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00:00:00 ...
00:00:16 -6 janvier 1979, l'épouse d'un professeur canadien
00:00:20 disparaît mystérieusement lors d'un voyage à Paris.
00:00:24 3 mois plus tard, le cadavre méconnaissable d'une femme
00:00:28 se trouve à 500 km de là, dans les préalpes vaudoises.
00:00:32 A priori, aucun lien entre ces deux événements.
00:00:36 C'est pourtant le début de l'affaire Belchot,
00:00:40 l'une des plus incroyables énigmes de ces 30 dernières années.
00:00:44 -L'histoire était extraordinaire et les personnages
00:00:48 dignes d'un roman d'Agatha Christie.
00:00:52 Tout le monde était fasciné.
00:00:56 -Pourquoi a-t-elle été en meurtre et pourquoi son mari,
00:01:00 un anthropologue de renommée mondiale, est devenu le suspect 1?
00:01:04 -Le schéma dentaire et les documents transmis par Belchot
00:01:08 ont été falsifiés.
00:01:10 -Cyril Belchot a-t-il tenté de tromper la justice vaudoise?
00:01:14 Comment a-t-il réussi à convaincre le jury de son innocence
00:01:18 malgré les soupçons qui pesaient sur lui?
00:01:22 -Il a son scénario et il n'en démord pas.
00:01:26 Il n'en dévie jamais. Il est toujours maître de lui.
00:01:30 -Notre équipe s'est rendue à Vancouver et a retrouvé cet homme
00:01:34 âgé de 91 ans.
00:01:36 Pour la première fois depuis les événements,
00:01:40 Cyril Belchot accepte de témoigner face à une caméra.
00:01:44 ...
00:01:58 ...
00:02:04 -Bonsoir et bienvenue à tous.
00:02:06 L'affaire Belchot a beau dater de plus de 30 ans,
00:02:09 elle fascine toujours autant à cause du mystère
00:02:12 qui entourera jamais la mort de Betty,
00:02:15 de la notoriété de son mari, le seul et l'unique suspect.
00:02:18 Et surtout parce que le procès s'est conclu par l'un
00:02:21 des acquittements les plus spectaculaires
00:02:23 de l'histoire judiciaire suisse.
00:02:25 Tout accablait Cyril Belchot, mais le doute lui a profité.
00:02:28 Jugement exemplaire ou erreur judiciaire?
00:02:31 On remonte le temps avec Valérie Teuchère et Frédéric Zimmermann.
00:02:35 ...
00:02:40 6 janvier 1979, dans la chambre d'un grand hôtel
00:02:43 de la banlieue parisienne,
00:02:45 Cyril Belchot et son épouse Betty,
00:02:48 un couple d'universitaires canadiens,
00:02:50 s'apprêtent à sortir.
00:02:52 ...
00:02:56 -Lui est professeur d'anthropologie
00:02:58 à l'université de Vancouver,
00:03:00 et elle enseigne l'anglais là-bas.
00:03:02 Ils sont en congé sabbatique en Suisse, à Montana,
00:03:05 et après Noël, ils ont voulu passer
00:03:07 quelques jours de vacances à Paris.
00:03:09 ...
00:03:13 -Betty doit se rendre à la bibliothèque nationale
00:03:16 pour ses recherches.
00:03:18 Le couple prend le métro.
00:03:20 A 10h, Cyril et Betty se séparent à la station Bourse.
00:03:23 Ils conviennent de se retrouver au Galerie Lafayette
00:03:26 pour un lunch à 13h.
00:03:28 Betty Belchot s'éloigne.
00:03:30 Son mari ne la reverra plus jamais vivante.
00:03:33 Car à 13h, Betty n'est pas au rendez-vous.
00:03:36 ...
00:03:40 ...
00:03:56 -Il va voir à la bibliothèque nationale.
00:03:58 Il s'aperçoit qu'elle n'a pas visité la bibliothèque nationale.
00:04:01 Personne n'a demandé une carte de lecteur.
00:04:03 Alors il attend.
00:04:05 A l'hôtel, on n'a pas de nouvelles.
00:04:07 ...
00:04:17 -Cyril Belchot contacte le consulat du Canada et la police.
00:04:21 On se veut rassurant.
00:04:23 On lui suggère d'attendre.
00:04:25 Il appelle aussi ses enfants au Canada, Diana et Adriane.
00:04:29 Mais le lendemain, Betty n'est toujours pas là.
00:04:33 Cyril Belchot se rend au commissariat
00:04:36 pour lancer un avis de disparition.
00:04:39 -Il donne une description minutieuse.
00:04:42 C'est un homme minutieux.
00:04:44 De la manière dont sa femme était habillée,
00:04:47 les bijoux qu'elle portait.
00:04:49 -Mais la visite ne donne rien.
00:04:51 Aucun accident, aucune agression n'ont été signalés
00:04:55 dans le quartier de la bibliothèque nationale.
00:04:58 Betty s'est comme évaporée.
00:05:00 Deux jours passent.
00:05:03 -Ce qui est surprenant, c'est qu'il n'a pas essayé
00:05:24 d'appeler l'appartement à Montana,
00:05:27 ni le concierge de l'immeuble.
00:05:30 -Cyril Belchot rentre en Valais.
00:05:33 En contact avec la police française et le consulat canadien,
00:05:37 il ne juge pas nécessaire d'informer la police suisse.
00:05:41 Commence alors une longue attente,
00:05:44 seul dans l'appartement désormais vide de Montana.
00:05:48 -Diana Belchot vient en Suisse pour voir son père,
00:05:52 qu'elle trouve dans un état émotionnel dévasté,
00:05:56 on pleure ensemble, on éprouve un certain sentiment
00:06:00 de culpabilité parce qu'on pense au suicide.
00:06:04 -Betty a-t-elle mis fin à ses jours ?
00:06:07 L'a-t-on agressée ?
00:06:09 Tous les scénarios sont possibles, mais l'enquête piétine.
00:06:13 Désemparée, Belchot contacte un médium.
00:06:16 Se rend à Londres voir l'armée du salut,
00:06:19 spécialisée dans les cas de disparition.
00:06:23 -J'étais de plus en plus désespérée.
00:06:28 J'ai passé beaucoup de temps en pleurant.
00:06:35 Au cours des jours, ça devait de plus en plus de mal.
00:06:41 Au cours du temps, ça devenait plus clair,
00:06:48 ce qui n'était pas clair, mais ça devenait plus probable
00:06:53 que Betty n'était pas en vie.
00:06:56 -28 mars 1979, 3 mois après la disparition de Betty.
00:07:01 Bien loin de la ville Lumière, au Larvoin,
00:07:05 une route au-dessus d'Aigle, un cantonnier
00:07:09 fait une macabre découverte.
00:07:12 -C'est là que j'ai vu des sacs en plastique.
00:07:17 J'ai voulu m'approcher, j'ai pu arriver jusqu'à 400 m.
00:07:21 J'ai pu constater qu'il y avait un bout d'os qui sortait
00:07:25 de ces sacs déjà tout rongés.
00:07:28 J'ai pas pu aller plus loin, parce que je commençais
00:07:31 à me sentir mauvais.
00:07:33 -Les enquêteurs découvrent, emballés dans des sacs poubelles,
00:07:37 le corps d'une femme.
00:07:39 Le légiste estime que le cadavre a dû passer l'hiver là.
00:07:43 Les sacs sont déjà rongés par les bêtes.
00:07:47 Impossible de déterminer la cause de la mort.
00:07:51 -Le corps était nu, sans un bide, du tout.
00:07:55 Sans bijoux, sans documents permettant une identification.
00:08:00 -L'humidité a abîmé les empreintes digitales.
00:08:04 Les techniques ADN n'existent pas encore à l'époque.
00:08:08 Seul moyen pour tenter d'identifier le cadavre, les dents.
00:08:12 On distingue 4 couronnes en or.
00:08:15 -Il y avait passamment de travaux de bonne qualité
00:08:19 permettant une identification formelle.
00:08:23 -La mystérieuse victime fait la une de la presse régionale.
00:08:28 Mais son signalement ne donne rien.
00:08:31 C'est alors qu'un avis de recherche interpol va attirer
00:08:35 l'attention de la police.
00:08:37 Il concerne une certaine Betty Belchot, résidant à Montana.
00:08:41 La police décide d'interroger son mari.
00:08:44 -Elles lui ont demandé une photo de son épouse
00:08:48 et le nom de son dentiste.
00:08:53 Parce qu'en général, c'est la police qui fait les démarches.
00:08:58 Belchot a tout de suite craint qu'il y ait des bruits
00:09:03 qui courent au Canada au sujet de cette disparition.
00:09:08 Il a offert lui-même de faire les démarches
00:09:12 pour nous fournir le schéma dentaire.
00:09:17 -Un mois plus tard,
00:09:19 Cyril Belchot remet le document aux enquêteurs vaudois.
00:09:23 Le dentiste légiste Claudie Maubergette l'examine aussitôt.
00:09:27 Sa fille se souvient.
00:09:29 -Ce schéma dentaire est très succinct.
00:09:32 Il ne correspond pas du tout à ce que mon père a pu reproduire
00:09:37 ou à ce que mon père a pu relever du cadavre.
00:09:41 Mais en même temps, plus il examine ce schéma dentaire,
00:09:45 il se dit qu'il y a des choses qui sont bizarres.
00:09:49 Il disait que ça ne se fait pas comme ça.
00:09:53 -L'expert décide de contacter directement le dentiste canadien
00:09:58 pour obtenir les documents originaux,
00:10:02 sans passer par Belchot.
00:10:05 -En retour, il reçoit le dossier dentaire complet
00:10:09 avec les radiographies.
00:10:11 Il voit que c'est effectivement Mme Belchot
00:10:15 dont le corps a été retrouvé dans le canton de Vaud.
00:10:20 Le schéma dentaire et les documents transmis par M. Belchot
00:10:25 ont été falsifiés.
00:10:27 -Pas moins de 12 modifications,
00:10:30 scrupuleusement faites au typex,
00:10:33 avant d'être transmises aux policiers.
00:10:36 -M. Belchot fait les pieds et les mains
00:10:40 pour trouver son épouse,
00:10:43 signaler la disparition, etc.
00:10:47 Et il nous fournit un schéma dentaire falsifié.
00:10:52 C'est contraire à toute logique.
00:10:55 -De marié pleuré,
00:10:57 Cyril Belchot devient suspect numéro un.
00:11:00 Mais entre-temps, le professeur est rentré à Vancouver.
00:11:04 Averti des démarches faites auprès du dentiste de sa femme,
00:11:08 il prend les devants et fournit immédiatement
00:11:11 une explication à la police canadienne.
00:11:15 ...
00:11:42 ...
00:11:49 -M. Stoudman, bonsoir.
00:11:52 Grâce à vos souvenirs, on va pouvoir revivre
00:11:55 les coulisses de cette passionnante affaire.
00:11:58 On vient d'entendre les arguments de votre client
00:12:01 des années après à propos de la falsification
00:12:04 de ce schéma dentaire.
00:12:06 Pas facile à faire passer.
00:12:08 -Il était à Montana dans un état de seul,
00:12:11 sans sa famille, sans ses proches,
00:12:14 dans un état d'angoisse profonde
00:12:17 parce que sa femme avait disparu depuis 3 mois.
00:12:20 Il craignait le pire, mais c'était encore intellectuel.
00:12:24 Alors quand il voit l'odontogramme
00:12:27 avec finalement le dessin des dents de sa femme,
00:12:30 là, il a une sorte de blocage.
00:12:32 -De déni ?
00:12:34 -Oui, une phobie.
00:12:36 J'entends la phobie.
00:12:38 Ça a pour conséquence l'évitement.
00:12:41 Il ne voulait pas voir ça.
00:12:43 -Il parle d'un acte aussi irrationnel,
00:12:46 décidé en une petite minute.
00:12:48 On voit que ces corrections, ça a quand même pris
00:12:51 un petit peu de temps.
00:12:53 On ne peut pas vraiment dire que c'était sous le coup
00:12:56 d'une pulsion. Vous êtes d'accord ?
00:12:58 -Non, peut-être pas pulsion, mais j'entends une réaction
00:13:01 qui a demandé un développement qui n'a pas été très long.
00:13:04 C'est vrai qu'il a fait ses corrections,
00:13:06 qu'il a fait les photocopies.
00:13:08 Mais c'est son état, je dirais, de phobie, de déni,
00:13:13 qui a perduré pendant un certain temps.
00:13:16 -Vous disiez que c'était la principale difficulté
00:13:19 de la défense et ce qui le rendait forcément coupable.
00:13:22 -Aux yeux de l'accusation, c'était le cas.
00:13:25 On essaie toujours de se mettre à la place de l'accusé,
00:13:28 mais d'une façon rationnelle.
00:13:30 Alors, il est vrai qu'on voit mal un innocent
00:13:34 falsifier cet odontogramme.
00:13:36 Mais cette explication, elle est valable
00:13:40 pour quelqu'un qui agit rationnellement.
00:13:42 Et au moment où il le fait,
00:13:44 Belchot n'agit pas rationnellement.
00:13:46 -Il est dans un état émotionnel très fort, comme il le dit.
00:13:49 Pierre Sennelive, bonsoir. -Bonsoir.
00:13:51 -Si on vous a invité, c'est que vous avez bien connu
00:13:54 Cyril Belchot en tant que confrère,
00:13:56 puisque vous êtes vous-même anthropologue.
00:13:58 Quel genre d'homme était-il en dehors
00:14:00 de ses qualités professionnelles ?
00:14:02 -C'était un homme séduisant,
00:14:04 qui avait une démarche vive,
00:14:06 qui souriait, mais qui était en même temps
00:14:10 très précis. Il avait l'air très informé
00:14:13 des dossiers qu'il traitait.
00:14:15 C'était un plaisir de parler avec lui.
00:14:17 Il maîtrisait bien le français.
00:14:19 -Certains le percevaient comme un homme un peu arrogant,
00:14:21 un peu hautain. -Alors, moi, j'ai jamais eu
00:14:23 cette impression. Ils prenaient au sérieux
00:14:26 ce qu'il voulait faire. Il souhaitait arriver en Suisse,
00:14:28 prendre contact avec ses collègues ethnologues
00:14:31 et anthropologues en Suisse.
00:14:33 Je dois dire que j'étais plutôt sous le charme
00:14:36 de son amabilité, de son ouverture
00:14:39 et de sa compétence. -Un homme charismatique.
00:14:41 Avant que n'éclate l'affaire dans les journaux,
00:14:43 vous recevez de sa part en février 1979,
00:14:46 donc un mois après la disparition de Betty,
00:14:49 une lettre pour le moins énigmatique.
00:14:52 Ces lettres, vous l'avez avec vous.
00:14:54 Je vous montre juste un peu le contenu.
00:14:56 -Oui, en effet. Dans cette lettre du 19 février,
00:14:58 il m'écrit "En janvier, il y a eu une véritable
00:15:02 catastrophe dans ma vie familiale.
00:15:04 Je vous raconterai peut-être un jour ce qui s'est passé
00:15:07 et je vous en donnerai l'histoire."
00:15:09 -Donc, vous étiez intrigué. -Je m'étais plutôt intrigué,
00:15:12 mais je ne pouvais pas m'imaginer de quoi il s'agissait.
00:15:15 Je ne savais pas si c'était une affaire
00:15:18 qui touchait à un divorce ou à la maladie d'un proche.
00:15:22 Il me disait simplement qu'il lui était très difficile
00:15:25 de se concentrer sur ses recherches et sur son livre
00:15:28 concernant le Canada et la Suisse,
00:15:30 vu le trouble dans lequel il se trouvait.
00:15:32 -Alors, Cyril Belchaud, un scientifique reconnu,
00:15:35 une personnalité complexe, parfois pas facile d'accès,
00:15:38 ce qui va expliquer en partie les relations,
00:15:41 pour le moins, tendues avec la police suisse.
00:15:51 -24 septembre 1979.
00:15:54 Deux policiers vaudois débarquent à Vancouver.
00:15:57 Ils sont mandatés par le juge d'instruction suisse
00:16:01 pour interroger Cyril Belchaud.
00:16:03 -Et d'emblée, je dirais sans préavis,
00:16:08 on lui annonce qu'on a retrouvé le corps de sa femme.
00:16:12 ...
00:16:14 ...
00:16:44 -Belchaud est complètement perturbé
00:16:47 devant la manière de faire des inspecteurs vaudois
00:16:51 qui travaillent effectivement comme dans le canton de Vaud,
00:16:55 c'est-à-dire d'une façon extrêmement inquisitoire.
00:16:58 Mais cette manière est totalement étrangère
00:17:01 au système d'enquête pénale anglo-saxon.
00:17:04 -Après plusieurs heures d'interrogatoire,
00:17:07 Cyril Belchaud décide de se taire,
00:17:10 comme le lui autorise le droit canadien.
00:17:13 Les policiers suisses sont furieux.
00:17:16 -Ils ont vraiment eu l'impression qu'ils se défilaient.
00:17:21 -L'audition tourne court.
00:17:24 La nouvelle de la mort de Betty Belchaud
00:17:28 paraît dans les journaux canadiens quelques jours plus tard.
00:17:31 Un hommage lui est rendu à l'université de Vancouver
00:17:34 devant une foule impressionnante.
00:17:37 -Je me souviens que la cérémonie était très émouvante
00:17:41 et je me souviens avoir pleuré.
00:17:43 C'était un peu étrange comme situation.
00:17:49 Lorsque Belchaud est entré dans la salle,
00:17:53 les gens ne savaient pas trop comment se comporter.
00:17:56 Lui était très calme, il n'a pas parlé,
00:18:02 il n'était pas en larmes,
00:18:04 il était juste très calme, très réservé, assis devant.
00:18:07 -Daphne Grey-Grant était l'une des étudiantes de Betty.
00:18:12 Elle garde un souvenir ému de sa professeure de littérature.
00:18:16 -Elle était très exubérante, passionnée par l'anglais.
00:18:22 D'ailleurs, lorsqu'elle parlait,
00:18:24 tout son corps se mettait en mouvement, comme ça.
00:18:28 Ses cours ont été une vraie révélation pour moi.
00:18:32 Elle savait rendre le travail intéressant.
00:18:35 -Moderne dans son enseignement,
00:18:39 Betty Belchaud n'en est pas moins à cheval sur les principes.
00:18:43 -Elle avait un sens aigu de ce qui devait se faire ou pas,
00:18:48 une sorte de code moral personnel.
00:18:50 -Très attachée aux apparences,
00:18:53 les Belchaud mènent une vie bourgeoise
00:18:56 dans cette maison cossue, proche du campus.
00:18:59 Ils ont deux grands-enfants, Diana et Adrian.
00:19:02 -Je dirais que c'était des gens très traditionnels.
00:19:06 Pour ce qui est de leur mariage,
00:19:08 le rôle de la femme était de soutenir son époux
00:19:11 du mieux possible, d'être une bonne mère.
00:19:14 Sa valeur en tant qu'être humain
00:19:16 dépendait de la manière dont elle remplissait ses rôles.
00:19:20 -Ainsi, Betty a longtemps mis sa propre carrière
00:19:24 pour suivre son mari dans ses voyages.
00:19:27 Car dans le couple, la vedette, c'est Cyril.
00:19:30 -Belchaud était un homme brillant et très intelligent.
00:19:36 Il était très respecté dans sa profession.
00:19:39 -C'était un des anthropologues les plus connus du monde anglo-saxon.
00:19:46 Il était l'auteur de très grands livres et d'articles
00:19:53 et jouissait d'une position enviable.
00:19:57 -Je crois que Betty Belchaud admire son mari
00:20:00 qui a un peu d'avance sur elle au point de vue coursus académique.
00:20:05 Je dirais que c'est un mariage heureux avec beaucoup d'estime.
00:20:12 Mais c'est un mariage qui a 37 ans.
00:20:15 -Ce mariage semble connaître quelques craquelures.
00:20:19 C'est ce que vont découvrir les inspecteurs vaudois
00:20:22 presque par hasard.
00:20:24 Grâce à un rapport de la police canadienne.
00:20:27 En juillet 1979, 6 mois à peine après la disparition de Betty,
00:20:31 Cyril Belchaud a été surpris en fâcheuse posture
00:20:35 avec une jeune femme sur le campus de l'université.
00:20:39 -Un officier de la police montée a remarqué une voiture
00:20:45 parquée dans un coin isolé du campus.
00:20:48 Tout feu éteint.
00:20:50 Et en s'approchant de la voiture, il a dit, je cite...
00:20:55 Leurs vêtements étaient en désordre,
00:21:03 ils étaient en train de se réajuster.
00:21:07 C'était une erreur totale.
00:21:11 Elle m'a demandé de parler d'un examen,
00:21:17 elle avait juste terminé.
00:21:19 On était juste à côté d'une installation nucléaire.
00:21:25 Elle avait de brillants, brillants, brillants,
00:21:29 des lumières arcs.
00:21:33 Et les vêtements de hockey auraient été difficiles.
00:21:37 -La jeune femme est une ancienne élève de Cyril.
00:21:41 Mariée, mère de famille et voisine des Belchaud.
00:21:45 Et surprise, à Montana, on se souvient très bien d'elle.
00:21:49 -Lors de l'enquête de routine, quand on a fait du porte-à-porte,
00:21:53 des personnes nous ont signalé qu'ils se trouvaient là
00:21:57 à une certaine période avec une autre personne que son épouse.
00:22:02 -Ainsi, quelques semaines avant l'arrivée de sa femme Betty,
00:22:06 Cyril Belchaud prenait du bon temps avec sa maîtresse à Montana.
00:22:11 -Il a donc humilié Betty publiquement.
00:22:14 Tout le monde dans le village a pu le voir avec une autre femme.
00:22:18 Et ça, c'est difficile à avaler pour quelqu'un
00:22:21 qui essaye de mener une vie respectable.
00:22:24 -Betty aurait-elle découvert le poteau rose?
00:22:27 Le couple se serait-il disputé?
00:22:29 Les enquêteurs vaudois pensent tenir une piste sérieuse,
00:22:33 voir le mobile du crime.
00:22:35 D'autant que Cyril Belchaud a fini par reconnaître
00:22:39 cette liaison adultère.
00:22:42 ...
00:22:46 ...
00:23:16 -Chez les Belchaud, on aurait réglé cette affaire
00:23:20 au pire par un divorce, mais pas par un crime.
00:23:24 Si toutes les infidélités conjugales aboutissaient
00:23:28 à la mort de l'un ou l'autre des conjoints,
00:23:31 le monde serait dépeuplé.
00:23:33 ...
00:23:40 -Maitre, heureusement que toutes les infidélités conjugales
00:23:44 ne débouchent pas sur un crime.
00:23:46 Mais vous êtes d'accord que l'amour et la jalousie
00:23:49 sont des principaux mobiles dans les affaires criminelles?
00:23:52 -Oui, bien entendu.
00:23:54 Mais peut-être pas dans un si vieux mariage.
00:23:57 -Ce scénario d'une dispute qui aurait mal tourné,
00:24:00 c'était quand même un scénario assez plausible.
00:24:03 D'autant que Cyril Belchaud reconnaît lui-même
00:24:06 que le couple avait connu des crises.
00:24:08 -Oui, c'est vrai que c'est un scénario plausible.
00:24:11 Mais on ne sait pas comment la femme dans le dossier
00:24:14 ne vient l'étayer.
00:24:16 On sait qu'à Nouvelle-Anse,
00:24:18 c'est-à-dire quelques jours avant le départ pour Paris,
00:24:21 l'ambiance était très bonne au chalet.
00:24:23 Le fils est venu les visiter.
00:24:25 Et je crois que quelques jours avant,
00:24:27 Betty Belchaud a encore envoyé des lettres
00:24:30 où elle disait être heureuse.
00:24:32 Donc à ce moment-là, elle n'était pas au courant de la liaison.
00:24:35 On ne voit pas très bien comment elle aurait pu la découvrir
00:24:38 avant le départ à Paris.
00:24:40 -Il n'y avait pas d'indice, vous dites,
00:24:42 qui venait tailler cette thèse.
00:24:44 D'où d'ailleurs la difficulté de qualifier juridiquement ce crime.
00:24:47 -Oui, alors, encore, s'il y a eu dispute...
00:24:51 Admettons qu'il y ait eu dispute
00:24:53 et qu'au cours de cette dispute,
00:24:55 Betty Belchaud soit morte.
00:24:57 On ne sait pas dans quelles circonstances,
00:25:00 comment qualifier, s'agissait-il d'un acte prémédité
00:25:04 qui aurait pu tomber sous le coup de l'assassinat
00:25:07 ou d'une émotion violente, meurtre par passion,
00:25:09 ou même d'un homicide par négligence,
00:25:11 s'il s'agit dans la querelle d'une bagarre qui dégénère
00:25:15 et où on pousse la victime contre un objet
00:25:18 contre lequel elle se blesse.
00:25:20 -Et là, on a choisi une notion relativement neutre,
00:25:23 le meurtre.
00:25:24 -Alors, le procureur Haïm, à l'époque du procès,
00:25:27 a choisi le meurtre parce que ça n'engageait à rien.
00:25:30 C'est l'homicide intentionnel, mais intentionnel.
00:25:33 -Ce qu'il faut redire et repréciser,
00:25:35 parce que c'est ce qui est incroyable dans cette affaire,
00:25:38 c'est qu'on ne sait pas avec certitude de quoi
00:25:41 Betty Belchow est morte.
00:25:43 -Les médecins légistes à l'audience ont dit
00:25:46 qu'on ne pouvait pas exclure la mort naturelle.
00:25:49 Ce qui, évidemment, au regard des circonstances
00:25:52 de la découverte du corps, est très peu plausible.
00:25:55 Mais toutes les expertises étaient impossibles
00:25:59 et on n'a pas découvert de cause de la mort.
00:26:04 -Vous dites aussi que Céryl Belchow a été très perturbé
00:26:07 par les méthodes interrogatoires de ces deux policiers vaudois.
00:26:10 Il y avait de réelles différences entre le système
00:26:13 d'enquête pénale vaudois de l'époque
00:26:15 et le système d'enquête pénale anglo-saxon ?
00:26:18 -Ce n'est pas des différences, c'est un monde différent.
00:26:21 En droit suisse, enfin, le droit vaudois de l'époque,
00:26:26 maintenant on a un droit de procédure pénale fédérale,
00:26:29 c'est le système du juge d'instruction
00:26:32 qui est tout puissant avec la police pendant l'enquête.
00:26:35 Dans le système américain, c'est les parties
00:26:38 qui ont l'enquête en main, c'est-à-dire le procureur
00:26:42 et l'accusé et son avocat.
00:26:45 -Et l'accusé a le droit d'être assisté par un avocat ?
00:26:48 -Oui, bien sûr. Et le juge ne joue pas de rôle,
00:26:51 il joue un rôle d'arbitre, il empêche les coups défendus,
00:26:54 il empêche les questions qui ont tellement choqué
00:26:58 Céryl Belchow parce que chez nous,
00:27:01 il était courant de l'époser dans le système acquisitoire.
00:27:04 -Alors, 6 mois après la disparition de sa femme,
00:27:07 Céryl Belchow était donc revenu au Canada
00:27:10 d'où il ne pouvait pas être extradé,
00:27:12 mais en décembre 79, il décide de se rendre à Paris.
00:27:15 La justice vaudoise l'apprend, lance un mandat d'arrêt international
00:27:19 et Céryl Belchow est interpellé à sa descente d'avion.
00:27:22 La Suisse demande alors à la France son extradition,
00:27:25 Céryl Belchow s'y oppose et il choisit pour le représenter
00:27:28 dans cette procédure une star du barreau, puisqu'il s'agit
00:27:32 de Robert Badinter, l'homme qui fera plus tard abolir
00:27:35 la peine de mort en France.
00:27:37 Pierre Sanlivre, c'est à ce moment-là précis,
00:27:40 quand Céryl Belchow est emprisonné à Fleury-Mérogis,
00:27:43 qu'il vous sollicite via Robert Badinter.
00:27:46 -J'ai reçu un télégramme d'une assistante de Belchow au Canada
00:27:51 qui me priait d'intervenir auprès de Badinter
00:27:54 en envoyant une attestation de la valeur du personnage,
00:27:59 de ses qualités morales et de son poids scientifique.
00:28:02 -Ce que vous avez fait. -Ce que j'ai fait.
00:28:04 -Il y avait un large soutien dans la communauté des anthropologues.
00:28:07 On a beaucoup parlé du soutien du célèbre Claude Lévi-Strauss.
00:28:10 -Bien sûr, tout le monde en parlait.
00:28:12 C'était quand même tout à coup un des nôtres,
00:28:15 un personnage illustre dans la discipline.
00:28:18 -Mais il le connaissait bien ? -Je n'en sais rien,
00:28:20 mais bien sûr, il devait se connaître,
00:28:22 puisque Belchow avait un poste en quelque sorte
00:28:25 officiel international.
00:28:27 C'était celui de rédacteur en chef de Current Anthropology,
00:28:30 qui est l'organe même de la profession au niveau mondial.
00:28:34 -Donc soutien des anthropologues. -La plupart des anthropologues.
00:28:38 -Mais quand même quelques doutes. -Quelques doutes.
00:28:40 Et Lévi-Strauss envoie effectivement son appui à Belchow.
00:28:46 -Maître Stoudman, quels étaient les arguments
00:28:48 de votre confrère parisien lors de cette procédure
00:28:51 d'extradition ? Qu'est-ce qu'il a mis en avant
00:28:53 pour refuser cette extradition ?
00:28:55 -Il a plaidé, je n'y étais pas, mais c'est ce qu'on m'a raconté,
00:28:59 tout d'abord que l'accusation était extrêmement inconsistante,
00:29:04 puisqu'on ne connaissait ni l'endroit de la mort,
00:29:08 ni la cause de la mort.
00:29:10 Bref, que c'était à cet égard très peu probant.
00:29:15 Et quand ça n'a même pas... Ouh !
00:29:17 Ensuite, de quoi il s'est livré à une charge
00:29:21 partiellement justifiée. -Contre la justice vaudoise.
00:29:24 -Sur la justice vaudoise de l'époque, car Maître Badinter,
00:29:27 grand défenseur des droits de la défense,
00:29:29 trouvait que ceci était très mal respecté dans le canton de Vaud,
00:29:32 ce qui à l'époque était assez vrai dans la phase de l'enquête.
00:29:35 -Alors, malgré tout le talent de Robert Badinter,
00:29:38 il perd la partie et Cyril Belchow est donc extradé en Suisse
00:29:43 un an après la disparition de sa femme, le voilà,
00:29:46 de retour dans notre pays, à la case prison.
00:29:49 On retrouve Valérie Teuchère et Frédéric Zimmermann.
00:29:52 -1er février 1980.
00:30:00 Cyril Belchow est incarcéré à la prison du Bois-Mermet,
00:30:04 à Lausanne, et aussitôt interrogé.
00:30:07 Le professeur répète qu'il n'a rien à voir
00:30:10 avec la mort de Betty.
00:30:12 Il met en avant la faiblesse psychologique de sa femme
00:30:15 et de sa disparition.
00:30:17 -Même si Mme Belchow était dépressive et tout,
00:30:40 elle pouvait pas se mettre toute seule dans ce sac
00:30:43 et puis rouler en bol.
00:30:45 -Le face à face avec les enquêteurs vaudois est tendu.
00:30:50 -Il a toujours une attitude, je dirais,
00:31:10 professorale vis-à-vis de nous,
00:31:13 distincte, hautaine.
00:31:16 -Alors, pour déstabiliser Belchow,
00:31:20 les policiers vont tout essayer.
00:31:22 -On l'a amené une fois à l'Institut de médecine légale
00:31:26 pour lui faire reconnaître le corps,
00:31:29 et là non plus, il n'a pas branché.
00:31:32 Le but, je l'avoue, c'était de le faire craquer.
00:31:39 -On n'a pas obtenu d'aveu.
00:31:42 Par conséquent, on a essayé de prouver à tout prix
00:31:46 que Belchow, malgré ses dénégations,
00:31:49 était bien le coupable.
00:31:51 -Les policiers vaudois commencent par pointer
00:31:54 les incohérences du récit de Belchow.
00:31:57 Sa femme disparaît à Paris.
00:31:59 Pourquoi retrouve-t-on son corps au-dessus d'Aigle?
00:32:03 -Si c'est un crime crapuleux qui s'est déroulé,
00:32:06 pourquoi le meurtrier aurait pris la peine
00:32:09 de trimbaler ce corps à l'arvoire?
00:32:12 -L'hypothèse d'un retour précipité et volontaire
00:32:16 de Betty en Suisse ne les convainc pas non plus.
00:32:20 -Pour quelle raison Mme Belchow, tout d'un coup,
00:32:24 serait rentrée sans valise, sans passeport,
00:32:28 sans rien du tout, sans argent,
00:32:31 sans un bon appareil de sécurité?
00:32:34 Jusqu'à Montana, là, ça ne tient pas debout.
00:32:38 -D'où cette question, Betty a-t-elle jamais
00:32:42 mis les pieds à Paris?
00:32:45 Pour en avoir le coeur net, les enquêteurs vont refaire
00:32:49 le trajet de Montana à Paris, photo de Betty en main.
00:32:53 Ils visitent tous les restaurants, tous les hôtels
00:32:57 où le couple se serait arrêté.
00:33:00 -Partout où ils ont passé, on a présenté
00:33:03 cette photo et personne ne se souvenait
00:33:07 d'avoir vu Mme Belchow.
00:33:12 -Je suis moi-même allé à l'hôtel PLM de Beaune.
00:33:19 J'ai pu montrer une photo non seulement de Betty Belchow,
00:33:23 mais de Cyril Belchow, que personne n'a reconnu non plus,
00:33:27 alors qu'il n'était pas contesté qu'il avait passé la nuit là-bas.
00:33:31 -Un emploi n'est pas décisif.
00:33:34 -A Paris, un employé de l'hôtel est pourtant entré
00:33:38 dans la chambre des Belchow pour apporter deux petits-déjeuners.
00:33:42 Mais lui non plus n'a pas vu Betty.
00:33:46 -M. Belchow nous a répondu que lorsque le garçon
00:33:50 était monté avec les petits-déjeuners,
00:33:54 Mme Belchow était sous la douche.
00:33:58 -Mais les enquêteurs vaudois s'étonnent
00:34:02 d'autres anomalies dans ce voyage.
00:34:06 -Sur les registres des hôtels, il a signé Belchow, Cyril et Betty,
00:34:11 ce qui n'était vraiment pas nécessaire.
00:34:15 Et donc cela a paru un peu étrange.
00:34:19 -Comme pour vraiment insister que son épouse
00:34:27 était avec lui.
00:34:30 -Mais surtout, pourquoi, contrairement à ses habitudes,
00:34:34 Belchow n'a-t-il conservé aucune quittance des repas
00:34:38 pris avec Betty pendant ce voyage?
00:34:42 -Lors de la visite domiciliaire, on a découvert
00:34:46 des tiroirs pleins de reçus de cartes Visa.
00:34:50 Tout par hasard, lors de ce déplacement suisse,
00:34:54 il a toujours payé cash.
00:34:58 -Les enquêteurs en sont désormais sûrs,
00:35:02 Betty n'est jamais allée à Paris.
00:35:06 Belchow a menti, il trompait sa femme,
00:35:10 il a voulu empêcher son identification.
00:35:14 Bref, tout lacable.
00:35:18 -Petit à petit, l'enquête s'est resserrée sur M. Belchow.
00:35:22 -On pouvait démontrer, en quelque sorte,
00:35:26 qu'on avait bien la personne impliquée dans son meurtre.
00:35:31 ...
00:35:59 ...
00:36:03 -Vous diriez que l'enquête du côté de la police
00:36:07 a été menée à charge?
00:36:11 -Dès la découverte de la falsification de l'odontogramme.
00:36:15 On a le sentiment que les enquêteurs se sont dit
00:36:19 qu'ils tient l'homme et ont travaillé pour obtenir des aveux.
00:36:23 -Il n'y avait pas d'autre scénario à creuser pour la police.
00:36:27 C'était la difficulté de la défense,
00:36:31 cette absence de scénario alternatif.
00:36:35 -Oui, évidemment. Dans les affaires où l'accusé nie
00:36:39 et où il n'y a pas d'évidence, la défense aime bien trouver
00:36:43 des scénarios alternatifs, du moins faire ressortir
00:36:47 des éléments qui peuvent battre en prêche l'accusation.
00:36:51 Comme le témoignage de la boulangère dans l'affaire Légeret.
00:36:55 Ou l'expertise sur l'accident dans l'affaire Ségala.
00:36:59 -Là, il n'y avait rien. -Vraiment.
00:37:03 -Jean-Pierre Pastory, bonsoir. -Bonsoir.
00:37:07 -Vous aviez couvert l'affaire Belchot pour la radio.
00:37:11 Quel était votre avis?
00:37:15 L'enquête avait été menée à charge. Dans la presse,
00:37:19 c'était quoi la tonalité générale?
00:37:23 -Il y a eu des articles avant le procès sur l'enquête.
00:37:27 Quand on découvrait l'affaire de l'autogramme,
00:37:31 ou après le refus de parler à la police suisse au Canada,
00:37:35 le refus d'être extradé en Suisse une fois arrêté en France,
00:37:39 tout cela donnait à penser que... -C'était cousu de fil blanc.
00:37:43 -C'était cousu de fil blanc. -C'était une affaire suivie
00:37:47 dans les journaux à l'époque? -Il faut dire que c'était
00:37:51 une affaire suivie. -Il y avait des grands
00:37:55 chroniqueurs judiciaires. -Miriam Meuvly, Pierre-Ed Blanc,
00:37:59 Colette Muret à Lausanne, avant André Marcel.
00:38:03 Les journaux accordaient beaucoup de place à ces procès.
00:38:07 Celui-là était passionnant. Il y avait des indices,
00:38:11 mais pas de preuves. -Procès très attendus?
00:38:15 -Un procès extrêmement attendu dans cette petite ville d'Aigle.
00:38:19 -Un procès qui n'était pas développé comme il est aujourd'hui.
00:38:23 Il y avait une grande pointure. Il y avait le procureur Haim,
00:38:27 un homme redoutable, avec beaucoup de panache,
00:38:31 deux avocats brillants. -Maitre Stoumane,
00:38:35 dans quel état d'esprit vous avez abordé ce procès?
00:38:39 -Avec une certaine inquiétude, parce que le climat
00:38:43 dans les médias n'était pas très favorable.
00:38:47 Il y avait beaucoup de questions. En Suisse, le fait qu'il ait refusé
00:38:51 de répondre, ce qui est banal... -Ca le rendait plutôt coupable.
00:38:55 -Ca le rendait extrêmement suspect. Et tout le reste,
00:38:59 notamment le dentogramme. -Dans ce climat, la seule stratégie
00:39:03 de défense qui vous est apparue possible, c'était de faire jouer
00:39:07 le bénéfice du doute, ce qui a déplu à Bellechaud à l'époque.
00:39:11 -C'est-à-dire que maître Pachou avait la conviction
00:39:15 que Bellechaud... -Maitre Pachou qui était l'autre avocat.
00:39:19 -Je n'avais pas cette même conviction. Je pensais qu'il était
00:39:23 possiblement coupable, mais qu'on pouvait plaider le doute
00:39:27 sur la base du dossier. Bellechaud a finalement accepté,
00:39:31 mais un peu à contre-coeur, que j'utilise cette stratégie
00:39:35 que j'estimais la seule valable. -Faire valoir le doute,
00:39:39 mettre en avant la présomption d'innocence, c'était la stratégie
00:39:43 qui, à l'époque, a été utilisée par Bellechaud.
00:39:47 -La suite de cette histoire, qui est très importante,
00:39:51 va déboucher sur un vrai coup de théâtre.
00:39:55 -4 décembre 1980. Il neige sur Aigle
00:39:59 lorsque s'ouvre le procès. La salle d'audience
00:40:03 est comble, l'ambiance électrique, des journalistes
00:40:07 du monde entier ont fait le déplacement.
00:40:11 -Ce n'est pas une ligne d'un roman d'Agatha Christie.
00:40:15 Tout le monde était fasciné. -A commencer par les jurés.
00:40:19 6 hommes de la région, postiers, vignerons, enseignants.
00:40:23 Parmi eux, André Schebler. Sur les épaules
00:40:27 de ces simples citoyens, la responsabilité de juger
00:40:31 l'homme qui défraie la chronique judiciaire depuis un an.
00:40:35 -Il y a une responsabilité que je ressens.
00:40:39 -Quand on saisisse tous les tenants et aboutissants
00:40:43 des enquêtes qui ont été faites, il semblait
00:40:47 que l'affaire allait être assez simple.
00:40:51 Bien que l'accusé résiste à son accusation,
00:40:55 tous les faits sont contre lui.
00:40:59 -L'acte d'accusation rédigé par le procureur Haim
00:41:03 s'appuie sur le scénario établi par les enquêteurs vaudois.
00:41:07 -Peut-être parce que Betty a découvert que son mari
00:41:11 la trompait, une dispute éclate.
00:41:15 Par un moyen qui n'a pu être déterminé,
00:41:19 Cyril Belchot tue sa femme dans l'appartement de Montana
00:41:23 ou en route pour Paris. Il la déshabille
00:41:27 afin qu'elle ne puisse être identifiée, puis se débarrasse
00:41:31 de son corps au Larvoin. -L'accusation n'avait pas
00:41:35 de précédent. Il n'avait que des éléments psychologiques.
00:41:39 Il leur fallait démontrer que le comportement du professeur Belchot
00:41:43 était celui d'un coupable. -La falsification du schéma
00:41:47 dentaire est au coeur des débats. Un acte injustifiable
00:41:51 pour le procureur Willi Haim.
00:41:55 -Combien de femmes, de maris, de fils, de filles
00:41:59 falsifient-ils des documents ? Combien ? Combien ?
00:42:03 -Belchot répond toujours la même chose.
00:42:07 Il n'a pas pu accepter
00:42:11 d'avoir une preuve formelle
00:42:15 de la mort de son épouse. C'était insupportable pour lui.
00:42:19 Il se rend compte plus tard que c'était une erreur.
00:42:23 Je ne suis pas convaincu par cette explication.
00:42:31 -L'interrogatoire serré du professeur continue.
00:42:35 -Le juge Guignard s'adresse à Belchot en lui disant
00:42:39 "Comment avez-vous pu jeter le cadavre de votre épouse
00:42:43 au baie de sauvage parmi les ordures ?"
00:42:47 C'était une manière assez violente de poser des questions.
00:42:51 ...
00:43:15 -Mais Belchot tient bon. Son comportement ambigü,
00:43:19 son infidélité, son indifférence apparente,
00:43:23 face à toutes les accusations, il résiste.
00:43:27 -Il a réponse à tout. Il a son scénario.
00:43:31 Il n'en démord pas, il n'en dévie jamais.
00:43:35 Il est toujours maître de lui.
00:43:39 -Si Belchot impressionne, il en faut plus pour emporter un jury.
00:43:43 Le procès va alors connaître un tournant décisif.
00:43:47 Il est au tour de Diana, la fille de Belchot, de comparaître.
00:43:51 La jeune femme s'exprime en français.
00:43:55 -Elle avait un charme considérable.
00:43:59 Quand elle s'est mise à déposer,
00:44:03 elle a introduit dans le procès une dimension humaine
00:44:07 qui n'existait pas avant.
00:44:11 -Elle avait une ravissante voix basse, chaleureuse.
00:44:15 -Je l'ai vu avec ma mère. Ma mère aimait mon père.
00:44:19 Tous les hommes du jury, je les voyais. Ils étaient en transe.
00:44:23 -Diana Belchot va surtout amener un élément inédit et crucial.
00:44:27 Elle raconte avoir trouvé son père dévasté à Montana
00:44:31 après son retour de Paris.
00:44:35 Les valises de sa mère n'étaient même pas défaites.
00:44:39 -Je lui ai demandé si elle avait défait ses valises.
00:44:43 Elle a dit oui. J'ai eu le réflexe de demander
00:44:47 s'il y avait de la lingerie sale dans cette valise.
00:44:51 -Si la valise contenait du linge sale, forcément,
00:44:55 Betty était à Paris. La défense marque un point.
00:44:59 D'un coup, d'un seul, le récit de Belchot,
00:45:03 sa douleur devant la disparition de l'être aimé,
00:45:07 prennent une certaine consistance.
00:45:11 -A cet instant, tout le monde a retenu son souffle dans la salle.
00:45:15 Les gens se sont dit que si elle croit son père innocent,
00:45:19 peut-être bien qu'il l'est.
00:45:23 -Ca m'a impressionné.
00:45:31 Je me dis que c'est une femme qui a été assassinée,
00:45:35 c'est une épouse, mais c'est une mère aussi.
00:45:39 Ca laisse planer un doute, justement.
00:45:43 C'est ça l'effet qu'il y a eu sur moi.
00:45:47 Ca laisse planer un léger doute.
00:45:51 -Dès lors, maître Stoudman tient son public.
00:45:55 Après avoir démonté point par point l'accusation,
00:45:59 il s'adresse au jury.
00:46:03 -Il faut leur dire "bien, d'accord, l'hondentogramme,
00:46:07 "c'est ce qu'il a passé."
00:46:09 Mais on doit vous prouver maintenant que Cyril Belchaud
00:46:13 a tué sa femme.
00:46:15 Et on doit vous dire où, quand et comment il l'a fait,
00:46:19 pourquoi il l'a fait.
00:46:21 Si on ne parvient pas à vous le dire,
00:46:25 c'est qu'il y a une part d'incertitude, une part de doute.
00:46:29 Votre intime conviction ne peut pas être acquise
00:46:32 et vous devez la quitter.
00:46:34 -Lundi 8 décembre 1980, après 3 jours de procès
00:46:38 et 4 heures de délibération, le président Guignard
00:46:42 entre dans la salle pour lire le verdict.
00:46:45 Il est accablant pour Belchaud.
00:46:48 -On réalise qu'il récapitule tous les éléments à charge
00:46:52 contre Belchaud.
00:46:54 Cela semble clair qu'il va être jugé coupable.
00:46:57 La tension monte dans la salle.
00:46:59 Et puis, soudain, le juge conclut
00:47:01 qu'il a quitté en raison d'un très léger doute.
00:47:04 Et là, il y a un silence assourdissant.
00:47:07 On entend au fond de la salle une Canadienne demander en anglais.
00:47:11 "Ca veut dire quoi ? Ca veut dire quoi ?"
00:47:14 -Belchaud est un homme libre.
00:47:20 -Ha, ha, ha!
00:47:46 -Maître, on va commenter cette victoire.
00:47:49 Elle reste l'une des grandes victoires de votre carrière.
00:47:53 Mais d'abord, on veut en savoir plus sur les coulisses.
00:47:57 Dans ce procès, on a vu les jurés qui ont fait la différence.
00:48:01 On a compris avec quels arguments vous êtes parvenu à les convaincre.
00:48:05 Mais sur la forme, avez-vous choisi une façon de leur parler ?
00:48:09 -Je pense que chaque avocat a sa propre façon de parler.
00:48:13 Mais je suis d'avis qu'on doit s'adapter à son auditoire.
00:48:17 Je savais que le président Guignard et les juges Assesseurs
00:48:21 étaient pour la condamnation.
00:48:24 Il me restait donc la chance du jury.
00:48:27 Un jury, il faut établir un contact de proximité physique.
00:48:31 -Il faut le sentir.
00:48:33 -Et puis, un lien.
00:48:35 Vous sentez quand vous leur parlez si ce lien se maintient
00:48:39 ou s'arrête.
00:48:41 -Ce lien se maintient ou s'il casse.
00:48:44 Il faut vite le raccommoder pour continuer.
00:48:47 -Vous leur avez parlé comment ?
00:48:49 -C'était un jury populaire.
00:48:51 Il y avait un vigneron, un paysan, un employé postal.
00:48:55 Il faut utiliser les mots de tous les jours,
00:48:58 s'abstenir de l'imparfait du subjonctif
00:49:01 ou du vocabulaire archaïque.
00:49:03 Il faut leur parler tranquillement pour éviter la méfiance
00:49:07 qu'a le public à l'égard de l'avocat, beau parleur et truqueur.
00:49:11 -Le jury le disait, Cyril Béchon, un homme convaincant, déterminé,
00:49:15 mais qui avait une vie hors norme, des histoires de maîtresse.
00:49:19 Comment ça passait dans l'opinion publique vaudoise ?
00:49:23 -1980 n'est pas 2013, mais malgré tout,
00:49:27 je ne crois pas qu'on ait été plus vertueux
00:49:30 dans le chablais vaudois qu'en Colombie-Britannique.
00:49:34 -Ca leur en est un peu suspect.
00:49:36 -Ce qui peut-être a joué en sa défaveur,
00:49:39 c'est le fait qu'il ait amené sa maîtresse dans l'appartement,
00:49:43 qu'il ait même visité l'appartement en sa compagnie
00:49:46 avant de passer deux semaines avec elle,
00:49:49 avant que sa propre épouse arrive.
00:49:51 Ca, c'était un peu putangent.
00:49:53 -Ca ne passait pas trop bien.
00:49:55 Pierre Sanlivre, ces histoires de maîtresse,
00:49:58 ce grand déballage qui révélait une facette du personnage
00:50:01 que vous ne connaissiez certainement pas ou peu,
00:50:04 ça vous a pas tombé ?
00:50:06 -Non, je ne pense pas.
00:50:08 Déjà, depuis un certain temps, parmi mes collègues,
00:50:11 on discutait des causes éventuelles de l'affaire
00:50:14 et le fait que Belchot ait eu une des maîtresses
00:50:17 ne nous surprenait pas particulièrement.
00:50:20 -Ca jasait un peu dans le milieu, c'était connu ?
00:50:23 -Oui, bien sûr, on échafaudait les quantités de scénarios possibles,
00:50:27 on se demandait ce qui s'était passé, tout en soutenant Belchot.
00:50:31 -Maitre Stoudman, le tournant dans le procès,
00:50:34 on l'a vu dans le sujet, c'était le témoignage de Diana,
00:50:37 la fille de Cyril Belchot.
00:50:39 Cette histoire de l'inchâle dans l'évahilise,
00:50:42 c'était un truc d'avocat ?
00:50:44 C'était préparé, vous pouvez nous le dire, peut-être ?
00:50:47 -Votre question est presque insultante,
00:50:50 parce que l'éthique veut qu'on ne prépare pas les témoins.
00:50:53 C'était un pur hasard.
00:50:55 Les enfants de Belchot, ils avaient été convoqués par la défense
00:50:58 pour, comme témoins de moralité, venir décrire leurs parents,
00:51:02 décrire l'entente dans le couple,
00:51:05 et dire qu'ils ne croyaient pas à la culpabilité du père.
00:51:08 -Vous avez une sorte de fulgurance, d'inspiration du moment.
00:51:11 -C'est-à-dire que, alors que Diana parlait de son arrivée à Montana,
00:51:16 où elle voit son père dévasté, et qu'elle dit
00:51:19 qu'il n'avait même pas eu la force d'ouvrir les valises,
00:51:22 la discussion est partie sur les valises.
00:51:25 "Oui, j'ai dû", etc.
00:51:27 Et c'est là que je lui ai dit, "mais est-ce qu'il y avait du linge sale ?"
00:51:30 J'ai eu cette petite inspiration.
00:51:32 -Vous êtes d'accord que ça a marqué les esprits,
00:51:35 mais en fait, ça ne prouve rien.
00:51:37 -Avec le recul, ça ne prouve pas grand-chose.
00:51:40 Mais en réalité, sur le moment, ça a eu un effet.
00:51:43 C'était en fin de journée, tout le monde était fatigué,
00:51:46 et ça a été vraiment le choc,
00:51:48 et même le procureur n'a pas osé rebondir.
00:51:51 -Après trois jours de débat, le jugement tombe.
00:51:54 C'était complètement contradictoire.
00:51:56 D'abord, énorme présomption de culpabilité,
00:51:59 et pour finir, acquittement au bénéfice d'un très léger doute.
00:52:02 -C'est toujours un moment de tension quand on lit le jugement.
00:52:07 Le jugement, dans ses motivations, était un jugement de condamnation.
00:52:11 Et ensuite, dans l'avant-dernière alinéa,
00:52:15 il y a une sorte de pirouette où le tribunal explique
00:52:18 que compte tenu de la nationalité étrangère de Belchow
00:52:22 et de sa méconnaissance du système judiciaire,
00:52:25 il y a un léger doute dans l'interprétation des faits.
00:52:30 C'est absolument incohérent.
00:52:32 Et le doute est fondé sur ce raisonnement incohérent.
00:52:35 -L'acquittement, ce n'est pas tous les jours en pénale.
00:52:38 Pour un avocat, pour un pénaliste comme vous,
00:52:41 on disait que c'était une des grandes victoires de votre carrière.
00:52:44 C'est un moment puissant, on peut le dire ?
00:52:46 -D'abord, stupéfaction, compte tenu du soulagement
00:52:50 à cause de la responsabilité qu'on a
00:52:53 quand on a la liberté de quelqu'un entre ses mains.
00:52:56 Et puis, un moment d'exaltation assez fort
00:52:59 qui ne dure malheureusement pas très longtemps.
00:53:02 -Moment d'exaltation pour l'avocat.
00:53:05 Jean-Pierre Pastory, dans la salle d'audience,
00:53:08 c'était quoi la réaction à la lecture de ce jugement ?
00:53:11 -L'étonnement, quand même.
00:53:13 Mais pour ce qui concerne les journalistes,
00:53:16 qui peut-être auraient préféré une condamnation,
00:53:19 il y avait un soulagement aussi.
00:53:21 Il vaut beaucoup mieux libérer un coupable
00:53:24 qu'emprisonner un innocent.
00:53:26 -On doit respecter un jugement qui a été rendu par la justice.
00:53:29 -La presse l'a absolument respecté.
00:53:31 Il y a guéru de commentaires.
00:53:33 -Mais pour vous, est-ce que c'est une erreur judiciaire ?
00:53:36 -Je serais tenté de le penser, du fait que depuis plus de 30 ans,
00:53:40 il n'y a eu aucun indice, aucun aveu, rien de nouveau,
00:53:44 qui donne une explication cohérente
00:53:47 à ce qui s'est passé entre Montana, Vermala et Paris,
00:53:51 et le CP pendant cette année 1979.
00:53:54 Donc, oui, nous, on pensait qu'il était coupable,
00:53:58 mais on était peut-être un peu soulagé de le voir libéré
00:54:01 parce qu'il y avait ce très léger doute.
00:54:03 -Aquitté au bénéfice de ce très léger doute,
00:54:06 alors que tout l'accablait pendant plus de 30 ans,
00:54:09 Cyril Belchaud n'a jamais accordé une seule interview.
00:54:12 Il a accepté pour zone d'onde de revenir sur les faits
00:54:15 et il nous livre maintenant sa vérité. On l'écoute.
00:54:18 -C'est au 29e étage d'une tour au centre de Vancouver
00:54:27 que vit aujourd'hui Cyril Belchaud.
00:54:30 A 91 ans, l'homme est toujours vif, brillant.
00:54:33 Il continue d'écrire quotidiennement.
00:54:36 Il a d'ailleurs récemment publié ses mémoires
00:54:39 dans lesquelles il revient sur l'affaire et ses conséquences.
00:54:43 -En plus de 30 ans, il n'y a pas eu un jour
00:54:46 où je n'ai pas pensé au puzzle de la mort de Betty,
00:54:50 et il n'y a pas eu un jour où j'ai été en colère
00:54:54 contre le système judiciaire.
00:54:57 Dans mes premiers ans,
00:55:01 surtout quand je suis revenu à l'université,
00:55:04 je marchais sur le campus,
00:55:06 et les gens qui me connaissaient me regardaient
00:55:09 et marchaient de l'autre côté.
00:55:11 Donc, ça a certainement eu un impact.
00:55:15 Vous dites qu'il y a des doutes
00:55:21 sur le fait que quelqu'un ait tué sa femme ?
00:55:24 Je veux dire, les gens vous regardent.
00:55:27 Nous vous doutons.
00:55:29 -Le retour au pays ne s'est pas fait sans douleur,
00:55:34 y compris au niveau familial.
00:55:36 Après avoir défendu leur père au procès,
00:55:39 Diana et Adrian lui ont réclamé quelques explications.
00:55:44 -Ca s'est passé à cause du dentogramme.
00:55:48 Ils n'étaient pas heureux
00:55:52 de voir la rôle que ma amie dame jouait.
00:55:55 Ils voulaient certainement me dire
00:55:59 que son engagement dans la histoire
00:56:04 et dans ma vie
00:56:06 n'étaient pas acceptables.
00:56:10 -Vous avez des regrets ?
00:56:12 -Oui.
00:56:13 Bien sûr, je suis peut-être inquiet.
00:56:17 Quand on fait des erreurs,
00:56:20 quand on vit ce qui s'est passé dans le passé,
00:56:23 on se demande si on aurait fait autrement.
00:56:26 Et certains choses,
00:56:29 comme le dentogramme,
00:56:31 ne sont pas évidentes.
00:56:33 Ne pas avoir fait en sorte
00:56:35 que Betty ait un docteur en Angleterre,
00:56:38 c'est évident.
00:56:40 Beaucoup de choses ont émergé.
00:56:45 Par exemple, je ne devrais jamais avoir agi
00:56:50 avec la police suisse
00:56:52 pour qu'elles m'interviennent.
00:56:55 Ils pourraient rester là
00:56:57 pendant tout le temps qu'ils voulaient,
00:57:00 mais ils ont toujours fait de la merde,
00:57:03 ou ils ont passé du temps
00:57:06 en faisant des exercices en vain.
00:57:11 -Qu'est-ce qui s'est passé avec votre femme ?
00:57:16 -C'est toujours un grand mystère.
00:57:21 Je crois que ce n'était pas un meurtre.
00:57:28 Les deux médecins qui ont témoigné au trial,
00:57:35 ont tous dit, indépendamment,
00:57:38 qu'ils ne pouvaient pas
00:57:40 régler un meurtre naturel.
00:57:42 Elle peut avoir été
00:57:50 en amnésie ou en semi-amnésie.
00:57:55 Cela s'est passé en Angleterre avant,
00:57:58 mais pas de la même manière.
00:58:01 Si c'était le cas,
00:58:03 elle aurait été en amnésie.
00:58:06 La question est,
00:58:09 comment elle est arrivée dans la mauvaise compagnie ?
00:58:12 Quels étaient les motifs
00:58:14 des gens qui l'ont affrontée ?
00:58:17 Si c'était un meurtre naturel,
00:58:20 ils auraient été choqués
00:58:23 et ne sauraient pas quoi faire.
00:58:31 -Maitre Stoudman, une réaction ?
00:58:35 -Je crois qu'il ne tient pas la route.
00:58:38 On ne peut pas reprocher à l'accusation
00:58:41 de faire un scénario sur des hypothèses
00:58:44 sans fait matériel pour les soutenir
00:58:47 et accepter ce scénario alternatif.
00:58:50 -On parlait avec M. Pastory
00:58:52 d'erreurs judiciaires possibles.
00:58:55 Est-ce que vous vous êtes à l'aise ?
00:58:58 -Cent fois à l'aise.
00:59:00 Il n'y a pas d'erreur judiciaire
00:59:03 quand on n'innocent un coupable.
00:59:06 -Pour vous, c'est un jugement exemplaire ?
00:59:10 -Oui, c'est toujours exemplaire
00:59:13 quand on voit une application concrète
00:59:16 de la présomption d'innocence dont on parle beaucoup,
00:59:19 mais qu'on n'applique pas toujours.
00:59:22 -Vous aviez dit au jury qu'ils seraient fiers
00:59:25 quand on aura trouvé l'assassin de Betty Belchow.
00:59:28 Ils doivent commencer à trouver le temps long, non ?
00:59:31 -C'est un scénario alternatif futuriste, si vous voulez.
00:59:35 -Pierre Sandivou, vous avez revu
00:59:38 Cyril Belchow 3 ans après.
00:59:41 C'était en 1983 au Canada.
00:59:44 Est-ce que c'était un homme très marqué
00:59:47 par ce qu'il avait vécu, par ce drame qu'il avait traversé ?
00:59:50 -C'était 3 ans après le drame.
00:59:53 Belchow avait organisé avec succès
00:59:56 la compétition nationale des sciences anthropologiques.
00:59:59 Il nous a invités, ma femme et quelques collègues,
01:00:02 à un repas dans un restaurant.
01:00:05 -Il était en bonne compagnie ?
01:00:08 -Il était en bonne compagnie.
01:00:11 -Avec sa maîtresse de l'époque ?
01:00:14 -Je ne lui ai pas demandé s'il s'agissait
01:00:17 de sa maîtresse, de sa fiancée...
01:00:20 -Néanmoins, elle vous a laissé un souvenir précis.
01:00:23 -En effet, c'était une superbe personne
01:00:26 aux formes agréables et assez pétulante.
01:00:29 -Aujourd'hui, plus de 30 ans après,
01:00:32 avec le recul et la distance, vous vous penchez pour quoi ?
01:00:35 -Sur le moment, voyez-vous,
01:00:38 il me semblait invraisemblable
01:00:41 que Belchow ait pu commettre un meurtre.
01:00:44 Je l'avais vu, j'avais apprécié son caractère.
01:00:47 Après le procès et la réflexion,
01:00:50 j'ai discuté avec un collègue
01:00:53 et quelques gens ont été touchés par l'affaire.
01:00:56 Ma perplexité est grande.
01:00:59 -On en restera là.
01:01:02 Maître Soumane, une dernière question
01:01:05 purement intellectuelle,
01:01:08 si on trouvait aujourd'hui une preuve formelle
01:01:11 de la culpabilité de Cyril Belchow,
01:01:14 il se passerait quoi ?
01:01:17 -Il serait pris.
01:01:20 -Et s'il n'y avait pas de prescription,
01:01:23 est-ce que la justice peut rouvrir un dossier ?
01:01:26 -Je n'en suis pas absolument sûr,
01:01:29 mais à mon souvenir d'avocat retraité, oui.
01:01:32 -En guise de conclusion,
01:01:35 quoi qu'il arrive, il ne faut jamais avouer
01:01:38 et avoir de très bons avocats ?
01:01:41 -C'est vous qui le dites.
01:01:44 -Merci à vous de nous avoir suivis.
01:01:47 N'hésitez pas à consulter notre site.
01:01:50 Vous y découvrirez plein de bonus
01:01:53 et notamment d'autres extraits de l'interview de Cyril Belchow.
01:01:56 Belle fin de soirée à tous sur la RTS.
01:01:59 ...
01:02:02 ...
01:02:05 ...
01:02:08 ...
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