Gilles Artigues était l'invité exceptionnel de France Bleu Saint-Étienne ce vendredi. Après des mois de silence, l'ancien premier adjoint au maire de Saint-Étienne, victime de l'affaire de chantage présumé à la mairie, a pris la parole pour dire sa vérité et raconter ce qu'il a vécu.
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00:00 Comme vous pouvez vous en douter, je ne vais pas très bien.
00:02 C'est vrai que j'ai vécu d'abord toutes ces années de chantage, de menaces, et puis il y a eu l'état de choc lorsque
00:10 les révélations du piège qui m'a été tendu
00:14 ont été
00:18 publiées.
00:19 Et aujourd'hui je suis dans une nouvelle phase où j'ai eu envie de m'exprimer, de parler pour différentes raisons.
00:26 Effectivement vous avez été extrêmement discret, seulement un post Facebook
00:30 incommuniqué dans les premières révélations de l'affaire, il y a maintenant dix mois. Pourquoi choisissez-vous ce tempo-là, cette semaine-là, pour briser le silence ? Pourquoi maintenant ?
00:38 J'ai été beaucoup sollicité effectivement par de nombreux médias pour pouvoir m'exprimer.
00:44 Au début je ne trouvais pas les mots pour dire ce que j'avais enduré.
00:51 Et puis j'ai travaillé avec des médecins, avec des personnes qui m'ont aidé, et aujourd'hui je me sens prêt à le faire.
00:59 J'avais toujours dit aussi qu'il fallait que
01:02 l'enquête avance,
01:05 que des choses soient posées, et aujourd'hui c'est le cas, puisqu'il y a eu à la fois des gardes à vue, des mises en examen,
01:11 et aussi que mon statut de victime a été
01:15 bien reconnu.
01:17 Et puis j'avoue que ce qui a été fait à mon ami Lionel Boucher il y a quelques jours, à qui on a retiré les délégations,
01:24 que je trouve totalement scandaleux,
01:27 me pousse aussi à
01:29 prendre la parole,
01:31 à le défendre et à dénoncer cet abus de pouvoir.
01:34 On reviendra sur l'aspect plus politique de cette affaire. Comment avez-vous vécu d'abord personnellement ces derniers mois, depuis les premières révélations
01:41 de Mediapart ? Est-ce qu'il y a eu aussi une forme de soulagement finalement que tout cela sorte ?
01:48 J'ai été partagé entre deux sentiments. Bien sûr que ça a été une sorte de libération, à partir du moment où
01:54 tout cela a été rendu public.
01:56 Je savais que ce chantage,
01:59 ces menaces, cette torture morale allaient cesser,
02:03 mais je ne me doutais pas que ça allait prendre une telle ampleur médiatique
02:08 au niveau national. Et ça c'est quelque chose de difficile à vivre.
02:13 Si aujourd'hui vous tapez mon nom sur un moteur de recherche, il sort "sex tape".
02:17 Donc pour ma famille, pour moi-même, c'est une souffrance, une nouvelle souffrance.
02:23 Justement de toute évidence, Gilles Hartig, vous n'êtes pas seul. On entend aussi ces derniers temps, et c'est nouveau aussi, les témoignages
02:29 de votre femme, de votre fils, qui vous accompagne d'ailleurs ce matin à France Bleu Saint-Etienne-Noir, de vos filles aussi, qui n'hésitent pas à assister
02:36 aux conseils municipaux, pour, c'est tel qu'ils disent, regarder dans les yeux ceux qui ont fait du mal à leur papa. Ça vous rassure aussi
02:43 tel soutien, tel soutien, ça vous porte quelque part ? - C'est évident que c'est vraiment un soutien exceptionnel.
02:49 Je remercie vraiment mes proches qui ont tout appris finalement quelques jours
02:54 avant la publication des révélations. - Et qui ont aussi compris beaucoup de choses. - Ils ont compris pourquoi, oui, pendant toutes ces années, j'avais pu être
03:03 distant,
03:04 angoissé, absent.
03:06 Ils ne m'en ont pas voulu, simplement ils m'ont reproché de ne pas en avoir parlé plus tôt.
03:12 Mais c'était bien difficile de le faire, parce que je pensais qu'on ne m'aurait pas cru.
03:16 Et ils m'ont dit tout de suite, on va se battre, on va être à tes côtés,
03:20 c'est pour moi d'un grand secours, évidemment. - 7h49 sur France Bleu Saint-Etienne-Noir, Gilles Hartig est notre invité jusqu'à 8h.
03:28 - L'enquête progresse, Gilles Hartig et quatre protagonistes présumés sont déjà mis en examen, au moins pour chantage, y compris le maire de Saint-Etienne lui-même,
03:35 Gaël Pedrillo, dont vous étiez à une époque très proche, au moins en apparence,
03:40 pour vous ça ne fait aucun doute en tout cas qu'il faisait partie aujourd'hui de la machination ou qu'il était au moins au courant de ce piège.
03:46 - Ça c'est évident, je crois que dans cette affaire on n'est pas parole contre parole, parce qu'il y a quand même des
03:52 preuves de cette machination, il y a des enregistrements que tout le monde a entendu.
03:57 J'ai d'ailleurs à préciser que ces enregistrements,
04:00 je les ai faits pour me défendre, pour me protéger, c'était pas pour les utiliser,
04:06 puisque quand j'ai compris que cette vidéo allait être utilisée contre moi, par le maire en particulier, je me suis dit que
04:14 la vie était terminée et j'ai vraiment songé à mettre fin à mes jours et à ce moment là
04:21 j'ai pris conscience que si je commettais cet acte irréparable, il fallait que je laisse une trace à ma famille,
04:27 c'est la raison pour laquelle j'ai enregistré et vous l'avez entendu, ces jours-là,
04:33 même mes enfants étaient menacés, puisqu'on voulait diffuser ces images aux parents
04:38 des élèves qui se trouvaient dans la même classe que les miens, donc c'est une grande violence.
04:44 - Est-ce que vous imaginez qu'il puisse être commanditaire de tout cela ?
04:47 - Ça je ne peux pas le dire, je sais ce qu'il m'a fait,
04:50 je sais que lorsque mon collègue Samy Kéfi-Jérôme
04:55 m'a annoncé qu'il m'avait piégé, je suis tout de suite allé lui en parler, qu'il m'a écouté poliment,
05:01 mais qu'il n'a rien fait et que quelques jours après cela, lors d'une réunion du conseil de majorité où nous avions eu un petit différent,
05:07 il m'a pris à part, il m'a dit "tout cela tu ne me le referas plus, tu seras toujours en accord avec moi,
05:12 sinon je balancerai les images que tu connais".
05:15 - Ça paraît être un exemple finalement sur plus de six ans de chantage au total,
05:20 en quoi et dans quelle mesure finalement avez-vous été empêchés
05:23 sur le point de vue professionnel ou même personnel par le chantage que vous avez subi ?
05:28 - J'étais sous une emprise totale, d'ailleurs les médecins ont bien analysé le phénomène et m'ont aidé à avancer
05:35 dans ce domaine.
05:38 Je ne pouvais jamais exprimer vraiment un point de vue,
05:42 bien sûr quand arrivaient des élections, il fallait absolument que je ne sois pas candidat ou que mes amis
05:48 ne le soient pas.
05:50 - Quand vous nous avez dit le 25 mai 2022, c'est la dernière fois que vous étiez chez nous à France Bleu Saint-Etienne Loire,
05:54 quand vous avez retiré votre candidature aux législatives, est-ce qu'on peut
05:58 et doit y voir aujourd'hui une deuxième lecture ?
06:00 - Absolument, oui j'étais parti, j'avais démarré ma campagne, j'avais les soutiens de tout le monde
06:05 et bien évidemment que Gaël Perdriot ne voulait pas que j'ai une chance d'être député,
06:12 ensuite il n'a plus voulu que je sois premier adjoint puisque,
06:14 comme vous le savez, il avait des ambitions ministérielles et la logique veut, quand un maire devient ministre, que son premier adjoint puisse
06:22 lui succéder et donc il a prétexté
06:26 un fait assez futile pour que je sois rétrogardé et une nouvelle fois humilié.
06:31 - Quand Gaël Perdriot et son directeur de cabinet Pierre Gauthiery disent et répètent que vous vous êtes présenté à de nombreuses élections
06:37 entre 2015 et 2022, les départementales, les législatives, c'est donc pas le cas ?
06:42 - Alors effectivement je me suis présenté aux législatives,
06:45 bon ils ont tout fait pour me savonner la planche pour qu'effectivement je ne sois pas élu,
06:50 mais c'est tout, donc ça représente pas beaucoup d'élections et en tout cas en 2022 il est clair que la menace de diffuser la vidéo
06:58 a pesé lourd
07:00 dans ma décision de me retirer.
07:02 - Il est 7h52 sur France Bleu Saint-Etienne, Noir Gilles Artygue est notre invité jusqu'à 8h.
07:06 - Vous avez suivi certaines retransmissions des derniers conseils municipaux en direct malgré votre absence pour des raisons médicales,
07:14 comment est-ce que vous réagissez
07:15 aux explications de Gaël Pedrillo notamment quand il cite Zola avec la fameuse vérité en marche,
07:21 on se satisfait que sa mise en examen lui est ouverte,
07:24 l'accès aux dossiers, il affirme que l'histoire est toujours bien différente que celle que l'on raconte, est-ce que ça vous inquiète
07:30 d'entendre le maire de Saint-Etienne dire tout ça ?
07:32 - Ça ne m'inquiète pas, ça me révolte, il dit partout et tout le temps depuis le début
07:36 vous allez voir cette histoire n'est pas celle qu'on vous raconte, il y a une autre vérité, mais qu'il la donne cette vérité,
07:41 elle n'existe pas la vérité c'est ce qui a toujours été dit,
07:45 c'est cette manière dont il m'a fait chanter, ce sont ses menaces.
07:49 - Donc il joue le tout pour le tout là ?
07:51 - C'est sa défense, oui il s'accroche de toute façon, il veut rester à tout prix sur son siège de maire,
07:57 vous doutez bien que s'il y avait une autre histoire
07:59 les juges ne l'auraient pas mis en examen, il ne serait pas resté trois jours en garde à vue,
08:04 on lui aurait dit écoutez monsieur Pedrillo, effectivement les éléments que vous m'apportez
08:08 font que l'affaire est classée pour vous et on en reste là.
08:12 - Mais quand il dit que finalement sur sept chefs d'accusation possible il n'en reste qu'un ?
08:16 - Mais c'est terrible, c'est horrible, il reste quoi ? Il reste le chantage ?
08:20 C'est rien pour lui le chantage, ça m'a poussé au suicide
08:24 et il est aussi sous contrôle judiciaire, ce n'est pas rien.
08:30 Il a payé une caution de 60 000 euros pour ne pas aller en prison,
08:34 donc quand il dit que la justice ne lui reproche rien à ce stade, c'est faux, il y a la présomption d'innocence,
08:42 d'accord avec ça, il faut la respecter, mais quand il y a des enregistrements, quand il y a des preuves aussi flagrantes...
08:47 - Il évoque des montages.
08:50 - Les juges ont eu l'intégralité et entre nous
08:54 il n'a pas vraiment intérêt à ce qu'on diffuse l'intégralité parce qu'il y a des horreurs du début à la fin,
09:01 pas forcément en lien direct avec mon histoire, il dit des choses horribles y compris sur d'autres élus
09:08 qui aujourd'hui continuent à le soutenir et qui je pense seraient souples.
09:13 - Est-ce possible qu'il ait une emprise sur d'autres élus Stéphanois ?
09:15 - Ça je ne le sais pas, mais quand je vois tous ces collègues qui restent
09:21 totalement sourds, qui défendent l'indéfendable,
09:24 je me dis qu'il doit soit leur promettre des choses, soit les menacer et j'en appelle à un sursaut de leur part,
09:32 il faut qu'ils réagissent particulièrement au prochain conseil municipal du 26 juin où sera
09:38 votée la destitution ou non de Lionel Boucher.
09:42 Ce sont des gens que j'ai aidés, qui sont entrés en politique pour un certain nombre grâce à moi,
09:47 je leur demande de se mettre en accord avec leur conscience pour qu'ils puissent se regarder
09:52 devant une glace.
09:54 - Est-ce que vous serez présent à ce prochain conseil municipal ?
09:56 - Oui.
09:57 - Qui est toujours élu on le rappelle à la mairie de Saint-Etienne.
09:59 - Oui alors sur le conseil municipal c'est compliqué parce que dès le départ
10:04 les médecins m'ont dit que ce serait difficile pour moi de me retrouver face à mon bourreau,
10:09 d'être dans des débats qui parlent publiquement de l'affaire et puis maintenant le contrôle judiciaire pose aussi la question de l'interdiction
10:18 pour Gaël Pedrillo d'entrer en contact avec les protagonistes mais aussi avec la victime.
10:23 Donc a priori nous ne pouvons pas nous retrouver au même endroit, au même moment.
10:29 - C'est effectivement une question sur la table, les avocats sont en train d'imaginer
10:34 comment faire justement sur cette question.
10:36 Est-ce qu'on peut s'attendre à vous revoir très présent, Gilles Hartig dans un futur proche sur la scène politique ?
10:40 Ou est-ce que vous ne pensez plus du tout à l'Assemblée nationale, plus du tout au Sénat ou même à vous représenter à la mairie de Saint-Etienne ?
10:46 - Sincèrement pour l'instant je
10:49 suis
10:50 traumatisé par ce qui m'est arrivé.
10:52 Je me prépare encore à des mois difficiles puisqu'on se dirige vers un procès
10:59 peut-être dans un an ou plus. Donc c'est vraiment ma préoccupation, j'ai le souci de protéger aussi
11:06 ma famille. Donc bien sûr que je suis préoccupé de ce qui se passe dans cette ville de Saint-Etienne où je suis né.
11:13 - Vous savez que si vous arrêtez tout, certains de vos électeurs auront un sentiment de gâchis.
11:18 Vous êtes quand même une personnalité incontournable, qu'on le veuille ou non, du paysage
11:21 politique stéphanois et ligérien. Vous le prenez en compte ça ?
11:25 - Oui absolument, tous ces messages de stéphanois ça me touche beaucoup. Lorsque l'affaire est sortie, je restais chez moi
11:30 terré, j'avais peur qu'on me juge et puis bon j'ai pris mon courage à deux mains, je suis sorti et j'ai été vraiment étonné par
11:37 tous ces témoignages. J'ai toujours eu une relation très proche avec les stéphanois
11:43 et je pense aussi que c'est peut-être une des raisons pour lesquelles
11:46 Gaël Perdriot était très très jaloux et il voulait absolument être le seul à exister dans la ville et il pouvait être très agacé que
11:54 les stéphanois
11:56 apprécient la manière dont j'étais
11:58 proche d'eux. Je trouve ça très dommage, c'est un gâchis parce que
12:02 sincèrement il y avait bien la place pour deux dans cette ville.
12:04 - Et enfin, assez rapidement, Gilles Hartigues, je tenais à vous laisser quand même quelques secondes pour présenter ce nouveau site internet
12:11 qui est en ligne depuis hier. C'est vous qui l'enseigne, il s'appelle "Lutte contre le chantage à l'image intime L2C2I.fr"
12:19 c'est votre nouveau cheval de bataille ?
12:21 - Oui effectivement, en deux mots,
12:23 je souhaite que mes souffrances que j'ai vécues puissent être utiles aux autres.
12:27 Je sais que dans tous les milieux de pouvoir il y a des chantages, des machinations comparables à la mienne, que ce soit bien sûr dans le milieu politique,
12:36 économique,
12:38 dans les médias, dans la culture, dans le sport et je pense qu'il est important de recueillir des témoignages pour envisager peut-être des actions communes
12:46 pour solliciter les parlementaires. Il faut que la loi évolue, il faut que la justice soit plus sévère,
12:52 plus rapide et donc à travers cette plateforme
12:57 je mène un nouveau combat
13:00 L2C2I.fr