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Xerfi Canal a reçu Julien Jacqmin, professeur associé à Neoma Business School, pour parler des classements dans l'enseignement supérieur. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00 Bonjour Julien Jacquemin.
00:09 Bonjour Jean-Philippe.
00:10 Julien Jacquemin, vous êtes professeur associé à Neoma Business School,
00:13 auteur d'un papier "Opinions dans les échos",
00:18 "Classement dans le supérieur", "Deux points stop ou encore".
00:21 Voilà, alors on va aller droit au but.
00:24 Je ne sais pas si on va parler de supercherie presque des classements.
00:28 On va voir.
00:30 Finalement, pourquoi les classements dans l'enseignement supérieur ont perdu de la légitimité ?
00:35 Alors, il y a deux événements concomitants qui ont eu lieu principalement aux États-Unis.
00:40 Le premier, c'est toute une série d'institutions,
00:43 principalement des universités relativement prestigieuses comme Harvard, Yale ou Princeton,
00:48 qui ont décidé à travers leur faculté de médecine et de droit,
00:53 qui ont décidé de boycotter les classements.
00:55 Et surtout un classement en particulier, le classement de US News & World Report,
00:59 qui est le plus influent aux États-Unis.
01:01 Et l'idée, c'est que ces classements, pour les construire,
01:05 les organes d'admettre ces classements ont besoin de données.
01:08 Et entre autres, ces données viennent de ces écoles.
01:11 Et ces écoles ont décidé de boycotter les classements et de ne plus leur transférer ces données.
01:16 Alors, l'explication est la suivante, sans aller trop dans les détails.
01:20 L'idée, c'est que ces classements mettent beaucoup en évidence
01:24 et donnent beaucoup d'importance à la sélectivité des programmes qu'ils proposent,
01:29 donc les programmes en médecine et en droit,
01:32 mettent beaucoup en avant la sélectivité et les salaires de sortie.
01:36 Et ces écoles ont envie de beaucoup plus de diversité et se sentent bridées par ces objectifs-là.
01:40 Donc, ils veulent plus de diversité dans leur cohorte intrante,
01:43 au niveau socio-économique parmi leurs étudiants,
01:45 et aussi par rapport aux carrières qu'on poursuit de leurs étudiants.
01:48 Donc, ils ne veulent pas que leurs étudiants soient uniquement intéressés
01:51 de se faire de l'argent par la suite au cours de leur carrière.
01:53 Donc, ça, c'est un premier événement.
01:55 Deuxième événement, c'est plusieurs institutions qui ont été prises un peu la main dans le sac
02:01 en manipulant des données.
02:03 Donc, ça a été jugé, et entre autres le doyen d'une école de commerce américaine
02:08 qui maintenant est en prison,
02:10 pour avoir manipulé les données transmises à ses organes de classement.
02:13 Entre autres, là ici, c'était US News & World Report.
02:16 Il y a aussi un autre cas qui est en train d'être jugé au niveau de l'Université de Columbia.
02:21 Donc, ces deux événements concomitants décrédibilisent énormément les classements
02:27 comme outils d'information dans l'enseignement supérieur.
02:30 Dans le dernier cas, un fraude sur plusieurs années,
02:32 et fraude sur le nombre de candidats, notamment MBA,
02:35 et donc le taux de sélectivité, et puis fraude sur les salaires de sortie.
02:39 Enfin, c'était la totale.
02:40 La totale, mais sur plusieurs années.
02:42 C'est ça qui était quasiment une décennie.
02:44 Finalement, quand on prend maintenant le regard du chercheur,
02:47 qu'est-ce qu'elles nous disent les recherches un peu sérieuses sur ces questions de classement ?
02:51 Depuis longtemps, il y a beaucoup de recherches et beaucoup de critiques par rapport au classement,
02:55 mais depuis quelques années, on voit une nouvelle série d'articles émerger.
02:59 De nouveaux chercheurs s'intéressent à la question.
03:02 Et entre autres, ce qui sort de plus en plus au niveau de la recherche,
03:05 c'est qu'il y a un problème de conflit d'intérêt fondamental derrière ces organes de classement.
03:09 Ces organes, en fait, ont une double casquette.
03:12 Ils ont le rôle de juge et parti.
03:14 Ils sont juges en classant les écoles,
03:16 et ont ce rôle de parti en étant financés directement par les écoles qu'elles doivent classer,
03:23 que ce soit par la publicité ou par la consultance,
03:26 par les frais de consultance qu'elles reçoivent en échange d'informations
03:30 qu'elles vont transmettre aux établissements qu'elles vont classer
03:34 afin d'améliorer leur classement à une fine.
03:36 Et donc, ces trois événements font que ça pose question
03:39 par rapport à une potentielle régulation dans le secteur.
03:42 On retrouve tous les débats autour des agences de notation.
03:45 Effectivement, on a le même problème que dans les agences de notation.
03:48 Un problème de juge et parti.
03:50 Une double casquette.
03:50 Une double casquette.
03:51 Alors finalement, vos propositions ?
03:53 Alors, il y en a deux.
03:54 Tout d'abord, c'est de mettre en place une régulation.
03:56 Il y a beaucoup de régulations au niveau des établissements au niveau national.
03:59 Par contre, au niveau international,
04:01 il n'y a pas d'équivalent à la BRI au niveau du secteur bancaire
04:05 ou à l'OMS au niveau du secteur de la santé.
04:07 Donc, je crois que ce qui serait intéressant,
04:08 c'est d'avoir un organe qui régule le marché de l'enseignement supérieur.
04:12 Et ici, dans ce cas plus spécifique,
04:13 le marché de l'information dans le contexte de l'enseignement supérieur.
04:17 Donc, c'est une première proposition.
04:19 Une deuxième proposition vise à offrir une alternative en termes d'information.
04:25 Les classements ont pour objectif d'améliorer l'information,
04:28 mais réussissent plutôt pas trop bien selon ce que je viens de vous expliquer jusqu'à présent.
04:34 Et l'idée, c'est de promouvoir d'autres alternatives en termes d'information.
04:37 Et là, en France, on a comme avantage qu'on a un portique unique
04:40 d'entrée à l'enseignement supérieur
04:42 ou presque à la totalité des formations, pas à l'ensemble,
04:44 mais à une grande partie, c'est Parcoursup.
04:47 Et donc, par Parcoursup, on peut informer les étudiants,
04:49 leur transmettre de l'information qui, elle, peut être vérifiée,
04:52 peut venir de sources beaucoup plus crédibles.
04:54 Je pense par exemple de l'information par rapport aux taux d'insertion,
04:57 une information qui peut provenir de l'administration
05:01 qui dispose de l'information au niveau des taux d'insertion
05:04 et des spécificités de l'insertion des différents programmes qui sont proposés.
05:08 On a aussi des organes d'évaluation.
05:09 On a l'HCRS, la CEFDJ, qui écrivent des rapports très intéressants et très complets,
05:15 qui évaluent des programmes et des institutions
05:18 et qui pourraient également être promus, mis en avant sur cette plateforme Parcoursup
05:24 et qui pourraient synthétiser cette information,
05:27 être mises en avant sur cette plateforme
05:30 afin que les étudiants puissent y avoir accès de manière simplifiée et compréhensible
05:34 afin de pouvoir prendre une décision d'une manière plus informée
05:38 que ce n'est le cas actuellement et surtout dans le cas où on a des classements
05:41 qui ont une influence presque démagogique sur le choix des étudiants.
05:46 C'est absolument limpide comme proposition.
05:48 Effectivement, il y a l'autorité des marchés financiers.
05:50 On pourrait imaginer l'autorité du marché, entre guillemets,
05:53 avec tous les guillemets, de l'enseignement supérieur.
05:55 En tout cas, au niveau international, c'est vraiment ce qui manque.
05:59 Très clairement. Merci à vous.
06:00 Merci.
06:02 [Musique]

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