Lundi 15 mai 2023, BE SMART reçoit Nicolas Mérindol (président associé fondateur, Groupe Carmin Finance)
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00:00 On repart avec Nicolas Mérindol.
00:06 Bonjour Nicolas, président de Carmins Finance, ancien patron de Caisse d'épargne et qui
00:12 vient nous raconter les banques de manière régulière.
00:16 Cet objet complexe, obscur et néanmoins indispensable, d'ailleurs on va réserver une petite partie
00:23 à la fin de cet entretien, indispensable à l'activité économique.
00:27 Oui j'avais un petit truc pour toi, c'était une page des Echos qui titrait "Les vétérans
00:36 de la finance appelaient à la rescousse".
00:39 Donc c'est UBS qui a dû rappeler son ancien patron, c'est ça, pour gérer l'intégration
00:45 de Crédit Suisse.
00:46 Donc je me demandais si toi-même t'avais été appelé à droite.
00:51 Je peux faire une petite analogie, ça n'a rien à voir avec la situation de crise.
00:55 Vas-y, vas-y.
00:56 J'ai été sollicité par une banque de niche, qui s'appelle la Temis Bank, qui est le leader
01:03 en France dans la niche des procédures collectives, de financement des entreprises pendant qu'elles
01:09 sont en procédure collective.
01:10 Et donc je suis président de cette banque depuis décembre.
01:14 Alors je ne sais pas s'il y a une analogie avec ce titre des Echos, mais disons que là
01:17 on n'est pas à la rescousse, là on est sur un truc sympathique.
01:20 C'est vrai que t'es plutôt un coup de fil d'une banque régionale américaine, tu vois.
01:25 Et qu'est-ce des parrains, une banque régionale, vous avez géré ça.
01:28 Bon, alors, leçon de tout cela, écoute, je vais te poser une question assez large finalement
01:36 sur tout ce qui se joue en ce moment sur les banques.
01:38 Est-ce que le cadre réglementaire post-2008 est suffisant ?
01:43 Oui, il est suffisant et non, il ne l'est pas selon le pays et les évolutions de lui.
01:50 Il est, je l'ai toujours dit, je pense très sincèrement qu'en Europe continentale et
01:56 en France en particulier, le cadre réglementaire et la vigilance de l'autorité de tutelle
02:01 font qu'on a une vision claire, transparente, très professionnelle, très réaliste de chacune
02:08 des banques.
02:09 Aux Etats-Unis, ce n'est pas le cas.
02:10 Aux Etats-Unis, ce n'est pas le cas pour deux raisons.
02:13 Et c'est ça qui est aussi intéressant.
02:15 C'est-à-dire qu'il y a une vraie défaillance dans les 4-5 banques régionales que l'on
02:20 a vues en situation de crise ces dernières semaines.
02:25 Il y a une vraie différence par rapport à l'Europe.
02:27 La première, c'est que la réglementation a été allégée sous la présidence de Trump
02:32 pendant… au titre pour ces banques régionales, en disant elles ne sont pas si grosses, il
02:37 faut… Pour leur donner du dynamisme et faire baisser
02:39 les coups.
02:40 Oui.
02:41 C'est intéressant quand même.
02:42 Dynamisme et baisser les coups.
02:43 Et faire baisser les coups.
02:44 C'est-à-dire qu'on est dans un métier de risque, de risque total, et qu'il faut
02:48 le suivre comme le lait sur le feu, dès qu'on desserre l'étreinte pour un même niveau
02:53 de risque.
02:54 Parce qu'il n'y a pas de développement dans une banque sans prise de risque supplémentaire.
02:57 Ça n'existe pas.
02:58 Donc, c'est paradoxal de donner des moyens de plus de développement.
03:04 Ça, c'est louable.
03:05 Mais le faire en allégeant les contraintes réglementaires, comme ça a été fait, c'est
03:11 imprudent.
03:12 C'est très imprudent.
03:13 Et vraiment, c'est…
03:14 Imprudent, mais tu le fais… Moi, ça m'intéresse beaucoup, ça, Nicolas.
03:16 Parce que tu le fais sur de petites banques.
03:18 Enfin, petites.
03:19 Pardon.
03:20 Est-ce que tu acceptes cette idée-là ? Moyenne, on va dire.
03:22 Banque régionale ?
03:23 Oui, voilà.
03:24 Voilà, voilà.
03:25 Moi-même, je me rendais content.
03:26 Juste, on parle de retrait pour certaines d'entre elles, en deux ou trois mois, 100
03:29 milliards de dollars.
03:30 C'est ça.
03:31 Donc, c'est petit, petit…
03:32 On va y venir sur les… Mais tu parles en fait d'objets bancaires quand même très
03:35 spécifiques qui financent aussi des objets économiques et des objets entrepreneuriaux
03:41 très spécifiques.
03:42 Bon, tu prends un risque, effectivement.
03:45 Mais derrière, on s'est rendu compte avec la gestion qu'a pu faire la Fed de ces accidents
03:50 que ce risque était gérable.
03:51 Ah non, encore une fois, la preuve.
03:53 Et la banque est tombée, on est d'accord ?
03:55 Les banques.
03:56 Les banques.
03:57 Il y en a cinq quand même.
03:58 Mais sans casse économique en face.
04:00 Sans casse économique parce que… Enfin d'abord, si, il y a une partie des épargnants ou
04:06 des actionnaires qui ont perdu.
04:07 Les actionnaires.
04:08 Ça, c'est le métier, l'actionnaire.
04:09 Exactement.
04:10 Et je ne suis pas sûr que les actionnaires qui avaient investi dans ces groupes quand
04:12 ils étaient cotés aient connaissance que la réglementation avait été allégée.
04:16 Et elles ont fait une analogie trop rapide, quand on parle d'une banque, entre le développement
04:22 d'un secteur en croissance porteur de type la crypto-monnaie ou de petites… les start-up.
04:29 C'est un secteur en croissance.
04:31 Donc, les banques qui se développent sur ce secteur-là vont bien se porter également.
04:35 Non, non, c'est un business model qui n'a rien à voir.
04:37 Très intéressant.
04:38 C'est ça.
04:39 C'est ce que je veux dire.
04:40 C'est ce que je veux dire.
04:41 C'est ce que je veux dire.
04:42 C'est ce que je veux dire.
04:43 D'ailleurs, l'autorité de tutelle elle-même américaine, la Fed, dans la foulée, a commis
04:44 un rapport et elle a acté un certain nombre de défaillances.
04:48 Elle a acté un manque de vigilance des organes de contrôle de chacune de ces banques.
04:55 Un manque des défaillances du management, ça va de soi.
04:58 Un manque de vigilance des autorités de tutelle.
05:01 Elle a acté que la réglementation avait été trop laxiste et le suivi des autorités
05:07 de tutelle trop laxiste.
05:08 C'est pour ça que je répondais oui et non.
05:11 Oui, j'ai bien compris.
05:12 Sur la France, la réglementation n'a pas bougé et les autorités de tutelle sont
05:17 franchement très, très bonnes.
05:18 Les autorités de tutelle français, vous avez des polytechniciens, vous avez des noiriens.
05:22 Non, vous avez des gens qui comprennent.
05:25 C'est une garantie.
05:26 Non, c'est une garantie qu'on prend.
05:27 Ça se saurait là.
05:28 C'est une garantie qu'on prend.
05:29 Je veux dire, quand on a un goût pour la banque, aux Etats-Unis, on va dans la banque.
05:34 On ne va pas à l'autorité.
05:35 Oui, je comprends ce que tu dis.
05:36 D'accord.
05:37 Mais bon, qu'on comprenne les mécanismes.
05:39 En France, il y a une culture qui fait que des gens bien formés, bien intelligents,
05:43 qui comprennent bien cette machine-là, ne vont pas forcément dans les banques, prennent
05:48 une satisfaction et dans l'autorité de tutelle.
05:50 Ce n'est pas vrai aux Etats-Unis.
05:51 C'est beaucoup moins vrai aux Etats-Unis.
05:52 Il y a deux, trois éléments quand même qui m'intéressent, sur lesquels je voudrais
05:55 t'interroger.
05:56 D'abord, tu as parlé toi-même des retraits.
05:57 Donc, la question de la liquidité qui est la question centrale des banques, c'est la
06:00 liquidité qui tue les banques.
06:02 Voilà, ça, on le sait depuis Mary Poppins.
06:04 Nouvelle vitesse de la disparition de la liquidité à l'heure des réseaux sociaux.
06:09 Exactement.
06:10 Là, il y a quelque chose de nouveau.
06:12 Oui, ça, c'est intéressant.
06:13 D'ailleurs, un ancien patron d'une autorité de tutelle européenne m'a fait cette observation
06:18 très pertinente.
06:19 Moi, je disais, ce que j'ai vécu pendant la crise, la grande crise bancaire précédente,
06:26 c'est que le « mark to market » ne s'applique pas aux banques.
06:30 Il est très dangereux.
06:31 C'est-à-dire qu'avoir des actifs que l'on garde pendant 10 ans ou qu'on n'a pas vocation
06:37 à vendre le lendemain matin, être obligé, de par une réglementation internationale
06:43 qui était très anglo-saxonne et pas du tout adaptée à la France, de les valoriser en
06:47 temps réel est une machine à broyer infernale.
06:50 Parce que je valorise mon actif, il se déprécie parce qu'on est à l'époque des subprimes,
06:56 il se déprécie parce qu'il y a une crise, parce que les gens vendent, la valeur intrinsèque
07:00 se déprécie pas autant que ça, mais la valeur de marché se déprécie.
07:04 Il faut que je passe des provisions, donc mes fonds propres diminuent.
07:08 Donc mes fonds propres diminuent.
07:09 C'est un truc vicieux.
07:10 C'est une machine à broyer.
07:11 Mais pourtant, c'est ce qu'on reproche à Silicon Valley Bank, c'est qu'elle n'a pas
07:14 provisionné ses pertes sur son portefeuille d'obligation, qu'elle n'a justement pas fait
07:17 de « mark to market ».
07:18 Là, c'était son cœur.
07:19 Là, pour le coup, on n'est pas loin de son cœur d'activité.
07:22 C'est-à-dire que là, pour un crédit immobilier ou pour des actifs que l'on doit détenir
07:28 sur des durées plus longues, c'est plus discutable.
07:30 Donc moi, je disais, il y a quelque chose de paradoxalement…
07:35 Donc, je n'ai pas la solution de sortie.
07:37 Entre le « mark to market », la cotation en bourse d'une banque, il y a quelque chose
07:41 qui est très délicat.
07:43 C'est-à-dire que les fonds propres d'une banque ne peuvent pas varier intraday, voire
07:49 toutes les heures.
07:50 C'est absurde.
07:51 C'est complètement absurde.
07:52 Et bien, l'analogie, c'est avec les réseaux sociaux.
07:55 C'est-à-dire qu'on se retrouve avec une machine à broyer au niveau des réseaux sociaux
08:00 où on crée une espèce d'auto-destruction, d'auto-alimentation d'une crise.
08:07 Et les retraits génèrent les retraits de manière tout à fait irrationnelle, de manière
08:13 irrationnelle ou exagérée.
08:14 Alors, ça ne veut pas dire que tous les cas de figure des banques qui ont été défaillantes,
08:20 puisque je ne peux pas dire dans un premier temps que la réglementation a été laxiste,
08:23 que les dirigeants n'ont pas été bons et des décisions de gestion ont été mauvaises.
08:29 Et puis dire que c'est la faute aux réseaux sociaux.
08:32 Ce n'est pas ça que je suis en train de dire.
08:33 Mais il y a un effet d'accélération.
08:36 Et mon analogie avec la cotation en temps réel des marchés, c'est la passerelle que
08:42 je voulais faire.
08:43 Mais c'est vrai que dans le cas particulier d'une banque et du risque de liquidité,
08:49 les réseaux sociaux accélèrent les retraits et c'est ingérable pour une banque.
08:53 Et il n'y a pas de solution.
08:54 Mais si, c'est de la fermer.
08:55 De fermer la banque.
08:57 C'est une solution du 18e, du 19e siècle, etc.
09:00 Non, mais il n'y a pas de solution pour prévenir le risque de liquidité.
09:04 Si, tu bloques les retraits, tu la fermes et tu attends de voir un petit peu comment
09:09 est-ce que tu peux gérer le truc.
09:10 Oui, bien sûr, c'est un régime.
09:11 Qui prend cette décision ? A partir de quel moment ?
09:13 Voilà, c'est ça.
09:14 C'est infaisable en fait.
09:15 Pratiquement, c'est infaisable.
09:16 La mise en œuvre de ça.
09:17 Alors, en France, il y a…
09:18 C'est comme si on disait en 2008 de fermer la bourse.
09:19 Ça n'avait pas de sens en fait.
09:20 Exactement.
09:21 Il y a une limite à l'exercice.
09:23 Donc, la meilleure façon, c'est le préventif.
09:25 C'est d'être sûr que les dirigeants sont bons, que les organes de contrôle fonctionnent,
09:29 que l'autorité de tutelle fonctionne, que les fonds propres sont suffisants et qu'on
09:32 a calculé ce risque.
09:33 Oui, mais quand tu as un gars qui…
09:34 En l'occurrence, Peter Thiel.
09:35 Donc, on parle de Silicon Valley Bank.
09:37 C'est passionnant.
09:38 Peter Thiel, le gourou de la Silicon Valley.
09:40 Enfin, le gourou républicain de la Silicon Valley.
09:42 Il fait un message sur WhatsApp et deux heures après, tu as effectivement 40 milliards de
09:46 dollars de demande de retrait.
09:48 Même BNP Paribas.
09:49 Personne ne se remettrait de ça.
09:50 Personne ne se remettrait de ça.
09:51 Non, non, mais personne ne se remettrait de ça.
09:52 Sauf que voilà, il faut en permanence que… Comme on est sur un marché extrêmement volatile,
10:02 je pense que l'erreur qui a été faite, c'est de traiter cette banque-là au même
10:07 titre qu'une banque commerciale qui à l'actif a des crédits immobiliers à 15 ans.
10:13 Parce que la solidité…
10:14 Oui, mais si.
10:15 Non, non, non.
10:16 Les gens se sont dit que les actifs de cette banque sont effectivement trop volatiles.
10:21 Je vais faire des retraits.
10:22 Reprends, pardon pour Société Générale, Kerviel.
10:28 Kerviel à l'heure des réseaux sociaux.
10:31 Kerviel en 2022-2023.
10:33 Est-ce qu'il y a des garde-fous pour permettre à ce moment-là à la Générale de résister
10:38 face à ce qui aurait été une folie d'ailleurs ?
10:40 Kerviel, ce n'est pas un risque de liquidité.
10:42 Non, non, non.
10:43 Est-ce que ça aurait créé, tu comprends, l'annonce du truc et tout à coup avec les
10:46 réseaux sociaux, sans doute on a une folie comparable à celle qui a saisi la Silicon
10:51 Valley Bank.
10:52 Tu vois, c'est ça que je disais.
10:53 Et je n'ai pas l'impression qu'on réfléchisse à ça et qu'on tire les leçons.
10:58 Si, si, si.
10:59 D'accord.
11:00 Si, si, si.
11:01 Parce qu'encore une fois, ces banques régionales ont une taille, une nature, une culture, une
11:09 population qui n'ont pas du tout la même solidité que les grandes banques françaises.
11:12 On n'a pas d'exemple.
11:14 On n'a pas d'exemple de grande banque française qui est disparue du paysage.
11:19 On a eu des exemples de petites banques.
11:22 D'ailleurs, on a mis en place, il y a une réglementation européenne et une réglementation
11:27 déclinée en France pour le Fonds de garantie des dépôts.
11:29 Il y a eu des questions.
11:31 Moi, j'ai été président du Fonds de garantie des dépôts pendant une période de crise.
11:35 Et je voyais augmenter le nombre de questions qui étaient faites au Fonds de garantie des
11:39 dépôts pour des grandes marques françaises.
11:42 Donc, l'inquiétude, elle est légitime.
11:45 Et les Français se sont posé la question au même titre que dans d'autres pays.
11:49 Il y a eu des retraits massifs parce qu'ils craignaient de ne pas avoir leur dépôt.
11:53 Alors, c'est parfait.
11:54 L'inquiétude, elle est légitime.
11:55 Mais il y a une culture, il y a un niveau, il y a une solidité des banques françaises
12:00 qui est quand même différente de la banque américaine régionale, assez récente et
12:05 gérée dans un contexte de plus-value.
12:06 Mon autre question, c'est la garantie des dépôts.
12:08 Parce que finalement, la FED a garanti l'intégralité des dépôts.
12:12 C'est une fiction, en fait, la barre des 100 000 euros.
12:14 En France, par exemple, c'est 100 000 euros, c'est ça, la garantie des dépôts.
12:17 100 000 euros par titulaire.
12:19 En fait, j'ai l'impression que tout gouvernement, toute autorité sera obligé de garantir l'intégralité
12:26 des dépôts.
12:27 On va être très concret.
12:29 Le fonds de garantie des dépôts, à l'origine, il est fait pour les petites banques, pour
12:35 des montants auxquels effectivement un fonds de garantie des dépôts peut faire face.
12:41 Aujourd'hui, une grande banque française, pas une petite, mais une grande banque française
12:45 disparaît.
12:46 Le fonds de garantie des dépôts ne saura pas garantir ces 100 000 euros.
12:49 Et pourtant, ils seront garantis.
12:50 Ils seront garantis par la BCE, ils seront garantis par l'État.
12:53 On est d'accord.
12:54 On voit qu'en Suisse, quand l'opération a été menée, en fait, les autorités, un,
13:01 sont intervenues très vite pour demander un repreneur de l'entreprise défaillante.
13:06 Et la deuxième chose, ils ont fait un prêt, ils ont organisé le prêt de 100 milliards
13:10 et ils ont organisé une garantie au repreneur lui-même sur des sommes quand même très
13:16 importantes.
13:17 Bien sûr, les autorités de tutelle et l'État en France ne laisseraient pas les dépôts
13:25 parce que ce n'est pas le fonds de garantie des dépôts qui, lui seul, garantirait la
13:30 capacité à rembourser ces 100 000 euros pour ceux qui ont jusqu'à 100 000 euros.
13:33 Encore une fois, la seule façon, et elle n'est pas parfaite, on est dans une économie
13:38 de marché, la seule façon, c'est le préventif.
13:40 Donc, c'est la qualité des banques.
13:42 Mais alors, le préventif, le Crédit Suisse ?
13:44 Non, mais Crédit Suisse.
13:45 Mais oui, mais il est où le préventif là ?
13:47 Il était complètement défaillant.
13:49 Mais c'est la Banque Nationale Suisse qui est défaillante à ce moment-là.
13:54 L'autorité de tutelle suisse, les commissaires au compte, le conseil d'administration.
13:58 Il y a eu, je crois qu'on peut arriver à une dizaine ou une quinzaine de milliards
14:07 d'euros de sanctions sur détournement de fonds, blanchiment, les subprimes.
14:17 En amende, rien qu'en amende, tous les deux ans, il y avait un scandale.
14:23 Mais pas un scandale de 100 millions, un scandale de 1 milliard, de 2 milliards, avec des sanctions
14:27 de 3, 4, 5 milliards.
14:30 Donc, on est sur une banque qui est… C'est invraisemblable qu'ils aient pu agir comme
14:35 ça impunément aussi longtemps.
14:37 Donc, on cumule des défaillances de contrôle de l'autorité de tutelle.
14:41 On cumule les cases, toutes les mauvaises cases.
14:42 Mais on est d'accord Nicolas, on est en Suisse, avec une banque qui est une banque
14:45 systémique.
14:46 C'est une banque systémique.
14:47 Voilà, donc certes, Banque Française, Autorité de Régulation Européenne, etc.
14:52 On est peut-être à part, mais on est peut-être à part.
14:55 C'est quand même un signal important, quoi, ce crédit suisse.
14:58 Oui, le signal important.
14:59 Le signal important.
15:00 Mais tout le secteur savait que de toute façon, le crédit suisse était profondément
15:03 malade.
15:04 C'est ça que tu me dis.
15:05 Tout le monde le savait.
15:06 Donc, encore une fois, sanctions d'évasion.
15:08 Ce n'est pas six semaines avant.
15:10 C'est des années avant.
15:12 D'ailleurs, le nouveau président ou la nouvelle équipe dit, nous allons quand même
15:15 regarder plus en détail quelles sont les vraies explications de fond.
15:19 Encore une fois, depuis des années et des années, on cumule des sanctions, des amendes.
15:27 Quand il y a une sanction, un redressement fiscal, une sanction, c'est qu'il y a une
15:31 faute.
15:32 Il y a une faute lourde.
15:33 Ce n'est pas 10 millions, 500.
15:35 On est en train de parler d'un cumul d'une dizaine de milliards d'euros.
15:38 Donc, il y a belle lurette que les leçons auraient dû être tirées.
15:42 Belle lurette.
15:43 Alors, revenons sur la mark to market, mais sur cette idée de perte non réalisée sur
15:53 les obligations.
15:54 Là, en fait, toutes les grandes banques et tous les grands assureurs sont gorgés de
16:02 ces obligations achetées à des taux dérisoires et qui sont en train de remonter fortement.
16:08 Le risque, on a eu à débattre ici du fameux choc des taux et de l'explication.
16:17 Alors d'ailleurs, c'est intéressant.
16:19 Oui, mais notre débat était un tout petit peu différent et c'était absolument passionnant.
16:23 Mais c'était plus sur les taux, notamment sur les crédits immobiliers qui ont été
16:27 consentis pour 20 ans.
16:28 On va avoir des remboursements qui vont se faire à 1% alors que la ressource pour nourrir
16:33 tout ça en vaut 4.
16:35 C'est la même chose finalement sur les obligations souveraines, par exemple, aujourd'hui.
16:39 C'est le même raisonnement.
16:40 À la place, vous remplacer un crédit immobilier par une obligation à long terme.
16:43 Donc, c'est exactement la même chose.
16:44 C'est pour ça que le sujet, une fois que l'on a dit attention, les banques dont on
16:49 parle se sont elles-mêmes mises dans des situations très particulières.
16:54 Elles ont été mal contrôlées, mal suivies.
16:55 Le sujet du risque de liquidité est un sujet réel et sérieux.
16:59 C'est-à-dire que toutes les banques aujourd'hui travaillent en particulier leur risque de
17:03 liquidité.
17:04 Pas à l'échelle dont on parle.
17:05 Parce que celui-là, s'il y a un retrait global des dépôts, ça ne porte pas du faillite.
17:14 La garantie des dépôts, c'est en cas de faillite.
17:16 Mais là, s'il y a un retrait des dépôts pour le mettre ailleurs, d'abord, ou ailleurs,
17:20 c'est-à-dire que quelqu'un du crédit agricole va retirer son argent pour le mettre à la
17:23 BNP, celui de la BNP va le retirer pour le mettre au crédit agricole.
17:26 - Sous le matelas, Nicolas, pour le mettre sous le matelas.
17:29 Ou pour le changer en bitcoin, eux te diront.
17:32 - Ça, ce sera systémique.
17:33 Il n'y a aucun risque systémique sur ce plan-là.
17:35 Ce sont des gros...
17:36 Là, encore une fois, on parle de 150 milliards de retraits sur quelques semaines ou quelques
17:42 mois.
17:43 Donc, des gros retraits.
17:44 C'est pour le remettre où, heureusement, le système bancaire français est assez solide.
17:50 Donc, le risque sur des gros retraits massifs comme ça de 100 milliards, pareil, aujourd'hui,
17:57 exclut.
17:58 Par contre, le risque de liquidité qui est des retraits significatifs parce que je vais
18:02 me mettre plus pour l'acquisition de ma maison ou autre, il est réel.
18:07 Il est réel où je veux retirer mon compte de dépôt pour le mettre sur un autre placement
18:13 qui n'est pas une ressource bilan de la banque.
18:16 Ce risque est réel.
18:17 - Je dis que là, ça fait partie du métier de banquier que, un, d'apprécier le risque
18:23 quand il fait un crédit ou quand il fait tout type de placement et quand il transforme
18:29 puisque c'est ça son métier, quand il transforme de l'épargne à court terme dans un actif
18:34 de type crédit à long terme.
18:35 Donc, ce risque de transformation est aussi un risque de liquidité.
18:39 Et il y a des ratios réglementaires, des calculs qui sont faits tous les jours.
18:43 Et qui ne sont pas bouleversés parce qu'effectivement, c'est bien ça dont je voulais parler.
18:48 Ce qui est en train de se passer là, on le voit avec l'épiphénomène en termes de
18:52 montant que représente le livret A.
18:54 Mais j'imagine que ces questions-là, l'ensemble de ceux qui ont un petit peu d'argent sur
18:59 leur compte courant se les posent aujourd'hui et sont en train de mettre la pression sur
19:03 leur banquier pour avoir des solutions à 2, 3, 4%.
19:06 Ils changent la donne en termes de liquidité.
19:08 On est d'accord.
19:09 - Ils changent la donne.
19:10 - En termes de liquidité, si je le retire du bilan de la banque pour le mettre dans
19:16 un autre bilan.
19:17 Par exemple, si je le retire du bilan de la banque A pour le mettre sur la banque B.
19:21 Mais alors, on peut se poser des questions de savoir.
19:23 - Oui.
19:24 - Ou je le retire du bilan de la banque A pour les mettre dans une compagnie d'assurance
19:30 autre.
19:31 - Voilà.
19:32 - Donc, à ce moment-là, j'ai une baisse de ma liquidité au niveau de la banque.
19:34 Mais je peux avoir aussi un autre risque, un risque de taux.
19:38 C'est-à-dire que je le retire de mon compte de dépôt pour avoir un compte à terme rémunéré
19:43 à 1, 2, 3%.
19:45 - Oui.
19:46 - Donc, là, je n'ai pas un risque de liquidité en tant que tel.
19:49 J'ai un risque de coût de ma ressource qui m'a servi à faire un crédit qui était à
19:53 1,5%.
19:54 J'étais très content parce que...
19:55 - Absolument.
19:56 - ... j'ai une ressource à zéro et à 1,5%, j'étais content.
19:57 - Absolument.
19:58 - Et je passe à une ressource à 3%.
19:59 Mais j'ai toujours mon crédit à 1%.
20:01 Donc, le...
20:02 - Et ça, ça se gère.
20:03 Voilà.
20:04 Ce que tu me dis, c'est que...
20:05 - Dans un cas, c'est un risque de taux et c'est mon métier de le faire et je passe
20:12 un mauvais moment jusqu'à ce que mes actifs rattrapent.
20:16 Et ça, c'est très français.
20:17 C'est surtout vrai en France parce que les crédits immobiliers en France sont à taux
20:21 fixe, alors que dans beaucoup de pays, dans les pays anglo-saxons, ils sont à taux variable.
20:25 Donc, quand le coût de la ressource des comptes à terme augmente, il se trouve que le taux
20:29 du crédit augmente aussi.
20:30 Ce n'est pas vrai en France.
20:31 - Un mot parce qu'il nous reste une minute.
20:33 C'est ça qui explique en partie le durcissement historique des conditions de crédit en Europe
20:37 aujourd'hui ?
20:38 - Oui.
20:39 Le durcissement, il est lié à plusieurs phénomènes qui vont tous dans le même sens.
20:44 C'est ça qui est un petit peu inquiétant.
20:46 Donc, on a une hausse du coût de la ressource.
20:51 Ça va de soi.
20:52 Donc, les banques sont obligées de le répercuter.
20:53 On a un plafond, surtout en France, avec le taux de l'usure.
20:58 C'est-à-dire que le taux de l'usure augmente moins vite.
21:01 - J'ai compris.
21:02 - Donc, j'attends.
21:03 Je ne donne pas mon crédit parce que j'attends que le taux d'usure me débloque.
21:07 Les clients seraient d'accord.
21:09 Mais la banque n'a pas le droit de le faire.
21:11 On a aussi un phénomène de prise de risque parce que nous avons financé à taux bas
21:16 sur des durées extrêmement longues.
21:19 20 ans, 25 ans, quand les taux étaient très, très bas.
21:22 Donc là, on est obligé de revenir sur des durées plus courtes.
21:25 Donc, 17 ans.
21:28 Entre 17 ans et 25 ans, ça veut dire que mes échéances mensuelles, toutes choses
21:32 étant égales par ailleurs, augmentent.
21:34 Et je prélève cette échéance mensuelle supplémentaire sur mon revenu disponible.
21:39 Et ça ne passe plus.
21:40 Donc, tous les phénomènes vont dans le même sens.
21:43 Il faut un petit temps d'adaptation pour que la machine, passant de taux zéros, voire
21:48 de taux négatifs, à une courbe des taux normales, se remette en place.
21:52 - Merci, Nicolas.
21:53 - Avec plaisir.
21:54 - Nicolas Mérindol qui nous accompagnait.
21:57 Continuez Sparte.