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Mardi 6 juin 2023, SMART IMPACT reçoit Éric Carey (directeur de l'audit, du contrôle interne et de la qualité, Croix-Rouge Française)

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Transcription
00:00 [Musique]
00:06 Bonjour Eric Carré, bienvenue.
00:08 Merci à vous.
00:09 Vous êtes donc le directeur de l'audit du Contrôle interne et de la qualité à la Croix-Rouge française
00:13 et vous publiez ce livre "Après la guerre contre la Covid, de l'économie financière à l'entrepreneuriat social",
00:21 livre qui est publié aux éditions L'Arme attend.
00:24 Je voudrais qu'on parte d'abord de cette période Covid, de cette lutte contre la Covid.
00:30 Vous dites que c'était une guerre, pourquoi ?
00:32 Oui, c'est une quasi-guerre, c'est parce que, évidemment, ce n'est pas une guerre au sens caudvisien,
00:36 ce n'est pas une guerre au sens de ce que l'on vit en Ukraine aujourd'hui.
00:40 Mais en fait, on y retrouve ce qu'on appelle les temps de la guerre.
00:43 Un temps de la guerre, d'abord on est dans une guerre, d'abord la sidération,
00:46 ensuite après vous avez une offensive, il y a un mouvement, là ça a été un mouvement vers l'est de la France,
00:52 vers le haut de France, il fallait sauver les personnes dans des hôpitaux qui étaient touchés.
00:59 Ensuite après, vous avez un temps où c'est le temps de la guerre des tranchées,
01:03 c'est-à-dire que les gens s'arrêtent, là ça a été le confinement.
01:06 Vous avez même l'exode, vous avez bien vu ce qui s'est passé,
01:09 les quelques jours avant le confinement, les bouchons sur la route, je ne reviens pas sur ces éléments-là.
01:14 Et puis après, même au moment de la libération, il y a des guérillas, il y a des retours.
01:18 En fait, on retrouve les temps de la guerre dans une guerre sanitaire, puisque c'est le terme qui avait été utilisé.
01:25 Donc en fait, les réactions qui sont les réactions de la population sont des réactions quasi similaires.
01:32 Ce qui est intéressant, c'est qu'on ne revient pas au temps d'avant.
01:39 C'est aussi ça la démonstration que vous faites dans votre livre CRQ.
01:42 Les comportements, les changements dans nos comportements sont des changements qui finalement sont profonds et durables.
01:47 Profonds et durables. Dans une guerre, vous avez une après-guerre.
01:50 Vous voyez bien, prenez nos deux après-guerres sur lesquelles nous avons des travaux académiques.
01:56 En fait, on ne revient jamais en arrière.
01:58 Et qu'est-ce qui se passe ? On voit bien même les évolutions.
02:00 Les évolutions qui prennent leur envol juste après sont celles qui ont permis de gagner la guerre.
02:05 Si vous prenez la deuxième guerre mondiale, que s'est-il passé ?
02:09 Qu'est-ce qui a été développé après ? Il a fallu déjà réparer, il faut réparer.
02:12 Donc vous voyez bien que ce sont des grandes sociétés de construction qui se sont développées.
02:19 Et parce que ces sociétés se sont développées, on a changé le modèle du logement en France.
02:26 Et ensuite après, qu'est-ce qui a permis de gagner la guerre ? C'est la mobilité.
02:29 Les avions. Vous voyez bien comment l'avion, la voiture se sont développés après.
02:33 En fait, c'est ce qu'on en avait gagné.
02:36 Si on parle là des leçons ou des transformations profondes nées de la crise Covid, qu'est-ce qui vous semble le plus frappant ?
02:46 Eh bien, reprenons les éléments. Qu'est-ce qui a été détruit, abîmé ?
02:50 En fait, c'est le système de santé et sans polémique aucune.
02:54 C'est le système de santé, le mode de fonctionnement de la santé, le mode des urgences, la relation aux urgences.
02:58 Et en fait, tout ça, ça va se reconstruire. Et ça va se reconstruire différemment.
03:02 On peut penser que ça se fera avec la tech.
03:04 On a bien vu quand même comment les applications Covid, que ce soit pour les vaccins, que ce soit pour la prise de rendez-vous, ou que ce soit pour avoir les attestations.
03:18 En fait, ça veut dire que la santé va se tourner vers ces éléments-là.
03:22 La dimension appli, la dimension tech va rentrer beaucoup plus. C'est ça qu'on va réparer à partir de là.
03:29 Et puis, il y a notre rapport au travail. Ça, c'est une dimension importante.
03:33 C'est exactement ça. Dans d'autres temps de guerre, le travail s'est arrêté.
03:38 Et là, en fait, il ne s'est pas arrêté. Il a été revu. Il s'est vraiment déplacé en sens physique.
03:44 Maintenant, les gens travaillent chez eux ou ailleurs, le co-working.
03:48 C'est cette relation au travail. Et donc, vous avez bien toutes les implications managériales.
03:52 Et quand je mets le mot "management" qui est très utilisé, moi, je me mets tout de suite sur un mot, la notion du sens, le sens au travail.
04:00 Le sens au travail et la façon dont, justement, l'économie sociale et solidaire va bénéficier de ces éléments-là.
04:07 J'allais y venir parce que ce qui est intéressant, c'est de se demander à quel point cette crise Covid a finalement accéléré l'acceptation
04:16 ou le développement du modèle de l'économie sociale et solidaire. Qu'est-ce que vous dites là-dessus ?
04:21 Elle l'accélère. C'est un accélérateur. On dit toujours que les guerres sont des accélérateurs.
04:24 Vous voyez, vous retrouvez la même dynamique, la même logique, ce qui confirme un peu le raisonnement que nous tenons.
04:33 Eh bien, vous avez l'économie sociale et solidaire. Elle représentait, on va dire, avant la crise Covid,
04:39 c'est quelque chose qui représentait déjà 10% du PIB. Et on est déjà en train de faire un peu plus.
04:45 Derrière, c'est quand même plus de 2,5 millions de salariés. Vous voyez, c'est vraiment des éléments, c'est très fort.
04:53 Dans le monde de la mutuelle, dans le monde de l'assurance, en fait, le système mutualiste, il est très très présent.
04:59 Et on vient de parler du monde de la santé. À un moment donné, les personnes vont quand même se poser des questions.
05:04 Pourquoi est-ce que je paye une assurance avec un tel niveau de prime ? Pourquoi ?
05:11 Évidemment, en plus, elles vont augmenter. Vous voyez bien, à cause des changements climatiques.
05:15 Donc la prime d'assurance, elle va augmenter. Donc les gens vont se dire, retenons un mode mutuel.
05:24 Ayons de l'assurance, le besoin de l'assurance, mais prenons le soin, le soin de l'assurance derrière.
05:30 – Alors, on en revient, je vais vous employer le mot « soin ». C'est l'une des démonstrations que vous faites dans votre livre.
05:36 Vous dites, il faut passer d'une économie du besoin à une économie du soin. On supprime les deux premières lettres.
05:42 – C'est ça. – Quelle est la démonstration ?
05:44 – La démonstration, c'est qu'en économie, pour faire très court, en économie, on part toujours dans la notion du besoin.
05:50 Et ça, ça me va très bien et ça durera toujours. Mais en fait, il faut savoir ce qu'est un besoin.
05:54 Un besoin, c'est un manque. En économie, c'est un manque. Et surtout, vous allez chercher à pallier ce manque.
05:59 – C'est un produit derrière. – Et d'ailleurs, on arrive sur un bien ou un service.
06:03 Dit autrement, j'ai un besoin de mobilité, il faut que je me déplace, donc j'ai besoin d'essence.
06:09 Je ne sais pas en quoi je me mets, mais j'ai besoin d'essence.
06:11 Donc en fait, personne n'achète de l'essence pour de l'essence. Il achète de l'essence parce que derrière, il y a un besoin et ça va l'aider.
06:16 Prenons un autre besoin, le besoin de se vêtir. Vous voulez, on veut, j'ai besoin d'acheter un jean,
06:22 je rentre dans un magasin, je vais sur, ou je clique et j'achète. Et je ne me pose pas de question.
06:26 Ça, c'est la notion de besoin. Et donc en fait, vous voyez bien que vous mettez de l'énergie en fonction du niveau du besoin.
06:31 Si vous avez un très grand besoin, vous mettez beaucoup d'énergie. Ce besoin, il va rester, mais il va en fait se modifier
06:38 pour aller vers une notion de soin. Parce qu'en fait, je vais me dire, tiens, j'ai besoin d'un jean.
06:42 Mais un jean, avant de me dire, moi, à me faire passer moi avant, je vais dire, mais un jean, c'est quoi ?
06:48 Un jean, c'est 10 000 litres d'eau. 10 litres d'eau et en plus de l'eau qui est rendue en tant que polluée, eau polluée.
06:55 Et on en achète beaucoup sur la planète ?
06:58 Pour les biens, 2,5 milliards par an. En une seconde, ça fait 73. 73 achetés.
07:04 73 jean achetés dans le monde par seconde.
07:06 Par seconde, oui. Donc voilà.
07:08 D'accord. Donc on peut se poser la question de l'impact écologique du jean.
07:11 Donc du coup, on peut se poser la question. Mais je ne veux pas culpabiliser.
07:14 C'est-à-dire, ok, continuons à produire des jeans. On a besoin de jean. On a besoin de se vêtir.
07:18 En revanche, je me dis, c'est quand même dommage que je rentre dans un magasin, que j'en achète un de plus dans le mécanisme,
07:25 alors qu'il y en a quand même 73 qui ont été vendus dans une seconde.
07:29 Je vais quand même arriver dans l'économie circulaire à trouver un jean qui soit à ma taille, en bon état.
07:36 Donc en fait, je vais faire passer le soin avant le besoin.
07:40 Et donc, je vais mettre mon énergie à trouver un jean.
07:43 Je ne remets pas en cause le système.
07:46 Mais je vais le privilégier.
07:48 Et je vais me dire, au moins, je n'aurai pas contribué à ce que 10 000 litres d'eau en plus,
07:54 c'est le coût marginal, c'est la vision marginale qui va impacter la planète.
08:00 Et si vous faites ça sur les véhicules, vous voyez, avant de vous déplacer, vous dites, ok, comment je vais me déplacer ?
08:05 J'ai un besoin de mobilité. Il faut que je me rende à tel endroit.
08:08 Oui, en fait, vous allez calculer, vous allez vous poser des questions.
08:10 Vous allez faire passer le soin avant tout. Et c'est le soin qui va driver.
08:14 Il y a une autre façon de le dire, c'est de passer de la possession à l'usage.
08:17 Complètement.
08:18 C'est un peu la même idée.
08:20 Ça participe de la même idée.
08:22 C'est l'usage. Au lieu d'être propriétaire pour être propriétaire, j'ai un usage de quelque chose.
08:27 Mais d'ailleurs, c'est intéressant parce qu'il y a plusieurs entreprises, peut-être que le mouvement n'est pas encore assez large,
08:32 mais qui sont en train de modifier, de twister leur modèle économique pour passer de la possession à l'usage.
08:38 Et en fait, c'est là que vous avez un autre rapprochement.
08:41 On peut parler de l'économie sociale et solidaire en tant que cadre juridique,
08:45 avec des éléments très cadrés venant d'une loi.
08:49 On pourrait parler de juridique, on ne va pas le faire.
08:52 C'est la loi du 21 juillet 2014.
08:54 Et puis vous avez de l'autre côté l'économie dite financière, traditionnaire, classique.
09:00 Et en fait, vous vous rendez compte qu'il y a un rapprochement.
09:02 Vous vous rendez compte que depuis la loi Pacte de 2019,
09:06 vous avez une prise en compte de ces sociétés.
09:09 Ces sociétés financières se sont posées la question,
09:12 OK, on ne peut pas aller complètement, on ne peut pas s'intégrer,
09:17 on ne va pas s'auto-uberiser, quoique, on ne va pas s'auto-uberiser pour entrer dans l'ESS.
09:21 Mais quand même, il y a des choses que l'on peut faire.
09:23 Et avec la loi Pacte, avec la notion de société à mission, la notion de raison d'être,
09:27 vous avez donc tout cet ensemble qui se rapproche.
09:30 En fait, vous avez une construction de pont entre l'économie sociale et solidaire et l'économie financière,
09:36 ce qui fait que vous allez même avoir une évolution,
09:38 on pourra avoir une évolution de ESS, économie sociale et solidaire,
09:42 qui pourrait devenir l'économie du soin et du sens.
09:47 Économie du soin et du sens.
09:49 Merci beaucoup encore une fois, Éric Carrey, je rappelle le titre de votre livre.
09:52 Après la guerre contre la Covid de l'économie financière à l'entrepreneuriat social,
09:58 co-écrit avec Hubert Landier et publié aux éditions L'Armatant.
10:01 Merci à vous.
10:02 Merci encore. On passe à notre débat tout de suite, les innovations en matière d'énergie renouvelable.

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