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"Une bonne tripe le matin de bonne heure, avec un petit coup de vin blanc, [...] c'est extra" François Lemarinier est le lauréat du concours 2022 de la tripes à la mode de Caen. Pour neo, il raconte son histoire.

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00:00 Voilà, hop, on retire nos chaussettes.
00:02 Quand c'est cuit, voyez-vous, ça se détache, il ne reste plus que les os.
00:05 Voilà les quatre estomacs du boeuf.
00:06 C'est un plat familial qu'on faisait tout le temps.
00:09 À 5-6 ans, on commençait à manger de la tripe.
00:11 Ça fait 19 ans que je fais le concours de tripe à la Motte de Caen.
00:14 Deuxième, depuis 18 ans, la confrérie me dit
00:17 "Tiens, Poulidor, vas-tu gagner cette année ou pas du tout ?"
00:19 J'ai gagné cette année la tripe à la Motte de Caen, champion du monde.
00:23 Une bonne tripe, le matin de bonheur, avec un petit coup de vin blanc ou un coup de cidre, c'est extra.
00:28 [Musique]
00:37 Les tripes à la Motte de Caen, c'est du boeuf, ce n'est pas du porc, c'est rien, c'est bien du boeuf.
00:41 Et on a les quatre pences.
00:42 Donc voilà, un pied de boeuf qui a été échaudé à l'abattoir.
00:46 Donc là, le pied, je suis en train de le travailler.
00:48 C'est ce qu'on appelle enlever la quille.
00:50 La quille, c'est ça.
00:52 Et on le met dans une chaussette.
00:54 Ça nous permet de pouvoir chercher les petits os qui pourraient y avoir dedans.
00:57 Voilà les quatre estomacs du boeuf.
00:59 La caillette, si vous voyez des petits morceaux marrons un petit peu dans vos tripes, ça vient de la caillette.
01:03 Le feuillet, c'est plein de petites feuilles.
01:05 Le beunet, c'est alvéolé, comme un nid d'abeilles on dirait presque.
01:09 Et la pence, ça c'est le découpe de la pence.
01:11 On fait des carrés de 7 sur 7, ça doit fondre en bouche.
01:14 Tout vient de l'abattoir de St-Pierre-sur-Dive, à côté de chez nous.
01:18 Livré cette nuit à 5h du matin.
01:20 C'est aussi de l'eau, de l'aromate, poireaux, et des oignons et des carottes.
01:25 C'est que du normand.
01:26 Les oignons, ça vient de Douvres. Les carottes, ça vient de Luc-sur-Mer.
01:30 Moi j'ai pour principe tout ce qui est le plus près de chez nous pour cuisiner.
01:34 Et puis on a l'avantage, on a tout ce qu'il faut en Normandie.
01:37 Ça fait partie de notre éthique.
01:39 On est artisan, on se doit de travailler nos produits français.
01:44 Alors moi je ne peux pas être mieux que 100% normand.
01:47 Je suis né à Cagny, d'accord ?
01:50 Chez mes parents, à l'époque ça se faisait encore.
01:52 J'ai pas quitté Cagny, enfin bon.
01:54 L'apprentissage à Cagny, l'ouvrier Cagny, l'entreprise à Cagny.
01:58 Et je suis toujours ici à Cagny.
02:00 J'aime pas la tripe, j'aime pas la tripe.
02:02 Je dis attendez, c'est simple, vous allez goûter.
02:04 Quand on dit les Zabars, il y a des gens qui sont à l'air épuise.
02:06 Des fois la vue fait que c'est pas plus joli que ça.
02:09 Et pourtant, une bonne tripe, le matin de bonheur,
02:13 avec un petit coup de vin blanc ou un coup de cidre, c'est vraiment formidable.
02:17 Bon bah à 7h.
02:19 7h du matin, il n'y a pas d'heure pour en manger.
02:22 Il y a un cahier, une réglementation.
02:24 Il est interdit de mettre un seul alcool pour gagner la tripe à la mode de camp.
02:29 Puisque c'est un concours qui est réglementé par des huissiers de justice.
02:32 Donc là je vais vous faire voir, parce que là on a été malins, on est malins quand même.
02:36 Sachant ce petit reportage, on a fait une cuisson hier soir.
02:39 Vous pourrez pas avoir l'odeur à travers les images, mais qu'est-ce que ça sent bon.
02:44 Voilà.
02:45 Ça c'est l'étape après cuisson.
02:46 Plus de 20h.
02:47 Dans notre marmite, on fait 7 tripes, ça fait 80 kilos à peu près à chaque fois.
02:52 Là je vais dégraisser, il y a toujours un peu de graisse.
02:54 Puisqu'on met les os dedans avec la moelle, ça veut dire que la tripe à la mode de camp.
02:58 C'est un produit diététique.
02:59 Gélatineux, mais pas gras.
03:01 C'est un muscle qui se cuit tout doucement.
03:03 Et puis il faut que ça soit savoureux.
03:05 Je vais pas tout vous dire quand même.
03:07 La concurrence peut être rude.
03:09 On était quand même 149 concurrents.
03:11 Il y a une certaine fierté qui se passe.
03:13 Deuxième depuis 18 ans, la confrérie me dit "Putain, Pulidore va-tu gagner cette année ou pas du tout ?"
03:19 Parce que Pulidore n'avait jamais gagné le Tour de France.
03:21 Il a toujours été deuxième.
03:23 J'étais à Rouen et j'ai un de mes potes, il me dit "Faut que tu descendes".
03:27 Il me cherchait pour me donner mon titre.
03:29 Qu'est-ce qu'on se dit ?
03:30 Déjà on n'y croit pas.
03:32 Voilà, ce qu'on gagne quand on gagne la tripière.
03:35 C'est ça, une tripière qui est en cuivre.
03:37 Dans le temps, ils mettaient la tripe dedans, qu'ils mettaient dans le four à boulanger généralement.
03:41 Et dedans, ils mettaient de la braise.
03:42 Donc je la remettrai aux champions du monde 2023, en espérant que je la ramène.
03:49 Comme là, vous l'aviez vu, tout à l'heure, j'ai mis mes pieds dans des chaussettes.
03:54 Donc voilà les chaussettes.
03:56 On retire nos chaussettes.
03:58 Quand c'est cuit, voyez-vous, ça se détache, il ne reste plus que les os.
04:00 Alors ça reste chaud, mais on a quand même l'habitude.
04:05 Là, on est sur l'artisanal pur.
04:07 Mais de toute façon, ça, ça ne pourrait jamais être fait avec une machine.
04:09 C'est un plat familial qu'on faisait tout le temps.
04:11 C'était pas très onoreux, ça ne coûte pas si cher que ça la tripe.
04:16 5-6 ans, on commençait à manger de la tripe.
04:18 Comme mon père, il pilait, donc quand on dit piler, c'est faire du cidre.
04:21 On buvait du cidre à 4-5 ans.
04:23 Alors, ils nous le coupaient avec de l'eau, mais on buvait du cidre.
04:26 C'était sûrement même meilleur que peut-être des sirops qui sont trafiqués de base.
04:31 Vous avez vu, là, tout à l'heure, j'ai coupé mes tripes en carrés.
04:34 Mais les pieds, on ne peut pas.
04:35 Il faut attendre qu'on désosse et on essaye de faire des petits carrés, comme ça.
04:39 - Depuis votre titre, est-ce qu'on peut dire que vous êtes le roi de la tripe ?
04:42 - Je pense que oui.
04:43 À la boucherie, on faisait 50 kilos de tripe à peu près par semaine.
04:47 La première semaine qu'on gagne, on fait une tonne d'oeufs.
04:50 Et là, maintenant, on est à 500-600 kilos aux semaines, ce qui est énorme.
04:54 Je veux qu'en fin de compte, les gens mangent de la qualité.
04:58 Vous voyez où je pourrais faire le concours et puis se dire de faire moins bien.
05:01 Non, ce n'est pas possible, ça. Moi, je n'ai pas appris à ça.
05:03 Et puis, vous savez, moi, le travail, je n'ai jamais reculé devant.
05:06 J'ai 56 ans, j'aurai 57 ans au mois d'août.
05:09 Depuis l'âge de 14 ans et demi, je travaille de 6 heures du matin au plus tôt à 20 heures ou 21 heures.
05:16 6 jours sur 7 minimum.
05:18 En 5e, j'étais le dernier de la classe.
05:20 On nous avait dit, il faut le mettre sur un métier manuel, ce n'est pas la peine, c'est un échec.
05:24 Monsieur Michel Robert, maître d'apprentissage, un jour, comme ça, il dit à ma mère,
05:29 François, ce ne serait pas possible qu'il fasse apprenti boucherie.
05:32 Je n'étais plus dernier, j'étais deuxième de la classe.
05:34 Le déclic d'un être humain peut se faire comme ça.
05:37 Vous pouvez se dire, on ne sera pas partie de la première société.
05:41 Ça me fait quand même deux grosses entreprises.
05:42 On est une douzaine de personnes maintenant, tout le monde ne l'a pas.
05:45 Dans le laboratoire ici, on fait une semaine de 4 jours.
05:48 Ça permet d'avoir aussi des gens qui seraient plus à même de faire ce métier.
05:52 C'est notre vie de manger.
05:54 Il est vrai que je ne ferais peut-être pas ça si je n'étais pas passionné.
05:57 La passion, c'est de partir d'un produit basique, si on peut dire,
06:01 et d'avoir un plat au summum de la qualité, ça c'est valorisant.
06:06 J'aurais pu être boulanger, j'aurais pu être pâtissier, j'aurais donné le meilleur de moi-même.
06:11 On remue bien.
06:12 Quand vous allez manger une louche de tripe,
06:15 que vous ayez au moins les 4 pences et puis un morceau de pied ou deux.
06:18 Une bonne patate bien cuite et vous l'écrasez avec la sauce de la tripe, c'est extra.
06:23 Par exemple, une charlotte, c'est une pomme de terre qui se tient à la cuisson.
06:27 Ça a du goût.
06:28 Associer un bon vin blanc ou un bon cidre, c'est extra.
06:32 Un petit sauvignon par exemple, on les égoutte.
06:35 Là, on a 600 grammes de viande.
06:36 On remet le jus, à peu près 150 grammes, on arrête là pour plus.
06:40 Ça c'est pour deux.
06:41 Ça c'est du feuillet.
06:41 Si vous voulez goûter, on y va.
06:43 - C'est pas bon pour manger. - Pourquoi ?
06:44 Y a pas d'air pour en manger.
06:45 Ça c'est bon, regardez.
06:46 C'est extra.
06:51 On est français, on est reconnus quand même pour la gastronomie.
06:56 Je pense pas que ce soit en Amérique et que ce soit les meilleurs.
06:58 Là, on est quand même sur un territoire du débarquement
07:02 où même les étrangers, ils aiment bien découvrir la tripe à la mode de camp.
07:06 Dans le sud, ils mettent de la tomate ou des choses comme ça,
07:08 mais ça n'a rien à voir avec la nôtre.
07:10 Ça sert à rien de faire des chichipouettes-pouettes, comme je dis souvent.
07:13 Vous demandez à un grand cuisinier de cuire un oeuf ?
07:15 C'est ce qui est des fois le plus simple et le plus difficile.
07:17 Je pense que sur un point de vue gustatif,
07:20 la tripe à la mode de camp, c'est celle qui est le plus reconnue,
07:23 sans être chauvin.
07:24 L'avenir dira où on ira après,
07:26 mais à mon avis, y a de très grandes chances qu'elle soit encore à Cagny.
07:29 Y a que les Parisiens qui s'en vont.
07:31 Ils préfèrent aller en week-end à l'extérieur.
07:34 Le bien-être, c'est pas à Paris.
07:35 Aujourd'hui, c'est à Cagny.
07:36 Ça fait partie des bons villages.
07:38 Là, on s'en va à la boucherie à Cagny,
07:41 à 300 mètres de l'atelier où j'ai été pré-apprenti.
07:45 Ça fait depuis 1981, donc ça fait bien 41 ans que je suis ici.
07:51 Le pâté de campagne, le saucisson à l'ail, le boudin noir, le boudin blanc.
07:55 Vous savez, quand vous êtes même gamin et que vous gagnez une coupe
07:58 sur un tournoi de foot, vous êtes content de la faire voir.
08:00 Là, on en fait au moins 10 concours par an.
08:02 C'est un challenge, toujours être meilleur.
08:04 Vous voir où c'est qu'on en est.
08:05 Le tableau des saucissons, c'est un tableau.
08:08 Y a des gens qui achetaient des fleurs,
08:10 maintenant, ils achètent du saucisson pour offrir.
08:12 Ils ont raison, ils en profitent en même temps à l'apéro.
08:15 Chez nous, tout est vraiment du maison.
08:18 Tous nos pâtés, voyez-vous, pas de décoration de base,
08:20 mais du brut de chez brut.
08:23 Ce qu'on vend beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, c'est ça.
08:25 Le boudin noir, ça, c'est pareil.
08:28 Avec nos tripes, on en vend énormément.
08:30 Demain, c'est peut-être la retraite.
08:32 La transmission d'entreprise, la transmission du savoir,
08:35 la transmission de tout, ça se prépare.
08:37 Ce qui m'a permis de donner 30% à un de mes ouvriers
08:40 pour qu'il puisse me racheter dans 5 ans.
08:42 Ça lui donne 5 ans pour avoir la crédibilité des banques
08:45 pour me racheter derrière.
08:46 Il a été dans le même cheminement que moi,
08:47 je l'ai eu en tant qu'apprenti.
08:49 Je peux penser que si tous les artisans étaient dans la même réflexion que moi,
08:53 peut-être qu'il y aurait des portes qui ne se fermeraient pas.
08:55 Le petit mot de la fin, je dirais que...
08:58 Il est vrai que, de toute façon, dans la vie,
09:01 tout seul, on n'arrive à rien.
09:03 Soyez accompagnés et tout ira mieux.
09:06 [Rire]
09:07 [Musique]
09:15 [Générique de fin]
09:17 Merci à tous !

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