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Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue, autrice du livre L’eau fake or not ? répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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Transcription
00:00 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'ingénieur hydrologue Charlene Descolonge.
00:06 Bonjour Charlene Descolonge.
00:07 Bonjour Dimitri.
00:08 Bienvenue sur Europe 1, vous êtes une spécialiste de l'eau, vous lui consacrez d'ailleurs un livre dans la collection "Fake or not" aux éditions Tana.
00:14 Je le montre à l'image pour ceux qui nous regardent sur europe1.fr.
00:17 L'eau, il en est de plus en plus souvent question dans l'actualité, sècheresse dans le Midi ou en Espagne,
00:23 inondations monstres en Italie rien que pour l'actualité de ces derniers jours,
00:27 les pollutions aussi des nappes phréatiques, les tensions, les crises se multiplient à toutes les étapes du cycle de l'eau.
00:33 C'est le vendredi thématique que vous propose la rédaction d'Europe 1.
00:36 Alors comment prévenir ces crises ? Il se trouve que c'est votre métier Charlene Descolonge,
00:41 car vous êtes une femme de solutions si je puis dire, vous croyez très fort en une hydrologie régénératrice du cycle de l'eau.
00:49 Alors vous allez nous expliquer tout ça, mais peut-être d'abord le cycle de l'eau, qu'est-ce que c'est exactement Charlene Descolonge ?
00:54 Eh bien le cycle de l'eau tel qu'on a appris à l'école tous, où on pense que l'eau circule des océans,
01:00 en continents sans encombre, en passant par des rivières et des nappes, des forêts et des zones humides,
01:05 eh bien en fait il est complètement faux. C'est le résultat d'une étude qui montre que dans 98% des cas,
01:10 on ne représente ni la pollution ni le changement climatique.
01:13 En fait le cycle de l'eau c'est un circuit fermé qui fonctionne depuis des millions d'années
01:17 et qui a permis l'apparition de la vie sur Terre, mais aujourd'hui il est complètement menacé par nos activités
01:23 en raison du changement climatique, mais pas que. Aussi tous nos modes de vie qui impactent à tous les niveaux le cycle de l'eau.
01:29 En fait quand on a cette image d'une raréfaction de la ressource en eau, en réalité la quantité d'eau reste peu ou prou la même,
01:35 en revanche c'est sa répartition qui change, Charlene Descolonge, si j'ai bien compris ?
01:39 Exactement, c'est exactement ça. Bon, sans trop spoiler le livre, on va dire direct, voilà avec le changement climatique, qu'est-ce qui nous attend ?
01:47 En fait on va toujours avoir sous nos latitudes les mêmes quantités de pluie qui vont nous tomber sur la tête chaque année.
01:52 En France, 500 milliards de mètres cubes, il y en a 60% qui repartent directement dans l'atmosphère par évaporation.
01:57 On va toujours avoir globalement la même quantité d'eau. Le problème qui va se poser c'est qu'elle va se répartir de manière différente,
02:03 c'est l'allocation qui va changer. On va avoir plus d'eau en hiver, moins d'eau en été.
02:08 Et donc ça pose un problème puisque effectivement tous nos usages ont été, on va dire, adaptés en fonction de la quantité d'eau disponible,
02:16 mais cette répartition va changer et dans le temps, mais aussi dans l'espace. Certaines régions vont s'assécher plus vite et d'autres moins.
02:22 Alors vous dites 500 milliards de mètres cubes d'eau qui tombent comme ça chaque année sur la France, c'est colossal.
02:28 On se dit effectivement, on n'est pas un pays qui manque d'eau. Qu'est-ce que ça représente ce chiffre ?
02:34 Est-ce qu'on peut dire que la France est un pays qui est à l'abri d'une crise durable de l'eau, d'une sécheresse systémique ?
02:40 Je ne sais pas si les termes sont les bons, mais vous saisissez l'idée ?
02:43 Alors oui et non. Effectivement on a de l'eau, on est un des pays au monde qui bénéficie d'une bonne ressource en eau.
02:50 Alors comme je disais, il y en a 60% sur ces 500 milliards qui repartent dans l'atmosphère.
02:54 Une étude montre que la quantité d'eau douce renouvelable chaque année, parce que c'est les pluies qui apportent l'eau via les océans, mais aussi via les forêts,
03:03 elle diminue. Pourquoi ? Parce qu'en fait on a un changement de régime de précipitation comme j'ai expliqué juste avant,
03:10 et on va avoir du coup moins d'eau qui va arriver, alors surtout le sud-ouest de la France qui est très impacté.
03:17 Qui est aujourd'hui d'ailleurs le plus exposé à la sécheresse, de manière très précoce.
03:20 Exactement, c'est toutes ces régions-là, l'ouest, le sud-ouest, le sud de la France qui va être exposé de plus en plus à des sécheresses.
03:25 On a une diminution de 14% de la quantité d'eau douce renouvelable en France.
03:31 Donc on a toujours de l'eau, mais encore une fois c'est assez problématique parce qu'elle se répartit de manière différente dans l'année,
03:41 donc on va avoir une raréfaction quand même de la ressource en eau.
03:44 Alors évidemment, il faudrait des heures pour expliquer en détail comment on utilise l'eau en France,
03:49 et peut-être les changements, les adaptations qu'il faudrait faire, les ajustements.
03:52 Mais il y a quand même ce chiffre que vous donnez qui m'a frappé, vous dites que plus de la moitié de l'eau douce qui est prélevée en France,
03:59 ça sert à refroidir les centrales nucléaires. Plus de la moitié ?
04:02 La moitié, oui. 16 milliards de mètres cubes d'eau, ce sont les chiffres d'eau France.
04:07 C'est le chiffre moyen, je dirais, depuis les 20-30 dernières années.
04:12 Il est très important en raison d'une chose, c'est que la majorité des eaux prélevées pour ces centrales nucléaires, c'est en circuit ouvert,
04:21 et c'est notamment sur l'axe du Rhône, qui est un fleuve glaciaire, donc il y a beaucoup d'eau froide,
04:27 et donc on a ici construit des circuits ouverts, mais on a aussi le circuit fermé qui prélève moins d'eau,
04:35 mais qui consomme plus d'eau, puisqu'on voit partir l'eau dans ces tours réfrigérantes, 50%.
04:39 Vous qui êtes hydrologue, quand vous regardez par exemple le projet qui est aujourd'hui de recréer de nouvelles centrales nucléaires,
04:46 d'ouvrir en tout cas de nouveaux réacteurs sur des sites existants,
04:49 est-ce que vous considérez qu'on prend suffisamment en compte ce paramètre de l'eau
04:53 et de possibles raréfactions de la ressource à des moments critiques dans l'année, notamment l'été ?
04:58 Je pense que d'une manière générale, on n'a pas pris conscience, on n'a pas pris la mesure
05:02 de ce qui nous arrive avec le changement climatique sur le cycle de l'eau.
05:05 Les impacts sont, comme je le disais, systémiques, autant sur la quantité d'eau que sur la qualité, la thermie,
05:11 et effectivement pour le nucléaire, on va avoir des problèmes de température d'eau.
05:15 On regarde trop le thermomètre, si je peux dire, le changement climatique sur le plan des températures,
05:19 et pas suffisamment sur le point de vue de l'eau.
05:22 Sur le cycle de l'eau, on en parle très peu, on ne parle pas de l'empreinte eau, peut-être qu'on en parlera après.
05:26 De plus en plus, oui.
05:27 Et oui, l'empreinte eau, on parle beaucoup d'empreintes carbone et pas d'empreinte eau,
05:31 on ne parle pas beaucoup de biodiversité ni de biodiversité aquatique qui s'effondre littéralement dans nos rivières.
05:36 Alors c'est vraiment un vrai sujet, effectivement l'avenir, la souveraineté énergétique de la France
05:41 se pose au regard des quantités d'eau et de la thermie qui va évoluer avec le changement climatique.
05:46 Qu'est-ce que vous appelez l'empreinte eau exactement ?
05:48 Alors l'empreinte eau, c'est un concept qui date depuis plus de 10 ans, on va dire.
05:53 C'est toute l'eau douce qu'on mobilise pour fabriquer notre alimentation, nos vêtements, notre café du matin.
06:01 Par exemple, une tasse de café, 136 litres d'eau, un kilo de bœuf, 15 000 litres d'eau, un jean, 11 000 litres, un smartphone, 12 000 litres.
06:10 Donc c'est toute l'eau qui a été nécessaire à un moment donné dans le processus de fabrication
06:14 pour créer tous nos objets du quotidien.
06:16 Et l'empreinte eau, c'est chaque jour, chaque Français, entre 4 000 et 5 000 litres d'eau invisibles.
06:22 Attendez, chaque jour ?
06:24 Chaque Français, chaque jour.
06:25 5 000 litres d'eau invisibles ?
06:26 Et oui, et à l'échelle du monde, l'humanité s'est approprié 26 000 milliards de mètres cubes d'eau.
06:33 26 000 milliards de mètres cubes d'eau, c'est absolument effarant.
06:36 Ça nous dit rien, mais je suis étonné par votre chiffre que vous donnez de 5 000 litres par jour,
06:40 parce qu'on a plutôt en tête ce chiffre qui revient souvent en 150 litres,
06:43 et là-dedans, il y a l'eau que vous buvez, la douche, etc.
06:46 En fait, on mange de l'eau.
06:48 On mange de l'eau, c'est essentiellement...
06:50 À 85 %, notre empreinte eau, c'est de l'eau verte, c'est de l'eau pour l'alimentation.
06:54 Et le problème, c'est que l'eau verte, c'est une des limites planétaires qui vient d'être franchie.
07:00 Et on en parle très peu.
07:01 Le plan eau du gouvernement ne parle absolument pas d'empreinte eau, de l'eau verte,
07:06 et l'eau verte, c'est l'eau qui est contenue dans les sols et qui est mobilisée par les plantes pour grandir.
07:11 On a pris la main sur cette eau verte en cassant des prairies pour cultiver les céréales,
07:15 en déforestant massivement, en s'étalant dans les villes et en construisant des routes.
07:20 Et le problème, c'est qu'en modifiant l'humidité des sols,
07:23 on modifie complètement l'hydrologie, les nappes, etc.
07:27 - Ça devient d'ailleurs un sujet, on l'a vu avec le sujet des bassines qui s'est imposé,
07:31 où on se met à commenter les chiffres que donnait tous les ans le Bureau de Recherche Géologique et Minière,
07:36 le BRGM, sur le niveau des nappes phréatiques.
07:39 Probablement, ça va apparaître bientôt dans les bulletins météo.
07:42 C'est une bonne chose, c'est assez angoissant également, Charleine Décolonge.
07:46 Est-ce qu'il faut s'inquiéter pour la ressource en eau en France aujourd'hui ?
07:49 - Oui, je pense qu'il n'y a pas que la France qui doit s'inquiéter,
07:52 et on doit tous être mobilisés sur cette ressource en eau vitable.
07:55 On ne pourrait pas vivre plus de trois jours sans eau.
07:58 Néanmoins, je ne veux pas non plus être catastrophiste, on a de l'eau,
08:02 c'est juste qu'on ne sait pas encore comment bien la gérer, et comment surtout l'infiltrer.
08:08 Le problème, il est précisément là. Il faut infiltrer l'eau.
08:12 En fait, comme je disais, l'eau verte, qui est cette limite planétaire qui a été franchie,
08:16 fait en sorte qu'on a accéléré ce cycle de l'eau.
08:20 L'eau de pluie qui tombe à la surface d'un sol part.
08:23 Et la grande pensée des agriculteurs, qui justement sont pour les bassines,
08:29 disent "l'eau qui tombe, elle ne retient pas, elle n'est pas retenue dans le sol,
08:34 donc elle part à la mer, donc nous on veut créer ces bassines pour irriguer".
08:37 Et moi, précisément le problème, c'est "faisons en sorte que l'eau qui tombe à la surface d'un sol
08:43 reste le plus longtemps possible". C'est la base de toute la pensée de l'hydrologie régénérative,
08:48 et de faire en sorte que l'eau qui reste sur un territoire, on va essayer de végétaliser,
08:53 densifier les arbres, les forêts, etc., recréer des zones humides.
08:57 Ce sont nos principaux alliés contre le changement climatique,
08:59 et pour faire en sorte que l'eau reste sur les territoires.
09:01 L'hydrologie régénérative, je ne l'ai pas dit, mais c'est le nom d'une association que vous avez cofondée.
09:05 Plus d'informations évidemment sur internet.
09:07 Je renvoie aussi à la lecture de votre livre, Charleine Descolonge, "L'eau, fake or not",
09:11 c'est aux éditions TANA.
09:13 Merci d'être venue nous éclairer ce que l'on a posé le constat, en tout cas sur le cycle de l'eau.
09:18 On va pouvoir maintenant aborder la question des solutions.
09:21 Et je vous donne rendez-vous dans 20 minutes, on ira en Israël,
09:24 justement où là-bas on entreprend de manière industrielle la désalinisation de l'eau de mer.
09:30 nous dirons visiter l'une de ses plus grandes usines de désalinisation.

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