Affaire n° 2023-1052-QPC

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Date de l'audience : 30/05/2023

M. Frédéric L. [Accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs]

Lien vers la décision : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231052QPC.htm
Transcript
00:00 (...)
00:15 L'audience est ouverte. Nous allons examiner deux questions qui sont liées, mais ça fait deux QPC.
00:23 On commence par la QPC n° 2023-1052. Elle porte sur les dispositions de l'article L2143-6 du code de la santé publique.
00:37 Alors, Mme la préfète, voulez-vous nous expliquer où nous en sommes de la procédure d'instruction ?
00:41 Merci, M. le Président. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 avril 2021 par une décision du Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité
00:52 posée par M. Frédéric Letellier, pourtant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L2143-6 du code de la santé publique.
01:03 Cette question relative à l'accès des personnes nées d'une assistance médicale à la procréation avec tiers d'honneur aux données non identifiantes et à l'identité des tiers d'honneur
01:12 a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2023-1052 QPC.
01:20 La Sarme Corlay a produit des observations dans l'intérêt de M. Frédéric Letellier, partie requérante, les 28 avril et 12 mai 2023.
01:28 La Première ministre a produit des observations le 28 avril 2023.
01:33 Mme Audrey Fourny, dite Audrey Kermalwezen, née Gauvin, est de l'association Origines et la SELAFA Chanterie Avocat Exerçant sous l'enseigne COGEP Avocat
01:44 dans l'intérêt de l'association PMA Anonyme, procréation médicalement anonyme, ont demandé à intervenir et ont produit à cette fin des observations les 25 et 28 avril 2023.
01:56 Seront entendues aujourd'hui l'avocate de la partie requérante, les avocats des parties intervenantes et le représentant de la Première ministre.
02:03 Merci Madame.
02:07 La maître Pauline Corlay, qui est avocate de conseil, qui représente M. Frédéric Letellier, partie requérante. Maître.
02:14 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, les membres du Conseil constitutionnel,
02:23 à l'occasion du recours pour excès de pouvoir déposé à l'encontre du décret du 25 août 2022 relatif à l'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur
02:32 pris en application de l'article 5 de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique et portant modification des dispositions relatives à l'assistance médicale à la procréation,
02:42 M. Frédéric Letellier a posé la question prioritaire de constitutionnalité que vous connaissez sur la non-conformité de l'article L2143-6, aligné à 6 du Code de la Santé publique.
02:56 La question posée est simple. Elle ne revient aucunement sur les droits actuels dont bénéficient les personnes nées d'une assistance médicale.
03:08 Elle vise uniquement à garantir aux anciens donneurs, auxquels on avait promis lors des dons effectués qu'ils ne seraient en rien concernés par la suite donnée à ces dons,
03:20 le respect de cette promesse, garantir que leur vie privée et familiale ne sera pas remise en cause.
03:29 La loi nouvelle a créé, vous le savez, deux régimes juridiques distincts selon la date de conception de la personne née du don.
03:41 Pour les uns, ceux qui sont nés après la date fixée par décret, un véritable droit d'accès aux origines, droit d'accès proprement dit, puisqu'ils pourront à leur majorité interroger et demander à accéder à l'identité et aux données non-identifiantes du donneur.
04:05 Mais alors le donneur a nécessairement consenti lors du don, au moment de ce don, à l'exercice de ce droit. C'est un accord préalable qui est donné et qui est nécessaire au don.
04:20 Il n'y a pas de don s'il n'y a pas de consentement.
04:23 Pour les autres, ceux que j'appellerai avec respect les anciens donneurs, on accorde aux personnes conçues de ces dons uniquement un droit à interroger la commission pour connaître l'identité et les données non-identifiantes de ce donneur.
04:49 Il n'y a pas de véritable droit d'accès aux données.
04:53 Et évidemment parce qu'il fallait protéger le consentement de ces donneurs et ce qui leur avait été promis dès l'origine, ne pas dévoiler ni leur identité ni leurs données non-identifiantes.
05:07 Il reste que l'interrogation par la commission d'accès aux données non-identifiantes reste intrusive pour ces donneurs auxquels on avait promis qu'une fois ce don effectué, aucune question ne leur serait posée.
05:27 La loi permet aux anciens donneurs de donner un accord préalable.
05:34 Ils peuvent dire "oui j'accepte de donner mes données, j'accepte qu'il y ait un accès à mes données et je répondrai aux questions qui me sont posées et j'accepte donc que la personne bénéficiaire du don, issue de ce don, puisse avoir accès à ces données".
05:54 Mais on ne permet pas à l'inverse, à ce même donneur, de dire à l'avance "non, je n'accepte pas que les données identifiantes ou les données non-identifiantes soient communiquées".
06:09 À chaque fois qu'une question sera posée à la commission, la commission s'adressera au donneur et lui demandera s'il souhaite ou non donner ces données.
06:20 Et les bénéficiaires des dons peuvent demander autant de fois qu'ils le souhaitent pour une personne et aussi nombreuses que soient ces personnes car on ne sait pas évidemment combien de personnes sont issues de ces dons.
06:33 Il y a donc ici une véritable intrusion qui, je pense, est contraire tant à la vie privée et familiale qui est protégée par la Constitution qu'à la sécurité juridique protégée par l'article 16 comme vous l'avez obligément soulevé.
06:55 Je ne reviens pas évidemment sur la recevabilité de la question posée qui n'est pas contestée mais uniquement sur ces atteintes qui sont portées à la Constitution.
07:09 L'article 16 de la déclaration de 1789 vient protéger la sécurité juridique. C'est ce que vous avez dit dans votre décision de 25530 au considérant 45.
07:22 Il est bien entendu loisible aux législateurs de modifier la législation mais, ce faisant, lorsque cette modification porte une atteinte rétroactive,
07:33 il faut vérifier que cette atteinte rétroactive répond à un motif d'intérêt général suffisant.
07:40 Ce, également, comme vous le dites dans votre décision de 2013-682, lorsqu'il s'agit de remettre en cause les effets qui peuvent être légitimement attendus de telle situation.
07:55 Or, donc, vous vérifiez s'il existe des motifs d'intérêt général suffisants pour porter atteinte à la sécurité qui justifie qu'on porte atteinte à cette sécurité juridique.
08:06 Or, en l'espèce, on ne peut pas considérer qu'il y ait une atteinte fondamentale des droits des personnes issues des dons.
08:19 Le droit qui a été accordé aux personnes issues des dons, c'est uniquement le droit d'interroger la commission. Ce n'est pas un droit d'accès qui aurait été, évidemment, extrêmement intrusif.
08:31 Or, l'intrusion qui est causée au droit du donneur est, elle, assez conséquente, je vous l'ai dit, le nombre de fois où on pourra leur poser la question,
08:43 ce qui pose, évidemment, des problèmes psychologiques. Ces personnes ont depuis évolué, ont souvent constitué des familles, ont eu des enfants.
08:50 Donc, ça constitue une véritable intrusion, d'autant que les personnes issues des dons, si elles ont interrogé la commission, pourront être informées du décès.
09:02 Si elles sont informées du décès, les informations qui sont ainsi conservées, sont conservées aux archives publiques. Au bout de 25 ans, on peut avoir accès à ces archives publiques.
09:16 Et donc, même sans le consentement du donneur, finalement, avoir accès à son identité et aux données non identifiantes.
09:24 Ce qui peut entraîner, effectivement, une intrusion considérable, même vis-à-vis des autres personnes, des enfants véritables de la personne issue du don.
09:36 Je pense donc que l'intrusion qui est causée, et qui n'est absolument pas justifiée par un motif d'intérêt général, qui est uniquement le droit d'interroger la commission,
09:50 justifie que cette disposition soit abrogée, pour être peut-être uniquement réécrite par la suite.
10:01 Je vous demande donc de bien vouloir dire que l'article L2143-6, alinéa 6, du Code de la santé publique, n'est pas conforme à la Constitution, et d'abroger la dite disposition.
10:15 M. le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil, je vous remercie de votre attention.
10:21 Merci, Maître. Alors, maintenant, nous allons écouter M. Laurent Bézy, qui est avocat au Barreau d'Angers,
10:31 qui représente l'association Procréation médicalement anonyme, partie intervenante. Maître.
10:38 M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, j'ai l'honneur d'être aujourd'hui le porte-parole de l'association PMA Anonyme,
10:46 c'est-à-dire cette association qui représente plus de 400 adhérents, qui, dès l'année 2004, réclame le droit pour toute personne conçue par don de gamètes ou d'embryons d'accéder à ses origines biologiques.
10:59 Et selon l'adage latin "honor honus est", tout honneur étant d'abord une charge, j'essaie de vous convaincre que le point 6 de l'article L2143-6 du Code de la santé publique,
11:12 issu de la nouvelle loi biologique du 2 août 2021, ne porte pas atteinte aux droits et libertés des donneurs de gamètes qui leur sont garantis par la Constitution.
11:23 Et d'ailleurs, aborder cette question peut être un clin d'œil de la part de votre Conseil, le jour même de la journée mondiale pour le droit aux origines,
11:31 trouve tout son sens dans un monde où l'offre de procréation est confrontée à deux obligations, celle du secret, qui est capitale, et celle du droit à l'information.
11:46 Il y a donc une véritable tension juridique, car le développement de la médecine de la reproduction a bousculé le périmètre de la confidentialité.
11:55 L'intimité du tiers-donneur doit être désormais conjuguée avec la nécessité pour les personnes qui sont nées de don, de son don, de trouver ce qu'ils appellent bien souvent la pièce manquante.
12:09 C'est-à-dire de lui donner la possibilité d'accéder à ses origines. Et je crois qu'il n'y a là rien de bien scandaleux.
12:18 C'est d'ailleurs précisément cet équilibre, celui de concilier l'anonymat de celui ou celle qui donne pour donner la vie,
12:28 avec l'exigence de traçabilité biologique que le législateur, en 2021, a décidé de créer, la Commission d'accès des personnes nées d'une assistance médicale à la procréation,
12:41 aux données des tiers-donneurs, que nous allons appeler, si vous voulez bien, la CAPAD.
12:47 Instaurée par l'article L2143-6 du Code de la santé publique, la CAPAD est une instance de régulation, d'intermédiation, d'ailleurs au même titre que la CNAOP pour l'accouchement dans le secret,
13:02 qui peut être saisie par les personnes conçues par don, mais également, on a tendance à l'oublier, par les tiers-donneurs. Et cette CAPAD organise et régule les demandes d'accès à l'identité des tiers-donneurs.
13:17 C'est proprement une nouveauté, puisque avant le dispositif législatif de 2021, il n'existait rien de tel.
13:26 Seulement, au cours des débats parlementaires, est apparue une difficulté majeure, qui est celle du sort du fait du principe de non-rétroactivité de la loi.
13:37 Quel était le sort des personnes conçues par un don, qui a été effectué avant l'entrée en vigueur de cette loi ?
13:44 En sachant que la plupart des dispositions sont entrées en vigueur à la date du 1er septembre 2022, la question a donc été la suivante.
13:52 Les personnes conçues par un don, avant cette date-là, doivent-elles être privées de la possibilité de rechercher leurs origines par la médiation de la CAPAD,
14:02 alors même que d'autres personnes conçues par don, quand elles auront 18 ans, donc en 2040, elles pourront saisir la commission ?
14:10 Et là, au cours des débats parlementaires, est apparue une difficulté également majeure.
14:15 C'est l'atteinte possible au principe d'égalité des personnes conçues par don, avant 2022 ou après 2022.
14:24 Et cette question de la possibilité pour les personnes conçues par don de retrouver l'accès à leurs origines d'un don qui a eu lieu avant 2022,
14:33 n'est certainement pas anodine devant votre Conseil, puisqu'elle concerne à peu près entre 50 000 et 70 000 personnes.
14:40 Et c'est ainsi qu'est apparue la nécessité cruciale d'intégrer dans l'article L2143-6, le fameux point 6 dont vous êtes saisi aujourd'hui.
14:52 Et alors, le législateur, de créer une espèce de régime spécial pour les personnes qui souhaiteraient connaître leurs origines biologiques
15:00 et qui sont nées grâce à un don effectué avant le 1er septembre 2022.
15:06 Et c'est ce niveau nouveau, pardonnez-moi, dispositif qui a pu être perçu comme une espèce de trahison de la parole qui aurait été donnée au tiers-donneur.
15:16 Comme une atteinte qui serait insoutenable à leur garantie de leur anonymat.
15:21 Et de telle sorte, partant de là, que cette disposition du point 6 serait alors contraire aux aléna 10 et 11 du préambule de 1946,
15:30 ainsi qu'aux articles 2 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789.
15:36 Alors, le dispositif contesté aujourd'hui portait l'atteinte au principe de sécurité juridique,
15:41 à celui du principe que vous connaissez bien de la légitime confiance, en application de votre jurisprudence désormais bien connue,
15:48 selon laquelle les situations légalement acquises doivent être protégées,
15:54 sauf, et ça a été rappelé par mon confrère, s'il existe un motif d'intérêt général suffisant.
16:04 Toutefois, votre jurisprudence rappelle également que le législateur peut parfaitement modifier des textes antérieurs,
16:10 abroger des dispositions, dès lors que ce texte ne prive pas de garanties illégales des exigences constitutionnelles.
16:19 C'est d'ailleurs tout le sens de la décision que vous avez rendue en 2012, relative à l'accouchement sous X,
16:25 qui rappelle que le choix des termes de la conciliation entre des intérêts divergents,
16:31 et sauf forcer le respect de votre institution, appartient au législateur.
16:36 Or, en l'espace, ces dispositions du point 6 de l'article que vous connaissez maintenant,
16:40 ne portent pas atteinte à l'exigence constitutionnelle de sécurité juridique et du principe de confiance légitime.
16:46 Pourquoi ? Parce que le législateur a particulièrement protégé l'équilibre entre les intérêts du tiers d'honneur et ceux de la personne conçue par don.
16:57 Pourquoi ? Tout d'abord parce que, il convient peut-être de faire un peu, non pas d'histoire du droit,
17:03 mais de revenir un peu en 1994, de la genèse de la biotique législative en France,
17:08 parce que, force est de constater qu'il n'y a pas de situation légalement acquise avant l'adoption de la loi biotique de 1994.
17:17 En ce sens, peut-être que cela peut être choquant de le dire ainsi, mais faisons un peu de droit si vous le permettez.
17:23 En ce sens, aucun dispositif législatif n'a consacré le principe de l'anonymat du donneur,
17:30 dans la mesure où les dons effectués avant le 22 juillet 1994, qui est la date de la loi biotique,
17:37 ne sont pas en droit protégés par ce principe.
17:41 Même s'il est vrai qu'à l'époque, les centres AMP, les sécos, faisaient signer des papiers
17:48 ou disaient aux tiers donneurs qu'ils n'avaient aucune inquiétude à avoir puisqu'on leur garantissait leur anonymat.
17:54 Oui, mais cela en définitive n'est que matériel.
17:58 Cela ne résulte en réalité d'aucun texte législatif ou d'aucune décision réglementaire.
18:04 On a fait comme cela. Certainement que cela en réalité n'est pas condamnable au regard du secret médical.
18:12 Ceci étant dit, l'anonymat du tiers donneur ne sera consacré en droit français qu'avec la loi biotique du 22 juillet 1994.
18:21 Et encore, il ne sera jamais général et absolu.
18:25 Pourquoi ? Parce qu'à l'aune et à la faveur de cette loi, on va intégrer l'article 16-8 du Code civil,
18:32 année 2, et qui dit ceci, "En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur
18:40 peuvent avoir accès aux informations permettant l'identification de ceci."
18:46 En clair, dans le dispositif juridique français, le principe de l'anonymat du tiers donneur n'a jamais été général et absolu.
18:54 Je crois pouvoir alors dire devant votre Conseil qu'il n'y a pas de synchro-saint principe de l'anonymat
19:00 qui s'éteint dès 1994 lorsque la nécessité thérapeutique s'impose.
19:07 Ensuite, permettez-moi, M. le Président et Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,
19:12 de rappeler le dispositif du point 6 de l'article L2143-6 du Code de la santé publique
19:19 qui protège l'équilibre entre les intérêts du tiers donneur et ceux de la personne conçue par vous.
19:24 Pourquoi ? La chose essentielle, à mon avis, qui est la plus importante à retenir dans le fonctionnement de la CAPAD
19:30 et dans ce qu'a voulu le législateur, c'est que le consentement du donneur,
19:35 lorsqu'il y a une demande faite par une personne conçue par nom de retrouver son géniteur,
19:40 de retrouver ses origines biologiques, le consentement du donneur est toujours requis
19:45 pour que ces données identifiantes ou non identifiantes soient dévoilées à la personne qui le demanderait.
19:52 En réalité, il n'y a donc aucune remise en cause de situation légalement acquise
19:58 ou d'absence de garantie légale des exigences constitutionnelles, car le tiers donneur aura toujours la faculté de refuser
20:05 que la personne conçue par don puisse accéder à ses origines.
20:10 Et si vous le permettez, pour bien comprendre les enjeux qui sont quand même éminemment importants pour les personnes que je représente,
20:16 et d'ailleurs je représente des membres de l'association PM Anonyme qui font partie de la CAPAD
20:21 et qui par conséquent connaissent très bien le fonctionnement de la CAPAD, comment cela se passe-t-il ?
20:27 Vous avez une personne conçue par don ou autre qui va saisir la CAPAD.
20:32 La CAPAD, tout ça au lieu de textes réglementaires qui certes sont parfois un peu flous et un peu parfois compliqués,
20:38 on va saisir la CAPAD, la CAPAD va prendre contact avec les centres AMP,
20:42 ensuite la CAPAD doit devoir avoir un certain nombre d'éléments d'identification du tiers donneur
20:49 auprès des organismes de sécurité sociale, auprès d'un certain nombre de répertoires.
20:54 Et lorsque la CAPAD arrive à identifier un tiers donneur, de manière certaine,
21:01 alors la CAPAD a le pouvoir, a le droit d'envoyer un courrier recommandé à la personne qui a donné ses gamètes au moment de son don.
21:16 On reçoit un courrier recommandé. Voilà le fonctionnement et je passe les détails.
21:22 Et d'ailleurs, je vous indique Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel,
21:26 que pour la première fois, il y a de cela à peu près 15 jours, la première lettre recommandée a été adressée à un tiers donneur à l'initiative de la CAPAD
21:35 et le tiers donneur a donné son consentement pour le dévoilement de son identité.
21:41 Donc la CAPAD fonctionne. Et on est bien dans l'obligation de constater que les donneurs conservent donc la faculté de ne pas répondre
21:51 au courrier recommandé qui est adressé. On peut ne pas répondre, on peut répondre et on peut garder le silence,
21:58 qui alors vaut bien évidemment non-acceptation. Et par conséquent, la CAPAD et les législateurs organisent la primauté de la volonté du donneur.
22:09 Ainsi, le seul fait pour un tiers donneur de recevoir un courrier recommandé de la part de la CAPAD, lui demandant son consentement
22:18 pour qu'une personne conçue par don puisse accéder à ses origines, n'est pas de nature à porter atteinte à la sécurité juridique,
22:24 au principe de confiance légitime, dans la mesure où la personne qui procède à un don de sperme ou d'ovocyte
22:31 ne peut pas s'attendre à ce que ce don donne un jour, ne peut que s'attendre à ce que ce don donne un jour naissance à un enfant
22:39 et non pas, pardonnez-moi, à un embryon de poulet. Par ailleurs, et en réalité, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion d'aborder
22:48 cette question délicate il y a plus de dix ans. C'est votre décision concernant l'accouchement sous X de 2012,
22:56 qui affirmait un principe pratiquement similaire à la CAPAD permettant aux enfants nés sous X d'accéder à leurs origines,
23:05 notamment en contactant leur mère de naissance par le biais de la CNAOP. Et vous avez considéré que cela ne portait pas atteinte
23:12 au droit au respect de sa vie privée et au droit de mener une vie familiale normale.
23:17 Même si comparaison n'est pas nécessairement maire raison, il n'en reste pas moins que cette position du Conseil constitutionnel
23:23 ne pourra qu'être réaffirmée en ce qui a la permis de juger qu'il appartenait aux législateurs d'apprécier l'équilibre
23:30 entre les droits de la mère de naissance, le tiers d'honneur, et ceux de l'enfant, la personne conçue, pardon, qui un jour a été un enfant.
23:43 Aussi se paraît l'élisme, alors me paraît non pas scandaleux, mais peut-être que vous pourrez vous référer à la décision de 2012.
23:52 Enfin, permettez-moi de faire quelques prospectives. Vous le savez certainement, aujourd'hui, avec seulement une soixantaine d'euros,
24:01 n'importe quel citoyen français peut commander un test génétique, à l'étranger, même si d'ailleurs le droit pénal le considère comme répréhensible en France.
24:11 A l'aide d'un logiciel, par exemple MyHeritage, vous pouvez retrouver votre histoire biologique sans aucune difficulté pour 60 euros.
24:19 La plupart des personnes d'ailleurs qui ont saisi la CAPAD ont fait ce genre de test génétique.
24:25 Avec ces tests, de nombreuses personnes issues de dons ont eu l'accès à l'identité de leur donneur,
24:31 et certaines ont même appris leur mode de conception à l'occasion du résultat du test.
24:38 N'est-ce pas alors une véritable insécurité juridique, qui ne serait pas acceptable en droit français ?
24:44 D'ailleurs, la création de la CAPAD par le nouveau dispositif législatif ne vient pas renforcer, contraindre ces tests génétiques,
24:55 en étant une instance de régulation, une instance de médiation.
25:00 C'est-à-dire que l'anarchie des tests génétiques illégaux en France ferait donc place à une instance de régulation
25:10 qui permettrait une sérénité dans la recherche des origines des personnes conçues par dons.
25:18 Mettons-nous un seul instant dans l'hypothèse que la disposition contestée serait contraire aux exigences constitutionnelles garanties.
25:26 Eh bien, il y aurait alors comme un paradoxe assez gênant, mesdames et messieurs,
25:29 dans la mesure où pour la première fois, l'institution de la CAPAD protège les droits du donneur
25:36 en créant une procédure idoine et protectrice de leur anonymat.
25:40 En effet, l'abrogation totale ou partielle de l'article empêcherait nettement l'expression du consentement des donneurs
25:48 et cela signifierait alors déjurer la fin précoce de l'accès légal et encadré aux origines biologiques.
25:55 En revanche, l'identification des donneurs demeurerait possible par le moyen des tests génétiques
26:02 et le biopouvoir de devenir tout-puissant et décider à la place des individus.
26:09 Pour terminer, lorsque j'étais jeune doctorant en droit à l'Université de Paris II,
26:16 j'ai eu l'occasion de visiter votre institution et d'être reçu par une de vos anciennes éminentes membres, madame Simone Veil.
26:24 Et il m'était revenu, le soin de lui poser la question de savoir ce qu'elle pensait du projet de réforme en 2008
26:31 de donner la possibilité aux citoyens de saisir directement le Conseil constitutionnel
26:37 et ce qui nous vaut aujourd'hui de pouvoir plaider devant vous.
26:40 Et la réponse de madame Simone Veil fut la suivante.
26:43 C'est l'occasion donnée au Conseil constitutionnel de s'ancrer enfin dans la société moderne.
26:49 Je crois qu'il vous a donné l'occasion aujourd'hui de faire résonner les paroles de votre ancienne collègue.
26:54 La possibilité donnée aux personnes conçues par don d'accéder à leurs origines
26:59 après un parcours du combattant non négligeable ne serait-elle en effet pas justifiée
27:05 par un motif d'intérêt général suffisant selon les termes de votre jurisprudence.
27:10 Permettre l'accès aux origines sous certaines conditions répond précisément à une demande sociétale que personne ne peut nier.
27:18 Et l'évolution législative apportée par la loi du 2 août 2021 reflète, donne naissance à ce changement de paradigme.
27:26 L'accès aux origines étant désormais conçu comme un droit essentiel et fondamental,
27:31 ce que la Cour constitutionnelle amende reconnaît depuis 1989.
27:37 N'oublions pas que la personne conçue par don est frappée d'un double secret.
27:43 Celui du donneur, il est vrai, mais encore plus celui du receveur, celui de ses parents.
27:50 Quand vous naissez par un don, vous ne pouvez pas le savoir. Vous ne pouvez jamais le savoir.
27:57 Car ça n'est pas indiqué dans les significations en marge de l'acte civil. Il n'y a pas d'acte notarié.
28:03 Ça veut dire alors que vous pouvez découvrir que vous êtes né par don alors que vos parents sont morts
28:07 et lorsque vous triez les papiers de vos parents qui sont morts.
28:11 Et c'est ce qui est arrivé précisément à un membre de l'association de Peyama Anonyme.
28:16 Voilà où nous en sommes. Alors faut-il préférer cela ou alors un système organisé certes perfectible,
28:23 mais peut-être que cela relève du pouvoir réglementaire et non pas du pouvoir législatif.
28:27 Il n'en reste pas moins qu'ainsi le législateur a compris que le droit français devait évoluer
28:33 pour permettre aux personnes conçues par don qu'ils le veulent de trouver, ce que je disais au tout début,
28:38 cette pièce manquante. Cette pièce, celle de leur puzzle biologique,
28:43 qui en fera des femmes et des hommes debout. Car comme l'indique le professeur Hirenteri,
28:48 celui qui n'a pas le droit de savoir subit toujours une certaine violence et je vous remercie.
28:54 Merci maître. Maintenant nous allons écouter maître Mariama Swabi qui est avocat au barreau de l'Essonne,
29:04 qui représente madame Audrey Fournis, des gouvernements et l'association Origine Parti Intervenante. Maître.
29:12 Merci monsieur le président, monsieur et madame du conseil. Je vais essayer d'être brève et concise
29:19 puisque beaucoup de choses ont déjà été dites. Effectivement, nous nous retrouvons aujourd'hui devant vous
29:26 parce que se pose cette question de l'article L2143-6 du code de la santé publique et dont monsieur Le Tellier conteste
29:40 parce qu'il estime que les dispositions mises en oeuvre par cet article portent atteinte à sa vie privée
29:46 et permet d'instaurer un trouble dans son quotidien. Sauf que lorsque vous lirez les conclusions et le mémoire
29:58 de madame Fournis et de l'association Origine, vous verrez que la rétroactivité de la loi n'est pas là où l'on croit,
30:05 à savoir que la loi du 2 août 2021 a fait en sorte d'instaurer une sorte de sécurité juridique à laquelle
30:17 pouvaient légitimement s'attendre les donneurs, auxquelles était garantie dès l'origine un anonymat absolu et éternel.
30:24 Je m'explique. Le principe d'anonymat du donneur, si on regarde la chronologie, n'a été instauré en réalité
30:33 que depuis le 29 juillet 1994, autrement dit avec les premières lois bioéthiques. Avant cela, le donneur n'était pas
30:41 légalement anonyme. En particulier, ce caractère d'ordre public et au absolu du don de gamètes n'existait pas.
30:48 Donc on ne peut pas aujourd'hui vous dire que ce principe qui était inexistant avant 1994 aurait pu apporter
30:55 la moindre garantie aux personnes ayant précédé un don de gamètes dans les années 70, par exemple, 80, etc.
31:01 En tout cas, avant les lois bioéthiques de 1994. En réalité, c'est l'anonymat inscrit dans la loi de juillet 1994
31:13 qui a été rétroactivement appliqué aux donneurs sans qu'à aucun moment leur consentement ne soit recueilli.
31:18 Et donc c'est de manière abusive que ce principe d'ordre public est aujourd'hui opposé aux personnes issues de dons
31:27 avant l'entrée en vigueur de la loi de 1994, comme Mme Fourny et les membres de l'association Origines.
31:35 Que ce soit Mme Fourny ou les membres de l'association Origines qui souhaitent tous, comme les membres de l'association
31:44 PMA Anonyme, pouvoir avoir cette possibilité d'avoir accès à leurs origines et de pouvoir connaître justement une partie
31:53 de ce puzzle dont ils sont privés, parfois sans le savoir et qu'ils découvrent de manière souvent, enfin parfois assez traumatique.
32:02 Alors, je précise aussi que ce principe légal d'anonymat ne vise que la relation donneur-receveur et n'a jamais concerné
32:10 jusqu'à présent l'enfant, en tout cas avant la loi de 2021. Et donc, aujourd'hui, remettre en cause cette loi, en tout cas cet article
32:24 21.43-6 qui a déjà commencé à s'appliquer, au contraire reviendrait à être beaucoup plus attentatoire à l'article 16 que de permettre
32:34 de mettre en place cette possibilité qui est offerte et qui est un besoin, qui est une demande qui a toujours été portée par les enfants
32:42 issus de dons, à savoir de pouvoir avoir accès à leurs origines. Puisque, et c'est ce que porte l'association Origines, la souffrance
32:50 générée par la privation de toute information sur leurs origines est connue de longue date, elle est certaine, elle peut être contrebalancée,
33:01 en tout cas, elle ne peut pas être contrebalancée avec la souffrance qui peut être exprimée par les donneurs d'avoir à être interrogée un jour
33:09 sur leurs dons. Or, ce que dit aussi l'association Origines, c'est que depuis 2006, soit depuis déjà 17 ans, de nombreuses personnes
33:20 issues de dons témoignent publiquement de leur besoin d'accéder à leurs origines. D'ailleurs, dans cette association, vous avez
33:27 M. Arthur Carmel-Wesen qui a fait un livre là-dessus qui explique justement tout le déroulement, tout son parcours de recherche
33:37 des origines jusqu'à la connaissance de la personne qui est auteur de dons, qui a pu donner naissance à sa personne.
33:51 Alors, aujourd'hui, comme je l'ai dit, il s'agit de mettre en balance la souffrance des personnes conçues de dons par rapport à celle des
34:00 personnes qui ont pu faire un don à une époque. Alors, l'association Origines trouve assez ambivalente la position de M. Letellier qui,
34:10 et d'ailleurs, ne le conteste pas dans ses écritures, il a été de nombreuses années en faveur de la levée d'anima des donneurs de gamètes.
34:17 Il a d'ailleurs milité dans le cadre d'une association d'enfants issus de dons. Et aujourd'hui, on ne comprend pas trop sa position dans le cadre
34:27 de cette QPC qui tend à soutenir l'idée inverse, à savoir que la simple interrogation des donneurs puisse venir troubler son ordre familial, personnel.
34:39 D'ailleurs, de l'aveu même de M. Letellier, la question en réalité qui est posée, c'est de permettre aux anciens donneurs de venir dire à l'avance
34:48 s'ils souhaitent ou non pouvoir avoir des sollicitations de la part des enfants nés de leurs dons. Et lorsqu'on lit l'article 2146 du Code de la santé publique,
34:58 qui est définitivement adopté, et là aussi, on se dit que l'article a déjà été adopté, donc on ne comprend pas pourquoi on revient ici aujourd'hui refaire
35:07 le match parlementaire. Lorsqu'on lit cet article, on voit bien qu'en fait, il s'agit de contacter les tiers donneurs qui n'étaient pas soumis aux dispositions
35:14 du présent chapitre, lorsque la Commission ait saisi des demandes au titre de l'article L2143-5, afin de solliciter et de recueillir leur consentement.
35:25 Alors M. Letellier considère aujourd'hui à tort qu'un donneur pourrait être sollicité plusieurs fois par la CAPAD, ce qui est faux. Je pense que c'est aussi
35:35 une méconnaissance ou en tout cas une mauvaise interprétation du texte, puisque aujourd'hui, en fait, le donneur, il est sollicité une seule fois.
35:48 Il apporte une réponse qui va s'appliquer à toutes les demandes ultérieures qui seront soumises à la CAPAD. Donc le tiers donneur est informé
35:59 que son consentement vaut pour l'ensemble des demandes d'accès formulées par la personne majeure, là où les personnes majeures consuent à partir de ces gamètes
36:07 ou des embryons, et que ce consentement n'est pas révocable. Donc à aucun moment, puisqu'on l'a entendu encore tout à l'heure, à aucun moment, il n'est sollicité
36:19 à plusieurs reprises, lorsque à chaque fois une personne vient parce qu'elle a réussi, soit via la CAPAD, soit via les tests génétiques. À aucun moment, cette personne,
36:32 donc ce tiers donneur, n'est sollicité à chaque intervention des enfants. Il donne son consentement initial et par la suite, ce consentement vaut pour l'ensemble
36:40 des demandes d'accès. Et donc, Madame Fournier ainsi que l'association Origin font le parallèle également avec les femmes qui ont accouché sous X, qui ne sont sollicitées
36:54 encore une fois, qu'une seule fois. On ne va pas les solliciter à plusieurs reprises pour pouvoir les importuner dans leur vie privée. Donc si les personnes consues
37:07 peuvent saisir à plusieurs reprises la CAPAD, c'est uniquement parce qu'on a offert au donneur la possibilité de changer d'avis après avoir exprimé un refus en manifestant
37:16 à leur initiative uniquement un accord quant à la transmission de leur identité ou des données non identifiantes auprès de la CAPAD. Et il est donc vain, et là, pour le reste,
37:27 je m'en tiendrai aux mémoires déposées par l'association Origin et Madame Fournier, mais il est donc vain d'affirmer aujourd'hui que le donneur pourrait découvrir être à l'origine
37:37 de naissances multiples alors qu'ils ne sont contactés qu'une seule fois. Et là aussi, leur vie privée n'est pas particulièrement troublée par la réception de cette demande.
37:50 Et là aussi, si un trouble devait avoir lieu, il est à mettre aussi en équilibre avec la souffrance que les enfants issus de dons peuvent ressentir du fait de la méconnaissance
38:03 de leur origine et de la recherche active de cette origine. J'en ai terminé. Pour le reste, je me remets aux conclusions de Madame Fournier, qui vous a été déposée,
38:13 ainsi qu'aux observations complémentaires normalement qui ont dû être transprises récemment. Merci, maître. Alors maintenant, nous allons écouter pour la première ministre, M. Coldubet.
38:24 Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, le lot du 2 août 2021 a opéré un important changement de paradigme en reconnaissant un droit
38:36 pour tout enfant conçu par assistance médicale à la procréation par tiers donneur d'avoir accès à sa majorité à des données non identifiantes du tiers donneur,
38:45 mais aussi à son identité. En pratique, et donc pendant une durée d'environ 18 ans, cette levée de l'anonymat ne pourra donc concerner que des personnes nées d'un don réalisé
38:54 avant l'entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021. Or, sous l'empire du régime juridique issu de la loi de juillet 1994, le principe – cela a été dit à plusieurs reprises –
39:06 était celui de l'anonymat strict du don, principe que vous aviez d'ailleurs déclaré conforme à la Constitution dans votre décision 344 d'essai. Le législateur, en 2021, a donc dû concilier
39:17 l'effectivité de ce droit nouvellement consacré d'accès aux origines avec le respect de l'anonymat qui avait été garanti aux anciens donneurs.
39:26 Et cette conciliation, elle est opérée par l'article qui était objet de la présente QPC, donc au sixième an de l'article L2143-6 du Code de la santé publique,
39:35 au terme duquel la CAPAD, lorsqu'elle est saisie d'une demande, est chargée de contacter les anciens donneurs afin de solliciter et de recueillir leur consentement,
39:45 évidemment en cas de refus, les données sollicitées ne seront pas transmises, l'anonymat sera préservé. La question porte sur le fait que ce dispositif entraînerait
39:56 une rupture du contrat moral auquel les anciens donneurs avaient souscrit et au terme duquel ils pensaient légitimement, on leur avait dit, qu'ils ne seraient jamais
40:06 recontactés postérieurement à leur don et qu'ils ne seraient donc jamais informés d'éventuelles naissances consécutives à ce don. En premier lieu, un grief soulevé d'office
40:17 est tiré de la méconnaissance de la garantie des droits découlant de l'article 16 de la déclaration de 1780. Il est ainsi soulevé que les dispositions contestées seraient
40:25 susceptibles de remettre en cause les effets que les donneurs pouvaient légitimement attendre de la situation née sous l'empire de dispositions antérieures.
40:33 Au terme de votre jurisprudence, la garantie des droits est méconnue lorsque le législateur porte aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit pas
40:41 justifiée par un motif d'intérêt général suffisant et vous avez complété cette formulation en 2013 par votre décision 682 d'essai dans laquelle au considérant 14,
40:54 vous avez précisé également que le législateur ne peut sans motif d'intérêt général suffisant remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de
41:01 situations légalement acquises. Sous l'empire des dispositions antérieures, il est incontestable que le donneur pouvait légitimement s'attendre à ce que son anonymat soit
41:11 préservé. Si aujourd'hui l'accord à la levée de l'anonymat, enfin aujourd'hui pour le futur à partir de l'entrevue en vigueur de la loi de 2021, donc si par cette loi
41:22 l'accord à la levée de l'anonymat est désormais une condition du don, c'est la préservation de l'anonymat qui était sous le régime antérieur une condition du don et du
41:31 consentement des donneurs. Et cet état n'est en rien modifié par la loi du 2 août 2021. L'anonymat de l'ancien donneur ne sera jamais levé à son insu et contre sa volonté.
41:44 Du point de vue de l'anonymat, les dispositions contestées ne changent donc rien à ce que les donneurs pouvaient légitimement attendre de la législation antérieure.
41:55 La seule modification tient au fait que par les dispositions contestées, la CAPAD leur demandera s'ils sont d'accord pour lever l'anonymat, ce qui révélera l'existence
42:05 d'un enfant né de ce don. Mais savoir qu'un don de spermatozoïde a donné naissance à un enfant ne remet pas en cause les effets qu'un donneur peut légitimement
42:17 attendre de la situation née sous l'empire de ses dispositions. En effet, quel autre effet que la naissance d'un ou plusieurs enfants est escompté par celui qui réalise
42:28 un don pour venir en aide à des personnes pour que celle-ci puisse avoir un enfant ? Les effets de la situation antérieure ne sont donc pas remis en cause par ces dispositions
42:38 qui n'ont pas d'effet rétroactif. Si toutefois vous deviez estimer que l'information qui peut éventuellement être délivrée au donneur de ce qu'un enfant ait né de son don,
42:47 que cette information remettrait en cause les effets qu'il pouvait attendre de la situation antérieure, alors vous devriez considérer que cette atteinte est proportionnée.
42:56 Elle est très limitée dans ses effets et surtout elle est justifiée par un motif d'intérêt général suffisant qui tient au droit d'accès aux origines telles que le législateur
43:07 l'a reconnu et consacré en 2020. Le grief tiré de la méconnaissance de la garantie des droits issu de l'article 16 de la déclaration de 1749 pourra ainsi être écarté.
43:18 En second lieu, sur le grief qui était repris explicitement dans les observations produites devant vous, tiré de l'atteinte à la vie privée.
43:27 Accueillir ce grief demanderait un premier effort qui est de considérer que le respect de la volonté est une composante de la vie privée que votre jurisprudence comprend
43:37 essentiellement comme une protection contre les atteintes portées à la sphère d'intimité ou secret propre à chaque individu. En effet, ici, l'atteinte à la vie privée
43:45 ne peut être constituée par la levée non voulue d'un anonymat, nous l'avons déjà dit, car la loi ne le permet pas. Cette atteinte ne pourrait donc consister que dans le fait
43:55 que soit révélé à un donneur l'existence d'un enfant né de ce don alors qu'il n'avait pas consenti à cette révélation au moment du don. Un tel lien entre respect de la volonté
44:05 et protection de la vie privée peut être vu par exemple au paragraphe 6 de votre décision 173 QPC, mais il s'agissait d'un cas particulier du respect de la volonté
44:15 des personnes décédées. Si jamais cette première étape est franchie et que vous acceptiez de contrôler le respect de la volonté exprimée au regard du respect de la vie privée,
44:25 il vous faudrait alors, selon votre jurisprudence classique, contrôler la proportionnalité de l'atteinte au regard de l'objectif poursuivi. L'atteinte, là encore, serait ici de particulièrement
44:34 faible intensité pour les mêmes raisons que celles évoquées à l'encontre du greffe relevé d'office. Il ne s'agit en effet pas d'aller contre la volonté d'une personne
44:43 ayant réalisé son don sous le régime de l'anonymat. Elle aura seulement la certitude que ce don a donné la vie, ce à quoi elle pouvait encore une fois légitimement s'attendre.
44:54 De plus, cette atteinte ne sera pas systématique, car tous les enfants nés d'un don ne souhaiteront pas accéder aux données non identifiables du tiers-donneur ou à son identité.
45:06 Tous les anciens donneurs ne seront donc pas recontactés. À titre intégatif, et même si le recul est par définition encore très limité, au 30 avril dernier, la CAPAD avait été saisie de 384 demandes.
45:18 Faible atteinte à la vie privée et qui de ce fait n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, dès lors qu'au surplus, vous n'exercez en la matière
45:28 qu'un contrôle restreint. Ainsi, dans votre décision 248 QPC, c'est après avoir rappelé qu'il ne vous appartenait pas de substituer votre appréciation à celle du législateur
45:37 sur l'équilibre défini entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l'enfant, que vous avez estimé que la possibilité pour l'enfant né sous X de formuler une demande
45:46 d'accès à ses origines personnelles ne portait pas atteinte au respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale. Les deux griefs pourront donc être
45:55 écartés comme étant infondés. À titre subsidiaire toutefois, vous pourriez être amené à formuler à l'encontre de ce dispositif une réserve d'interprétation.
46:07 Au terme de celle-ci, la possibilité pourrait être offerte au tiers donneur de faire connaître avant toute demande de la CAPAD leur refus de se voir contacté par celle-ci et donc de lever leur anonymat.
46:20 La CAPAD serait alors déchargée de l'obligation qui pèse sur elle en application de la disposition contestée de contacter le donneur. Et cette obligation serait également levée lorsqu'une demande
46:31 concerne un donneur ayant déjà fait part de son refus de lever l'anonymat ou qui n'aurait pas répondu à une précédente sollicitation et qui serait de nouveau sollicité.
46:42 Il ne pourrait toutefois s'agir de reconnaître par cette réserve un caractère irrévocable au refus exprimé sous peine là de déséquilibrer le dispositif législatif au détriment du droit
46:56 de la personne à connaître ses origines. Le donneur devra toujours pouvoir revenir sur le refus une fois exprimé. Cela aurait une conséquence pour la CAPAD qui devrait alors
47:10 adapter sa communication envers le donneur ainsi sollicité et par exemple lorsqu'elle accuse réception d'un refus spontané ou sur demande, la CAPAD devrait alors bien spécifier au donneur
47:23 qu'il peut à tout moment et spontanément revenir sur son refus et consentir à la levée de l'anonymat. Aucune exigence consécutive n'a été méconnue. Je vous invite donc à titre principal
47:35 à déclarer les dispositions du sixième an de l'article 21 43-6 du code de la santé publique conforme à la constitution et à titre subsidiaire assorti de la réserve d'interprétation évoquée.
47:46 Merci M. Granguilhem. Alors mes arguments ont été évoqués dans différentes directions. Est-ce qu'un membre du conseil a une question à poser ? Oui, Mme la conseillère Luquias.
48:01 Oui, je voudrais vous poser peut-être plus particulièrement, présidente de gouvernement, puisqu'en fait nous avons eu des déclarations contradictoires des avocats.
48:12 Une question à laquelle vous avez indirectement répondu à la fin, mais tout de même je souhaiterais être tout à fait sûr de votre point de vue. Un donneur peut-il effectivement être sollicité
48:23 plusieurs fois, d'une part par une même personne, mais d'autre part aussi éventuellement par plusieurs personnes, si effectivement il y a plusieurs personnes qui sont issues des dons qu'il a pu faire ?
48:38 M. Granguilhem. Alors sous réserve, peut-être que mes contradicteurs pourront aussi y répondre. La CAPAD peut recontacter le donneur lorsqu'une nouvelle demande lui est formulée par quelqu'un d'autre.
48:56 C'est bien pour ça que sur la réserve proposée par la même personne... Je réponds sur une demande d'une autre personne. Là c'est tout à fait clair. Une personne née d'un don va contacter la CAPAD,
49:17 elle va contacter le donneur que celui-ci ait ou non été déjà sollicité. Ça c'est tout à fait certain. Donc le donneur peut se retrouver sollicité à plusieurs reprises.
49:26 Y compris par une même personne ?
49:28 M. Jouel. Oui. Oui. Avant de quitter la tribune, je voudrais joindre une question. Nous, nous jugeons, comme vous le savez, in abstracto, mais enfin, parfois inutile de voir comment concrètement
49:47 tout cela s'organise, d'autant que lorsque vous avez parlé de réserve d'interprétation, on rentre nécessairement dans le concret. Alors, si j'ai bien compris, la CAPAD peut envoyer une lettre.
50:01 Et l'avocat nous a dit, avec accusé réception. Bon. Je trouve qu'il serait intéressant que vous nous disiez ce qu'il y a dans la lettre, et s'il est indiqué, comme ça a été dit par l'avocat,
50:18 que celui qui reçoit la lettre, c'est-à-dire le donneur, peut ne pas y répondre. Est-ce qu'il est marqué dans la lettre, concrètement, que vous pouvez ne pas répondre ou à défaut de répondre ?
50:34 Voilà les conséquences. Qu'est-ce qu'il y a dans cette lettre ?
50:39 Que l'hypothèse d'un refus de répondre soit, que dans les faits se révèle, ça peut arriver. Ce qu'il y a dans la lettre, je vous propose de vous le préciser de manière très claire.
50:51 Ce serait bien utile. Merci. Alors, vous voulez intervenir ? Alors, allez à la barre. Allez à la barre, sinon on ne vous entend pas.
51:01 Pardonnez-moi, M. le Président et M. les membres du Conseil constitutionnel. J'ai l'honneur, effectivement, d'être avec des personnes qui sont membres de l'association et dont une personne fait partie de l'ACAPAD.
51:10 Donc, peut-être qu'il n'est pas inintéressant non pas de l'entendre, mais il vient de m'expliquer les choses, et bien avant aussi. En réalité, effectivement, il y a un courrier recommandé qui est envoyé à un donneur.
51:19 Dans ce courrier, il y a d'abord une lettre, un enveloppe préaffranchie pour que le donneur puisse répondre, et dans ce courrier, il est expressément indiqué qu'il a la possibilité de ne pas répondre.
51:32 En revanche, s'il ne répond pas, et c'est dans le texte, s'il ne répond pas, l'ACAPAD a trois mois pour renvoyer un courrier au même donneur lui demandant encore son consentement.
51:44 Et s'il ne renvoie pas et là, pour le coup, il n'y a plus de consentement. Il a atteint un délai de trois mois. Il est tout à fait vrai, madame le conseiller, qu'en réalité, un même donneur, en théorie, peut être sollicité un nombre de fois,
51:57 autant qu'à la rigueur où on le voudrait, puisque le texte ne prévoit pas de limite de contact du donneur et même de la même personne. Et même de la même personne.
52:08 Ce qui, effectivement, peut poser une petite difficulté quand même, parce qu'on a pu le lire et écrire dans la littérature. Attention peut-être au harcèlement du tiers-donneur.
52:19 Mais peut-être n'est-ce que de la théorie, puisque alors l'ACAPAD, je l'imagine, puisqu'elle est faite quand même et composée de personnes douées d'intelligence et d'intigibilité, peut-être de dire, à un moment donné, stop.
52:32 Et je vois mal l'ACAPAD envoyer 45 courriers à un même tiers-donneur sans avoir une petite difficulté de conscience. Je vous remercie.
52:40 – Si, maître. Maître, vous vouliez intervenir ? Alors, venez à la barre, sinon on ne vous entendra pas.
52:44 – Les informations ont été à peu près données, mais j'ai l'impression que finalement, nous sommes presque tous d'accord sur une réserve d'interprétation qui permettrait une déclaration préalable,
52:52 disant qu'on ne veut pas être sollicité et au tiers-donneur de pouvoir revenir ensuite sur cette décision. Donc, voilà, écoutez-nous.
53:02 – Merci, maître. Alors, est-ce qu'il y a d'autres questions de la part de membres du Conseil ? Oui, monsieur le conseiller Mézard.
53:10 – Oui, une question aux représentants du gouvernement. Bon, si j'ai bien compris par vos explications, c'est par l'intervention de l'ACAPAD que le donneur va être informé
53:26 que son don a permis une naissance. Alors, est-ce qu'il serait possible d'avoir des statistiques sur le nombre d'enfants issus d'un même donneur ?
53:38 D'avoir des éléments chiffrés qui existent ? Ces éléments existent. Donc, c'est quand même important de savoir, parce qu'on a vu dans le dossier
53:52 que l'article sur le fait qu'un donneur se prévalait d'avoir donné naissance à 146 enfants, enfin, ça serait intéressant d'avoir des éléments.
54:02 Et puis, conformément à ce qui vient d'être dit, le formulaire existe. Il a déjà été envoyé, puisqu'il y a déjà eu 384 demandes.
54:13 Avoir une copie du formulaire doit être quelque chose de facile et qui nous permettrait de savoir ce qui est exactement demandé à chacun des donneurs.
54:23 — M. Koguye-M. — Alors, sur le nombre d'enfants par donneur, je ne suis pas sûr que la statistique soit possible. De toute façon, la loi prévoit qu'il y a un nombre
54:40 maximal d'innaissance. Donc ça, c'est forcément le maximum. Savoir ensuite s'il y a le nombre d'enfants nés par donneur, je ne suis pas sûr
54:53 que la statistique soit disponible. Je me renseignerai. Et toujours dans une donnée statistique, au-delà de votre question, M. le Procédé,
55:02 il était suggéré dans le débat que cette question de la levée de l'anonymat – là, j'extrapole un peu, mais c'est pour vous donner des éléments de faits –
55:16 entraînerait une baisse du nombre de donneurs. Ce n'est pas du tout le cas. Alors je laisse de côté l'année 2020 comme année de référence qui est
55:27 par définition un peu particulière pour les donneurs de spermatozoïdes 2018-386, 2019-317, 2021-600, 2022-764. Et pour ce qui est de votre question,
55:40 pareil, je préciserai dans la note en délibéré. — Merci. Oui, maître. — Une petite indication sur ce que vous demandiez. Avant 1994, il n'y avait pas de limite.
55:53 Donc voilà. On ne sait pas exactement combien de personnes ont pu être issues de ces dons. — Y a-t-il d'autres questions d'un parlement ou du Conseil ? Il n'y en a pas.
56:03 Donc tous les éléments statistiques que vous pouvez nous donner, vous nous les donnez. Et d'autre part, comme il a été demandé, ayez la babilité d'adresser le formulaire
56:18 que reçoivent effectivement les donneurs. Et il faut le faire rapidement, puisque nous rendrons notre décision vendredi en 8, c'est-à-dire le 9 juin. Merci beaucoup.