Comme chaque semaine dans "À l'épreuve des faits", notre journaliste Céline Pitelet tente de démêler le vrai du faux dans l'actualité de la semaine.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Et pour débuter donc, c'est l'une des actualités qui a marqué la semaine, l'agression de Jean-Baptiste Tronieux.
00:03 C'est le petit-neveu de Brigitte et Emmanuel Macron.
00:06 C'était lundi soir à Amiens, en marge d'une casserolade.
00:08 Céline, les affaires de violence envers les élus et leurs proches se multiplient.
00:11 On pense également à l'incendie du domicile du maire de Saint-Brévent-Réfin.
00:15 En toile de fond, il y a toujours de la politique.
00:17 Majorité et une partie de l'opposition se renvoient la balle sur la responsabilité de la montée de ces tensions.
00:21 Oui, à qui la faute cette semaine dans la majorité comme dans l'opposition ?
00:24 Certaines personnalités ont pointé du doigt le camp adverse.
00:27 Regardez ce tacle du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
00:29 C'était à la radio mercredi matin.
00:31 Les extrêmes et notamment la France insoumise n'ont pas contribué au calme général.
00:36 Il est temps que tout le monde revienne à un débat politique qui est souvent rude.
00:40 Mais il faut qu'ils arrêtent les attaques personnelles.
00:42 Dans le camp du président, ministres et députés concentrent leur tir sur Jean-Luc Mélenchon et ses amis.
00:47 Ils sont accusés d'attiser la haine contre le président et ses proches.
00:51 Avec deux exemples qui reviennent souvent.
00:53 D'abord cette photo que Thaune Mapporte, député LFI, a publiée début février sur les réseaux sociaux.
00:59 Les mains dans les poches avec son écharpe tricolore en bandoulière.
01:01 Le pied posé sur un ballon avec la tête du ministre du Travail, Olivier Dussopt.
01:06 Et cette légende, "Monsieur le ministre Olivier Dussopt, retirez votre réforme des retraites".
01:11 Deuxième exemple, plus récent, c'était il y a deux semaines.
01:14 Cette séquence où Christophe Prudhomme, qui est un élu aussi LFI,
01:18 participe à une manifestation surprise devant le siège de Renaissance.
01:21 Et vous allez voir à droite de votre écran, là aussi avec son écharpe tricolore,
01:26 ce qui a choqué, ce sont les mots scandés. Écoutez.
01:31 - Luixèze, Luxèze, on a décapité Macron, Macron, on peut recommencer.
01:37 Luxèze, Luxèze, on a décapité Macron, Macron, on peut recommencer.
01:45 - Alors Céline, évidemment, ce type de clichés, ces slogans mis en ligne sur les réseaux sociaux,
01:49 sont-ils vraiment de nature à faire monter les tensions ?
01:51 Est-ce que ça nourrit une montée des violences à l'égard des élus et de leurs proches ?
01:55 Question posée au sociologue Jean-François Amadieu.
01:58 - C'est une violence qui trouve sa source pas forcément dans les déclarations de certains élus,
02:06 mais c'est aussi les réseaux sociaux.
02:08 Effectivement, il y a une responsabilité des politiques lorsqu'ils s'expriment
02:14 ou font mention de la décapitation de Luxèze, etc.
02:19 Mais je dirais que ce qu'il faut réaliser, c'est que dans le passé, ça s'est toujours fait,
02:25 mais ça n'avait pas les mêmes conséquences.
02:27 Le problème qu'on rencontre aujourd'hui, une fois de plus, pas seulement en France,
02:30 c'est l'effet de la démultiplication via les réseaux sociaux,
02:36 qui fait que beaucoup de gens finalement montent à l'extrême.
02:40 Il y a une sorte de radicalisation et la violence, en fait, elle passe par les réseaux sociaux.
02:44 - Christophe, est-ce que les extrêmes et la France insoumise ont un rôle dans l'agitation,
02:49 dans la montée des tensions, comme le dit Gérald Darmanin ?
02:52 - Oui, incontestablement un rôle, oui.
02:54 Une responsabilité peut-être, mais laquelle ?
02:57 Politique peut-être, pénale évidemment, absolument pas.
02:59 Pourquoi un rôle ? Parce que nous sommes maintenant dans un monde complètement ouvert.
03:02 Dans la Troisième République, les affrontements à l'Assemblée, dans l'hémicycle,
03:06 étaient plus violents encore et parfois plus physiques que ce que l'on voit aujourd'hui.
03:10 Sauf que personne n'assistait à cela.
03:12 Deux jours plus tard, dans le Baberie ou aux Pays-Bas,
03:14 la presse quotidienne rendait compte d'un incident à l'Assemblée
03:17 entre M. Dupont et M. Durand, ça n'allait pas plus loin.
03:20 Aujourd'hui, c'est instantanément, dans toute la France,
03:23 à travers les téléphones portables, à travers les chaînes d'info,
03:25 et donc la chambre d'écho du comportement des politiques, et notamment des extrêmes,
03:29 est beaucoup plus rapide et beaucoup plus puissante.
03:31 Voilà pourquoi il y a un rôle, une sorte d'entraînement mécanique.
03:35 Est-ce que ça fait une responsabilité ? Politiquement, oui.
03:38 La preuve, nous en débattons, nous nous demandons si le pied posé sur un ballon
03:42 ne peut pas être relié à d'autres violences contre les élus.
03:46 Pénalement, non, parce qu'il n'y a pas d'incitation,
03:49 on ne pousse pas les gens à se rendre dans la violence,
03:51 et tout cela doit se régler dans l'ordre de la démocratie.
03:54 C'est-à-dire que c'est au moment des débats politiques et des votes
03:56 qu'on fera les comptes de ceux qui auront des responsabilités à assumer.
04:00 On va maintenant écouter le sociologue Michel Viviorca.
04:02 Il pense que les raisons, les causes de l'agression du petit-neveu de Brigitte Macron
04:07 sont multiples et qu'on ne peut pas tout réduire aux extrêmes. On l'écoute.
04:11 C'est très réducteur de tout ramener à une cause unique.
04:15 Il y a tellement d'éléments qui contribuent à fabriquer ce climat.
04:19 On ne passe pas facilement, simplement, directement,
04:23 d'une situation politique comme celle-là, qui est très exacte,
04:26 à la compréhension de ces actes de violence.
04:29 Alors Céline, ce qui est bien et ce qui est logique,
04:31 c'est que dans le camp des insoumis, certains prennent du doigt
04:33 la responsabilité du chef de l'État cette fois.
04:35 Oui, ils évoquent l'effet boomerang du passage en force à la RN
04:38 sur la réforme des retraites, ils parlent d'une violence institutionnelle.
04:41 Par exemple, le député insoumis, François Ruffin,
04:45 il a dénoncé l'agression dont a été victime le petit-neveu de Brigitte Macron.
04:49 Il a dénoncé des faits graves et inadmissibles,
04:51 mais il a aussi dit que le chef de l'État avait une responsabilité.
04:54 C'était à la télévision mercredi et il a complété en disant
04:58 "on ne répond pas à la violence politique et sociale du président de la République
05:02 par de la violence physique".
05:04 Écoutez ce qu'en pense Michel Viviorca.
05:06 Je pense qu'il ne faut pas charger le président de tous les péchés de cette société.
05:11 Mais il a une énorme responsabilité dans cette incapacité à tenir compte
05:17 de ce que peuvent apporter des médiations sociales.
05:19 Et pas seulement des syndicats, ça peut être des associations,
05:22 ça peut être les maires des organisations professionnelles,
05:25 ça peut être beaucoup de choses dont on a besoin aujourd'hui
05:29 dans une société comme la nôtre pour gérer les différents,
05:33 pour écouter, entendre, négocier, trouver des compromis.
05:36 Or, à ceci, le chef de l'État répond verticalement "je suis en haut,
05:43 je ne veux rien entre moi et le peuple, et avec le peuple je m'arrange
05:47 pour en réalité faire passer mes idées".
05:50 Donc c'est un vrai problème.
05:52 Mais là encore, je ne dirais pas du tout que c'est ce comportement-là
05:56 qui arme les Black Blocs ou qui arme les gens qui ont brutalisé
06:03 le petit-neveu de son épouse.
06:05 On va maintenant écouter deux des hommes qui ont été gardés à vue
06:07 pendant quelques heures après l'agression du petit-neveu de Brigitte Macron
06:11 avant de pouvoir ressortir. On les écoute.
06:14 À un moment ou l'autre Macron, il cherche la guerre.
06:17 Il est pour les riches mais pour les pauvres, il nous laisse de côté.
06:22 Macron il est là pour les riches et nous on lui demande des choses pour Macron
06:25 mais Macron il ne bouge pas.
06:27 Alors moi je demande à Macron, il fait l'aller d'une mission, il s'écrase.
06:30 C'est tout.
06:31 Christophe, est-ce qu'il y a envers Emmanuel Macron une colère,
06:33 voire une haine parfois plus forte que ce qu'ont connus les présidents précédents ?
06:38 Oui, incontestablement.
06:40 Pour une partie c'est dû à l'époque, notamment à ce phénomène
06:43 que décrivait le professeur Amadiou, c'est-à-dire les réseaux sociaux
06:45 qui font qu'immédiatement ça personnalise sur la figure du président de la République.
06:50 En partie c'est dû aussi, mais là aussi ça participe au même phénomène,
06:54 à la démédiatisation que le président de la République a voulu mettre en place
06:58 entre lui et le peuple.
06:59 Michel Ivorcal expliquait non seulement dans les décisions
07:02 mais aussi dans la manière de faire de la politique.
07:04 Quand il est arrivé à l'Elysée en 2017, avec cette équipe qui avait fait son succès
07:08 d'une manière très très surprenante, une campagne commando,
07:11 le président de la République a décrété qu'il n'avait plus besoin finalement de médias.
07:14 Non seulement les médias institutionnels, les parlementaires, les élus locaux,
07:17 les syndicats, mais même pas les médias comme nous autres.
07:19 Il pouvait s'adresser directement par les réseaux sociaux
07:23 avec sa chaîne élyséenne au peuple, montrer lui-même les images qu'il choisissait au peuple.
07:28 Et on a vu comment ce projet a complètement échoué.
07:31 Le plus bel exemple c'est "pognon de dingue",
07:33 phrase prononcée dans le bureau du président lors d'une réunion,
07:36 sélectionnée par la cellule média de l'Elysée pour faire un bel effet dans l'opinion.
07:40 Et ça devient un boomerang terrible pour le président.
07:42 Cette démédiation a montré son échec.
07:44 C'est aussi pour ça qu'il paye plus cher que ses prédécesseurs la Vindicte Populaire,
07:48 notant quand même que Nicolas Sarkozy n'avait pas été épargné.
07:51 Il y a 10 ans entre les deux, on a changé de degré,
07:55 mais ça reste la même nature de Vindicte Populaire.
07:57 On dépense un "pognon de dingue", c'était ça l'expression ?
07:59 Oui, pour les pauvres et sans résultat.
08:01 Ce qui est fondamentalement exact, mais la formulation s'est retournée contre lui.
08:05 Pour autant, on parle beaucoup d'Emmanuel Macron,
08:07 mais il n'y a pas que le président qui est la scie des colères et des violences.
08:09 Oui, alors dans l'actualité récente,
08:11 on a la démission du maire de Saint-Brévent-les-Pins en Loire-Atlantique
08:14 après l'incendie volontaire de son domicile familial, c'était le 22 mars dernier.
08:18 Ce maire subissait depuis plusieurs semaines la pression de groupuscules d'extrême droite
08:24 opposées au déplacement d'un centre d'accueil de demandeurs d'asile
08:28 près d'une école de la commune.
08:30 Et mercredi, ce maire démissionnaire s'est exprimé
08:32 devant la commission des lois du Sénat. On l'écoute.
08:36 J'étais victime d'un attentat criminel.
08:41 Probablement un engin explosif a été lancé ou mis entre mes deux véhicules,
08:48 qui, bien entendu, ont pris feu.
08:50 Et ça s'est propagé, en fait, également à mon domicile.
08:53 J'ai bien réfléchi.
08:55 Mes enfants me disent de tout arrêter.
08:58 Ma femme ne veut plus rester sur Saint-Brévent.
09:00 Puisque pour l'instant, la personne n'est toujours pas arrêtée.
09:05 Les permanences des députés aussi sont régulièrement prises à partie,
09:08 cibles de dégradation. Parfois, leur domicile est visé.
09:11 Par exemple, fin mars, à Lille, des militants de gauche,
09:14 membres du NPA, ont posé des parpaings comme ça devant le domicile
09:18 de la députée de la majorité, Violette Spilbou, députée du Nord.
09:22 Selon le ministère de l'Intérieur, les faits de violences physiques
09:24 ou verbales contre les élus ont augmenté de 32 % entre 2021 et 2022.
09:30 Et ils augmentent encore en ce début d'année 2023.
09:33 L'an dernier, il y a eu 2 265 élus locaux,
09:36 notamment des maires et leurs adjoints qui ont été agressés en France.
09:40 C'est à chiffre de l'Association des maires de France.