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00:00 Je m'appelle Andreas Killing, je me sens chez moi dans les derniers mondes sauvages.
00:07 Je me ressource ici, dans ma région de cœur, l'Eiffel.
00:11 L'endroit idéal pour revenir sur 30 ans de documentaires animaliers.
00:15 Avec ma petite équipe, on en a vécu des choses.
00:18 Un été avec mon fils de 9 ans, Eric, au pays des grizzlies, dans les îles aléoutiennes.
00:24 Un éprouvant tournage au plus près des ours polaires, dans le froid du Grand Nord canadien.
00:29 Et une longue marche à travers le sud-ouest de la Chine, à la recherche des pandas géants.
00:36 Depuis 30 ans, je vis des aventures extraordinaires en tant que réalisateur de films animaliers.
00:42 Venez explorer avec moi les derniers mondes sauvages.
00:45 Je me trouve dans l'Eiffel volcanique, au milieu du Poule Vermar.
01:14 Ce cratère mesure 74 mètres de profondeur.
01:17 Et ses os sont peuplés d'énormes brochets, qui sont d'ailleurs délicieux.
01:21 Les grizzlies, eux, préfèrent le saumon.
01:23 Mais au printemps, ce poisson se fait encore rare sur la côte ouest de l'Alaska.
01:28 Alors, en les attendant, les ours jouent les gourmets.
01:34 Si Lake Clark est devenu un parc national, ce n'est pas pour rien.
01:39 C'est vraiment la parfaite carte postale de l'Alaska.
01:43 Et les ours y sont nombreux.
01:46 Pourquoi ? Parce qu'à certaines saisons, ces cours d'eau regorgent de saumon.
01:54 Mais avant qu'il n'arrive, les ours n'ont qu'une solution pour se nourrir.
02:01 Dans cette vasière vit le couteau du Pacifique et d'autres mollusques bourrés de graisse
02:10 et de protéines.
02:11 Le repas idéal pour commencer à reconstituer ses réserves après la longue période de
02:18 repos hivernal.
02:19 Pour dénicher ces mollusques, les ours ont besoin de vastes vasières.
02:28 Le littoral ne doit pas être en pente avec une eau qui devient tout de suite très profonde.
02:36 Non, il faut de grandes étendues avec des eaux peu profondes.
02:40 Quand la marée descend, les vasières se découvrent lentement, ça sèche, et les ours ont la
02:56 possibilité d'y parcourir jusqu'à 2 km pour chercher des mollusques.
03:00 On s'est évidemment posé la question, comment se fait-il que chaque recherche se solde par
03:14 un succès ?
03:15 Rien de plus simple, les couteaux du Pacifique s'aménagent des trous pour respirer.
03:24 Et quand l'eau s'en va et que les vasières s'assèchent, ils continuent à respirer
03:29 par ces trous.
03:30 Les ours se sont dotés d'un flair remarquable.
03:34 Ils marchent dans les vasières, reniflent le trou, savent tout de suite qu'il y a un
03:38 mollusque vivant là-dedans et creusent pour le trouver.
03:42 Voilà pourquoi ils font mouche à tous les coups.
03:44 Normalement, il vaut mieux éviter de fréquenter de trop près les femelles accompagnées de
04:05 leurs petits.
04:06 Mais au cours de mes longues années dans le métier, j'ai eu plusieurs occasions de
04:15 me rendre compte que certaines ours étaient très à l'aise en ma présence, même avec
04:20 leurs oursons.
04:21 Dans le parc national de Lake Clark, il est même arrivé qu'une ours accourt vers nous
04:34 accompagnée de ses oursons.
04:36 Elle était suivie par un mâle de loin.
04:39 Il avait dû repérer les oursons et avait dans l'idée de les pourchausser et de les
04:44 manger.
04:45 Pour un mâle, il y a deux avantages à cela.
04:56 Ça lui permet de faire le plein de viande fraîche et le plus souvent, la femelle est
05:02 à nouveau prête à s'accoupler un peu plus tard dans l'année.
05:04 Là, la femelle voit arriver le grand mâle et fonce vers moi vraiment très vite, comme
05:16 pour dire "aidez-moi, aidez-moi".
05:18 De mon côté, je fais signe à l'ours mâle qu'il est assez près.
05:22 Le vieil ours s'arrête, il n'ose pas avancer davantage parce qu'il a devant lui un humain
05:37 qui n'a pas l'air très amical.
05:39 En clair, les femelles ours sont souvent considérées comme un bouclier naturel.
05:46 Vivre avec des ours, en tout cas d'aussi près, c'est quelque chose que je n'aurais
05:54 jamais pu imaginer quand j'étais plus jeune.
05:57 Dans mes livres, les ours étaient toujours menaçants, sournois, mal intentionnés, grands,
06:03 puissants, de terrifiants mangeurs d'hommes.
06:07 Et puis, au fil de ma carrière de réalisateur, j'ai appris que les ours ne sont rien de
06:13 tout ça.
06:14 Je ne serai plus là pour tourner des films sur les ours si je n'avais pas régulièrement
06:20 essayé de me mettre à leur place pour comprendre leur vraie nature.
06:25 J'ai parcouru le monde entier, parfois 8 à 10 mois par an.
06:44 Mais voilà, tout marin a besoin d'un port d'attache.
06:48 Et le mien, c'est devenu l'Eiffel.
06:51 Je vis ici depuis plus de 40 ans, et plus j'avance en âge, plus je suis tenté de
07:03 regarder dans le rétroviseur, de faire le point sur mes aventures.
07:06 Et quel meilleur endroit pour réfléchir à tout ça que ma tiny house dans laquelle
07:16 j'ai passé tant de nuits, ou sur mon vieux tracteur bulldog que j'ai moi-même restauré
07:21 et avec lequel je pratique encore l'agriculture.
07:23 En 2003, dans les îles Aléoutiennes, mon fils Eric et moi avons vécu une expérience
07:36 qui, heureusement, ne s'est jamais reproduite.
07:38 On va tenter le coup, ça m'a l'air pas mal.
07:49 Tu te souviens, en 2003, je t'avais promis que pour la première fois de ta vie, tu pêcherais
07:55 plus que tu ne pourrais en manger.
07:57 Oui, notre été en Alaska.
07:59 Ça mordait à chaque lancée, ça n'arrêtait pas.
08:02 Tout le contraire d'ici.
08:04 Absolument.
08:05 Ce n'était pas seulement l'expérience qui était incroyable.
08:27 Il y avait aussi les paysages.
08:28 Et puis, surtout, on avait conscience qu'on était sans doute les seuls humains à 500
08:36 kilomètres à la ronde.
08:37 On peut le manger cru.
08:53 Voilà, c'est parfait.
08:57 C'est bon.
09:02 J'y ai vécu pendant des années et je connaissais bien les différentes ours.
09:14 Ça nous a parfois rendu service.
09:16 Tu as même dit quelques fois qu'ils étaient tes amis.
09:20 Moi, je te répétais tout le temps que les ours ne seront jamais les amis des humains.
09:23 Tu te souviens de l'ours qui a voulu me piquer mon saumon ? C'était aussi dans un cratère
09:45 volcanique où j'avais énormément pêché.
09:47 Oui, bien sûr.
09:50 Ça, je n'oublierai jamais.
09:52 Quand j'y repense aujourd'hui, ça m'a valu pas mal de critique.
09:57 Oui, ça aurait pu mal finir.
10:00 Tu as très bien réagi.
10:13 Tu avais cette sorte d'assurance enfantine.
10:17 Je ne sais pas comment tu ressens ça aujourd'hui.
10:21 Est-ce que tu le referais ?
10:24 Pour moi, c'était une grande aventure qui m'a beaucoup marqué.
10:27 Et bien sûr, avec toi, je le referais n'importe quand.
10:31 Les gens me demandent tout le temps si j'ai eu peur.
11:00 Mais non, tant que mon père n'a pas peur, moi non plus.
11:05 Je n'ai pas eu peur à l'époque, mais aujourd'hui, je serais un peu…
11:10 En tout cas, si tu as eu peur, tu ne l'as pas montré, ou alors je ne l'ai pas perçu.
11:14 On était vraiment au cœur de la nature sauvage.
11:28 On était dans le labyrinthe des grizzlies.
11:31 C'était vraiment génial.
11:34 Dans ces moments-là, on atteint les limites de notre mode de vie.
11:38 On n'a plus notre airbag pour nous protéger.
11:41 On avait un téléphone satellite, mais c'était notre seul lien avec le monde extérieur.
11:47 Autrement, on était isolés pendant des mois.
11:50 Forcément, on pense différemment.
11:52 Tu l'as vécu.
11:53 On agit différemment aussi.
11:55 Ça ne veut pas dire qu'on devient plus inconscient, mais on est dans la nature.
11:59 On vit de la nature et avec elle.
12:01 Il est gros, dis donc.
12:03 Pas mal.
12:08 À la fin, au bout des quatre mois, il ne voulait plus rentrer.
12:15 C'est pour ça que je n'oublierai jamais cet été.
12:19 D'abord parce qu'il nous a incroyablement rapprochés.
12:23 De mon point de vue, c'était une très grande aventure père-fils, telle qu'on ne peut pas
12:28 en revivre d'autres.
12:29 Ça n'arrive qu'une fois dans une vie.
12:31 On ne peut pas le refaire.
12:32 Ici, c'est très sympa aussi.
12:35 J'en profite à fond avec toi.
12:39 Moi aussi, même si les poissons ne veulent pas mordre aujourd'hui.
12:42 J'ai parfois été critiqué au sujet de cette expédition.
12:48 On m'a traité de mauvais père.
12:51 Comment peut-on imposer ça à un enfant de 9 ans ?
12:55 Je me suis dit que tu en étais capable.
12:59 Et au préalable, on a effectué quelques tests.
13:02 On a longuement parcouru le Rhin en canoë.
13:05 On ne s'est pas jeté dans l'eau glacée tout de suite.
13:10 On s'est longuement préparé à ce voyage tous les deux.
13:22 Directement et indirectement.
13:24 Ça, c'est vrai.
13:25 Tu avais quel âge ?
13:32 Quand je t'ai demandé de partir avec toi la première fois, j'avais 6 ans.
13:36 Je t'ai dit "Papa, est-ce que j'aurai le droit de t'accompagner ?"
13:40 Et tu m'as répondu "Tu dois attendre encore quelques années.
13:43 Parce que je ne veux pas t'emmener skier et te faire dormir sous la tente par des
13:46 températures de -40.
13:48 Tu dois être plus solide."
13:50 Et j'ai dit "D'accord."
13:53 Quand j'ai eu 9 ans, tu m'as fait comprendre que c'était envisageable.
13:59 On est partis ensemble en Alaska avec le voilier.
14:04 On a eu le ségel.
14:13 En fait, j'ai dormi pendant ma première rencontre avec des ours.
14:19 Parce que j'étais épuisé.
14:21 Tout ce que je voulais, c'était dormir, pour avoir l'esprit un peu plus clair.
14:24 Tu as jeté l'ancre dans un herbier marin, le bateau s'est immobilisé et je suis descendu.
14:32 J'étais complètement vaseux et j'ai vu un ours qui broutait de l'herbe comme une
14:37 vache.
14:38 Je me suis dit "Ok, le plus grand prédateur terrestre est là, en train de manger de l'herbe."
14:49 La première chose que tu m'as dite, c'est "Quand tu marches dans les hautes herbes et
14:57 que tu ne vois pas ce qui se passe, chante n'importe quelle chanson ou parle à haute
15:01 voix."
15:02 L'important, c'est qu'on sache que tu es là, même si tu racontes n'importe quoi.
15:05 L'ours, lui, se dit "Ah, il y a quelqu'un."
15:08 Comme ça, il n'est pas pris par surprise.
15:10 Ça, ce serait le pire qu'il pourrait arriver.
15:12 Tu te souviens de l'ours femelle, sur l'île des oiseaux, elle nageait avec son ourson
15:27 sur son dos.
15:28 Oui, c'était une jeune mère.
15:32 Elle avait pillé l'île des oiseaux, elle avait dévoré tous les œufs et tous les
15:35 poussins.
15:36 Elle avait tellement de lait que son ourson pouvait téter quand il voulait.
15:40 On l'a vu grandir à vue d'œil la semaine où on était là.
15:43 C'était tout au début.
15:44 On a souvent passé des heures assis à prendre une photo par-ci, par-là.
16:06 On avait déjà filmé.
16:08 On regardait les ours tout simplement.
16:11 Parfois, il n'y avait même pas besoin d'utiliser les jumelles.
16:14 On a souvent laissé les ours décider eux-mêmes de la distance à laquelle ils voulaient être.
16:21 À Marébasse, on faisait un barbecue dans la vasière pour que les restes soient immédiatement
16:40 emportés par les vagues et que les ours ne se rendent compte de rien.
16:44 Parce que les ours peuvent les repérer à des kilomètres.
16:47 Je me souviens qu'un soir, ils étaient là et on a dû les chasser.
16:50 C'est presque un miracle qu'il n'y ait jamais eu de soucis.
16:55 Mais ils étaient plutôt relax, eux aussi.
17:00 Surtout parce qu'il ne manquait pas de nourriture.
17:15 Je dois reconnaître que moi aussi, l'Alaska me manque parfois beaucoup.
17:28 Je pense que ça a été les années les plus belles et les plus heureuses de ma vie.
17:37 J'ai beaucoup appris sur moi-même, sur ce que je veux vraiment, sur ce qui me rend
17:47 heureux.
17:48 D'un point de vue de la réalisation, ça m'a permis d'accéder au plus haut niveau
17:54 en très peu de temps.
17:55 Je dois énormément à l'Alaska.
18:00 Ça a été une très belle période.
18:02 Je repense souvent à ce voyage.
18:10 C'est génial qu'on ait pu faire ça et que tu aies pu quitter les jupons de ta mère.
18:15 Et surtout l'école.
18:17 Merci à toi d'avoir fait tous les devoirs que j'avais reçus dans l'avion du retour.
18:21 De rien.
18:25 Il y a bien longtemps que voir les Alpes allemandes sous la neige, comme ici au lac
18:31 Valchön, n'est plus forcément une évidence.
18:34 En revanche, quand on filme des ours polaires dans l'Arctique, on doit composer avec plus
18:39 de neige et de glace qu'on ne le voudrait.
18:41 Sans parler des gelures, je sens encore les miennes aux mains, aux visages et aux pieds.
18:45 Filmer des ours polaires est un défi à tous les niveaux.
18:55 D'abord, on évolue plus ou moins tout le temps sur la banquise.
19:05 On est exposé à la très forte réverbération de la glace.
19:09 Une fois, j'étais atteint de cécité des neiges.
19:13 C'était une douleur quasi insupportable.
19:15 J'avais l'impression qu'on m'enfonçait des couteaux dans les yeux.
19:17 Ensuite, ce n'est pas facile de repérer des ours polaires.
19:24 Le territoire d'un seul ours blanc peut s'étendre sur 500 à 600 km2, voire plus.
19:31 Alors pas facile de le trouver.
19:35 Mais il y a certains lieux à connaître.
19:37 Un des meilleurs sites pour photographier ou filmer des ours polaires, c'est le parc
19:42 national Vapusk.
19:44 C'est la deuxième pouponnière de ces plantigrades dans le monde entier.
19:49 Les oursons viennent au monde nus et aveugles, dans une tanière aménagée dans la toundra
19:54 et non sur la banquise.
19:55 Ils sont nourris par leur mère qui, pendant ce temps, doit jeûner.
19:59 Et à un moment donné, vers fin février, début mars, les oursons ont développé une
20:06 fourrure suffisante.
20:07 Ils ouvrent les yeux.
20:09 Leur mère est affamée et elle doit produire plus de lait.
20:12 Alors que fait-elle ? Elle sort pour la première fois de sa tanière et se rend dans la baie
20:17 d'Hudson, toute proche, pour chasser le phoque.
20:20 Je n'oublierai jamais cette journée.
20:26 C'était fin février et les Inuits m'avaient dit "dans ce trou, il y a forcément une ours
20:31 polaire avec ses petits et elle n'est pas encore sortie".
20:34 On ne l'a pas encore vue.
20:35 Il n'y a pas une seule trace.
20:37 Elle est encore dans sa tanière, alors reste à côté, ne sors pas de ta cachette.
20:41 Je suis donc resté là, alors qu'il faisait de plus en plus froid.
20:48 À un moment donné, le sang commence à s'épaissir.
20:51 On a du mal à penser correctement, on se ramollit.
20:54 La batterie de ma caméra était reliée à un câble.
20:58 Je l'avais enfouie profondément dans ma parka.
21:00 Il fait -45° et un câble se brise comme du verre.
21:04 Mais ce n'est pas grave, on fait avec.
21:08 L'important, c'est que cette ours blanche finisse par sortir de sa tanière avec ses
21:12 petits.
21:13 Comme j'étais un peu somnolent, je n'ai pas remarqué que le vent avait tourné.
21:17 D'un coup, quelque chose de noir a émergé de la neige et c'était la truffe de l'ours.
21:25 Je ne me suis pas rendu compte qu'elle avait flairé ma présence.
21:30 Sa truffe a redisparu dans sa tanière et il a fallu que j'attende deux jours de plus
21:36 pour qu'elle en ressorte.
21:37 Malheureusement, je n'ai pas pu filmer leur sortie.
21:43 J'étais un tout petit peu en retard, mais je les ai vus partir.
21:46 Il y avait trois ours, deux assez imposants et un tout petit.
22:05 Au début, la mer a couvert ce petit d'attention.
22:21 Je les ai un peu suivis à pied et sur une moto neige, mais à bonne distance pour ne
22:36 pas les inquiéter.
22:37 Je les ai évidemment perdus plusieurs fois, mais ils étaient assez faciles à retrouver
22:44 parce qu'ils avaient laissé des traces dans la neige et les traces sont plutôt rares
22:47 dans cette région.
22:48 Un jour, il n'y avait plus que la trace de la mer et celle des deux grands oursons dans
23:13 la neige.
23:14 Celle du plus petit n'était plus là.
23:17 Je me souviens d'un jour qui a couronné toute l'expédition parce que j'ai pu tourner des
23:30 images incroyables.
23:31 En même temps, c'était le jour le plus froid.
23:35 Le ciel était bleu et le soleil brillait.
23:40 Tous les gens qui voient ces images disent "Il n'y a pas de quoi se plaindre, il faisait
23:43 beau".
23:44 Oui, le ciel était bleu, mais il n'a jamais fait aussi froid.
23:46 Non seulement il faisait entre -37 et -40, mais en plus, on a appris par radio que plus
23:55 personne ne devait sortir parce qu'une tempête était en approche.
23:58 À ce moment-là, les -40 se transforment vite en -60.
24:05 C'est ce qu'on appelle le refroidissement éolien.
24:08 Les températures ressenties sont nettement plus froides que les températures mesurées.
24:12 Et c'est très dangereux si on se trouve à l'extérieur.
24:16 C'est sur ce genre de journée que je suis tombé.
24:18 La mer s'était allongée à l'abri d'un monticule pour se protéger.
24:35 C'est le moment où tout documentariste animalier se dit "Voilà pourquoi je fais ce métier.
24:56 Ce sont des images que personne n'a filmées avant moi et que personne ne refilmera avant
25:00 un bon moment.
25:01 Là, deux possibilités se présentent à moi.
25:04 Soit je remballe tout et je rentre au chalet, soit je serre les dents, je m'accroche et
25:08 je tourne ces images."
25:09 Malgré le froid terrible, elle a allaité ses petits dans son épaisse fourrure.
25:35 "Les gens me disent toujours "T'es un peu rouge là, mets donc de la crème solaire".
25:53 En fait, ce sont les gelus rattrapés en filmant les ours polaires.
25:57 J'ai la même chose aux mains et aux pieds.
25:59 Et pourtant, si je me retrouvais à nouveau dans ce genre de situation, je n'hésiterai
26:03 pas une seconde.
26:04 Je resterai là et je filmerai les plus belles images d'ours polaires de toute ma vie."
26:10 "Ce n'est plus le temps de faire des histoires.
26:11 Le temps de faire des histoires.
26:12 Le temps de faire des histoires.
26:13 Le temps de faire des histoires.
26:14 Le temps de faire des histoires.
26:15 Le temps de faire des histoires.
26:16 Le temps de faire des histoires.
26:17 Le temps de faire des histoires.
26:18 Le temps de faire des histoires.
26:19 Le temps de faire des histoires.
26:20 Le temps de faire des histoires.
26:21 Le temps de faire des histoires.
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26:26 Le temps de faire des histoires.
26:27 Le temps de faire des histoires.
26:28 Le temps de faire des histoires.
26:29 Le temps de faire des histoires.
26:30 Le temps de faire des histoires.
26:31 Le temps de faire des histoires.
27:00 Observer les ours polaires dans leur élément naturel est une expérience inoubliable.
27:04 Le plus grand carnivore terrestre de la planète laisse des souvenirs très forts.
27:10 En 2009, je suis allé en Chine, dans la province du Sichuan, à la recherche de l'ours le plus charismatique qui existe, le panda géant.
27:21 C'était ici, dans la vallée de Zhoushaigou.
27:24 Cette réserve naturelle située à la frontière avec le Tibet possède de magnifiques cascades qui ont souvent inspiré les peintres et les poètes chinois.
27:40 Ces paysages sont époustouflants.
27:43 On a vraiment l'impression d'être dans un conte de fées.
27:47 Tout ça donne un effet un peu surréaliste.
28:02 L'eau est très calcaire, d'où le bleu très profond des lacs de cette réserve naturelle et des régions alentours.
28:27 Il faisait froid.
28:29 C'était l'hiver.
28:31 Et je ne pensais qu'à une chose.
28:34 Comment trouver des pandas dans ces immenses forêts de bambous enneigés ?
28:53 La plupart des gens associent les bambous aux forêts tropicales et subtropicales.
28:58 Mais il existe aussi des variétés très résistantes au froid.
29:03 L'une d'entre elles pousse ici, et elle représente 99% de l'alimentation du panda géant.
29:16 Je me suis posté en haut d'une montagne, et j'ai regardé dans mes jumelles.
29:20 Rien à l'horizon. Ça a duré des jours comme ça.
29:31 Le grand moment, ça a été de trouver une piste toute fraîche, avec des excréments.
29:37 Enfin, ça ne ressemblait pas vraiment à des excréments.
29:40 C'était plutôt des pousses de bambous, rapées et pressées.
29:45 Je les ai pris dans ma main, et ils étaient encore chauds.
29:49 Là, je me suis dit que le panda ne devait pas être loin.
29:57 Bien sûr, on n'a jamais vu ni même localisé l'animal.
30:06 À un moment donné, une bête surgit au loin.
30:11 À peu près haute comme ça, et longue comme ça.
30:15 D'abord, je me suis dit, que fait un yak ici ?
30:19 J'ai regardé dans mes jumelles, et je me suis rendu compte que c'était un animal que je n'avais jamais vu, et que je ne reverrai sans doute jamais.
30:28 Le taquin doré est une sorte de chèvre géante.
30:37 On l'a évidemment filmé, et j'aurais tout donné pour pouvoir m'approcher davantage.
30:42 Mais le taquin se déplaçait à travers une vaste vallée.
30:46 Avec le guide, on a essayé de l'approcher.
30:49 Il m'a assuré que l'animal n'était pas farouche, et qu'il resterait planté là, à grignoter ses pousses de bambous.
30:55 Mais quand on est arrivé en bas, il avait disparu quelque part, dans une de ces immenses forêts de bambous.
31:07 J'avais bien sûr pour ambition de trouver des pandas géants en liberté et de les filmer.
31:11 Malheureusement, ça n'a pas été le cas.
31:15 Je me suis finalement rendu dans la réserve naturelle de Volong.
31:24 On y trouve plusieurs pandas dans de grands enclos, et ils ont l'air de vivre dans un contexte très proche de la nature.
31:32 Les images que j'ai pu y tourner sont magnifiques.
31:36 J'y ai passé des journées entières à observer ces animaux, seulement avec mes jumelles et ma caméra.
31:46 Et après toute la fatigue accumulée, c'était une belle conclusion à cette formidable expédition.
32:04 Le panda géant est le seul ours qui n'hiberne pas, parce qu'il ne peut pas accumuler suffisamment de réserve.
32:11 Ça veut dire qu'en termes d'alimentation, il vit au jour le jour, dans l'instant présent.
32:23 Il faut être réaliste. Les pandas géants sont aussi un business pour la Chine.
32:29 Chaque panda envoyé dans un zoo quelque part dans le monde, en général pendant un an, doit être assuré,
32:36 et son prix de location s'élève à environ un million de dollars par an et par animal.
32:45 On amène à Volong les pandas qui ont besoin d'être requinqués, mais on en élève aussi.
32:51 Les Chinois maîtrisent l'art de leur reproduction.
33:04 Les bébés pandas sont bien plus petits que ceux des autres ours.
33:11 En général, les pandas n'ont qu'un petit à la fois, et les exceptions sont très très rares.
33:18 Dans ce cas, le premier est élevé par la mer, les mâles ne s'en occupent pas, et le second est abandonné.
33:25 On ne sait pas pourquoi. Il n'est pas nourri, pas élevé, et finit par mourir.
33:44 Le plus gros problème des pandas, c'est que leurs habitats sont de plus en plus morcelés.
33:48 Ils ne parviennent plus à se retrouver.
33:52 Parce qu'évidemment, la densité de population est très réduite chez cette espèce.
33:59 On estime qu'en Asie du Sud-Est, et surtout en Chine, il n'y a pas plus de 1800 à 1900 pandas géants.
34:16 Le gouvernement chinois a contribué à mettre un terme au morcellement des habitats.
34:23 Plus de 60 territoires ont été réunis pour former un vaste habitat.
34:27 Pour cela, il a fallu déplacer plus de 100 000 personnes.
34:34 Imaginez un peu si ça arrivait en Allemagne.
34:37 On a une espèce animale menacée et extrêmement rare, et on annonce simplement qu'on dépeuple toute une région.
34:54 Désormais, les pandas géants se reproduisent à nouveau en liberté.
34:59 Bonne nouvelle pour les pandas.
35:15 Leur population est en hausse ces dernières années, parce que beaucoup de Chinois oeuvrent à leur protection.
35:22 En Allemagne, cohabiter avec des ours est pratiquement inimaginable.
35:27 Nous avons tout simplement oublié comment vivre avec les grands carnivores.
35:32 Mais pas très loin d'ici, dans les Alpes d'Inariq, on tente une autre approche.
35:36 La Slovénie est un véritable paradis des ours.
35:49 La Slovénie ressemble beaucoup à l'Allemagne.
35:52 Ses forêts sont un peu plus denses et peut-être un peu plus vastes.
35:56 Disons qu'elles sont moins morcelées.
36:18 Ça ressemble à n'importe quelle région allemande de moyenne montagne.
36:22 La différence, c'est qu'ici, quand on se promène dans la forêt avec son sac à dos, ses jumelles et, comme moi, sa caméra,
36:29 on peut se retrouver d'un coup avec un ours qui marche à 80 mètres.
36:34 On se dit, c'est pas possible. D'où est-ce qu'il vient ?
36:38 La première chose qu'on se dit, c'est qu'il a dû se sauver, qu'il s'est échappé d'un zoo, qu'on l'a libéré.
36:45 Mais non, c'est un ours sauvage qui ne s'intéresse pas vraiment aux humains. Dans le cas présent, à moi.
36:52 Ces ours connaissent bien les humains, alors ils sont très cools.
36:57 Il faut le savoir, la concentration d'ours bruns est très élevée en Slovénie.
37:04 Le pays compte environ 2 millions d'habitants et un bon millier d'ours bruns.
37:09 Il y a environ 1000 brown bears.
37:12 Quand on demande aux agriculteurs s'ils craignent qu'un ours brun passe à proximité de leur ferme la nuit, leur réaction est assez étonnante.
37:33 Le plus souvent, ils se mettent à rire et ils vous disent, en fait, on ne se souvient pas ne pas avoir vu d'ours bruns passer près de chez nous.
37:42 Là-bas, on a une façon totalement différente de gérer la présence des grands prédateurs.
37:46 Tout simplement parce qu'on n'a jamais désappris à vivre avec eux.
37:50 J'ai demandé aux Slovènes comment ils protègent leurs bêtes des prédateurs et ça a été l'occasion de rencontrer Aleš Sedmak.
38:00 Aleš est quelqu'un de très moderne. Il est ingénieur à Ljubljana dans une grande entreprise.
38:05 Sa grande passion, ce sont les animaux de pâturage, les chèvres, les moutons, les chevaux.
38:11 Il a d'ailleurs recueilli quelques vieux chevaux dont il s'occupe.
38:15 Il a aussi des bovins ainsi que des cochons et des lapins.
38:21 Et bien sûr, il protège sa propriété en conséquence.
38:25 Ce qui a fait toute la différence, c'est l'adoption de chiens de bergers
38:29 qui défendent tous ces animaux répartis sur son immense terrain.
38:34 Ces chiens sont des Tornjak, des bergers de Bosnie-Herzegovine et de Croatie.
38:43 Ils sont très proches de la terre, ils sont très proches de la terre.
38:49 Ils sont originaires de la région et élevés depuis très longtemps dans le but de surveiller les troupeaux.
38:54 Ils grandissent au milieu des animaux.
38:57 De ce fait, leur instinct de protection est extrêmement développé
39:02 et ne faiblit jamais au cours de leur vie.
39:06 Ces chiens ont l'air plutôt calmes, détendus.
39:12 On pourrait presque dire qu'ils sont des chiens de la terre.
39:17 On pourrait presque les qualifier de phlegmatiques.
39:20 Mais dès l'instant où un grand prédateur apparaît,
39:23 ils se mettent immédiatement à aboyer et se précipitent là où ils l'ont entendu ou flairé.
39:29 Et ils ne craindraient sans doute pas de l'affronter si nécessaire.
39:33 J'étais un peu sous tension parce que j'espérais qu'un ours allait passer par là durant la nuit, ou une petite meute de l'eau.
39:58 Les chiens ont aboyé, ils sont partis en courant.
40:04 Malheureusement, je n'ai rien vu et le calme est revenu en un rien de temps.
40:09 Et c'est bien ça le plus important.
40:12 Quand les prédateurs ont appris que s'ils s'approchent d'un endroit, ça se complique pour eux, ils évitent d'y revenir.
40:18 En Slovénie, les ours bruns sont nourris dans les bois.
40:25 On leur laisse des aliments adaptés pour qu'ils restent dans la forêt.
40:29 Cette méthode ne fait pas l'unanimité.
40:35 Il y a même des pays où c'est interdit, parce qu'on ne veut pas créer une dépendance,
40:42 et qu'on redoute que les ours finissent par associer les humains au nourrissage.
40:47 Mais en Slovénie, ça fonctionne très bien.
40:52 C'est une expérience intéressante.
40:55 Ça permet de garder les grands prédateurs dans la forêt.
40:59 Ainsi, ils ne s'aventurent que très rarement dans les zones cultivées.
41:05 [Musique]
41:21 Les Slovènes pourraient se dire "On ne veut pas autant d'ours.
41:25 On va organiser de grandes battues pour réduire leur population."
41:29 Mais ils ne le font pas.
41:31 Ils laissent les choses évoluer.
41:34 Et je crois que quelque part, cette nation en tire une certaine fierté.
41:39 Ils sont heureux de pouvoir se dire "Nous sommes un pays moderne,
41:44 et nous sommes fiers de cette réussite, fiers d'avoir autant d'ours bruns dans nos forêts."
41:49 Le reste de l'Europe nous admire pour ça,
41:52 et c'est pour nous une très grande source de satisfaction.
41:55 C'est une façon beaucoup plus décontractée d'aborder la question.
42:00 [Bruit de chien]
42:06 Les ours sont les plus grands prédateurs de notre terre,
42:10 ce qui ne les empêche pas d'être très placides.
42:13 Je suis vraiment heureux d'avoir pu explorer autant d'écosystèmes différents au cours de toutes ces années,
42:18 notamment chez nous en plein cœur de l'Europe.
42:21 [Bruit de porte]
42:23 J'espère que vous avez apprécié la découverte de ces merveilleux mondes sauvages.
42:28 Je vous dis au revoir, et à la prochaine.
42:31 [Bruit de moteur]
42:34 [Musique]
43:03 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
43:06 [Générique de fin]