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Philippe Laurent, maire de Sceaux et vice-président de l'Association des maires de France, est l'invité de Lionel Gougelot à l'occasion du vendredi thématique "Le grand malaise des Élus".

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Transcription
00:00 "Europe 1 Matin", place au Club de la Presse. Avec vous, Lionel Gougelot.
00:04 - Nous recevons ce matin Philippe Laurent, vice-président de l'Association des maires de France,
00:09 maire de Sceaux également, dans le cadre de nos Vendredis thématiques de la rédaction d'Europe 1,
00:13 consacré ce vendredi aux malaises des maires. Bonjour Philippe Laurent.
00:17 - Bonjour. - Merci d'être dans les studios d'Europe 1 ce matin.
00:20 Après le traumatisme provoqué par la démission du maire de Saint-Brévin-les-Pins,
00:24 menacé, visé, on le sait, par un incendie criminel,
00:27 le gouvernement s'est engagé à alourdir les sanctions contre les auteurs d'agressions
00:32 qui seront maintenant, comment dirais-je, qui pourront encourir une peine de 7 ans de prison
00:38 et de 100 000 francs d'amende. C'est ce que vous aviez demandé, je crois.
00:42 Vous êtes donc satisfait, j'imagine, pour cette première réponse en tout cas du gouvernement ?
00:45 - Oui, écoutez, je pense que le gouvernement a pris en effet la mesure de la situation très préoccupante
00:50 devant laquelle nous sommes, l'ensemble des maires de France.
00:54 Je rappelle que les agressions violentes et les violences envers les maires ont progressé fortement,
01:00 30% entre 2021 et 2022, que près de 1300 maires ont d'ores et déjà démissionné depuis 2020,
01:07 depuis les dernières élections municipales. Donc il y a un véritable malaise au sein des maires.
01:12 Le gouvernement, nous sommes évidemment en discussion permanente avec les ministres
01:17 et notamment la première ministre, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures,
01:20 ou en tout cas un certain nombre d'engagements, parce que les sanctions dont vous parlez,
01:24 il faut encore qu'une loi vienne les permettre, les concrétiser.
01:28 Nous avons aussi demandé de longue date, et le garde des Sceaux s'y est engagé déjà il y a 2 ans,
01:35 lorsque la réponse pénale soit plus rapide, c'est-à-dire que les dossiers sont instruits plus rapidement.
01:40 Je rappelle simplement qu'entre le décès du maire de Signes, c'était à l'été 2019,
01:46 et la condamnation des auteurs, c'est découlé quand même 2 ans,
01:50 alors que les auteurs étaient parfaitement identifiés, donc c'est quand même très long.
01:53 - Le maire qui avait été renversé par une camionnette, par des individus qui avaient déversé des...
01:58 - C'est ça, tout à fait. Donc cette non-rapidité de la chaîne pénale nous pose aussi donc difficulté.
02:05 Et puis l'État, bien sûr, a cette intention, il s'engage, ça nous le saluons,
02:11 mais on voit que quand même sur le terrain, c'est pas toujours aussi simple.
02:14 Vous voyez, le maire de Saint-Brévin, les relations avec le préfet ont été quand même difficiles, il l'a dit lui-même.
02:21 - On va y revenir sur cette solitude parfois des élus,
02:25 qui sont livrés aux difficultés de la société.
02:29 Encore deux mots sur le maire de Saint-Brévin, Yannick Meurez,
02:32 ça vous fait mal au cœur finalement, au sens propre du terme,
02:37 de voir un élu qui renonce comme ça, qui baisse les bras ?
02:40 - Je crois que c'est un échec collectif.
02:43 C'est un échec collectif de notre société, de notre pays.
02:46 Les élus s'engagent, c'est leur passion,
02:50 ils ne le font pas pour l'argent, ils ne le font pas pour autre chose que le souhait de servir leur territoire et leur population.
03:00 Ils en retirent d'ailleurs des satisfactions aussi.
03:03 Mais lorsque la situation devient telle qu'un maire est obligé de démissionner,
03:09 je pense qu'en effet nous le ressentons aussi comme un échec collectif
03:12 et que chaque Française et chaque Français doit le ressentir comme tel.
03:15 Parce que c'est d'une certaine manière à la fois la République et les démocraties qui sont attaquées.
03:20 - Alors qu'est-ce qu'il faut faire, Philippe Laurent, pour enrayer, j'allais dire, le phénomène de grande démission ?
03:26 On n'en est peut-être pas là, mais enfin malgré tout le phénomène est important.
03:29 Qu'est-ce qu'il faut faire ? Quelles sont les pistes que vous suggérez,
03:33 au-delà des premières mesures concrètes qui ont été annoncées par le gouvernement sur le plan strict de la sécurité ?
03:39 - Alors nous nous pensons qu'il convient de resserrer davantage les liens entre l'État,
03:46 et notamment l'État territorial et les élus.
03:48 Vous savez, on l'a vu pendant la pandémie, le couple maire-préfet, c'est un couple très solide.
03:52 C'est le couple sur lequel doit reposer le fonctionnement de la République.
03:56 - Qu'on a redécouvert, pardonnez-moi, qu'on a presque redécouvert à cette occasion-là.
04:00 - Oui, à l'occasion de la pandémie, tout à fait.
04:02 Parce que, en réalité, les préfets ont une connaissance du terrain, les maires aussi naturellement,
04:07 et que dans cette collaboration avec les compétences des uns et des autres,
04:12 on trouve la réponse aux besoins immédiats de la population, en cas de crise, en cas de difficulté.
04:19 - Encore faut-il une administration réactive.
04:21 - Voilà, encore faut-il une administration réactive, encore faut-il que les préfets aient eux-mêmes les moyens de fonctionner.
04:25 Alors vous le savez, les préfectures ont été vidées en partie de leurs effectifs ces dernières années,
04:31 et encore faut-il que les préfets eux-mêmes aient à la fois la confiance,
04:38 mais aussi une relation fluide avec les administrations centrales.
04:41 Et là, là on a un sujet.
04:43 - Donc d'abord, resserrement de lien entre l'élu et l'administration.
04:46 - Ensuite, l'administration territoriale.
04:48 Ensuite, je crois qu'il faut réaffirmer, à chaque fois que c'est possible, à chaque fois que c'est nécessaire,
04:55 le rôle du maire. Le rôle du maire et la confiance que l'État et les représentants de l'État doivent faire aux élus locaux et aux maires en particulier.
05:04 Et là, nous sentons que là-dessus, il y a un problème de culture dans notre pays.
05:08 C'est-à-dire qu'en réalité, pour toute, pour une très grande part en réalité, des politiques publiques,
05:16 il faut donner aux maires et aux élus locaux en général.
05:20 Je parle des départements aussi et des régions. Mais d'abord, le maire, il faut lui redonner la capacité de pouvoir appliquer, en effet,
05:27 des grandes lignes générales, mais de pouvoir les appliquer en les adaptant à la situation.
05:31 Ça s'appelle un peu la décentralisation. Ça s'appelle aussi la différenciation, si on veut.
05:35 Il y a eu des lois là-dessus, mais ces lois, elles sont d'abord insuffisantes et elles ne sont pas suffisamment et suffisamment bien appliquées.
05:42 - Et elles ont supprimé des moyens, surtout.
05:44 - Alors ça, c'est le troisième sujet.
05:46 - Il y a eu un transfert de compétences et des moyens aussi.
05:50 - Je remercie de le souligner. En effet, depuis maintenant un certain nombre d'années, ça ne date pas d'ailleurs des dernières années,
05:55 c'est un mouvement général depuis à peu près le milieu des années 2000,
05:59 il y a en effet un retour en arrière très fort sur la décentralisation financière,
06:04 à savoir que les impôts locaux sont supprimés et donc pas d'autonomie financière,
06:08 à savoir aussi que les dotations ont baissé.
06:12 Alors là, elles sont stabilisées ces dernières années, mais elles ont baissé pendant plusieurs années
06:16 et donc les moyens dont disposent les maires pour mettre en œuvre leurs projets,
06:20 pour gérer les services publics du quotidien, parce que c'est de ça dont il s'agit,
06:23 et pour aménager leur territoire, ces moyens sont donc en diminution.
06:27 C'est tout à fait regrettable parce que la qualité de vie de nos concitoyens,
06:31 la qualité de nos services publics du quotidien, elle dépend de ça.
06:35 Et nous avons subi un discours, et nous continuons d'ailleurs à subir un discours,
06:42 selon lequel ce sont les collectivités territoriales qui seraient responsables
06:46 en grande partie de la situation financière du pays qui n'est pas brillante,
06:50 et bien ça nous contestons totalement ce fait parce que les collectivités
06:54 ne s'endettent que pour investir, et non pas pour payer leurs agents,
06:58 pour payer les frais de fonctionnement des bâtiments, etc.
07:01 Ça c'est très important de le dire, et nous avons donc un rôle dans le pays,
07:06 pour le quotidien des habitants, nous avons un rôle absolument indispensable et irremplaçable.
07:11 - Dans ce cadre-là, est-ce qu'il faudrait réfléchir à un véritable statut de l'élu local, du maire,
07:16 et donc aussi à une revalorisation des indemnités de la rémunération,
07:20 tout simplement, pour faire du maire un vrai chef d'entreprise finalement au niveau local ?
07:27 - Oui, je n'aime pas employer trop ce terme, mais c'est un peu ça.
07:30 - Il a la tête parfois d'une petite PME le maire du Communauté.
07:33 - Oui, absolument. Une mairie, une commune d'une certaine taille,
07:36 c'est en effet une entreprise de prestation de services.
07:39 Elle ne le fait pas forcément dans les mêmes objectifs qu'une entreprise
07:42 qui a à faire des résultats, etc., mais elle le fait avec les mêmes termes de management,
07:50 si je puis m'exprimer ainsi. Nous avons des agents qu'il faut gérer,
07:53 qu'il faut manager, qu'il faut encourager, qu'il faut former.
07:57 - Donc statut de l'élu local, rémunération ?
07:59 - Statut de l'élu local, nous le demandons depuis longtemps.
08:01 Il existe en partie, il y a des éléments de statut.
08:04 Les éléments de rémunération ne sont pas une priorité pour nous en général,
08:08 parce que les maires, encore une fois, s'engagent dans ce mandat
08:12 avec le souhait et la passion de leur territoire et de leurs habitants.
08:16 - Certes, enfin, quand certains élus font un bilan et qu'ils nous disent
08:20 tout ça pour, je ne sais pas, 1200 euros ou 800 euros par mois,
08:24 c'est que ça compte quand même.
08:25 - Oui, tout à fait, mais encore une fois, ça n'est pas notre priorité.
08:28 Notre priorité, c'est d'avoir les moyens de fonctionner,
08:32 de gérer nos communes, de rendre le service public le meilleur possible
08:36 et de le faire en sécurité avec, j'allais dire, la protection
08:40 et la bienveillance de l'État. C'est ça notre priorité.
08:44 - Yannick Moraise, il aura été lanceur d'alerte, finalement,
08:48 où vous pensez qu'il y a un point de bascule auquel on a assisté,
08:52 qui fait que tout ce dont on vient de parler, Philippe Laurent,
08:55 va peut-être pouvoir enfin se mettre en œuvre, que peut-être, effectivement,
08:58 il va y avoir une vraie politique en faveur des élus locaux.
09:03 - Oui, je pense qu'il y a un basculement qui s'est opéré,
09:06 mais Yannick Moraise, mais il y a d'autres élus aussi.
09:09 Il y a notre collègue maire en Bretagne qui a vu ses câbles de freins sectionnés.
09:14 Donc là, on peut dire qu'on a franchi un pas parce qu'on n'est pas
09:18 dans la violence classique qui était un administré qui n'est pas content
09:22 parce qu'on lui fait une remarque. Donc il bouscule le maire.
09:25 Là, on est dans de l'après-méditation.
09:27 Pour Yannick Moraise, c'est le cas avec l'incendie.
09:30 Pour notre collègue de Bretagne, c'est le cas aussi avec un attentat sur sa voiture.
09:35 Donc là, on a quand même changé un peu de nature.
09:38 Et donc, en effet, il y a un point de bascule et je me réjouis
09:41 que l'État y soit très attentif et je souhaite, évidemment,
09:45 que tout ce qui a été promis, tout ce qui a été annoncé
09:49 soit mis en œuvre le plus vite possible.
09:51 - Pour terminer sur une note un peu positive, Philippe Laurent,
09:53 si vous le voulez bien, tout ne va pas si mal dans les 35 000 communes de France.
09:57 On évoquait tout à l'heure à 7h15 avec Martial Foucault
09:59 cette espèce de petit miracle qui fait que tous les 6 ans,
10:02 il y a bon normalement 1 million de personnes qui s'engagent
10:05 dans la vie municipale aux élections, qui veulent s'impliquer.
10:08 C'est quand même bon signe d'une certaine façon.
10:10 - Oui, c'est un élément d'espérance sur la qualité sur notre société
10:14 et sur sa capacité encore à dégager ce type de personnes.
10:18 Et nous espérons tous que cela puisse durer.
10:20 - Merci Philippe Laurent, maire de Sceaux,
10:23 vice-président de l'Association des maires de France.
10:26 Merci d'avoir accepté l'invitation d'Europe 1 ce matin.
10:29 Excellente journée, bon week-end.

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