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Lundi 12 juin 2023, SMART TECH reçoit François Lecouturier (gérant, Itinere Conseil)

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Transcription
00:00 (Générique)
00:03 ---
00:05 -Dans "Smartech", on va parler politique publique,
00:08 de réglementation européenne, attention, c'est du lourd,
00:11 on va parler de l'ACNI, les 5 ans du RGPD.
00:14 Tout cela avec, pour démarrer, Henri Dagrin,
00:17 délégué général du CIGREF,
00:18 représentatif des grandes entreprises,
00:21 des plus grandes organisations françaises
00:23 utilisatrices des solutions et services numériques.
00:26 Avec vous, Bertrand Paillès,
00:28 responsable des innovations et des technologies à l'ACNI,
00:31 l'expert des politiques numériques,
00:33 vous avez travaillé au sein du cabinet de Fleur Pellerin
00:37 et vous étiez directeur du cabinet d'Axel Lemer,
00:39 secrétaire d'Etat au numérique.
00:41 Ensemble, vous allez nous aider à mieux comprendre
00:44 ce qui se prépare à Bruxelles
00:46 autour de la première réglementation
00:49 qui va permettre d'apporter plus de transparence,
00:52 peut-être de poser les bases d'une éthique
00:55 autour des systèmes d'intelligence artificielle,
00:58 mais aussi à comprendre quels sont ces points de vigilance
01:01 qu'il faut marquer, puisque cet haït-acte
01:03 est jugé excessif par une partie des observateurs.
01:07 Mais d'abord, je propose cette interview
01:09 sur les politiques publiques en matière d'inclusion,
01:12 d'inclusion numérique, avec François Lecouturier.
01:15 Bonjour, François. -Bonjour.
01:17 -Vous êtes le gérant d'Itinéré Conseil,
01:20 un cabinet d'études et de conseils basé à Lyon,
01:23 qui conduit des missions d'appui,
01:25 d'évaluation de l'action publique.
01:28 Vous avez récemment dévoilé vos travaux
01:30 sur ce sujet de l'inclusion numérique
01:32 et vous démontrez que la fracture numérique
01:35 est loin d'être résorbée.
01:38 Je voulais savoir s'il était excessif
01:40 de parler d'électronisme en France.
01:43 -Non, pas du tout, effectivement.
01:46 Bonjour à tous, tout d'abord.
01:48 Mais effectivement, la question de l'électronisme
01:51 est maintenant tout à fait, malheureusement, établie
01:54 et bien documentée.
01:56 Différents travaux, notamment de l'INSEE et autres,
01:59 permettent d'estimer environ 16 %
02:02 la part de la population qui est en situation d'électronisme,
02:06 c'est-à-dire qui, de manière régulière,
02:09 est en difficulté dans l'usage des outils numériques,
02:12 des applications, dans l'accès à différents services,
02:16 notamment des services publics.
02:18 Ces différents travaux montrent également
02:20 que, sans parler forcément d'électronisme
02:23 à cette hauteur-là,
02:24 mais environ 30 à 40 % des personnes
02:28 qui déclarent, dans l'année précédente,
02:30 avoir eu des difficultés concrètes
02:32 dans l'accès à des services numériques
02:35 et donc, dans un certain nombre de cas,
02:37 avoir dû renoncer à faire des démarches en ligne,
02:40 bien entendu, avec, comme conséquence,
02:42 ce qu'on appelle un non-recours au droit
02:45 pour des personnes qui, par ailleurs,
02:47 sont déjà souvent en situation de fragilité sociale.
02:50 -C'est des choses qu'on pressent,
02:52 on parle comme ça, mais parfois de manière un peu vaporeuse.
02:56 Quels sont vraiment les points révélateurs,
02:58 les exemples peut-être concrets,
03:00 que vous pouvez mettre en avant à travers vos travaux ?
03:03 -En fait, la difficulté
03:05 qu'on observe, c'est qu'en fait,
03:09 on pourrait avoir le sentiment que,
03:11 comme le taux d'équipement des Français
03:14 avec des smartphones est extrêmement important,
03:17 et que la plupart des gens ont une relative aisance
03:22 avec ces outils-là, on pourrait penser
03:24 que le problème est derrière nous et que c'est une question
03:27 de génération et que le problème d'accès au numérique
03:30 va s'éteindre avec les générations.
03:33 En fait, la difficulté est autre,
03:36 puisqu'en fait, posséder un smartphone
03:40 et en avoir l'usage pour certaines applications
03:43 comme les réseaux sociaux,
03:45 comme la messagerie,
03:46 comme le téléchargement de films,
03:49 la consultation de contenus,
03:51 ne veut pas dire qu'on soit à l'aise
03:53 devant un ordinateur avec un clavier et une souris
03:55 pour faire une démarche en ligne,
03:58 que ce soit déclaration de revenus,
04:00 mise à jour de situation
04:03 pour les allocations familiales ou pour l'emploi,
04:06 ou que ce soit achat en ligne,
04:08 pour lesquels les gens sont assez, encore, méfiants
04:11 de ce côté-là.
04:12 Donc, c'est vrai que cette question,
04:14 je l'ai dit, c'est pas une question de génération.
04:17 Alors, bien entendu, on trouve parmi les personnes
04:20 les plus en difficulté,
04:21 certaines qui sont, je dirais, relativement âgées,
04:24 mais c'est loin d'être le seul critère,
04:27 puisque les personnes qui sont en difficulté
04:29 avec l'accès aux services publics, notamment,
04:32 on les trouve aussi, en grande partie,
04:34 chez des jeunes adultes.
04:36 Et là, on se rend compte que c'est directement corrélé,
04:39 en fait, au niveau d'études, au niveau de qualification,
04:42 et pas nécessairement à l'âge.
04:45 -Mais là, de quel type d'action a-t-on besoin ?
04:48 Parce que j'imagine que face à ces problèmes
04:50 devant la dématérialisation des services publics,
04:53 on trouve, effectivement, une partie de la population
04:56 qui ne comprend pas l'usage du numérique,
04:59 qui n'arrive pas à s'en sortir,
05:01 et une partie aussi qui se retrouve dans des impasses,
05:04 parce que le service public n'est pas forcément bien pensé
05:07 dans sa version dématérialisée.
05:09 Quelles sont les actions nécessaires ?
05:11 -Alors, il y a différentes actions.
05:13 La première, et c'est l'action
05:16 pour laquelle l'Etat a mis en place, maintenant,
05:18 depuis deux ans, dans le cadre du plan de relance,
05:21 le financement de 4 000 postes de conseillers numériques
05:24 France Service.
05:25 Cette première action, elle vise à aider toutes les personnes
05:29 qui le souhaitent à se familiariser,
05:31 s'acculturer, donc gagner en autonomie
05:34 dans l'usage du numérique.
05:36 Voilà. Mais en même temps,
05:37 les personnes qui sont en difficulté
05:39 sont confrontées à des problématiques administratives
05:43 qui, souvent, sont dans une situation d'urgence.
05:46 Donc, en fait, vous allez voir,
05:48 vous êtes en difficulté avec telle ou telle démarche,
05:51 vous allez aller voir un conseiller numérique,
05:54 et en fait, le temps que le conseiller numérique
05:57 va pouvoir passer avec vous, il va être mobilisé
06:00 sur récupérer les codes, comprendre l'accès à la plateforme,
06:04 vérifier que les informations ont été correctement renseignées
06:10 sur les formulaires,
06:12 et c'est là où, une fois que ces aspects-là
06:16 ont pu être le cas échéant traité,
06:18 parfois avec beaucoup de difficultés,
06:20 les personnes, et les conseillers aussi, d'ailleurs,
06:23 se heurtent parfois à la complexité
06:26 des démarches administratives en elles-mêmes.
06:28 Cette complexité existait déjà avant la dématérialisation,
06:32 mais là, du coup, la dématérialisation
06:34 vient ajouter une couche de difficultés,
06:37 si je puis dire, à cette difficulté.
06:40 Il y a un enjeu, je dirais,
06:43 d'autonomisation des personnes
06:46 par, je dirais, un soutien.
06:48 Alors, c'est des choses qui vont être plus efficaces
06:51 dans un cadre collectif, de type atelier,
06:53 comme peuvent le faire certaines associations,
06:56 comme Emmaüs Connect,
06:57 les réseaux des centres sociaux, etc.
06:59 Et puis, il y a la demande urgente d'accès
07:02 ou de déblocage de situations administratives complexes
07:05 qui, si elles ne sont pas traitées rapidement,
07:09 peuvent entraîner des effets cumulatifs
07:12 pour les personnes, avec des pertes de droits, etc.
07:15 On sait par ailleurs que plus on est en situation
07:17 de fragilité sociale, plus on a recours, en théorie,
07:20 aux services publics,
07:21 qui, eux-mêmes, offrent une certaine complexité.
07:25 Et donc, c'est une sorte de cercle vicieux
07:29 si on ne trouve pas les moyens d'y mettre fin.
07:32 -Vous nous dites, en fait, que les conseillers numériques
07:36 sont un peu déviés de leur rôle.
07:38 Ils ne peuvent pas accomplir leur mission d'acculturation
07:41 et d'éducation au numérique,
07:43 parce qu'ils font face simplement aux besoins les plus urgents.
07:47 Le titre de votre étude, c'est "Qui doit payer le coût social
07:51 de la dématérialisation des services publics ?"
07:53 Quelle est la réponse ?
07:55 Et comment est réceptionnée votre étude
07:59 au sein de l'Etat, qui est en charge, en responsabilité ?
08:02 D'où viennent les budgets pour répondre à cet enjeu ?
08:07 -La difficulté aujourd'hui sur cette question
08:10 de l'inclusion numérique, en fait,
08:12 c'est comme ça qu'on appelle, je dirais, l'action publique
08:16 qui vise à résorber cette fracture numérique.
08:19 La difficulté vient du fait
08:21 que c'est un sujet relativement émergent
08:25 qui va de paire avec l'accélération
08:28 de la dématérialisation.
08:30 Les projets de l'Etat en la matière
08:33 sont tout à fait explicites.
08:35 Et cette difficulté, c'est que le législateur, en définitive,
08:39 n'a pas défini aujourd'hui qui était responsable
08:42 de cette politique publique,
08:44 s'il s'en est une, d'inclusion numérique.
08:47 Et donc, on voit se manifester des initiatives
08:50 très diverses, tout à fait généralement pertinentes
08:54 et intéressantes, mais qui peuvent émaner
08:56 des réseaux associatifs, des collectivités,
09:00 des villes, des établissements intercommunaux, etc.
09:05 Et aussi, bien sûr, de l'Etat,
09:06 à travers le financement de ces postes de conseiller numérique.
09:10 Mais en définitive, jusqu'à présent,
09:12 ça n'est pas clair, en fait, de savoir
09:15 qui doit être chef de file sur cette question
09:18 de l'inclusion numérique.
09:20 Donc, toutes les collectivités, institutions, associations
09:24 qui jugent pertinent,
09:27 dans cette optique, je dirais, d'accès au droit,
09:31 tout simplement, d'intervenir dans ce domaine,
09:34 qui en finançant un poste de médiateur,
09:36 qui en recrutant un conseiller numérique,
09:39 qui en mettant en oeuvre tel ou tel moyen,
09:42 un médiateur numérique dans une médiathèque,
09:45 dans une association, etc.
09:47 Mais jusqu'à présent, c'est un peu,
09:49 si je puis dire, dans le désordre.
09:52 Et la question de savoir
09:54 qui doit financer durablement
09:57 cet effort d'inclusion numérique
10:00 n'est pas traitée, puisqu'on voit, par exemple,
10:03 que les postes de conseillers numériques France Service,
10:06 qui ont été déployés à hauteur de 4 000,
10:09 les conventions sont renouvelées,
10:12 mais avec des financements dégressifs
10:14 de l'Etat sur les 3 ans à venir.
10:16 Ce qui veut dire que le message qui est adressé
10:19 aux structures qui embauchent des conseillers numériques,
10:22 que ce soit des collectivités, des CCAS ou des associations,
10:26 c'est de leur dire que d'ici 3 ans,
10:28 vous devez trouver les moyens de financer autrement
10:31 ces fonctions de conseillers numériques.
10:34 -François Lecouturier,
10:35 vous nous dites qu'aujourd'hui, il y a une réelle mise en péril
10:39 de la mission de service public,
10:41 car les objectifs de dématérialisation
10:43 sont toujours là, mais il faut pouvoir les accompagner.
10:46 Henri Dagrin, une réaction ?
10:48 -Peut-être 2, 3 petites réactions.
10:50 L'une des raisons de la difficulté,
10:54 de la fragilité de beaucoup de nos concitoyens
10:56 face à la dématérialisation,
10:59 c'est un manque de travail sur les interfaces,
11:02 sur le design des services,
11:05 et lorsqu'ils sont bien faits, bien designés,
11:08 qu'on a pensé que c'était des gens en fragilité,
11:11 en général, ça s'améliore.
11:14 -Il faut qu'il y ait un humain derrière.
11:16 -La deuxième chose, c'est...
11:19 Il va falloir traiter ce sujet dans le fond,
11:22 même si c'est de long terme,
11:24 mais en développant de manière considérable
11:28 l'éducation aux humanités numériques
11:31 sur tout le parcours scolaire,
11:33 sur tout le parcours éducatif,
11:35 pour que l'éducation nationale
11:38 puisse générer des citoyens éclairés
11:40 dans leur usage du numérique.
11:42 Et la troisième chose, c'est que le financement
11:45 de la cohésion numérique et territoriale
11:47 est très insuffisant.
11:49 -Pour cela, les travaux de François Lecouturier,
11:52 plus précisément d'Itinéré Conseil.
11:55 Merci pour votre éclairage
11:57 dans cette émission.
11:58 Je vous laisse repartir sur vos travaux.
12:00 Nous, on va parler de l'AI Act dans Smartech.

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