Jeudi 15 juin 2023, SMART IMPACT reçoit Éric Defert (marin et cofondateur, Blue observer)
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00:00 (Générique)
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00:05 -L'invité de ce Smart Impact est avec nous en duplex.
00:09 Eric Defers, bonjour.
00:11 Bienvenue. Vous êtes navigateur, plusieurs courses au large,
00:15 quelques records à votre actif.
00:17 D'ailleurs, vous êtes à bord de votre bateau,
00:20 qui est quand même un sacré bateau.
00:22 Il s'appelle Iris, aujourd'hui.
00:24 C'est l'ancienne Adrien de Jean-Luc Van Haden, c'est ça ?
00:27 -Oui, un bateau qui a gagné le tour du monde à l'envers
00:31 en 2003 avec Jean-Luc Van Den Eyde,
00:33 et donc qui a été construit à cette fin, à l'origine.
00:37 Et aujourd'hui, on l'a remanié
00:41 pour en faire un navire d'océanographie.
00:43 -Vous étiez à bord pour ce record du monde à l'envers ?
00:47 Il tient toujours, ce record ?
00:49 -Le record en 122 jours, il tient toujours.
00:52 Et non, j'étais pas à bord,
00:53 parce que c'est un record qui a lieu en solitaire.
00:56 Normalement, je pense que Jean-Luc était tout seul.
00:59 -Sinon, ce record aurait pas été homologué.
01:02 Mais vous avez, vous aussi, pas mal de transats,
01:05 de records à votre actif.
01:07 Qu'est-ce qui fait que vous décidez de vous lancer
01:11 avec Blue Observer dans cette plateforme océanographique
01:15 d'un nouveau genre ? C'était quoi, votre idée ?
01:18 -Comme souvent dans la vie, c'est une histoire de rencontre.
01:21 Et de mon côté, elle a eu lieu en 2016
01:24 avec un biologiste qui s'appelle Pierre Mollo,
01:27 et avec lequel on a mené différentes expéditions
01:31 autour du plancton, entre 2018 et 2020.
01:35 Et puis, il se trouve qu'en 2021,
01:39 il y avait une demande d'un réseau mondial
01:43 qui s'appelle le réseau Argo.
01:45 Donc le réseau Argo, il faut imaginer
01:47 que c'est un ensemble d'instruments de mesure
01:50 qui travaillent tous les jours dans l'océan.
01:53 Donc on a répondu, en gros, à un appel d'offre,
01:57 et c'est un peu l'origine de Blue Observer,
01:59 la partie instrumentation physique, prise de mesure.
02:02 -Et avec cette logique de décarbonation,
02:06 de l'océanographie, c'est vraiment ça,
02:10 l'originalité et même le côté unique de cette expédition ?
02:14 -Oui, effectivement.
02:17 Alors la voile présente pas mal d'avantages.
02:20 Le premier avantage est qu'il n'y a pas besoin de...
02:25 Effectivement, on a une autonomie hyper grande.
02:28 Vu qu'on n'a pas besoin, on navigue avec le vent.
02:30 On peut naviguer 100 jours sans s'arrêter,
02:34 sans avoir besoin de refueler.
02:36 Et donc, ça laisse une grande, grande autonomie.
02:40 Et en plus de ça, effectivement, il faut imaginer
02:42 qu'on a consommé, sur une expédition de 100 jours,
02:45 700 litres de gasoil,
02:47 ce qui ne représente même pas un tiers
02:50 de ce que peut consommer un navire à la journée.
02:52 Donc, c'est vraiment dérisoire.
02:54 -Ah oui, c'est vraiment incomparable.
02:56 C'était 120 jours de mission, 96 jours de mer,
03:01 si j'ai bien préparé l'interview.
03:04 Vous avez affronté pas mal de gros temps.
03:07 Après, on reviendra aux objectifs scientifiques,
03:09 mais racontez-nous un peu cette expédition.
03:12 -Oui, bien, alors, pour ma part,
03:15 un des premiers challenges a été déjà de monter un équipage
03:18 et de piloter un équipage dans un cadre haut que la performance.
03:23 Donc là, on était dans un cadre d'océanographie.
03:26 Et c'est vrai que, bien, imaginez,
03:27 on a vécu à six pendant 100 jours,
03:31 les uns sur les autres, dans un espace de 5 mètres carrés.
03:35 Et donc, la première...
03:36 Tout ça, ça reste quand même des aventures humaines très, très fortes.
03:38 Et mon premier objectif, c'était déjà
03:42 de maintenir une cohésion d'équipage et que tout se passe bien.
03:45 -Et donc, il y a eu quoi ?
03:47 Il y a eu un peu de gros temps, forcément,
03:48 quand on navigue pendant 96 jours en Atlantique Nord et Sud,
03:52 c'est pas forcément une mer calme, quoi.
03:54 -Non, il y a eu des tempêtes.
03:55 Il y a eu des tempêtes de...
03:57 On avait pris 40, 50, 55 nœuds.
04:00 Il y a eu des zones d'orage aussi au niveau de l'équateur.
04:03 On a passé six fois l'équateur,
04:04 donc on a vraiment eu des nuits d'orage
04:07 hyper importantes et hyper impressionnantes.
04:10 Mais ça va, on avait un des meilleurs bateaux au monde
04:13 pour faire ça, avec l'autonomie, un équipage vraiment soudé.
04:17 Et on peut dire qu'on a fait face à tout ça avec Panache.
04:21 -Et donc, cet objectif scientifique,
04:23 vous nous avez présenté le réseau Argo,
04:25 on va y revenir peut-être un peu plus en détail,
04:27 mais votre mission, c'était quoi ?
04:30 -Notre mission, c'est donc de déposer
04:35 à des endroits précis des systèmes autonomes,
04:38 donc des flotteurs, en gros des profileurs,
04:40 qui vont mesurer une colonne d'eau.
04:41 Et donc, nous, notre mission, c'était d'aller de point en point
04:44 comme les semées, si vous voulez, dans l'océan,
04:47 afin d'avoir un système, un réseau Argo,
04:52 le plus homogène possible
04:54 sur la partie océan Atlantique Nord et Sud.
04:57 -Et ce réseau Argo que vous nous avez détaillé,
05:00 c'est quoi ? C'est une sorte de vigie du réchauffement,
05:04 de son impact sur l'océan ?
05:05 Tous ces flotteurs que vous avez déposés de point en point,
05:12 en quoi ils vont nous aider à mieux comprendre
05:15 le réchauffement climatique aujourd'hui ?
05:17 -Alors déjà, il faut comprendre que ça,
05:19 ça a été vraiment une révolution, il y a une vingtaine d'années,
05:22 dans l'océanographie à la voile,
05:23 parce que du coup, on avait des prises de mesures constantes
05:26 et permanentes et autonomes.
05:29 Et donc, on n'avait plus besoin d'envoyer des bateaux.
05:31 Vous voyez ? Et effectivement,
05:33 c'est des flotteurs principalement qui vont mesurer température
05:36 et salinité.
05:37 Donc imaginez, sur une période de 25 ans,
05:39 ça donne vraiment des graphiques,
05:42 un historique, si vous voulez, du réchauffement océanique.
05:46 Et ça permet...
05:47 Alors, ça a deux grands points importants qu'il faut retenir.
05:50 Alors le premier, effectivement,
05:51 ça rentre dans les rapports généraux du GIEC,
05:54 parce que c'est des prises de mesures qui sont en open source
05:56 et souvent utilisées par la communauté scientifique.
05:59 Et deux, ça vient constituer,
06:03 aider à la constitution de vos bulletins météo jusqu'à 40 %,
06:07 la donnée de Argo vient jusqu'à 40 % dans le bulletin météo.
06:10 Par exemple, il faut bien savoir...
06:12 Par exemple, la température de l'eau au-dessus de 30 degrés,
06:15 elle peut être cyclonique.
06:16 Et donc, ça permet de voir les formations cycloniques
06:19 et les systèmes ainsi.
06:21 -Alors, vous étiez, vous nous avez dit, en équipage.
06:24 Il y avait des scientifiques à bord ?
06:25 Est-ce qu'il y avait besoin de scientifiques à bord
06:27 pour une mission comme celle-là ?
06:30 -Alors, on ne fait pas de...
06:31 On n'a pas fait, nous, on fait de la...
06:34 On n'a pas un scientifique pure,
06:35 on a des profils mixtes, marins et scientifiques.
06:38 Et après, on ne fait pas d'analyse en mer.
06:42 Nous, on collecte de la donnée,
06:45 on la conserve, si c'est de la donnée biologique,
06:47 si c'est de la donnée physique, pareil,
06:49 on la conserve comme du data,
06:50 et puis on la ramène à terre,
06:52 mais tout le traitement se fait à terre.
06:53 Mais c'est vrai que dans l'équipage,
06:54 on a quand même des profils mixtes,
06:56 marins et scientifiques,
06:57 marins et médiamans, marins et cuistots.
06:59 -Oui, il faut...
07:00 On est toujours un peu Shiva, quand on est sur un bateau.
07:03 Est-ce qu'il y a d'autres expéditions,
07:05 d'autres missions en projet pour "Blue Observer" ?
07:08 -Oui, on doit...
07:11 Il est prévu que nous repartions en fin d'année
07:13 dans l'océan Indien, via le Cap,
07:16 avec toujours une partie d'instrumentation
07:19 pour le réseau Argo.
07:21 Et puis là-dessus, il y a associé d'autres missions
07:25 pour d'autres laboratoires scientifiques,
07:27 autour de la microbiologie, des plastiques
07:29 et d'autres projets comme ça.
07:32 -Et alors, justement, c'est une question
07:34 qu'on doit assez souvent vous poser
07:38 sur l'évolution de la pollution dans l'océan.
07:41 Alors, on ne la voit pas forcément au milieu de l'océan.
07:44 Souvent, c'est plutôt aux embouchures des fleuves,
07:47 mais est-ce que vous, vous percevez quand même
07:51 la dégradation de la situation
07:53 et l'accroissement de la pollution plastique dans l'océan ?
07:57 -Effectivement.
07:58 Il faut voir que les grosses concentrations
08:00 sont liées à ce qu'on appelle dans les panaches
08:03 des sorties de fleuves, donc l'Amazonie, le Congo
08:06 ou d'autres plus près de chez nous.
08:08 Euh...
08:10 Et... Mais oui, on voit de la partie macro-plastique,
08:15 donc ce qu'on peut voir à l'œil nu,
08:17 est quand même plus conséquente qu'il y a 20 ans.
08:20 On en voit plus.
08:22 Tout comme les algues, on parle des sargasses.
08:25 Vous voyez, il y a 15 ans, 15, 20 ans,
08:27 il n'y avait pas de sargasses.
08:29 Aujourd'hui, on traverse l'Atlantique
08:31 au niveau tropical,
08:32 on tombe sur des bandes sargasses impressionnantes.
08:35 Donc oui, il y a plus de macro-plastique,
08:37 il y a plus de sargasses, et on sait
08:39 qu'effectivement, ça n'est pas allé dans le bon sens,
08:42 dirons-nous.
08:43 -Un dernier mot, Éric, de faire pour parler de cette aventure.
08:47 On va pouvoir la découvrir dans un documentaire
08:50 intitulé "Le défi d'Iris".
08:52 C'est ça, il sort bientôt.
08:55 Où est-ce qu'on pourra le voir, ce documentaire ?
08:57 -Alors, on a une première diffusion au grand public
09:03 le 27 juin à Brest,
09:07 dans les locaux de La Pâme.
09:10 Et d'ailleurs, à ce sujet, je remercie grandement
09:13 un de nos partenaires, Aludium, qui est à nos côtés,
09:16 qui nous a aidés sur toute la post-production du documentaire.
09:19 Et donc, voilà, c'est la première diffusion publique
09:22 le 27 juin à 18h, dans les locaux de La Pâme, à Brest.
09:25 -Voilà, pour découvrir votre aventure à bord d'Iris
09:28 pour ce réseau.
09:29 Argo, merci beaucoup, Éric, de faire bon vent à vous,
09:33 bon vent à "Blue Observer".
09:34 On passe à notre débat tout de suite,
09:36 le secteur du textile au programme.