Invité _ Bernard STASI

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00:00 Invité de soir 3, Bernard Stasi, vice-président du CDS chargé des relations internationales, qui rentre ce soir d'Algérie.
00:06 Première question, tout d'abord, que pensez-vous de cette initiative de Jacques Chirac ce soir ?
00:10 Pourquoi pas ? Si Israël et les pays arabes acceptent de venir discuter en France, eh bien ils seront les bienvenus.
00:18 Je ne suis pas absolument certain que ce qu'on appelle les grandes puissances aplogueront dès demain. Enfin, on verra.
00:27 — Alors concernant la politique intérieure, on a l'impression depuis 48 heures que le consensus politique s'effrite.
00:34 Vous vous associez aux critiques de Jacques Chirac concernant l'échec, notamment la diplomatie française ?
00:38 — Je ne sais pas si Jacques Chirac est allé jusqu'à parler de l'échec de la diplomatie française. Bon, qu'il y ait ça ou là quelques ratés,
00:45 je dirais que pour l'instant, il ne faut rien faire qui puisse affaiblir la position de la France. Je rentre – vous l'avez rappelé – d'Algérie.
00:54 Et je me suis rendu compte à quel point l'attitude française était critiquée, violemment critiquée par des gens qui nous aiment bien.
01:03 Je me suis entretenu longuement ce matin avec le Premier ministre d'Algérie, M. Mrouch. J'ai eu d'autres interlocuteurs pendant les 48 heures
01:11 que j'ai passées là-bas. Tous m'ont tenu le même langage, un langage de déception, de tristesse. Alors je me suis efforcé de défendre
01:20 la position française. Je crois que vis-à-vis de l'extérieur aussi. — C'est difficile ? — C'est parfois difficile. Lorsque l'on entend
01:28 nos interlocuteurs nous dire que la France a tourné le dos au monde arabe pour se ranger derrière les États-Unis, que nous nous rendons
01:36 complices d'un génocide parce que c'est l'expression qu'ils emploient et que nous avons perdu toute crédibilité aux yeux du monde arabe,
01:46 eh bien il faut expliquer que la France ne fait pas la guerre au monde arabe, que la France combat un dictateur qui dessert la cause arabe.
01:55 Il faut expliquer aussi que si la France joue le jeu loyalement dans les opérations militaires, et c'est la moindre des choses, pour ce qui concerne
02:05 l'après-guerre, nous entendons bien tenter de faire prévaloir notre point de vue qui n'est pas forcément celui des États-Unis.
02:12 — Alors qu'est-il possible de faire aujourd'hui pour rendre normal les relations franco-arabes à l'issue du conflit ?
02:18 — D'abord, je crois qu'il faut expliquer. Il faut multiplier les démarches comme celles que j'ai entreprises. Je n'ai pas été le premier.
02:23 J'ai succédé à Michel Vosel. Ce soir est arrivé Alain Juppé en Algérie. Je crois qu'il faut que la classe politique française se mobilise pour
02:34 dialoguer avec nos interlocuteurs arabes, pour garder le contact et pour préparer l'avenir, pour faire en sorte que ce fossé ne s'élargisse pas.
02:44 Actuellement, je peux vous dire que c'est très dur de discuter avec nos amis arabes et en particulier avec les Algériens.
02:52 Ils sont d'autant plus déçus qu'ils sont très attachés aux relations avec la France. Vous savez, avec l'Algérie, quel qu'ait été le passé,
03:01 au-delà des tensions, des malentendus, les relations entre la France et l'Algérie, pour les Algériens, c'est quelque chose d'essentiel,
03:08 quelque chose de viscéral. Et quand cela s'effondre, ils ont le sentiment que tout cela s'effondre. Et ils sont complètement désorientés.
03:16 Alors je crois qu'il faut leur expliquer avec beaucoup de patience que pour nous, il n'y a pas du tout de volonté de rupture.
03:25 Au contraire, nous avons le sentiment de rendre service au monde arabe en combattant un dictateur.
03:33 — Un dernier mot sur l'opinion publique en Algérie. Vous avez rencontré les plus hautes instances, je le disais, de la vie politique algérienne.
03:40 Vous avez trouvé ce sentiment de fragilité du gouvernement algérien vis-à-vis de la montée de l'islamisme ?
03:44 — Non. J'ai le sentiment que le gouvernement a bien les choses en main et que la poussée islamique est sur le déclin.
03:53 D'ailleurs, il y a quelques jours, le président Chadli, avec beaucoup d'autorité, a marqué un coup d'arrêt.
03:59 Alors que vous vous souvenez, le fils avait demandé à ce que le gouvernement ouvre des camps d'entraînement pour les volontaires désirés
04:06 de s'engager en Irak. Le gouvernement a refusé. Il a interdit une manifestation. Je crois qu'il a bien les choses en main.
04:14 Et si vous me permettez encore un mot, les Algériens sont un petit peu agacés, même plus qu'agacés, parce qu'ils ont le sentiment
04:21 que les Français sont obnubilés par la poussée islamique qui, effectivement, s'est manifestée en Algérie ces derniers temps,
04:29 et qu'ils ne voient pas le reste, qui est beaucoup plus important, c'est-à-dire un mouvement profond de démocratisation en Algérie.
04:35 Il y a maintenant de nombreux partis. Il y a une presse extrêmement nombreuse et des journaux qui critiquent très très violemment
04:41 parfois le gouvernement. Il y a une totale liberté de réunion, de manifestation. Tout cela est absolument occulté par la poussée islamique.
04:50 Et je crois qu'il faudrait que les Français aient une appréhension plus claire de ce qui se passe en Algérie.

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