• l’année dernière
Invitée des Visiteurs du Soir, Anne-Marie Le Pourhiet s'est exprimée sur la justice. «On va brider la volonté nationale parce qu’on craint que des juges viennent sanctionner soit la décision de l’exécutif, soit la loi elle-même», estime la juriste.

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Transcription
00:00 Anne-Marie Lepourriette, vous parlez de mise sous tutelle de la démocratie française. Par qui et par quels moyens ?
00:06 Le terme est excessif et le livre en question n'est pas paru, je me permets de vous le faire remarquer.
00:12 C'est vrai ?
00:13 La question de la mise sous tutelle, ce n'est pas tout à fait ça.
00:15 Le problème, c'est que nous avons créé une espèce de hiérarchie des normes,
00:21 avec au-dessus de la loi votée par les représentants du peuple français en démocratie,
00:26 des tas de textes assez flous, Convention européenne des droits de l'homme,
00:31 le droit européen qui est un salmigondi normatif, plus la constitution qui est un texte vague et flou,
00:38 et des juges pour faire primer ces textes supérieurs sur la loi, éventuellement écarter la loi,
00:47 au motif qu'elle est contraire à ces textes.
00:50 Or, ces textes, ils les interprètent comme ils le veulent.
00:54 C'est-à-dire qu'au lieu d'être, on nous dit, le conseil constitutionnel va appliquer la constitution,
00:59 oui, sauf que dans beaucoup de décisions, il applique essentiellement l'idée qu'il se fait,
01:04 de l'interprétation qui doit être bonne de cette constitution,
01:07 et donc il lui fait dire ce qu'elle ne dit pas, et en réalité, il va faire prévaloir son interprétation,
01:14 son bon plaisir, sur celui des représentants du peuple français.
01:18 C'est-à-dire qu'on va donc brider la volonté nationale, la faire encadrer,
01:23 voire même provoquer une autocensure, car pendant les débats parlementaires,
01:27 vous entendez toujours dire "le conseil constitutionnel va à machin"
01:30 ou "la Cour européenne des droits de l'homme va nous condamner"
01:33 ou "la Cour de justice de l'Union va nous condamner",
01:36 parce que préventivement, on craint que des juges ne viennent sanctionner,
01:41 alors soit la décision de l'exécutif, dans certains cas, quand c'est le juge administratif notamment,
01:47 qui juge les décisions administratives en vertu du pouvoir discrétionnaire,
01:52 soit la loi elle-même.
01:55 Quand vous avez par exemple, je vous donne un exemple, on parlait tout à l'heure de bioéthique,
01:59 vous avez dans une affaire, le code de la santé publique français interdit l'insémination post-mortem
02:09 d'une femme avec le sperme du mari décédé.
02:12 Et elle interdit, en plus, deuxième disposition, d'exporter des gamètes
02:17 au vu d'une insémination post-mortem à l'étranger.
02:20 Et bien le Conseil d'État va écarter deux dispositions du code de la santé publique
02:25 au motif qu'elles sont contraires, qu'il les juge contraires à l'article 8
02:30 de la Convention européenne des droits de l'homme,
02:33 qui proclame le droit à la vie privée et familiale.
02:36 Et donc voilà, en vertu de ça, il va dire "la loi française, basta"
02:40 et il va dire "vous avez l'ordre aux hôpitaux de Paris d'expédier le sperme congelé en Espagne".
02:45 Ça, c'est se substituer aux législateurs, c'est ce que fait la Cour suprême américaine
02:50 depuis déluge, très déluge, c'est-à-dire gouverner, exercer le pouvoir politique
02:56 au lieu et place du législateur, se substituer au pouvoir politique démocratique.
03:01 Donc c'est pas tout à fait l'histoire du juge pénal qui va condamner Nicolas Sarkozy
03:08 ou qui va lancer une mise en examen contre François Fillon.
03:11 Ça, c'est plus classique, c'est l'application de la loi pénale
03:15 dans un contentieux pénal, dans des portes-silles pénales.
03:17 Bon, c'est mal jugé, mais ça reste jugé.
03:20 Ici, le juge ne juge plus, il gouverne, c'est-à-dire qu'il élabore lui-même
03:25 des textes normatifs et c'est son bon plaisir qui se substitue à la volonté générale
03:32 qui, depuis la Révolution, la loi est l'expression de la volonté générale.
03:36 Eh bien là, on a un droit qui n'est plus l'expression de la volonté générale
03:40 mais l'expression de l'interprétation discrétionnaire qu'un juge va donner
03:46 de textes extrêmement vagues et flous.
03:48 Et c'est ainsi donc qu'on se retrouve effectivement sous la tutelle
03:52 de la Cour européenne des droits de l'homme, de la Cour de justice de l'Union européenne,
03:56 du Conseil constitutionnel, où que le pouvoir exécutif se trouve très fréquemment
04:01 sous la tutelle du Conseil d'État.
04:03 [Musique]
04:06 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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