Lutte contre la fraude sociale : "Qu'on cesse cette petite musique stigmatisante", lance la Fédération des acteurs de la solidarité
Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, était l'invité de franceinfo le 30 mai 2023.
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00:00 - Décidément l'heure est à la chasse aux fraudeurs.
00:02 Il y a trois semaines le gouvernement présentait son plan contre la fraude fiscale
00:05 avec un objectif affiché faire payer les super riches qui échappent à l'impôt.
00:09 Aujourd'hui ce sont les fraudes sociales qui sont dans son viseur.
00:12 Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal,
00:15 présente ses pistes dans Le Parisien Aujourd'hui en France
00:18 avec des contrôles renforcés,
00:19 1000 postes en plus dans l'administration
00:21 et toute une série de nouveautés.
00:23 Bonjour Pascal Brice. - Bonjour.
00:24 - Président de la Fédération des Acteurs de la Solidarité
00:27 qui regroupe près de 900 associations de terrain qui luttent contre la pauvreté.
00:31 On va détailler ces mesures dans un instant.
00:33 D'abord sur le principe.
00:35 Est-ce que le gouvernement a raison de dire qu'il faut faire du en même temps
00:38 et de s'attaquer à tous les types de fraude quelles qu'elles soient ?
00:41 - Le gouvernement a raison de s'attaquer à toutes les fraudes.
00:44 Dans le pacte social qui entre les uns et les autres dans ce pays
00:48 est insupportable de penser que des gens peuvent frauder.
00:50 Vous m'accorderez que la balance n'est pas tout à fait égale
00:52 entre, vous le rappeliez, les ultra riches et la fraude fiscale
00:55 et puis les personnes qui touchent 500, 600 euros par mois.
00:57 Mais surtout, ce qui est gênant dans cette affaire
00:59 c'est l'explication de texte et la communication autour de tout cela.
01:02 Quand on vous explique qu'il y a un problème dans ce pays et pas deux
01:05 qui est qu'il y a des gens qui touchent des aides sociales et qui ne travaillent pas.
01:08 Quand on oppose celles et ceux qui travaillent
01:11 à celles et ceux qui reçoivent des aides sociales
01:13 en oubliant au passage que la plupart d'entre eux font et l'un et l'autre
01:15 parce qu'ils sont des travailleurs pauvres qui n'y arrivent pas.
01:18 Quand on vous met au passage tout un tas de petits trucs
01:20 qui laissent à penser que bien sûr c'est plutôt des étrangers qui fraudent.
01:23 Tout cela est quand même très problématique.
01:25 Donc je voudrais qu'on se centre sur l'essentiel.
01:28 Dans ce pays, il y a des gens qui fraudent de manière organisée, industrielle.
01:32 Mais qu'on cesse cette petite musique stigmatisante qui oppose les uns aux autres.
01:37 - Alors parmi les fraudes sociales les plus rentables entre guillemets
01:40 il y a la fraude aux cotisations sociales.
01:42 Celles qui sont censées être versées par les entreprises.
01:45 Le gouvernement annonce des moyens supplémentaires pour l'Ursaf.
01:47 Cela concernera notamment les travailleurs des plateformes de type Uber.
01:51 Il veut que ce soit ces plateformes qui règlent désormais directement ces cotisations sociales.
01:55 Est-ce que ça c'est un moyen de mieux protéger par exemple les livreurs ?
02:00 - Bien sûr.
02:01 Ça fait partie de ces secteurs où les salariés sont livrés à eux-mêmes.
02:06 Et où c'est la lutte contre ce type de fraude
02:09 qui est encore une fois des fraudes organisées, industrielles
02:12 de la part de certaines entreprises, de certaines plateformes, de certains réseaux.
02:16 Oui, il est indispensable que cette lutte-là soit implacable.
02:20 - Autre annonce, la fusion annoncée de la carte vitale et de la carte d'identité
02:23 pour limiter les fraudes à la sécu et éviter ce que le gouvernement appelle le tourisme médical.
02:28 Est-ce que là aussi c'est une bonne piste ou pas ?
02:30 - Écoutez, moi je n'ai aucune difficulté de principe à cela.
02:35 Ce sera simplement sans doute à la commission informatique et liberté
02:39 de nous dire si tout ça est compatible, ce qui est normal.
02:42 Non, non, moi je n'ai pas de difficulté avec tout cela.
02:44 Ce qui est gênant c'est encore une fois,
02:45 lorsque l'on donne à penser que dans ce pays il y aurait des gens qui vivraient de tout cela
02:53 alors qu'ils sont dans la pauvreté et dans la précarité.
02:56 Vous savez, j'entends beaucoup cette musique-là, qui est quand même très problématique.
02:59 Il y a une réalité dans ce pays, puisqu'on parle tout le temps des classes moyennes,
03:02 la crise des classes moyennes.
03:03 La réalité, nous la voyons, elle est très préoccupante.
03:05 C'est que vous avez une partie des classes moyennes,
03:07 des gens qui bossent et qui n'arrivent plus à boucler les fins de mois.
03:10 Donc celle-là, il mérite toute l'attention du gouvernement.
03:14 En termes de salaire, mais après vous avez deux façons de faire.
03:19 Soit vous attaquez vraiment au problème de ces personnes-là,
03:22 notamment sur le plan de la rémunération du travail, des salaires.
03:24 – Quand le gouvernement dit par exemple 2 milliards de baisse d'impôt
03:27 pour ces fameuses classes moyennes dont vous parlez, là vous applaudissez ?
03:30 – Non, parce que de qui parle-t-on ?
03:32 Est-ce que l'on parle de celles et ceux, qui encore une fois, dont je parle là,
03:35 qui n'arrivent pas à finir leur fin de mois alors qu'elles travaillent
03:38 et qui donc effectivement doivent être soutenus à tout point de vue
03:41 par les baisses d'impôt ou par les hausses de salaire ?
03:43 Ou est-ce que nous parlons de la partie des classes moyennes,
03:45 sans parler des ultra-riches, qui pourrait très bien contribuer plus ?
03:48 Et donc ce gouvernement, on a deux possibilités face à cette crise
03:51 qui précarise de plus en plus une partie des classes moyennes.
03:54 Soit on prend de véritables mesures pour soutenir ces personnes-là
03:58 et on met à contribution celles et ceux qui peuvent payer.
04:01 Soit, comme je l'entends avec ce plan, une fois de plus,
04:04 on stigmatise, on désigne celles et ceux qui sont en précarité.
04:08 Vous savez, tout ça ressemble beaucoup à « soyons forts avec les faibles »
04:13 et « faibles avec les forts ».
04:15 Et ça, pour moi, ça ne fait pas une solidarité,
04:18 ça ne fait pas des politiques publiques et ça ne fait pas un État crédible.
04:20 – Pascal Brice, il y a un cas concret de fraude présumée en ce moment
04:23 qu'on a découvert ces derniers jours et qui vient d'ailleurs de faire l'objet
04:26 de l'ouverture d'une enquête judiciaire.
04:28 Il concerne le ministre Comorien des Affaires étrangères,
04:31 soupçonné d'avoir touché indûment plus de 200 000 euros d'allocations familiales
04:34 et de RSA par le biais de son épouse, qui était domicilée en France
04:38 sur l'île de La Réunion.
04:39 Elle n'aurait pas déclaré tout simplement les revenus
04:41 de son ministre de Marie pendant des années.
04:43 Quelle leçon vous en tirez ?
04:44 – Oui, je vais en tirer une leçon bien connue
04:46 qui est que ce gouvernement comorien fait partie
04:48 des gouvernements les plus corrompus sur cette planète.
04:50 Et qu'il ne faut pas s'étonner que l'archipel des Comores soit un ABPI.
04:53 – Mais qu'on peut tromper pendant une décennie…
04:55 – Mais c'est bien pourquoi il faut que la lutte contre la fraude soit implacable.
04:59 Mais vous voyez bien qu'il faut lutter contre cette situation.
05:03 Mais moi, ce qui me gêne, là encore, c'est la petite musique.
05:06 Les lettres résidences pour toucher les aides.
05:09 Donc on le donne à penser que ce sont les étrangers
05:11 qui dans ce pays seraient là pour toucher des aides.
05:13 Mais moi, je vais vous dire une chose…
05:14 – 9 mois de résidence, ce serait la règle désormais
05:16 pour pouvoir toucher toutes les aides.
05:18 – Mais je vais vous dire une chose très simple.
05:19 Les étrangers dans ce pays qui arrivent,
05:20 ils demandent qu'une chose, c'est à travailler.
05:22 Donc, qu'on fasse en sorte que ces personnes
05:24 puissent avoir accès à un droit au séjour,
05:26 qu'elles puissent travailler, qu'on ne les fasse pas attendre
05:28 pendant des mois.
05:29 Parce que parmi toutes ces situations-là,
05:32 qu'est-ce qui se passe ?
05:32 C'est l'administration, c'est la politique menée
05:35 par le gouvernement depuis des dizaines d'années
05:36 qui fait traîner les gens.
05:38 Ce milliard d'euros-là pour le système d'information,
05:40 pour… très bien !
05:41 – Un milliard pour traquer les fraudes.
05:43 – Ce que je propose, c'est que ce milliard,
05:44 on le mette pour faire ce qu'on nous promet
05:46 depuis 7 ans, le revenu universel d'activité.
05:49 C'est-à-dire que les gens qui sont totalement démunis,
05:51 qui n'arrivent pas à se retrouver dans ce maquis
05:53 des aides bureaucratiques, puissent avoir des trucs simples
05:56 où elles n'ont pas à perdre un temps fou,
05:58 ainsi que les travailleurs sociaux.
05:59 Et que les étrangers aient vite du travail.
06:02 Je vous donne un exemple quand même
06:03 de la pollution idéologique de cette affaire.
06:05 Je vois que l'on donne un délai,
06:08 on prévoit un délai plus long de résidence
06:11 pour toucher les aides au logement.
06:13 Quand les Ukrainiennes sont arrivées avec leurs enfants
06:15 depuis un an, que ce pays les a accueillies
06:18 merveilleusement, y compris grâce à ce gouvernement,
06:20 qu'est-ce qui s'est passé ?
06:21 Nous avons découvert, au bout de quelques semaines,
06:24 qu'il n'y avait pas d'aide au logement
06:26 pour ces femmes et leurs enfants.
06:27 Et donc du coup, le gouvernement a dû reculer très vite
06:29 parce qu'il avait dit "il ne faut pas".
06:31 Sans aide au logement, vous n'y arrivez pas.
06:32 Et si on veut intégrer les étrangers dans ce pays,
06:34 il y a besoin d'aide au logement.
06:35 Tous les Français et les Françaises le savent.
06:37 Et qu'elles puissent travailler.
06:39 Merci à vous Pascal Brice,
06:40 président de la Fédération des Acteurs de la Solidarité,
06:42 invité d'Actu de France Info.