L'interview d'actualité - Apolline Guillot

  • l’année dernière
Chroniqueuse : Maud Descamps


Aujourd'hui, Maud Descamps reçoit Apolline Guillot, rédactrice en chef du site Philonomist, pour nous parler de la fameuse épreuve de philosophie du baccalauréat, à moins d'un mois du BAC philo. 

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Transcript
00:00 Bonjour Apolline Guillaume, bienvenue sur le plateau de Télématin.
00:02 Alors on est fait, l'épreuve tant redoutée de la philosophie, ce sera le 14 juin prochain.
00:06 Dernière ligne droite donc pour les bacheliers qui a priori sont censés être en pleine révision en ce moment.
00:11 Alors vous qui avez été prof de philo au lycée, quelques petites conseils là de dernière minute ?
00:15 Alors déjà il faut savoir qu'un mois c'est pas rien du tout, c'est pas deux semaines, c'est pas un week-end.
00:21 Du coup le premier conseil c'est d'être pragmatique dans la gestion du temps.
00:24 Quand on a un mois on peut faire un rétro-planning, c'est-à-dire partir du jour de l'épreuve
00:28 et ajuster ses révisions en fonction.
00:31 Du coup si vous avez l'impression que vous avez encore beaucoup de choses à faire,
00:34 il faut s'adapter, il faut peut-être placer plus de révisions que prévu.
00:38 Le deuxième conseil que je donne c'est juste de continuer à aller en cours aussi,
00:41 c'est quelque chose de tout bête mais comme Parcoursup est passé, il y a un peu une désertion des classes.
00:46 Et c'est vrai que parfois le prof de philo c'est la meilleure personne à qui poser des questions de méthode,
00:50 à qui poser des questions peut-être sur des concepts qu'on n'a pas compris.
00:53 Et le troisième conseil que je donnerais, c'est de varier les formats
00:56 parce que souvent on a envie de bachoter en lisant juste le manuel.
00:59 Alors qu'en réalité parfois le matin on peut faire un sujet d'entraînement avec des amis,
01:04 l'après-midi réviser ses cours, le soir aller au cinéma en regardant un film
01:08 qui ressemble un peu à ce dont on a parlé en cours ou pendant la journée.
01:13 Du coup ça serait vraiment...
01:14 - Se nourrir quoi aussi, c'est ça.
01:15 - Oui et puis d'aller voir le monde quoi, un peu s'ouvrir au reste
01:19 et pas seulement rester sur son manuel quoi.
01:20 - Alors j'ai regardé un petit peu là sur internet ce qui était proposé,
01:23 il y a tout un tas de quiz qui fleurissent sur des sites.
01:26 Est-ce que ça peut être une bonne méthode pour réviser ?
01:28 - Alors déjà c'est normal que ça fleurisse puisqu'il y a de nouveaux formats qui apparaissent.
01:33 Après il faut faire attention parce qu'un quiz ne va jamais préparer à la dissertation ou au commentaire.
01:38 Ça va juste être une sorte de support pédagogique supplémentaire quand on est en train de réviser.
01:43 Après c'est un intérêt parce que ça va restimuler le cerveau
01:46 quand il commence un peu à trouver les révisions monotones.
01:48 Donc c'est vrai qu'on trouve tout un tas de choses,
01:50 il faut après faire attention à la qualité de ce qu'on trouve.
01:53 - Et c'est vrai, c'est pour ça que nous chez Philomagues on a conçu
01:57 des formations très courtes de 10 minutes pour cibler un problème par exemple.
02:01 Comment, je ne sais pas, ne pas faire de paraphrase ou bien comment comprendre l'art chez Kant.
02:06 On a essayé de garder ce côté synthétique tout en apportant quand même du contenu.
02:11 Donc c'est le genre de choses qu'on peut trouver qui est de bonne qualité.
02:14 - Alors on sait aussi que les bacheliers passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux.
02:18 Il y a tout un tas d'influenceurs et d'influenceuses ou de youtubeurs et youtubeuses
02:22 qui proposent des tutos de philosophie.
02:24 Est-ce que vous avez pu jeter un coup d'œil à ces contenus ?
02:26 Est-ce que ce sont des choses qui sont valables ? Est-ce qu'on peut réviser avec ça ?
02:29 - Alors du coup, moi quand j'enseignais, je prenais en compte ce genre de contenu
02:33 parce que je savais qu'il y avait des gens qui allaient aller sur Youtube, sur Instagram, regarder ça.
02:37 Donc ce qu'il faut garder en tête, c'est trois questions avant de regarder une vidéo.
02:43 Il faut se demander qui l'a fait, c'est-à-dire est-ce que c'est un youtubeur très légitime,
02:48 une chaîne qui est suivie par plein de gens, donc la personne qui est suivie par 20 abonnés,
02:52 vous n'allez peut-être pas aller voir.
02:54 Deuxième chose, c'est de faire attention à pourquoi on va aller regarder la vidéo,
02:58 c'est-à-dire fixer ses attentes.
02:59 Je ne vais pas réviser la justice en une heure avec une vidéo, ça ne fonctionne pas.
03:04 Par contre, aller voir une vidéo sur Matrix et la vérité,
03:09 pour préciser un exemple, se débloquer un peu des choses,
03:13 ou bien pour comprendre un concept, c'est bien.
03:14 - Ça, ça peut venir nourrir une copie justement, avec des exemples.
03:17 - Exactement, parce que souvent les exemples, on a envie de les balancer comme ça,
03:19 mais parfois les vidéos sont vraiment utiles pour ça.
03:21 Et la troisième chose, c'est aussi de comprendre comment la regarder.
03:24 Souvent, on a envie de la regarder juste avec les yeux,
03:26 mais en fait, une vidéo de philo, ça se regarde aussi avec un stylo et avec un papier,
03:30 pour noter des questions, pour noter des choses qu'on ne comprend pas,
03:32 éventuellement les demander à son prof, demander à des copains.
03:35 Et en fait, en gardant toujours un petit recul critique,
03:37 on n'est pas juste passif face à la vidéo, parce que c'est ça le pire en fait.
03:40 - Alors, on a l'impression qu'en philo, il n'y a jamais vraiment eu une bonne réponse,
03:43 et on va le voir, on va regarder quelques images d'archives justement,
03:46 de sorties d'épreuves, de jeunes bacheliers qui sortent d'épreuves
03:50 et qui ne savent pas vraiment s'ils ont réussi.
03:52 Je vous propose de regarder.
03:54 - J'ai débrouillé, j'ai cherché des arguments.
03:59 La philo quoi !
04:00 - Ça va, je ne sais pas trop, ça va je pense.
04:03 Oui, non, je ne sais pas trop, je pense, ça va.
04:06 Donc voilà.
04:07 J'avais un peu peur, parce que c'était un sujet que je n'avais pas trop révisé,
04:09 et au final, j'ai quand même réussi à faire ce que j'ai pu,
04:12 j'ai donné le meilleur de moi-même,
04:13 et après maintenant, il faut attendre le résultat,
04:16 c'est un peu stressant.
04:18 - Bon oui, non, peut-être, je ne sais pas.
04:20 Pourquoi on ne sait jamais quand on sort de l'épreuve de philo si on a réussi ou pas ?
04:23 - C'est vrai que contrairement à d'autres matières,
04:25 on ne peut pas vérifier les réponses juste après.
04:27 Donc moi, j'ai eu des scènes invraisemblables où quelqu'un sort,
04:31 j'ai cité Platon, l'autre j'ai cité Star Wars,
04:33 et en fait, ils ont tous les deux des super notes.
04:35 C'est vrai que ça a l'air un petit peu difficile,
04:37 et ça peut être un peu inquiétant,
04:38 parce que du coup, on a l'impression qu'on n'aura jamais tout révisé,
04:41 qu'on pourra toujours se planter.
04:42 En fait, c'est assez rassurant.
04:43 D'ailleurs, il y a une élève qui le dit très bien,
04:45 elle dit "j'ai donné le meilleur de moi-même".
04:46 Et en fait, c'est vraiment, enfin moi, en tant que correctrice,
04:48 et j'étais avec des jurys de bac,
04:50 et on note vraiment aussi le raisonnement,
04:52 la façon dont on amène une argumentation.
04:54 Ça veut dire qu'il n'y a pas de bonne réponse,
04:56 mais il y a quand même une bonne manière de travailler, de raisonner.
05:00 Donc, mettre de la bonne volonté,
05:01 ne pas baisser les bras, ne pas se dire "je ne connais pas ce sujet,
05:04 je ne vais pas le faire".
05:05 Il faut quand même y aller,
05:06 parce que la philo, ce n'est pas une matière d'un contenu,
05:07 c'est vraiment une matière où on va argumenter, raisonner.
05:11 Donc, faites attention à vos collecteurs d'élus.
05:13 Voilà, exactement, c'est ça.
05:15 Ce n'est pas juste défendre son point de vue,
05:16 c'est bien le défendre aussi.
05:17 C'est bien amener les arguments les uns après les autres.
05:20 Et du coup, je dirais qu'il faut vraiment avoir de la bonne foi.
05:23 Quand on fait de la philo, c'est prendre le temps
05:25 et vraiment aller au corps à corps avec le sujet,
05:27 et ne pas se dire "je ne peux pas, je ne sais pas".
05:30 Ne pas décourager.
05:31 Vous soulignez l'importance de continuer à aller en cours en terminale.
05:35 On va regarder justement un article du Parisien de ce matin
05:38 sur l'absentéisme en terminale.
05:40 Certains élèves, ça y est, ont repris les cours,
05:42 mais ne font strictement rien.
05:44 En fait, la donne a un peu changé,
05:45 puisque moi, à mon époque, l'épreuve de philo,
05:47 c'était vraiment la première qui lançait toutes les épreuves du bac,
05:50 et ça comptait énormément pour la suite.
05:52 Aujourd'hui, il y a parcours sup', les D sont jetés.
05:54 Est-ce qu'on peut craindre un désengagement complet des élèves
05:57 sur la philosophie, qui est déjà une matière pas forcément aimée ?
06:00 Je pense qu'on ne peut pas le craindre.
06:02 Il y en a un, certainement, même on peut le constater.
06:05 Je pense que tous les profs le constatent.
06:06 Après, c'est vrai que pendant très longtemps,
06:08 la philosophie, c'était ce rite de passage républicain.
06:11 Donc, ça a été créé par Napoléon.
06:12 À l'époque, c'était en latin, etc.
06:14 Puis après, pendant la Troisième République,
06:15 c'était toujours le passage à l'âge adulte,
06:18 qui était vraiment ritualisé.
06:19 Et aujourd'hui, on voit que c'est plus rituel de passage.
06:22 Après, moi, j'ai la conviction que ça peut aussi être une occasion
06:25 pour les élèves de faire de la philo différemment.
06:27 Je pense qu'en tant que prof, moi, je n'ai pas encore pris la mesure
06:30 à quel point ça va changer le rapport à la philo.
06:32 Mais c'est vrai qu'il y a une telle angoisse autour de Parcoursup
06:34 et autour des résultats, les spés, etc.
06:36 que peut-être que cet espace entre la fin des vacances de Pâques,
06:41 en gros, les vacances d'été,
06:42 ça peut être aussi un moment de faire de la philo différemment.
06:44 C'est-à-dire de peut-être faire plus d'activités,
06:47 plus de travail en groupe,
06:49 d'envisager avec plus de sérénité, en fait, cette épreuve,
06:52 qui, à mon sens, est en train de passer d'une épreuve rituelle républicaine
06:56 à une épreuve rituelle quasiment existentielle de rapport au monde.
06:59 C'est parce qu'on voit qu'on en a plus besoin que jamais.
07:02 Est-ce que vous avez déjà eu, dernière question, en tant que prof,
07:04 ce sentiment de satisfaction,
07:05 où un ou une élève vient vous voir un moment dans l'année
07:08 et ça y est, il y a eu ce déclic sur la philosophie
07:11 qui l'a éclairé soudainement ?
07:12 Alors, je pense qu'en tant que prof,
07:14 on a tous un peu des exemples d'élèves comme ça,
07:16 mais c'est vrai que j'ai l'impression qu'il y a des élèves
07:18 avec qui ça a été un coup de foudre dès le premier jour.
07:21 Et d'autres, c'est quasiment plus satisfaisant,
07:24 où on a un moment où la personne détestait la philo
07:27 et tout d'un coup elle dit "ah c'est une philo, madame, j'ai compris"
07:29 et commence à s'y mettre parce qu'elle comprend
07:31 que ce n'est pas juste une matière où il faut bachoter,
07:34 mais elle comprend que ça l'aide dans sa vie quotidienne
07:37 pour comprendre l'actualité, etc.
07:39 Du coup, c'est assez satisfaisant, oui.
07:41 J'imagine. Merci beaucoup, Apolline Gueyeau,
07:43 d'être venue nous voir ce matin.
07:44 Merci à tous les profs de philosophie qui accompagnent,
07:46 évidemment, les bacheliers dans cette dernière ligne droite.
07:48 Et moi, je me permets un merci un peu particulier
07:50 à ma prof de philo de terminale, que je n'ai jamais remerciée,
07:52 madame Six.
07:53 Je pense que je ne serais pas ici si je n'avais pas croisé son chemin.
07:55 Donc merci, chère madame. Je ne sais pas si vous nous regardez.

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