07:25 Il faut apprendre à déléguer, à laisser aller le bébé.
07:27 Oui, le problème, c'est de leur apprendre certaines parts du dessin
07:32 qu'ils n'ont pas acquis jeunes.
07:34 C'est eux qui viennent en général me trouver.
07:36 Ce n'est pas tellement moi qui les cherche après.
07:38 Mais tous ceux qui sont venus, il y en a des très bons, des moins bons,
07:43 et des un peu moins bons encore.
07:46 C'est là qu'on réalise que vous êtes à vous seul presque une école,
07:48 un style graphique qui a été établi en Belgique.
07:51 Je pense, je pense, oui, dans ce genre-là.
07:54 J'ai trouvé certaines formules de livres qui marchent bien
07:58 et qui sont très originaux.
08:01 ♪ Piano ♪
08:27 Est-ce qu'ils doivent passer des espèces d'auditions, vos collaborateurs,
08:31 pour aller chercher le style?
08:33 Pour aller chercher quoi?
08:34 Le style.
08:35 Non, non, non, non, non.
08:37 Je leur demande évidemment pour Alex et pour Lefranc d'adapter mon style,
08:40 parce que le lecteur a horreur des changements.
08:42 Il n'y a pas plus conservateur que le lecteur.
08:44 Ça, c'est connu. Ils n'aiment pas les changements.
08:46 Ils ont toujours, si vous voulez, de nouvelles histoires,
08:48 mais dans le même contexte.
08:51 Alors, ce qu'ils n'aiment pas, c'est le dérapage.
08:54 Ça, le lecteur déteste ça.
08:56 Est-ce qu'on va se promener sur votre magnifique terrasse?
08:59 Je vous en prie.
09:00 Allons-y.
09:01 ♪ Piano ♪

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