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Le 2 août 1980 a lieu en Italie l’attaque terroriste la plus meurtrière des "Années de plomb" : l’attentat de la gare de Bologne qui a fait 85 morts. 43 ans plus tard, ce drame reste en partie inexpliqué, ses responsables n’ont pas tous été identifiés. Si l’explosion a été revendiquée par les NAR, un groupe terroriste néo-fasciste, une question demeure : qui a financé cet attentat ?

Derrière cette attaque, il y a de l’argent sale, et un potentiel suspect bien connu de la justice italienne pour son implication dans plusieurs autres affaires de détournement de fonds : Licio Gelli. Celui que l’on appelait "le marionnettiste" régnait sur une organisation secrète d'extrême-droite, une loge maçonnique appelée "P2" pour "Propaganda Due" qui avait ses habitudes en Suisse dont elle appréciait la discrétion des banques.

Qui était vraiment Licio Gelli ? Et qu’ont fait les justices suisses et italiennes pour faire la lumière sur l’attentat de Bologne ? Pour remonter le fil de cette histoire complexe et encore sensible, pour comprendre l’influence d’un personnage comme Licio Gelli, les journalistes d'investigation Marie Maurisse et François Pilet sont notamment allés enquêter en Italie, auprès des familles des victimes de l’attentat de Bologne et de ceux qui les défendent.

Le podcast "Dangereux millions" vous raconte comment la Suisse est devenue la lessiveuse des escrocs du monde entier. Bienvenue dans le monde feutré du crime financier. Qui, dans cet épisode, nous ramène à une période dramatique de l'Histoire, celle des années 70 et de ses vagues d’attentats meurtriers en Italie.

"Dangereux Millions", un podcast coproduit par le média public swissinfo, le service d’information en ligne de la Société suisse de radiodiffusion et Europe 1 Studio, avec Gotham City.
Retrouvez "Dangereux millions" sur : http://www.europe1.fr/emissions/dangereux-millions

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Transcription
00:00 C'est l'été, nous sommes en Italie, en 1980. C'est le mois d'août.
00:05 Imaginez une station balnéaire sur la côte adriatique.
00:09 Les plages, les restaurants et les enfants qui jouent au bord de l'eau.
00:14 C'est là que la famille Breton vient en vacances depuis plusieurs années.
00:18 Pour eux, cette semaine au soleil, c'est une parenthèse enchantée.
00:24 Chaque année, ils font la route depuis le Jura suisse, presque 700 kilomètres,
00:29 en voiture pour les uns, en train pour les autres.
00:32 Il y a Yvonne, avec ses enfants et leurs cousins.
00:36 Il y a aussi sa mère, Irène, avec son mari.
00:39 Pour tous, ces quelques jours au soleil passent trop vite. Il faut déjà rentrer.
00:44 Mais avec les enfants, la voiture est trop petite pour faire un si long trajet.
00:49 Alors, comme chaque année, Yvonne dépose sa mère et son beau-père à la gare de Bologne.
00:55 Ma maman, avec son mari, partait en train. Ils voyageaient toujours en train.
00:59 Nous sommes le 2 août.
01:01 Et puis, je les ai conduits à la gare de Bologne vers 8 heures du matin.
01:05 Puis nous, on est partis en voiture avec les enfants.
01:09 Et puis, ils voulaient aller en train avec elles.
01:12 Au dernier moment, ça ne s'est pas fait parce que nous, on allait chercher autrefois,
01:20 et puis, eux, ils se délaimentent.
01:23 Au dernier moment, ils sont quand même venus les trois en voiture avec moi.
01:26 Mais...
01:28 Voilà, il y a un bon Dieu, quelque part.
01:33 La salle d'attente de deuxième classe est bondée.
01:39 En cette fin de matinée, l'atmosphère est déjà étouffante.
01:42 Et le train est en retard.
01:44 Michel s'impatiente.
01:46 Il sort pour aller prendre des nouvelles et s'acheter un café.
01:49 À l'intérieur, Irène garde les valises.
01:53 [Bruit de vent]
01:55 Il est 10h25.
02:01 [Musique]
02:22 Je suis Marie-Maurice.
02:24 Je suis François Pillais.
02:25 Et vous écoutez "Dangereux millions",
02:28 le podcast qui vous raconte comment la Suisse est devenue une lessiveuse pour les escrocs du monde entier.
02:33 Bienvenue dans le monde feutré du crime financier,
02:36 qui, dans cet épisode, nous ramène à une période dramatique de l'histoire,
02:41 celle des années 70 et de ces vagues d'attentats meurtriers en Italie.
02:45 Au cœur de ce récit, il y a un des personnages les plus sombres de l'Italie de l'après-guerre.
02:51 Son nom, sur ses documents d'identité officielle, c'est Licio Gelli.
02:56 Mais à l'époque, tout le monde l'appelle "le marionnettiste".
02:59 Et sachez-le tout de suite, il s'est choisi lui-même ce surnom.
03:03 Ça vous donne une idée du personnage.
03:06 Cette histoire, c'est aussi celle de l'attentat de Bologne, le 2 août 1980.
03:11 Il a coûté la vie à 85 personnes.
03:15 Irène était l'une d'entre elles.
03:18 "Dangereux millions" est un podcast coproduit par Suisse Info,
03:21 le service d'information en ligne de la Société Suisse de Radiodiffusion,
03:25 en médias publics, et Europe en studio, avec Gotham City.
03:30 Épisode 2.
03:32 À jamais 10h25.
03:36 "Aux dernières nouvelles, l'explosion qui a détruit ce matin, peu après 10h,
03:42 une partie de la gare de Bologne a causé la mort d'une trentaine de personnes au moins
03:46 et occasionné des blessures plus ou moins graves dans une centaine de cas.
03:49 Il semble s'avérer au fil des heures que l'explosion d'une violence inouïe
03:53 qui a détruit ce matin toute l'aile droite de la gare de Bologne soit d'origine criminelle."
03:57 "La toute vient de tomber, on est bien face à un attentat."
04:00 "Les Italiens croyaient avoir tout vu.
04:02 Hélas, à l'heure du grand départ en vacances,
04:04 ils constatent qu'un degré de plus a été franchi dans l'escalade de l'horreur."
04:08 L'attentat de Bologne a été l'un des pires du XXe siècle en Europe.
04:13 C'est surtout le plus meurtrier en Italie durant cette période qu'on a appelée "les années de plomb".
04:19 Pendant plus de vingt ans, des années 1960 jusqu'au début des années 80,
04:24 des terroristes d'extrême gauche se sont affrontés aux néo-fascistes d'extrême droite
04:30 dans une escalade de violence.
04:32 À l'époque, ces attaques visaient surtout des banques, des lieux publics, des wagons de train.
04:39 Mais l'explosion qui fait sauter toute la gare de Bologne dépasse l'imaginable.
04:44 Cet attentat est immédiatement revendiqué par les NAR.
04:48 Les NAR, ce sont les noyaux armés révolutionnaires, un groupe terroriste néo-fasciste.
04:54 Pourtant, sur le moment, les Italiens refusent d'y croire.
04:58 Une telle attaque, d'une telle violence.
05:01 On imagine plutôt un accident, peut-être l'explosion d'une chaudière.
05:05 Que ce massacre puisse être volontaire, qu'on puisse tuer des familles entières en pleine vacances,
05:11 c'est tout simplement impensable.
05:13 Et ce qui est à peine croyable, c'est que 43 ans plus tard en réalité,
05:18 toute la lumière n'a pas encore été faite sur cet attentat.
05:21 C'est ce qui nous a frappés quand on a commencé à travailler sur cette enquête.
05:24 Évidemment, plusieurs membres des NAR ont été condamnés.
05:28 Des terroristes, ceux qui ont posé les bombes.
05:31 Mais aujourd'hui encore, la justice italienne tente de remonter vers ceux qui ont orchestré cette horreur,
05:37 qui l'ont planifiée, et surtout, sur la manière dont elle a été financée.
05:42 Car il y a quelqu'un qui a donné des ordres et qui a payé.
05:45 Derrière cet attentat, il y a de l'argent.
05:48 Beaucoup d'argent.
05:50 De l'argent sale.
05:52 C'est pour ça que je suis parti à Bologne, rencontrer ceux qui enquêtent sur cette affaire.
05:56 Là-bas, les proches des victimes sont toujours au combat.
05:59 Dans son étude dans la vieille ville, j'ai rencontré Andreas Peranzoni, qui représente 67 familles.
06:07 - Bonjour. - Je veux un appartement à François Pileau.
06:11 - Deuxième plan. - Merci.
06:35 Non seulement c'est possible d'enquêter sur cette affaire,
06:41 mais je pense que ça l'est même d'autant plus que le temps a passé.
06:45 En tout cas, c'est mon opinion personnelle, qui est basée sur une vingtaine d'années d'études de cette affaire.
06:51 Et je le dis avec une certaine amertume.
06:57 En fait, je pense qu'avec le temps, ce qu'on peut appeler des contraintes politiques,
07:02 et qui ont empêché la recherche de la vérité, deviennent plus fragiles, plus lâches.
07:07 Et du coup, ça devient possible pour les enquêteurs d'accéder à plus d'informations, à plus de preuves.
07:14 Derrière ces contraintes politiques dont parle Andreas Peranzoni, il y a un homme.
07:21 Licio Gelli.
07:23 Cet entrepreneur, lunettes carrées, toujours en costume, dit avoir fait fortune dans le textile.
07:32 Mais sous ses airs de petit comptable sans histoire, il a régné pendant 30 ans sur une organisation secrète.
07:38 Une loge maçonnique appelée P2.
07:41 P2 pour Propaganda Due.
07:44 Elle rassemblait des centaines de personnes parmi les plus influentes en Italie.
07:48 Des journalistes, des juges, des politiciens, ou encore des membres des services secrets.
07:53 On était en pleine guerre froide.
07:56 Et le but de cette organisation d'extrême droite était clair.
08:00 Empêcher à tout prix que l'Italie bascule du côté des communistes.
08:04 C'était l'objectif fixé par Licio Gelli qui se disait lui-même fasciste.
08:09 Et pour ça, il utilisait la violence.
08:12 La première moitié des années 70, si on veut résumer, avait été marquée par une série d'attentats en Italie.
08:23 Où des citoyens innocents sont morts dans différents lieux publics.
08:28 A ce moment-là, cette stratégie consistait à frapper ces civils.
08:31 Dans le but d'influencer la politique italienne.
08:35 Un peu à la manière d'un coup d'état si vous voulez.
08:39 C'était ce qu'on peut appeler une stratégie de la tension.
08:43 Avec un but qui est clair.
08:45 Il s'agit de déstabiliser l'ordre public.
08:48 Pour mieux instaurer un autre ordre politique.
08:54 Mais en 1975, la stratégie de l'organisation secrète P2 change.
08:58 C'est comme s'ils avaient décidé de renoncer à la violence.
09:01 Licio Gelli et tous ceux qui l'entourent comprennent qu'il n'y a plus besoin d'un coup d'état militaire.
09:08 Ils se rendent compte que ce ne serait en réalité ni faisable ni souhaitable.
09:15 En fait, leurs objectifs seront beaucoup plus facilement atteints
09:19 avec ce que Licio Gelli définit lui-même comme le plan de renouveau démocratique.
09:25 Ce projet de restructuration, ça consistait à prendre le contrôle de la démocratie italienne de l'intérieur.
09:36 Notamment via les médias, les chaînes de télé.
09:39 Et aussi en limitant le pouvoir des jeunes.
09:41 C'est le but que poursuit Licio Gelli dans ces années-là.
09:47 Mais au même moment, l'homme d'État italien Aldo Moro tente de négocier un compromis historique
09:52 entre la gauche et la droite pour en finir avec les divisions dans le pays.
09:56 Ce projet est évidemment une menace pour les extrémistes des deux bords.
10:01 Aldo Moro est enlevé le 16 mars 1978.
10:04 Il est exécuté deux mois plus tard.
10:07 Derrière ce crime, il y a les Brigades Rouges, un groupe armé d'extrême-gauche.
10:12 Mais à l'extrême-droite, la loge P2 se frotte aussi les mains.
10:17 Licio Gelli, après l'assassinat d'Aldo Moro par les Brigades Rouges,
10:21 commande ce drame avec des mots très forts.
10:24 Il dit "l'essentiel est fait".
10:26 L'essentiel pour lui, c'est d'avoir réussi à s'aborder le compromis historique entre la gauche et la droite.
10:34 Pour Licio Gelli, à partir de ce moment-là,
10:44 il ne restait plus qu'à frapper la ville qui était le symbole du Parti Communiste dans ces années-là,
10:49 c'est-à-dire Bologne.
10:51 Mais le marionnettiste Licio Gelli finit par s'emmêler dans ses propres fils.
10:57 Et la justice italienne s'intéresse de plus en plus à lui.
11:01 À cette époque, il y a plusieurs gros scandales financiers qui éclatent.
11:07 Les enquêtes se multiplient et le nom de Licio Gelli apparaît de plus en plus souvent.
11:13 La principale affaire, la plus grave aussi, c'est la chute de la banque Ambrosiano.
11:18 Nous sommes en 1982 et pour résumer, c'est la plus grande faillite de l'histoire de l'Italie.
11:24 L'argent de cette banque a purement et simplement disparu, envolé.
11:29 Et Licio Gelli est soupçonné d'en avoir détourné une bonne partie.
11:33 On parle alors de 300 millions de dollars, un montant énorme pour l'époque.
11:39 Les juges perquisitionnent sa grande propriété entourée d'oliviers en Toscane.
11:43 Et là, ils font une découverte hallucinante.
11:47 Ils trouvent une liste avec les noms de 1200 membres de la loge B2.
11:51 À l'intérieur, tout le gratin politique, médiatique, policier, jusqu'au service secret.
12:03 Le 13 septembre 1982, on retrouve la trace de Licio Gelli en Suisse, à Genève.
12:11 Ou plus précisément devant les guichets de la banque UBS.
12:15 Le marionnettiste est sans doute là pour récupérer une partie des fonds volés à la banque Ambrosiano.
12:20 Mais la police suisse est avertie.
12:22 Le tuyau est précis.
12:24 Un certain Monsieur Ricci devrait pousser la porte de la banque vers 15h.
12:29 Il s'agit en réalité de Licio Gelli qui utilise un faux passeport.
12:33 À l'heure dite, les policiers genevois le cueillent devant les guichets.
12:40 Et ils l'interrogent immédiatement à l'intérieur de la banque, dans un salon un peu à l'écart.
12:45 Le marionnettiste est coincé.
12:48 Il ne met pas longtemps à avouer sa vraie identité.
12:51 Licio Gelli est officiellement arrêté.
12:54 Il est emmené en prison et il est arrêté.
12:58 Licio Gelli est en prison et il est fouillé.
13:01 Des documents sont retrouvés dans ses poches.
13:03 Et dans son slip, il y a une clé.
13:05 Elle ouvre un coffre-fort où les inspecteurs découvrent 1 million de francs en lingots d'or.
13:11 Ce n'est que le début de leur découverte.
13:14 À l'époque, Licio Gelli est défendu par un jeune avocat à la carrière qui commence à exploser.
13:21 Il s'appelle Marc Bonan.
13:23 Je le retrouve dans son bureau coçu où il m'a donné rendez-vous.
13:27 Il a accepté de me raconter cette histoire.
13:29 Et pendant notre entretien, il tire sur son porte-cigarette.
13:33 En 40 ans, il est devenu un des ténors du barreau de Genève.
13:37 Et le dossier Gelli n'y est pas pour rien.
13:39 Un jour, je reçois une lettre de Licio Gelli, dont j'ignorais tout,
13:45 et qui demande à me voir.
13:48 Il était à l'époque à Chandelon, donc l'ancienne prison.
13:52 Je vais le voir et il décide de me charger de sa défense.
13:57 J'avais appris qu'il était le patron de la loge P2,
14:01 une sorte de loge maçonnique dissidente qui détenait beaucoup de pouvoirs.
14:08 La raison de cet ascendant était très mystérieuse.
14:13 Mais c'est en fait la personnalité de Licio Gelli.
14:16 Je vous en dis un mot, parce que comme il a été un ami, je ne peux vous dire que des choses aimables.
14:22 Il n'était pas d'intelligence supérieure.
14:24 Il avait l'intelligence des êtres, il avait l'intelligence de la vie,
14:29 et il savait décrypter l'indicible.
14:33 Il savait lire entre les lignes.
14:35 Et il est ce que dans la commedia dell'arte on appelle un "Milan Tattori".
14:40 C'est non pas quelqu'un qui a du pouvoir, mais qui donne à croire qu'il l'a,
14:45 et qui finit par avoir le pouvoir qu'il prétend avoir.
14:48 Mais c'est une chose totalement phénoménale avec Licio Gelli.
14:53 L'arrestation de Licio Gelli, pincée comme un vulgaire gangster avec un faux passeport au guichet d'une banque suisse,
15:00 déclenche un scandale international.
15:03 Le vénérable maître est tombé de son piédestal.
15:07 La justice italienne l'accuse de mille crimes.
15:10 Gelli doit répondre de conspirations contre l'État, d'espionnage, de détournement, de trafic d'influence.
15:16 Rien qu'à l'UBS de Genève,
15:19 les enquêteurs suisses s'aperçoivent que Licio Gelli cachait près de 100 millions de dollars
15:24 répartis sur 7 comptes numérotés.
15:27 Sur le moment, ses avocats assurent que l'argent ne vient pas du pillage de la banque Ambrosiano.
15:33 Mais l'argument ne convainc personne.
15:36 Voilà le scénario sur lequel les juges travaillent.
15:40 Le patron de la banque Ambrosiano, un certain Roberto Calvi,
15:44 aurait payé Gelli durant des années pour obtenir sa protection,
15:48 et celle de sa puissante loge P2, pour couvrir ses affaires louches.
15:53 Mais comment le prouver ?
15:56 C'est difficile, car Roberto Calvi n'est plus là pour en parler.
16:00 Quelques semaines avant l'arrestation de Gelli,
16:03 le banquier a été retrouvé sous un pont, à Londres, pendu.
16:07 Sa mallette a disparu.
16:09 L'enquête a conclu à un suicide.
16:11 Sa famille l'a toujours contesté.
16:15 Dans la prison tout près de Genève, où il croupit désormais,
16:19 dans l'attente de son extradition vers l'Italie,
16:22 le marionnettiste fait profil bas.
16:25 Il craint les autres détenus, surtout les Italiens.
16:28 Il est placé dans un quartier de haute sécurité.
16:31 Gelli se fait tout petit,
16:33 à tel point que le directeur de la prison l'appelle même le Minus.
16:40 Mais le Minus a plus d'un tour dans son sac.
16:44 Nous sommes le 10 août 1983.
16:47 C'est l'heure du petit-déjeuner à la prison de Chandelon.
16:51 Comme tous les jours, les gardiens commencent à compter les détenus.
16:55 Et la panique monte.
16:57 Il en manque un.
16:59 Licio Gelli s'est évadé.
17:01 Il a en fait sous-doyé un gardien,
17:04 qui l'a fait sortir et l'a amené dans sa camionnette durant la nuit,
17:07 direction Annecy.
17:09 Une fois arrivé côté français,
17:11 c'est carrément un hélicoptère qui attend le maître.
17:14 Il décolle pour Monaco.
17:16 Et c'est là qu'on perd sa trace.
17:18 La nouvelle nous est parvenue dans le courant de cette matinée
17:22 et prend les formes ce midi d'un véritable roman feuilleton.
17:26 L'ancien chef de la loge maçonnique P2,
17:28 l'Italien Licio Gelli,
17:30 s'est évadé dans la nuit de la prison genevoise de Chandelon,
17:33 où il était incarcéré.
17:35 Là encore, le scandale est énorme.
17:37 La Suisse a perdu le détenu le plus recherché d'Italie.
17:41 Mais il y a pire.
17:43 On découvre rapidement que les autorités italiennes
17:45 avaient averti la Suisse que Gelli préparait une évasion.
17:49 Quand je suis allée aux archives nationales à Berne,
17:52 j'ai retrouvé un document qui le confirme.
17:54 Pendant ce temps, Gelli est donc en fuite
17:56 et les rumeurs vont bon train.
17:58 On le dit partie en Argentine ou en Uruguay.
18:02 En tout cas, il n'est pas devant la justice suisse
18:04 quand elle se décide enfin à s'intéresser à lui,
18:07 ou plutôt à se prononcer sur un point central de la procédure,
18:11 la demande d'extradition du maître formulée par l'Italie.
18:15 Ça faisait onze mois que ce dossier était dans les tuyaux.
18:19 La décision de la justice suisse tombe finalement
18:22 neuf jours après l'évasion de Gelli.
18:25 Et là, c'est la stupeur.
18:28 La Cour suprême suisse accorde bien cette extradition,
18:31 mais pas pour les crimes les plus graves
18:34 qui lui sont reprochés en Italie.
18:36 Seuls quatre crimes de droit commun sont retenus par les juges suisses.
18:41 Les autres, notamment son rôle dans l'attentat de Bologne,
18:45 sont considérés comme des délits politiques.
18:48 Et pour cela, la Suisse refuse toute extradition.
18:52 En clair, si Licio Gelli était retrouvé un jour
18:56 et qu'il était rendu à l'Italie,
18:58 il échapperait à un procès pour les crimes les plus graves.
19:02 Cette victoire juridique, c'est celle de l'avocat Marc Bonan.
19:06 J'obtiens du tribunal fédéral une décision, je vous ai dit,
19:10 qui ne l'extradait que pour rien,
19:12 de surcroît des délits ou des infractions
19:15 qui étaient probablement prescrites en Italie.
19:17 Donc il ne courrait aucun risque.
19:19 Il fallait donc que la Suisse l'extrade.
19:21 Le problème, c'est que Licio Gelli est en cavale,
19:25 donc injoignable, ou presque.
19:28 Et un jour, un avocat italien me dit, écoutez Marc, venez à Rome,
19:32 prenez un bagage léger, je ne peux pas dire où vous irez,
19:35 mais venez à Rome.
19:37 Bon.
19:38 Je prends un bagage léger, je vais à Rome,
19:42 et je vois cet avocat qui me dit, Marc,
19:46 tu fais 200 mètres, la troisième à gauche,
19:49 puis le premier bistrot à droite.
19:51 Et je suis ses directives, la troisième à gauche,
19:55 le premier bistrot à droite, j'entre,
19:57 Licio Gelli, à table, à peine grimé,
20:01 il avait une légère moustache,
20:03 et tout le monde passait devant lui en disant "comendatore,
20:07 comendatore, comendatore".
20:09 Et je sortais de là, et je voyais vraiment sur toutes les affiches,
20:14 la police, et sur les traces de Licio Gelli,
20:17 l'homme le plus recherché d'Italie, l'ennemi public numéro un,
20:21 et je venais de le voir au bistrot,
20:23 où tout le monde le saluait avec une grande déférence.
20:27 Alors je lui parle, je lui dis "Licio,
20:30 ta sauvegarde, c'est de revenir en Suisse,
20:33 mais c'est très compliqué de revenir en Suisse,
20:36 parce que tu es sous mandat d'arrêt international,
20:39 donc on ne peut pas passer les frontières,
20:41 tu te feras arrêter, et donc mon problème,
20:44 c'est de faire rentrer clandestinement Licio Gelli en Suisse,
20:48 mais le but était pur, puisqu'il s'agissait pour lui de se rendre,
20:52 et d'être jugé.
20:54 Alors je ne vous dis pas, les chemins le traversent,
20:57 j'ai pris tous les feux rouges,
20:59 j'ai traversé toutes les frontières.
21:02 - Vous l'avez pris en voiture ? - Je l'ai pris en voiture.
21:04 - Ce jour-là ? - Oui, oui.
21:05 Je me divertissais beaucoup.
21:07 Quatre ans après sa fuite,
21:09 Licio Gelli réapparaît donc à Genève le 21 septembre 1987,
21:13 sur le siège passager de la voiture de son avocat.
21:16 Un simulacre de procès se tient,
21:18 cette fois à l'hôtel de police de Genève,
21:21 au milieu des voleurs à la tire.
21:23 Face au juge, le marionnettiste reprend sa posture,
21:26 de petit homme voûté.
21:28 Ce jour-là, il est seulement jugé
21:30 pour avoir corrompu le gardien de la prison.
21:33 Même l'évasion n'est pas retenue contre lui.
21:36 En Suisse, contrairement à la plupart des pays,
21:39 le fait de s'évader n'est pas considéré comme un crime.
21:42 J'ai réussi à entrer en contact avec un des journalistes
21:46 qui était dans la salle d'audience ce jour-là.
21:48 Je me souviens, c'était au tribunal de police,
21:50 puis je lui ai dit "Licio Gelli au tribunal de police,
21:53 c'est n'importe quoi".
21:54 À l'époque, le chroniqueur judiciaire Jean-Noël Cueno
21:57 travaillait pour le quotidien La Tribune de Genève.
22:00 Il semblait être un espèce de petit bureaucrate,
22:03 l'air un peu perdu,
22:05 le bon petit vieux, un peu faiblard,
22:08 sur lequel reposent des tonnes d'accusations injustifiées,
22:14 selon lui.
22:15 Il s'est bien gardé de faire le malin,
22:17 il s'est bien gardé de faire le fanfaron,
22:20 et c'est un petit monsieur humble
22:22 et tout à fait admiratif des lois suisses,
22:26 auxquelles il était tout à fait prêt à se soumettre,
22:29 d'autant plus qu'elle lui était favorable.
22:32 Il savait blanchir de l'argent sale,
22:34 mais il savait aussi blanchir sur le plan juridique.
22:38 Après avoir abrité ses millions durant des décennies,
22:42 la Suisse a donné un laissé-passer judiciaire aux marionnettistes,
22:46 comme la carte sortie de prison au Monopoly.
22:49 Gelli rentre donc en Italie.
22:51 Bien sûr, des procès l'attendent,
22:54 mais il a alors 70 ans et il bénéficie de la clémence
22:57 que réserve le droit italien aux personnes âgées.
23:00 Il est laissé en liberté et il retourne s'installer à Arezzo,
23:03 dans sa ville à Toscane entourée d'Olivier.
23:06 Licio Gelli compare finalement devant les juges italiens,
23:09 en tout cas pour les crimes que la justice suisse n'a pas fait disparaître.
23:13 Il est notamment condamné pour avoir détourné les fonds de la banque Ambrosiano,
23:17 mais ça finalement tout le monde l'attendait.
23:20 Ce qui nous intéresse ici, c'est que dans ce même procès,
23:23 il y a une chose très étonnante qui apparaît.
23:26 On s'aperçoit que Licio Gelli s'est émené en coulisses
23:29 avec ses amis de la loge maçonnique P2
23:32 pour brouiller les pistes dans une autre enquête.
23:35 Vous me voyez venir ?
23:38 Celle sur les auteurs de l'attentat de Bologne.
23:41 Grâce à ses contacts dans les services secrets,
23:44 Licio Gelli a semé de fausses preuves sur le chemin des enquêteurs.
23:48 On disait que des terroristes d'extrême gauche
23:51 se seraient trouvés sur place ce jour-là.
23:53 On parlait aussi d'une piste palestinienne.
23:56 Le terroriste Carlos aurait même été vu à Bologne ce 2 août 1980.
24:01 Tout pour faire oublier les fameux NAR,
24:03 les noyaux armées révolutionnaires,
24:05 les premiers à revendiquer l'attentat.
24:08 En 1994, Licio Gelli a été condamné pour
24:12 "diffamation aggravée par le terrorisme".
24:16 En clair, il a été reconnu coupable d'avoir tenté de détourner l'enquête
24:20 sur le massacre de la gare de Bologne.
24:22 Et pour ça, il écope de 10 ans de prison.
24:25 Mais évidemment, des jours de prison, le marionnettiste n'en a fait aucun.
24:29 Il est resté dans sa maison en Toscane jusqu'à sa mort en 2015.
24:33 Il avait alors 96 ans.
24:35 La vraie question qui reste en suspens à partir de là,
24:42 c'est de savoir pourquoi le maître s'est donné autant de peine
24:46 pour égarer, pour tromper les enquêteurs.
24:49 Et ça, le jugement de l'époque n'en dit pas un mot.
24:52 L'histoire aurait pu s'arrêter là.
24:54 Mais c'était sans compter le travail des juges,
24:57 des journalistes et des familles des victimes de l'attentat de Bologne
25:01 qui ont patiemment continué l'enquête.
25:04 En 2018, trois ans après la mort du maître,
25:07 ils ont fait une découverte capitale qui nous ramène une nouvelle fois à la Suisse.
25:12 Mais pour comprendre ce rebondissement,
25:14 il nous faut remonter le cours des événements.
25:17 Après ma visite à Bologne chez l'avocate des familles des victimes de l'attentat,
25:21 j'ai rencontré cette fois un journaliste italien.
25:24 Il s'appelle Paolo Biondani.
25:26 Il travaille pour l'hebdomadaire L'Espresso
25:29 et il enquête depuis des années sur l'Itiogelli,
25:32 plus précisément sur l'argent de l'Itiogelli.
25:35 La principale condamnation de l'Itiogelli,
25:40 c'est pour avoir été l'un des organisateurs et le principal bénéficiaire
25:44 du détournement de l'argent de la banque Ambrosiano.
25:47 Quand il a réalisé que cette enquête allait l'atteindre,
25:54 il s'est rendu à la banque UBS en Suisse
25:56 pour essayer de transférer ses fonds vers d'autres banques,
25:59 dans d'autres pays.
26:01 Et c'est donc à ce moment-là que les policiers l'ont arrêté.
26:05 Sur lui, il se trouve qu'il avait un certain nombre de documents.
26:11 Et l'un de ces documents, c'était une feuille de papier pliée en quatre.
26:15 Ça avait la forme d'un petit carnet avec une sorte de couverture.
26:22 Et sur cette couverture, il y avait un numéro de compte à l'UBS de Genève.
26:26 Le compte 52579X.
26:32 Et ce numéro, ça correspondait bien à l'un des comptes
26:37 sur lesquels l'Itiogelli avait reçu une partie de l'argent volé
26:41 de la banque Ambrosiano.
26:43 Ensuite, quand vous ouvriez cette sorte de carnet,
26:50 vous avez écrit le mot "Bologne" et toute une comptabilité
26:53 qui décrivait comment cet argent avait été dépensé.
26:56 Ce document dont j'ai pu voir une copie est écrit de la main du maître.
27:00 Il n'y a pas de long discours, ce ne sont pas non plus des comptes bien tenus.
27:04 C'est juste quelques mots et des dates.
27:06 Et puis une ligne en dessous.
27:15 L'argent crédité, 4 millions de dollars.
27:18 UBS de Genève, 1er septembre 1980.
27:21 Il s'agit donc de paiements qui ont été effectués dans les jours
27:26 qui précèdent et dans les jours qui suivent le massacre.
27:29 Ça ressemble donc au paiement d'une avance et d'un solde.
27:32 Ce qui est absolument incroyable et typiquement italien,
27:37 c'est que lorsque ce document "Bologne" est envoyé par la Suisse
27:40 au magistrat italien, il arrive à Milan.
27:43 Chez ceux qui enquêtent sur la faillite de la banque Ambrosiano.
27:46 Mais il n'arrive pas à Bologne, dans le bureau de ceux qui enquêtent sur l'attentat.
27:50 En plus, il faut dire que les magistrats ne reçoivent pas le document complet.
27:56 Il manque la couverture où il y a écrit le mot "Bologne".
27:59 Donc à l'époque, personne ne fait le lien.
28:01 Il a fallu des années et surtout le travail des historiens,
28:04 des journalistes et des familles des victimes de l'attentat
28:07 pour que ce document "Bologne" réapparaisse enfin.
28:10 Et surtout pour que le lien soit fait entre ces lignes de chiffres
28:14 et le massacre de la gare.
28:16 Il y a eu un grand travail de numérisation de tous les dossiers
28:22 qui étaient auparavant disponibles uniquement sur papier.
28:25 Il est donc devenu possible de faire des recherches par mots-clés.
28:31 Et c'est comme ça que les avocats des victimes du massacre de Bologne
28:36 ont découvert ce document dans le dossier Ambrosiano.
28:40 40 ans plus tard, la vérité éclate.
28:43 Dans un document que la justice avait depuis 1982,
28:48 on comprend enfin que Djeli a bel et bien financé
28:52 et probablement ordonné l'attentat de Bologne
28:55 en versant 5 millions de dollars à des terroristes d'extrême droite.
28:59 Avec une sorte d'avance sur salaire,
29:02 1 million dans les jours juste avant l'attentat,
29:05 et une autre partie de l'argent pour les victimes.
29:08 Le total de l'argent que l'on a eu pour l'attentat est 4 millions un mois après.
29:13 Maître Bonan, l'avocat de Licio Djeli,
29:18 a continué pendant des années à voir son ancien client, jusqu'à sa mort.
29:22 Il a continué à l'appeler de temps en temps,
29:24 et à lui demander des services aussi,
29:26 par exemple pour réserver des vacances en Italie.
29:28 Alors j'appelle Licio, et je lui dis
29:30 "Licio, tu modifies les gouvernements, tu es très proche du Vatican,
29:34 est-ce que tu peux me réserver une chambre au Pelicano ?"
29:38 Il me dit "Bien sûr".
29:42 Il téléphone au Pelicano, et 2 minutes après,
29:44 le Pelicano m'appelle en me disant "commendatore,
29:47 vous avez la suite que vous voulez, quand vous voulez".
29:50 Alors je vais cette semaine de vacances au Pelicano,
29:54 grâce à l'omnipotent Licio Djeli.
30:00 Un jour on me dit à quelqu'un qui est à la réception pour vous,
30:05 je vais à la réception, il y avait Licio Djeli,
30:08 précédé par des voitures de police à Girofard,
30:11 suivi par des procédures de police à Girofard,
30:14 bon il n'était plus l'homme le plus recherché d'Italie,
30:17 mais il était tout de même un criminel virtuel,
30:20 qui n'avait pas pu être condamné grâce à la décision d'extradition que j'avais obtenue.
30:25 Il arrive escorté et suivi par la police,
30:29 il vient me prendre dans les bras pour me dire que la vie est belle,
30:33 qu'il se résigne au silence de Dieu,
30:36 et pour savoir comment je vais.
30:39 Nous avons passé un délicieux déjeuner,
30:42 et puis il est reparti, précédé et suivi par des flics,
30:46 qui veillaient à sa sécurité.
30:49 Dans une des dernières interviews qu'il a données peu avant sa mort,
30:52 le grand maître résumait sa vie par ces mots.
30:55 Je suis né sous le fascisme,
30:58 j'ai combattu pour le fascisme,
31:01 je mourrai fasciste.
31:04 A Bologne, le seul souvenir qu'il reste de l'attentat,
31:12 c'est l'horloge de la gare qui est à jamais bloquée sur 10h25.
31:16 Il y a aussi une plaque avec les noms des 85 victimes.
31:20 On peut y lire celui d'Irène Breton.
31:23 J'ai retrouvé sa fille Yvonne, dans le Jura, côté suisse.
31:27 Elle n'a jamais vu de ses yeux cet hommage.
31:30 Quand je l'ai rencontrée, je l'ai trouvée très affaiblie.
31:33 Elle ne peut même plus aller fleurir la tombe de sa mère,
31:36 à quelques kilomètres de chez elle.
31:39 Quand je lui ai parlé de Liceugeli, j'ai senti qu'elle était à mille lieux de ça,
31:43 des années de plomb en Italie, de l'argent sale et des banques suisses.
31:47 Elle, elle n'a juste jamais compris pourquoi on lui avait volé sa mère.
31:52 [Musique]
31:58 Vous venez d'écouter Dangereux Millions, un podcast coproduit par Swiss Info,
32:02 le service d'information en ligne de la Société Suisse de Radiodiffusion,
32:06 un média public, et Europe 1 Studio, avec Gotham City.
32:11 On vous dit à très bientôt pour un nouveau voyage en Suisse,
32:14 dans le monde feutré du crime financier.
32:17 Ça a sans doute été une histoire passionnante.
32:19 On a quand même le frère du président du Mexique,
32:22 qui est en prison parce qu'il a tué son ex-beau-frère,
32:25 et qui est accusé de blanchir de l'argent de la drogue. Voilà.
32:29 Réalisation et composition des musiques originales, Julien Taro.
32:33 Direction, Joe Fay.
32:36 Direction Europe 1 Studio, Fanny Rascal.
32:39 Conseil éditorial, Suzanne Rehbert.
32:42 Relecture, Virginie Mangin.
32:45 Archives, Caroline Honneger.
32:49 Illustrations, Kai Reusser.
32:52 Les articles de Paolo Biondani, paru dans le journal L'Espresso,
32:58 et le documentaire "Liccio Gelli, le grand marionnettiste", RTS 1983,
33:04 ont nourri notre enquête.
33:06 On vous retrouve très vite sur votre plateforme d'écoute préférée pour un nouvel épisode.
33:11 Et d'ici là, si vous avez aimé "Dangereux millions", dites-le sur les réseaux sociaux.
33:15 Donnez-nous 5 étoiles !
33:17 C'est la meilleure façon de nous soutenir.
33:21 Sous-titrage Société Radio-Canada
33:25 Merci.
33:26 [SILENCE]

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