Incursion dans la région de Belgorod : qui sont les combattants infiltrés ?

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00:00 Et c'est vous Cyril Bredt, bonjour. Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:03 C'est l'un de nos grands dossiers de cette journée.
00:06 Vous êtes chercheur associé à l'Institut Jacques Delors, spécialiste de la Russie et des relations internationales.
00:10 Alors c'est vrai que depuis hier, on s'interroge beaucoup sur l'origine de ce ou ces combattants,
00:16 ces groupes, comme on dit, qui ont contraint hier des centaines de civils russes à fuir leur habitation à la hâte.
00:22 Un groupe, on l'a vu à l'instant, un groupe anti-Poutine, la Légion Liberté de la Russie,
00:26 a revendiqué sur Telegram l'incursion en question.
00:29 Je vous propose d'écouter ce témoignage.
00:32 Il y a Ponomarev, il est leur porte-parole représentant politique, il souhaite qu'on le présente ainsi.
00:38 Il s'est confié aujourd'hui à Marc Perelman dans l'entretien du jour.
00:41 Il conteste avoir été écrasé par les forces russes et parle plutôt, vous allez l'entendre, de nouveaux gains de territoire.
00:47 Écoutez.
00:55 Je pense que l'une de nos principales victoires est que personne n'a été tué au combat de notre côté.
01:01 Nous n'avons pas perdu un seul soldat aux dernières nouvelles.
01:04 L'opération conjointe entre la Légion Liberté de la Russie et le Corps des volontaires russes
01:09 contrôle actuellement une région de plus de 40 km de large, le long de la frontière entre la Russie et l'Ukraine,
01:15 et on progresse à l'intérieur du territoire russe.
01:18 Voilà pour un court extrait de cet entretien que vous pourrez découvrir à l'ensemble de l'intégralité à 16h45 hors de Paris sur nos antennes,
01:29 à retrouver aussi sur notre site internet.
01:31 Cyril Brett, bonjour, je me tourne vers vous, c'est vrai que les heures passent et on en apprend un peu plus sur ces hommes qui ne sont pas nouveaux.
01:37 Il y a des mouvements, évidemment, vous le savez, qui sévissent, notamment qui agissent dans cette zone frontalière.
01:44 Ce groupe qui se revendique un groupe russe, dit-on, qui agirait contre le régime de Vladimir Poutine.
01:56 Ça, ça fait partie des premières questions qu'on se pose.
01:58 Est-ce que ces hommes n'agissent pas finalement sous le compte de Kiev, de Volodymyr Zelensky, qui avait évidemment d'éventuelles implications aujourd'hui ?
02:05 Vous me parliez de ces uniformes, c'est important de regarder effectivement l'image, comment sont équipés ces hommes.
02:11 Vous me parliez à l'instant d'uniformes ukrainiens.
02:14 Oui, cette Légion Liberté pour la Russie est un groupe qui a été identifié assez bien en Ukraine depuis plusieurs mois,
02:24 qui serait constitué de nationaux russes, qui agiraient dans le sens des forces armées ukrainiennes, mais qui resterait un groupe d'irréguliers.
02:35 Ils disposent des uniformes ukrainiens classiques, mais ils n'ont pas d'insignes ukrainiens. Ils n'ont d'ailleurs pas...
02:41 Ils ne sont pas identifiables quand on les voit comme ça.
02:43 Exactement. Et les informations qui circulent à Kiev, c'est que ce seraient des soldats russes qui se seraient rendus lors des premiers mois de l'offensive russe contre l'Ukraine,
02:54 et qui, par conscience politique, seraient passés du côté ukrainien, à prendre sous toute réserve.
03:00 En revanche, ce qui est certain, c'est qu'on le voit aujourd'hui à travers les images, à travers les déclarations recueillies par Mark Perelman,
03:07 c'est un groupe paramilitaire irrégulier qui porte le fer sur le territoire russe contre le régime de Vladimir Poutine et contre l'invasion de l'Ukraine.
03:19 Et ça, ça change évidemment beaucoup sur la donne stratégique et sur la donne politique.
03:23 La question aussi qu'on se pose, c'est équipé de quoi et par qui ?
03:27 On a vu hier, alors au départ, on nous parlait d'une simple incursion, ça s'est étalé quand même sur deux jours,
03:33 on a parlé d'intenses bombardements qui ont quand même contraint neuf localités russes à évacuer, ce n'est pas rien,
03:39 c'est d'ailleurs l'incursion la plus importante depuis le début de ce conflit.
03:43 Oui, on n'en est pas à la première incursion en territoire russe. En revanche, de cette ampleur-là, oui, que ce soit réel ou non,
03:49 40 km² contrôlés, donc dans cette zone qui est entre la Biélorussie et le bassin du Danesbass, c'est important.
03:59 En tout cas, dans la communication militaire et dans la communication politique,
04:03 les pouvoirs publics ukrainiens et le camp ukrainien dans son ensemble essayent de montrer que la Russie est vulnérable sur son propre territoire
04:12 et attaquée par ses propres ressortissants.
04:15 Ce qui fait que ça change complètement la narration de l'invasion russe en Ukraine.
04:20 Ça n'est plus une confrontation entre les Russes et un régime ukrainien,
04:27 c'est bien une confrontation politique entre les partisans et les opposants du régime de Vladimir Poutine et de sa politique étrangère.
04:36 Y compris les Russes. Vladimir Poutine hier a commenté ces événements et s'était extrêmement préoccupé par la situation dans cette région.
04:44 Préoccupé à quel point exactement ?
04:46 C'est l'union nationale, c'est la fameuse union sacrée que les pouvoirs publics russes essayent de créer depuis le début de l'invasion,
04:52 donc février de l'année dernière, mais depuis le début de cette politique ukrainienne de la Russie
04:57 qui a abouti à l'annexion illégale de la Crimée, à la déstabilisation durable du bassin du Don depuis 2014.
05:03 Donc ce qui est en jeu, c'est vraiment l'unité nationale derrière cette politique d'agression contre l'Ukraine.
05:10 Et si des Russes voient que d'autres nationaux russes s'en prennent les armes à la main sur le territoire national au régime de Vladimir Poutine,
05:19 ça peut changer la donne dans la popularité du président russe dont on sait qu'elle est réelle et très importante.
05:26 On a vu quand même dans cette préoccupation exprimée de Vladimir Poutine, comme un aveu de faiblesse.
05:32 En tout cas, c'est vu comme ça d'ici. Est-ce que c'est dans son intérêt à lui de reconnaître que la situation lui échappe un peu là-bas ?
05:41 À court terme, oui, puisque ça justifie une mobilisation supplémentaire.
05:45 À long terme, non, dans la mesure où je suis à peu près sûr que la propagande russe va diffuser des messages
05:50 selon lesquels d'une part ce sont des traîtres à la patrie, d'autre part ce sont des déserteurs.
05:54 Et enfin et surtout, et là c'est avéré, ça n'est pas des suppositions,
05:57 l'origine des deux corps francs irréguliers qui mènent ces opérations d'incursion irrégulière ont pour origine l'extrême droite russe nationaliste.
06:07 Donc en fait...
06:08 Il y a deux mouvements effectivement.
06:10 La Légion Liberté pour la Russie que vous avez mentionné et le Corps des Volontaires Russes
06:16 qui lui a son origine dans les vétérans de la guerre dans le Donbass
06:21 et qui sont tous les deux très tracés vers les mouvements ultranationalistes et fascisants russes.
06:25 De sorte que à moyen terme, la propagande russe va annuler les faits que ça peut avoir
06:31 en renvoyant, comme l'avait fait le président russe dans les premiers jours de son invasion,
06:35 en renvoyant l'Ukraine à un régime néo-nazi.
06:38 Un mot de cette région, la région de Belgorode, en quoi est-elle si stratégique ?
06:45 Ce n'est pas un hasard s'il frappe là-bas ces zones.
06:47 Comme toujours, pour cette guerre, il faut prendre la carte.
06:49 Au nord, vous avez la Biélorussie avec des efforts depuis plusieurs mois
06:53 pour préparer une offensive depuis la Biélorussie qui est au contact de Kiev.
06:57 Et à l'est, vous avez le Donbass qui est la région stratégique pour les communautés russes
07:03 et pour les communautés russophones et qui après les revers subis par la Russie
07:07 devient le principal but de guerre, maintenir la domination sur le Donbass
07:11 et élargir cette domination.
07:13 Et ce que fait cette opération, qui n'aura pas de résultats militaires qui vont changer la donne,
07:18 c'est de montrer qu'entre ces deux zones, le territoire national russe est vulnérable.
07:23 Donc c'est fait pour fixer des forces sur le territoire russe
07:26 au moment où les deux grandes offensives de printemps se profilent.
07:30 Vulnérable et en même temps, je vais me faire l'avocat du diable,
07:32 on montrait hier ces images de nos confrères de la BBC, ces cartes avec ces remparts,
07:37 on va les appeler comme ça, qui ont été constituées par les forces russes,
07:40 ces forces russes depuis 15 mois, ils sont barricadés,
07:44 les russes ils ont renforcé leur position sur ce front est.
07:47 À l'heure où l'on parle chaque jour de cette contre-offensive imminente,
07:50 est-ce que vous, vous estimez que la Russie soit en position de faiblesse, en difficulté réellement ?
07:56 En difficulté non, au sens où elle ne va pas perdre, dans un court terme,
08:01 elle ne va pas perdre ses gains territoriaux illégaux, dans la mesure où elle s'est barricadée.
08:07 Elle s'est barricadée à l'est, vous l'avez rappelé, dans le Donbass,
08:10 elle s'est barricadée au sud pour protéger l'annexion de la Crimée.
08:15 C'est beaucoup plus sur le plan stratégique et diplomatique que la Russie est en position de faiblesse,
08:20 dans la mesure où plus le temps passe, moins son invasion paraît légitime ou légitimable.
08:28 Et donc c'est beaucoup plus sur le long terme et sur la guerre d'usure que mène l'Union européenne,
08:31 grâce à sa politique de sanctions qui vont être renforcées, que la Russie est en position de faiblesse.
08:38 C'est ce qui explique peut-être, on va peut-être voir les images, ces allers-retours,
08:41 notamment chez le voisin chinois, le premier ministre russe, on l'a appris tout à l'heure,
08:44 est aujourd'hui à Pékin, Michael Michoustine, qui a salué tout à l'heure,
08:48 lors d'une rencontre avec son homologue chinois, des relations bilatérales d'un niveau sans précédent,
08:53 face à, dit-il, la pression des sanctions occidentales, les anciens rivaux chinois et russes,
09:00 qui renforcent, on le voit, chaque semaine un peu plus, leurs relations diplomatiques et commerciales.
09:06 Tout ça, c'est le résultat évidemment de cette guerre.
09:09 En voilà un revers diplomatique et stratégique.
09:11 Avant la guerre, la Russie pouvait jouer sur les deux tableaux, l'Europe d'un côté, la Chine de l'autre.
09:16 Et maintenant, la Russie se trouve dans les mains de la Chine.
09:19 Merci beaucoup Cyril Braet, vous êtes une infirmité du jour.
09:21 Merci beaucoup pour votre éclairage à l'heure où la situation n'est donc, semble-t-il,
09:26 toujours pas stabilisée dans cette région de Belgorod.

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