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Chroniqueuse : Johanna Ghiglia


Marie Marre se bat contre les adoptions illégales dont elle a elle-même été victime lorsqu'elle avait 19 mois. Adoptée par un couple de Normands par l'intermédiaire d'une association, elle a découvert il y a quelques années que tout ce qu'on lui a raconté était faux. À 32 ans, cette franco-malienne a fondé le collectif des Adoptés Français du Mali. 

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Transcription
00:00 Bonjour, Marie-Mar.
00:01 -Bonjour. -Vous avez 35 ans.
00:03 Vous êtes franco-malienne à l'âge de 19 mois au Mali.
00:06 Vous avez été adoptée par un couple de Normands
00:09 par l'intermédiaire d'une association.
00:11 En grandissant, qu'est-ce qu'on vous a raconté
00:13 sur vos origines, sur votre histoire ?
00:15 -Quand j'étais enfant, on m'avait dit que ma mère était très pauvre
00:19 et qu'elle m'avait abandonnée pour me confier à l'adoption.
00:22 C'est comme ça que je me suis construite
00:24 et je ne connaissais pas grand-chose sur le Mali.
00:27 -Il y a quelques années, vous êtes tombée enceinte
00:30 et vous avez voulu en savoir plus sur vos origines.
00:32 Vous avez eu besoin de renouer un peu avec votre histoire.
00:35 Vous vous êtes rendue compte
00:37 qu'il y avait des incohérences dans les documents de votre adoption.
00:40 Racontez-nous, à partir de là, ce qui s'est passé exactement.
00:44 -Quand j'ai eu ma première fille,
00:46 j'ai eu envie de lui transmettre mon histoire dans sa globalité.
00:49 Je ne savais pas grand-chose.
00:51 Je me suis penchée sur ce dossier
00:53 et j'ai vu qu'il y avait des dates de naissance différentes.
00:56 -Sur les différents papiers. -Exactement.
00:59 Il y avait des choses très troublantes
01:01 dans les courriers adressés à mes parents.
01:03 J'ai décidé de mener une enquête
01:05 pour comprendre mon histoire et mon adoption.
01:08 -Vous avez pu rencontrer votre mère biologique.
01:11 -Tout à fait.
01:12 -Comment ça s'est passé ? On imagine que c'était fort.
01:15 -Je l'ai rencontrée au bout d'un an et demi de recherche.
01:18 -On voit ici la photo de votre retrouvaille.
01:21 -C'est très touchant de revoir ces images.
01:23 C'était un an et demi de recherche. Je suis allée plusieurs fois au Mali.
01:27 Je suis allée à la mairie de Ségoût pour vérifier mon acte de naissance.
01:31 J'ai interrogé des centaines de personnes.
01:34 A chaque fois, les mêmes témoignages revenaient.
01:36 -Combien de temps ça vous a pris pour retrouver votre maman biologique ?
01:40 -Un an et demi à deux ans, à peu près.
01:43 -Toujours avec cette quête de vérité,
01:45 de savoir vraiment ce qui s'est passé ?
01:47 -Tout à fait. J'ai eu énormément de témoignages
01:50 d'autres personnes adoptées du Mali qui racontaient la même histoire.
01:54 Quand ils se rendaient compte
01:55 que les parents les cherchaient depuis une trentaine d'années
01:59 et qu'ils n'étaient pas orphelins,
02:00 qu'on leur avait dit qu'ils allaient faire des études
02:03 ou être soignés et revenir au Mali,
02:05 ils ne sont jamais revenus et les parents les cherchaient.
02:09 -En retrouvant votre mère,
02:10 vous avez appris que vous aviez un frère qui, lui aussi,
02:13 avait été adopté.
02:14 -Ca a été un gros choc pour moi.
02:16 En la retrouvant, elle me tend des photos
02:19 et je découvre un petit garçon.
02:21 Elle me dit "C'est ton frère. Comment va-t-il ?"
02:24 Je me demande des nouvelles.
02:25 J'ai un petit frère dans une autre famille adoptive en France
02:29 et personne n'était au courant.
02:31 -Là, au-delà de l'histoire de votre famille,
02:33 vous vous êtes rendu compte, il y a un instant,
02:36 que vous n'étiez pas un cas isolé.
02:38 Vous dites que l'association,
02:40 l'association Rayons de Soleil de l'enfant étranger,
02:43 a mis en place, vous dites, un véritable système.
02:46 -Tout à fait.
02:47 Dans le droit malien, on ne peut pas faire des adoptions plénières
02:52 quand l'enfant n'est pas orphelin.
02:54 Une grande partie des enfants qui sont partis en France
02:57 pour l'adoption avaient des parents vivants.
02:59 Il y a eu un système pour faire venir ces enfants
03:02 malgré le droit malien.
03:04 -C'est ces mensonges-là que vous dénoncez.
03:06 Cette association qui, on le rappelle,
03:08 conteste les faits qui lui sont reprochés,
03:11 opérait depuis la fin des années 70.
03:13 Combien d'enfants adoptés ça pourrait concerner ?
03:16 -L'association a fait à peu près 7 000 adoptions en France.
03:21 Elle a été mise en... -Au Mali ?
03:22 -D'autres pays, c'est ce que j'allais vous dire.
03:26 Elle a été mise en cause dans d'autres pays,
03:29 au Pérou, en Centrafrique, au Mali.
03:33 Donc ça pose de grandes questions.
03:35 C'est pour ça qu'on sollicite les pouvoirs publics
03:38 pour avoir des réponses,
03:39 car ça fait partie de nos droits fondamentaux
03:42 de comprendre notre histoire.
03:43 -Il y avait des plaintes depuis les années 90.
03:46 Comment explique-t-on que ça ait mis autant de temps
03:49 pour que les pouvoirs publics réagissent ?
03:51 -C'est ma grande question.
03:53 C'est pour ça qu'on a fait beaucoup d'actions
03:55 auprès des ministres, des députés,
03:58 pour qu'enfin l'Etat se saisisse du sujet,
04:00 puisque ça représente à peu près...
04:02 Environ 120 000 enfants sont arrivés par l'adoption internationale.
04:06 Ca fait énormément de personnes qui sont concernées
04:09 quand on pense aux parents adoptifs,
04:11 aux familles biologiques, à la famille élargie.
04:14 Toutes ces personnes demandent des réponses.
04:17 -Vous avez fondé un collectif. Quel en est le but exactement ?
04:20 -Ce collectif a pour but d'aider les adoptés
04:23 à retrouver leur famille biologique au Mali.
04:26 Il a aussi pour but d'aider les adoptés
04:28 à connaître la culture malienne
04:30 et aussi de faire une action de plaidoyer,
04:33 que ce soit en France ou à l'international,
04:35 puisqu'on fait partie d'une coalition
04:37 qui s'appelle Voices Against Illegal Adoption,
04:40 qui regroupe 14 associations de personnes adoptées,
04:43 de parents adoptifs et de parents biologiques,
04:46 qui demandent une reconnaissance
04:48 de ces adoptions internationales illégales
04:51 et qu'on ait une aide pour rechercher nos origines.
04:54 -A l'heure actuelle,
04:55 c'est pas toujours possible pour tout le monde.
04:58 -Exactement. Nous n'avons aucune aide de l'Etat
05:00 pour rechercher nos origines, contrairement aux adoptés
05:04 qui sont nés en France, qui ont un organisme dédié.
05:07 On demande d'avoir au minimum la même chose.
05:09 Pour les personnes qui se tournent vers la justice,
05:12 on a énormément de mal à avoir des qualifications
05:15 qui correspondent aux faits,
05:17 car quand on a été arraché à sa famille,
05:19 on le reste toute sa vie.
05:21 Quand on est enfant, on ne sait pas qu'on a été volé ou kidnappé.
05:24 Quand on le découvre, on est souvent adulte,
05:27 donc ces faits devraient être une infraction continue.
05:30 -Une dernière question.
05:31 En Télématin, on a parlé il y a quelques semaines
05:34 de l'ancien candidat Télé-Réalité, Dylan Thiry,
05:37 accusé par le rappeur Booba de trafic d'enfants à Madagascar.
05:41 Vous avez entendu parler de cette affaire ?
05:43 -Oui.
05:44 -Vous avez eu une réaction ?
05:46 -Ma réaction, ça a été la stupeur, l'effroi,
05:49 tout ce que vous pouvez imaginer.
05:51 -Oui, voilà.
05:52 -Donc on a été choqués.
05:54 On s'est dit que ça montre aux personnes...
05:57 C'est malheureux, cette histoire.
05:59 Il a fallu qu'un influenceur tienne des propos comme ça
06:02 pour que les gens se rendent compte que c'est encore possible,
06:05 qu'il y ait des personnes, ces idées-là.
06:08 Pour lui, il y a encore la présomption d'innocence.
06:11 -Il conteste, d'ailleurs.
06:12 -En tout cas, on a vu que dans certains pays,
06:15 comme au Congo, dans les années 2015,
06:17 il y a eu des trafics d'enfants.
06:20 On sait qu'il y a eu aussi à Madagascar des choses.
06:23 Dans beaucoup de pays, c'est des choses récentes.
06:26 Donc il y a encore un risque très élevé
06:29 de dérive dans les adoptions internationales.
06:32 -On vous a bien entendu.
06:33 Merci, Marie-Marie, pour votre témoignage.
06:36 Merci d'être venu avec nous ce matin.

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