NUITDEBOUT 2016 17

  • l’année dernière
NUIT DEBOUT PARIS ESPACE EDUCPOP
Transcript
00:00 [Les gens sont en train de se faire enregistrer]
00:14 Tu as un appui sur le rouge, tu vois "enregistrement" qui s'affiche. Tu le vois ?
00:19 Oui.
00:20 Appui sur le rouge.
00:21 Ce n'est pas la première fois que je traite la question de la pensée complexe. Il se trouve que le dernier épisode complexe vient de Macron qui a justifié son absence à la télévision du 14 juillet, disant "je suis trop complexe pour discuter avec vous, journalistes".
00:47 Or, ça fait rire pas mal de monde, y compris le journaliste de l'Humanité qui rapporte le propos de Macron pour ne pas le prendre au sérieux.
01:00 En le racontant, Macron est plus intelligent que nous, puisqu'il refuse d'entretien.
01:11 Donc, tu veux parler ?
01:15 Alors, ça c'est un épisode qui prouve que Macron maîtrise le complexe, mais que le journaliste qui rend compte de sa complexité dans l'Humanité, lui ne le maîtrise pas parce qu'il ne connaît pas le contenu de la théorie complexe.
01:41 Alors, il se trouve que moi, qui fut marxiste et qui l'est encore un peu, j'ai fréquenté l'espace Marx et les philosophes du Parti Communiste, qui traite le marxisme et est censé produire des théories qui ont un effet social.
02:10 C'est-à-dire qu'à partir du moment où vous pouvez produire une analyse de la société, vous êtes capable d'influer sur le cours de cette société.
02:20 Donc, j'ai des amis dont un physicien nucléaire qui m'a indiqué qu'il connaissait Janine Gaspin, spécialiste de la complexité.
02:38 Donc, un jour, je me retrouve à l'espace Marx, à côté de Janine Gaspin, que je reconnais parce qu'elle étudie sur une vidéo comme conférencière au Brésil sur les questions complexes.
02:56 Est-ce que ça vous dérangerait de vous asseoir là ?
03:01 Adèle, tu ne peux pas faire le ménage. Boris, si tu veux parler, tu vas ailleurs avec ton copain.
03:09 Donc, Janine Gaspin, je lui dis "Madame, vous êtes spécialiste de la pensée complexe, pourquoi ne donnez-vous pas une conférence à l'espace Marx ?"
03:22 Elle me répond "Je suis interdit par la direction de donner cette conférence pour ne pas citer le directeur, à l'époque c'était Cohen et Seat qui ont été remplacés, mais pour moi c'est la même chose."
03:41 Et donc, ça signifie que les théories complexes qui sont censées être étudiées par les philosophes sont boycottées scientifiquement par la direction marxiste du PCF français.
04:00 Ça c'était il y a 5 ou 6 ans. Et alors, depuis Janine Gaspin donne des conférences, mais elle les donne hors le siège national qui est à Fabien.
04:20 Je prétends que Mélenchon a assimilé la pensée complexe, que Macron l'a assimilé, mais que par contre il y a une forte résistance des mouvements qui se prétendent de gauche,
04:37 les associations qui sont nées de la bataille récente, y compris Nuit Debout, pour assimiler cette pensée, qui va à l'encontre de l'éducation que nous recevons tous dès l'école maternelle.
04:56 L'éducation que nous recevons correspond à une pensée linéaire, c'est-à-dire qu'il y a le bon sens, il y a par exemple la cause qui produit un effet,
05:14 c'est ce qui permet de pratiquer le quotidien à partir d'idées tout à fait banales et ordinaires.
05:27 Or, le système dans lequel nous vivons n'est plus dans la pensée linéaire, c'est-à-dire qu'une cause ne produit pas simplement un effet.
05:43 Donc, j'ai fait la toile que vous voyez là derrière moi, vous la voyez peut-être pas. Avant la complexité, on pouvait considérer que la société fonctionnait en chaîne directe.
06:01 On oublie cette boîte-là, c'est-à-dire que vous avez une idée, vous avez la boîte qui permet de la fabriquer et vous avez sa réalisation.
06:13 Donc, c'est une espèce de dictature approuvée par tout le monde. On prend une décision, on prend les outils qui la réalisent et on fabrique ce qu'on a envie de fabriquer.
06:32 Aujourd'hui, avec les ordinateurs, on peut toujours, quand on a produit quelque chose, analyser ce qu'on a produit. On n'a pas besoin d'ordinateur, sauf que c'est plus compliqué.
06:47 Donc, aujourd'hui, avec les ordinateurs, on peut examiner ce qu'on fabrique. Et quand on a examiné, l'examen se fait dans cette boîte qui s'appelle une boîte de réaction.
07:00 Dans la boîte de réaction, vous avez un avis qui sort, qui vient de l'analyse que vous avez faite. Vous avez un produit, vous l'analysez, au bout de ce truc, il y a une analyse.
07:13 Cette analyse est confrontée à l'analyse initiale et c'est confronté dans un espace à la fois informatique et réel qui font que la fonction de réalisation de votre produit est modifiée par la chaîne de réaction.
07:34 Donc, ça signifie que, d'une certaine façon, la chaîne de réaction représente la démocratie puisque vous pouvez proposer une réflexion sur un produit.
07:50 Si vous êtes dans un système où la démocratie n'existe pas, cette chaîne de réaction est supprimée. Donc, ce qui se passe, c'est que toutes les fonctions de ce système vivent parce qu'il y a des liens entre individus.
08:15 Là-dedans, vous avez des individus, là aussi, là aussi, partout. C'est-à-dire que dans tout le système, le système est habité par des humains.
08:27 Même si on peut considérer aussi que dans la nature, on retrouve ce schéma fonctionnel. Et donc, le système est stable en fonction de la nature des liens entre individus.
08:52 Vous avez trois types de liens entre individus. Vous avez le lien individuel, c'est-à-dire que vous réfléchissez à ce que vous êtes ou ce que vous fabriquez.
09:01 J'ai appelé ça le lien L1. Vous avez le lien monodirectionnel, c'est-à-dire que vous avez un lien d'un individu vers l'autre.
09:13 Vous parlez à un individu qui reçoit votre parole, mais lui ne vous parle pas, vous ne pouvez pas recevoir sa parole. Donc, ça veut dire que c'est un lien monodirectionnel.
09:24 Ensuite, vous avez le lien bidirectionnel, c'est-à-dire que vous parlez à un individu et il vous répond. Donc, il y a un dialogue qui s'est ordonné.
09:34 Donc, la stabilité de tout système, les conditions de son existence sont liées à la nature des liens internes.
09:50 Et donc, Macron a compris que cette théorie qui fournit une justification scientifique de la société, c'est quelque chose dont la connaissance n'est pas populaire.
10:14 Donc, c'est simplement soumis à la protection de la science, la protection de ceux qui gouvernent.
10:28 Et donc, moi, ce que je pense, c'est que si on n'a pas cette vision de la société, on ne peut pas la comprendre.
10:40 Et donc, en même temps, la question est de savoir, le système qui est représenté peut représenter à la fois le système capitaliste et le système dissocialiste.
10:56 Sauf que dans un système capitaliste, vous n'avez pas beaucoup de liaisons bidirectionnelles, vous avez plutôt du monodirectionnel.
11:07 Et vous ne fabriquez pas les mêmes choses dans le socialisme ou dans le capitalisme.
11:15 Parce qu'il n'y a pas eu de discussion. Le système monodirectionnel, il va vous produire quelque chose qui n'est pas la même chose que s'il y a une discussion sur la nature de ce qui est produit.
11:29 C'est-à-dire, s'il y a des liens bidirectionnels.
11:32 Donc, on peut dire que le modèle peut s'appliquer aussi bien au socialisme qu'au capitalisme, mais que, suivant la nature des liens internes, on a le socialisme ou le capitalisme.
11:48 Or, si vous voulez, la grande force de la bourgeoisie aujourd'hui, c'est de faire croire qu'on est dans le chaos et que eux seuls connaissent les lois qui nous permettent de sortir du chaos.
12:02 Jamais que la solution socialiste est possible.
12:07 Et donc, Janine Gaspin, dans son bouquin, elle prend la Grèce comme exemple en disant que la Grèce a été un test qui n'est pas terminé, malheureusement.
12:20 C'est que, il y avait des solutions économiques pour sortir la Grèce du marasme et que l'Europe a interdit à la Grèce d'appliquer ses solutions économiques.
12:38 Donc, ça signifie qu'on a des choix politiques qui se sont substitués aux choix économiques.
12:50 Donc, voilà, moi je suis un peu confus et déstroyé, mais la grosse question qui se pose aujourd'hui, si vous voulez, c'est que les interprétations de la situation politique française,
13:10 elles sont entre les mains et entre les moyens de la droite. La gauche a perdu les moyens de ses ennemis.
13:19 C'est ça qui est dramatique. Alors, si vous voulez, un lieu comme Nîmes-le-Beau, c'est un lieu où plusieurs opinions peuvent s'exprimer,
13:28 où il y a un débat théorique, où il y a un débat aussi sur les pratiques, et c'est un lieu exceptionnel parce que,
13:35 si vous cherchez bien, vous ne trouverez pas, dans Paris, d'endroits où on gère ces concepts, sauf les pincades de la droite qui font des séminaires,
13:48 avec des moyens financiers, bien sûr, pour faire des analyses sur les situations dont la gauche, à l'heure actuelle, est démunie.
13:58 Et c'est vrai aussi que Mélenchon, qui avait ouvert le débat, et qui avait conduit à gagner 7 millions de points,
14:07 il a fermé le débat à partir du moment où il a refusé toute discussion avec qui que ce soit.
14:14 Et donc, pour moi, Mélenchon alimente un espèce d'échec après avoir réussi une opération hors des partis,
14:25 où les partis étaient très dépréciés, et n'avaient plus les moyens d'agir.
14:34 Et donc, moi, ce que je pense, c'est que Nuit Debout doit trouver les moyens de fabriquer du lien social,
14:44 c'est-à-dire de fabriquer ces liens que j'ai désignés L1, L2, L3, les augmenter le nombre de ces liens,
14:56 pour rendre les citoyens capables d'influer sur les productions, y compris la production sociale.
15:06 Donc voilà, j'arrête de parler, si vous avez des questions, j'y répondrai.
15:13 — Merci. Donc on ouvre au débat. Est-ce qu'il y a des personnes qui souhaitent réagir sur ce qui a été dit ?
15:20 Faites un signe, je vous passe la parole. Je vous rappelle qu'on est sur une lecture d'un livre "L'émancipation et la pensée complexe".
15:29 — Je voulais savoir, c'est quoi la pensée complexe ?
15:33 — Donc, vas-y.
15:37 — C'est très difficile. Alors, la pensée complexe, c'est une théorie qui permet de comprendre les lois sociales qui nous régissent.
15:53 Et donc, ça peut être le commentaire de ce dessin. Donc moi, j'ai fait un commentaire.
16:07 Si tu poses cette question, ça veut dire ou tu ne l'as pas suivi ou j'étais obscur.
16:13 — Qu'est-ce qu'il y a de plus important que la pensée complexe ?
16:21 — Je pense que... Est-ce que tu peux pas compléter ou diversifier ta question ? Parce que je reste sec, là.
16:32 — ...responsable du malheur de toute la planète en stigmatisant toute une région qui dérange le plus près de son camp.
16:40 — Merde, non, je suis sec. Je suis fatigué. Vas-y, continue. Tu reprendrais peut-être les micros.
16:47 — Tu veux préciser ? — Ouais. Donc en fait, ce que je voudrais savoir, c'est... Bah ouais, j'ai vu un peu avec des boîtes.
16:54 T'as des boîtes, puis un retour. Mais je vois pas la pertinence, quoi, de la chose. Enfin, je comprends pas bien, en fait. Je comprends pas trop.
17:01 Non, en fait, je comprends pas très bien. Si tu pouvais développer, je vois pas ce que c'est que la pensée complexe,
17:06 qu'est-ce qu'elle a comme différence avec la pensée linéaire causale, et en quoi c'est pertinent, en quoi c'est intéressant.
17:12 Et pourquoi tu viens nous parler de ça, quoi ?
17:15 — La pensée complexe, c'est une pensée qui permet de définir... Dans une situation, elle permet de tracer un schéma.
17:36 Ce schéma-là. Et qui définit un système. Un système, c'est un ensemble de boîtes fonctionnelles.
17:47 Et quand on... La complexité signifie que l'analyse de chaque boîte est insuffisante pour connaître le fonctionnement dynamique du système total.
18:02 C'est-à-dire que la pensée classique, c'est... J'étudie A, j'étudie B, j'étudie C.
18:10 Et donc, le système, c'est l'ensemble A + B + C.
18:16 Donc, jusqu'ici, on pouvait dire "je connais A, je connais B, je connais C, donc je connais le fonctionnement du système".
18:26 Bon, la découverte de Brigogine, c'est qu'il a découvert que A a certaines relations avec B, qui a certaines relations avec C,
18:37 qui peut avoir des relations avec A. C'est-à-dire que les boîtes sont interconnectées. Chaque partie est interconnectée.
18:46 Et ça, ça provoque un fonctionnement qui peut parfois être déduit des fonctionnements de chaque boîte,
18:56 mais grosso modo, le système a un comportement qui peut être émergent.
19:02 Or, une émergence, c'est une propriété dynamique de l'ensemble A + B + C qui dépasse toute prévision à partir des comportements de chacune des boîtes.
19:16 Je ne sais pas si c'est plus clair ou pas.
19:18 [Public] Non, mais je vais te...
19:21 [Public] Parce qu'il y a d'autres personnes qui souhaitent... On prend d'abord celle qu'on ne peut pas parler pour cette intervention, et ensuite, moi, c'est vraiment...
19:28 [Public] ...
19:29 Ouais, vas-y.
19:30 Je ne vais pas durer longtemps. C'est juste simplement... Est-ce que tu pourrais exemplifier dans la société, avec un exemple concret, ton propos, quoi ?
19:40 Parce que ce n'est pas clair pour moi du tout. De me donner... Parce que là, tu parles de boîte, de système, de boîte, de A, de B, de C.
19:46 Est-ce que tu n'as pas des exemples concrets dans la société ? Parce que pour toi, c'est un rapport avec le concret, hein.
19:52 Parce que tu parlais de la société, tu parles de politique, etc. Donc est-ce que tu peux nous donner des exemples concrets ?
19:57 [Public] Autour de la question sur la pensée circulaire.
20:00 Non, ce n'est pas exactement la pensée circulaire. C'est par exemple, si tu veux, ça fait... Des partis politiques existent depuis 1870-80.
20:13 Donc, depuis... Ça fait donc plus de 100 ans. Tu peux dire qu'un parti politique, c'est une boîte fonctionnelle qui a un programme pour aboutir à un résultat.
20:28 Donc, moi, quand je dessine une boîte "parti politique", je mets "P" dans la boîte, je mets à gauche, il y a "programme" et à droite, il y a "résultat".
20:39 Bon. Tu peux prendre l'avis des partis depuis un siècle. Donc, il y a des conflits, il y a des relations entre partis.
20:49 Et brutalement, puisqu'il y a des impuissances historiques de ces partis, puisqu'on est dans une situation où on ne débouche aucun programme,
21:02 où les programmes se plantent, où la population ne supporte plus la structure politique, il s'est créé brutalement un mouvement du type "Macron-Mélenchon".
21:15 C'est-à-dire, ces mouvements étaient absolument imprévus, mais ils sont venus du fait que, dans la boîte "parti",
21:24 les liens entre individus dans la boîte se sont tellement dégradés que le parti s'est écroulé. Et donc, sa fonction s'est écroulée.
21:36 Si les liens internes ne sont plus viables, la boîte s'écroule. Et c'est ce qui s'est passé. Il s'est passé que les partis se sont écroulés.
21:48 Et clairement, si tu veux, la prévision, c'était pas du tout l'émergence de Mélenchon ou de Macron, du tout. Même l'an dernier.
21:58 Et donc, ça signifie que, puisqu'ils ont émergé, ça confirmait que les boîtes fonctionnelles décrites comme "parti politique" étaient obsolètes.
22:10 Donc le problème qui se pose à nous, si tu veux, c'est de savoir qu'est-ce qu'on fait dans cette situation.
22:17 Mélenchon, qu'est-ce qu'il fait avec la situation qu'il a créée hors des partis ? Qu'est-ce que fait Macron avec le mouvement qu'il a créé ?
22:28 Nous, notre boulot, à "Lui-de-vous", c'est de savoir ce qu'on fait avec. Parce qu'on avait prévu ça, sans l'avoir prévu.
22:38 On a créé la situation hors-parti sur la place de la République. On l'a créée pas seulement dans le concept, on l'a créée avec notre peau.
22:47 Et avec un territoire. On a créé un territoire où ces questions peuvent se poser.
22:53 Tu ne peux pas poser la question de la durée d'un parti aujourd'hui, tu ne peux pas la poser au PC, tu ne peux pas la poser au PS.
23:01 Je ne sais pas, Macron n'a plus de parti. Non ! Si tu essayes de discuter de ça, tu te fais jeter.
23:08 J'ai encore l'expérience avec Alain, on est allé voir le PC il y a une semaine, Mélenchon nous a fermé la porte. C'est comme ça la réalité.
23:20 - C'est pas le PC, le Mélenchon, c'est pas le PC. - Non, mais Mélenchon, quoi ? Mais le PC, c'était ailleurs, c'était un autre endroit.
23:28 Donc si tu veux la question pourquoi il y a une émergence aujourd'hui dans la société française, c'est ça la pensée complète.
23:38 C'est-à-dire qu'il y a différents facteurs qu'il faut analyser dans toutes les relations qu'on peut imaginer ou vérifier dans la relation du parti à la réalité.
23:55 ... par une idée qui organise tous ces partis. Donc le mouvement pour le communisme, la française, avec le Front Populaire au XIIe siècle,
24:07 Égalité, Fraternité, Liberté, va les mettre d'accord tous après les catastrophes. C'est tout.
24:14 ...
24:27 ... déterministe, tout reposé sur la loi de Sinoza de la cause et de l'effet.
24:33 ... et qu'en réalité dans les sciences sociales aujourd'hui il y a une nouvelle théorie, qui est la théorie complexe,
24:38 et qui postule que le déterminisme est insuffisant pour appréhender le réel.
24:44 Et qu'en réalité le réel c'est à la fois du déterminisme, à la fois de l'indéterminisme, et là ça nous renvoie à la théorie quantique en physique,
24:52 mais c'est aussi en économie la théorie du jeu. En sociologie ça va être la sociologie holiste, mais aussi la sociologie méthodologique individualiste.
25:06 Et donc, moi je vois l'intervention de Pierre comme une sorte d'œuvre d'art, où à travers son tableau il nous représente en fait une image de la réalité,
25:18 à travers des éléments qui interagissent entre eux, et qui représentent la réalité complexe dans laquelle nous sommes.
25:27 Alors moi la question que je voulais poser c'est, nous y allions à la droite et à la gauche en nous expliquant que finalement aujourd'hui,
25:35 le socialisme ne pouvait pas être contesté parce qu'il y avait une hégémonie de droite.
25:43 Alors moi la question c'est quel rapport justement avec l'œuvre et avec la pensée complexe ?
25:55 Si vous voulez, la pensée complexe c'est une invention de Prigogine qui est prise au Bel en 70, et qui est partie de ça.
26:11 Je l'ai déjà montré, peut-être que vous l'avez déjà vu, c'est l'expérience de Bénard, 1900, qui n'a pas été expliquée avant 70.
26:21 Et que maintenant, il y a des équations pour expliquer ça. Il y a des équations, il y a des simulations informatiques.
26:30 Donc le problème c'est qu'il y a une partie scientifique, c'est-à-dire la théorie complexe contemporaine,
26:37 s'appuie sur cette expérience-là, qui dit que du chaos peut émerger une structure.
26:49 Et donc cette structure ennemi d'abeilles, née dans une coupelle d'eau réchauffée uniformément.
26:57 Si c'est pas uniforme, la figure n'apparaît pas.
27:00 Et donc pour chauffer uniformément une coupelle d'eau, il faut des technologies avancées,
27:06 parce qu'on peut pas le faire sur des feux ordinaires. Il faut des feux uniformes.
27:11 Et donc le problème, il est que dans la théorie, la connaissance des théories complexes,
27:20 elle est pour l'instant diffusée dans certaines écoles d'ingénieurs, et puis c'est tout.
27:26 La faculté connaît pas, le lycée encore moins, l'école maternelle encore moins.
27:33 Et donc c'est une théorie qui permet de comprendre le monde, et c'est une théorie qui est dangereuse
27:41 si les mouvements révolutionnaires s'emparent de cette théorie,
27:47 parce que ça leur permet de comprendre ce qui se passe.
27:50 Et donc la droite planque soigneusement ses connaissances, qui ont un mal fou à diffuser.
27:57 Moi j'ai du mal, vous voyez, ils sont réunis là-bas, moi ils me connaissent, ces mecs-là, ils sont gentils là.
28:03 Sauf qu'ils veulent pas écouter, ils se barrent. Parce que je les fatigue en ramener...
28:08 Je suis classé ranoteur sur un truc qu'ils écoutent pas.
28:13 Et donc c'est un des obstacles ici, sur la place, c'est qu'on a souvent dit que les séances éducatives,
28:24 c'était de la parlotte, j'en sens ça régulièrement.
28:28 Or les gens ne se rendent pas compte que la discussion sur des sujets qui sont pas des sujets officiels,
28:38 elle est pas possible en Paris.
28:41 Parce que si vous voulez aller au café, vous allez consommer 2-3 euros pour un plat, une table,
28:47 et au bout d'une heure on vous dira "qu'est-ce que vous prenez ?"
28:50 Vous avez déjà pris le café, faut en prendre un autre.
28:53 Donc l'accès à cette connaissance est poisonné et très régulier.
29:01 Pourquoi ? Parce que c'est très dangereux d'avoir cette connaissance-là.
29:09 Parce que ce système-là permet la simulation.
29:14 Donc si vous avez des batteries d'ordinateur pour étudier les mouvements sociaux,
29:21 je ne dis pas que vous allez résoudre tous les problèmes avec ça.
29:24 Sauf que vous pouvez éplucher les biographies des gens,
29:28 et quand vous avez les biographies, vous prouvez quand même le cas flagrant, c'est la publicité.
29:36 C'est-à-dire que tout le monde sait que les publicitaires se servent des enquêtes par mail.
29:43 Sauf qu'il faut pire que ça, c'est qu'ils en déduisent des lignes politiques.
29:50 Macron a réuni une équipe d'informaticiens pour faire des enquêtes de société,
29:57 avant de définir ce qui a ressemblé comme un programme
30:02 que des gens ont dit "c'est une plaisanterie le programme de Macron".
30:05 C'est pas du tout une plaisanterie.
30:07 Je me suis pris un tour de parole.
30:13 Bon, je sais pas par exemple ce que d'autres cultures penseraient de la Français complexe,
30:19 mais à mon avis, ils diraient la même chose que ce qu'ils auraient dit la philosophie d'Aristote ou d'autres.
30:25 C'est une façon de penser le monde.
30:28 Et cette façon de penser, comme tu le disais avant, la pensée binaire avant,
30:31 donc c'est encore une autre façon, certes, qui est peut-être plus complexe,
30:36 c'est le cas de son nom, pour penser le monde.
30:38 Mais ça reste une façon de penser le monde, qui en plus, tu l'as dit très justement,
30:41 est liée au développement de l'informatique.
30:43 Donc c'est une façon de penser le monde qui est liée au développement de l'informatique,
30:47 mais ça ne veut pas dire que c'est comme ça que le monde fonctionne.
30:50 C'est comme ça que le monde fonctionne dans la tête de la philosophie occidentale actuelle,
30:55 et en plus, tu ne parles que du point de vue politique quasiment.
30:58 Or, est-ce que...
31:01 Ça, ça intéresse beaucoup pour les algorithmes, etc., pour la société de consommation.
31:07 Oui, super, il y a cette question de pensée complexe, mais ça reste très limite.
31:10 - Je filme ! - Très limite.
31:12 Et tu crois que les personnes en dehors des partis,
31:15 la pensée complexe, ça peut les intéresser justement dans le rapport aux autres,
31:18 mais finalement, il y a toutes...
31:20 Je t'avais déjà posé la question du hasard par rapport à la pensée complexe,
31:23 mais un, c'est pas dedans, et deux, c'est même pas concerné par ça.
31:27 Donc, la présenter, certes, c'est le nouveau jouet des philosophes occidentaux.
31:34 Je vois pas trop comment le présenter autrement.
31:37 Je ne dis pas que c'est pas intéressant, parce que c'est forcément plus intéressant que la théorie d'avant,
31:40 comme chaque théorie est plus intéressante que celle qu'elle a avant,
31:43 mais n'en faisons pas la vision du monde ultra.
31:48 Oui, si vous voulez, même avec les précautions que tu prends,
31:55 tu restreins l'importance de la pensée complète,
32:01 en disant que c'est une pensée occidentale.
32:03 C'est faux, c'est la pensée des sociétés économiquement développées,
32:08 où l'informatique est développée.
32:10 Donc, tu peux dire que c'est la majorité de la planète,
32:13 même en gros en langue, ils ont des ordinateurs,
32:16 même en proposy, tout le monde a des ordinateurs aujourd'hui.
32:20 Et donc, dire que c'est une interprétation du monde,
32:25 ça enlève la moitié, les trois quarts des arguments.
32:30 Une théorie n'est valable que si elle a un impact dans le réel du monde.
32:35 Si elle n'a pas d'impact, ça vaut rien.
32:38 Mais toi, tu es en train de me dire que ça n'a pas d'impact.
32:42 Non, quand tu as une certaine vision du monde,
32:45 ça a un impact sur la façon dont tu appréhendes ce monde,
32:48 donc sur le monde.
32:50 Seulement, tu pourrais vivre dans le même monde de base,
32:53 avoir une autre vision de ce monde,
32:55 ce qui aurait un autre impact sur ce monde.
32:57 Mais ça a un impact parce qu'on a cette vision-là du monde.
33:00 Ce n'est pas pour autant que cette vision est la vision réelle.
33:04 Alors, ce n'est pas la vision qui fait l'unanimité.
33:09 Mais le problème, c'est que ce sont les groupes de gens
33:13 qui ont la capacité d'assimiler cette théorie
33:18 qui gagnent la bataille aujourd'hui.
33:20 C'est-à-dire que les autres visions sont obsolètes.
33:24 Non mais, alors, tu as l'air de considérer que c'est anodin.
33:31 Je veux dire, Macron a gagné une bataille
33:34 parce qu'il avait assimilé la pensée complète.
33:37 Et nous, on l'a perdue parce qu'on a bricolé.
33:41 L'enchant a fait du bricolage, du gros bricolage.
33:45 Essayer de définir les bases.
33:58 Il y a une cause qui fait qu'on sort du chaos.
34:03 Mais cette cause était inconnue.
34:05 De même que, ici, aujourd'hui, dans la situation politique,
34:10 il n'était pas prévu que les partis s'écrouent.
34:13 Du tout.
34:14 Alors, quand même, il me semble que j'ai essayé de définir
34:18 ce qu'est la pensée complète.
34:21 C'est une pensée qui permet
34:24 de définir un système dans une situation.
34:28 Un système, c'est un ensemble de boîtes fonctionnelles.
34:33 Et voilà, j'ai défini ça en me servant de la littérature
34:39 et de ce que j'ai fabriqué moi-même.
34:42 Donc, analyser, définir un système dans une situation,
34:48 c'est déjà une pensée scientifique, qui n'est pas évidente.
34:52 Du tout.
34:54 Et quand tu as défini le système
34:57 et que tu as défini les relations entre les boîtes fonctionnelles du système,
35:02 tu es dans la pensée complexe.
35:05 Mais est-ce que tu as déjà entendu dire, en politique,
35:08 nous faisons partie d'un système avec des boîtes ?
35:12 Jamais, ils ont dit ça.
35:14 Ça, c'est une découverte scientifique
35:16 qui est liée à l'apparition des cellules de Bénard.
35:19 La cellule de Bénard, elle est là-dedans.
35:22 Tu peux trouver Bénard là-dedans.
35:25 Parce que là, tu peux trouver plein de choses dans ce genre de schéma.
35:29 C'est un schéma qui s'applique à énormément de choses.
35:32 Donc, ne me dis pas que je ne définis pas la pensée complète.
35:36 Je te dis, c'est une pensée qui permet de définir un système
35:40 dans énormément de situations.
35:42 Le gros problème qui s'est posé au moment de l'apparition de Prigogine,
35:46 c'est qu'on a dit...
35:50 Ça, c'est de la science.
35:52 Parce que chauffer de l'eau, c'est de la science.
35:55 Ça ne peut pas s'appliquer aux sociétés humaines.
35:58 On s'est mis à étudier les plantes
36:01 et on s'aperçoit que les plantes, ça marche comme ça.
36:05 Parce qu'il y a un territoire et que la plante,
36:08 elle fait comme le territoire, c'est en chaos,
36:11 c'est de l'herbe, c'est de la terre, c'est des cailloux,
36:14 c'est rien du tout, et puis il pousse une plante.
36:18 Donc, c'est une émergence, la plante.
36:21 Donc, ça correspond à ce genre de machin.
36:24 Et le jour où il fait froid, où il n'y a plus d'eau,
36:29 tu as dans les paramètres, c'est-à-dire dans les liens qui sont là,
36:34 tu as un lien qui s'écroule.
36:36 Il y a un lien, c'est la flotte.
36:38 Il y a un autre, c'est l'oxygène.
36:40 Et la plante, elle crève.
36:42 Donc, si tu veux, dans les modèles biologiques,
36:47 on s'aperçoit qu'il y a des connivences avec les modèles sociaux.
36:51 Sauf que les savants qui nous gouvernent,
36:55 ils ne veulent pas entendre de l'application de ces lois à la société.
36:59 Parce qu'à partir du moment où on a une théorie
37:01 qui permet d'expliquer les événements sociaux,
37:04 c'est la panique à bord.
37:06 Puisque c'est de la science, c'est accessible à tout le monde.
37:10 Et ce qui fout la merde,
37:12 c'est que les ordinateurs permettent d'accéder à ces connaissances.
37:16 Moi, la simulation de Bénard,
37:20 tu la trouves où ?
37:22 Tu la trouves sur les sites des universités américaines.
37:25 Tu vas aller chercher sur les universités françaises, tu ne trouveras pas.
37:29 Est-ce que c'est plus clair que tout à l'heure ?
37:33 - De toute façon, on ne va pas y passer toute la nuit, malheureusement.
37:36 - On pourrait.
37:38 - D'accord, tu reviendras.
37:40 Je prends les deux dernières interventions, puis après tu pourras conclure.
37:44 - Ce que je voulais dire, j'ai compris,
37:50 c'est que le chaos est construit.
37:54 C'est parce qu'il y a eu ce chaos,
38:04 il y a eu des constructions de différents partis.
38:08 Par exemple, le parti socialiste ne sera plus comme avant.
38:12 Il y en a qui, pour eux, c'est terminé.
38:16 Ça se déconstruit en plusieurs partis.
38:21 On voit chacun construire son parti,
38:23 parce qu'on ne peut plus dialoguer comme avant,
38:26 avec les mêmes critères, les mêmes normes.
38:30 Tout le monde est obligé de reconstruire autrement.
38:35 Macron, lui, a peut-être compris ça avant tout le monde,
38:39 parce qu'il a su capter tout ça avant tout le monde.
38:43 Et ceux qui ont voté pour Macron,
38:46 souvent ne savent même pas exactement quel est son programme.
38:50 Macron, c'est d'avoir des images et des mots.
38:54 - C'est d'avoir les méga et les milliardaires derrière lui.
38:58 - Oui, mais ça s'est construit.
39:01 Comme nous, on a été élevé dans un système précédent,
39:07 comme il dit, binaire et très rationnel.
39:11 On n'arrive pas à appréhender ça.
39:14 Donc, on est un peu comme une victime, quelque part,
39:18 parce qu'on subit ça, finalement.
39:25 - Le chaos, dans certaines conditions, se structure.
39:32 C'est-à-dire qu'on sort du chaos.
39:35 Mais par contre, l'inverse est possible.
39:38 C'est-à-dire que quand vous avez une structure qui s'est stabilisée,
39:42 si vous prenez un parti politique comme structure,
39:46 vous pouvez avoir, dans l'histoire de ce parti,
39:49 une déstabilisation et un écroulement du parti.
39:53 Et ce qui redevient un chaos.
39:56 On va s'arrêter p'tit Raph'e, parce que...