L'assassinat à Paris de la militante anti-apartheid Dulcie September, un crime impuni

  • l’année dernière
La militante sud-africaine Dulcie September a été tuée le 29 mars 1988, à bout portant, en plein cœur de Paris. Dans les années 70, elle avait été emprisonnée dans son pays pour ses activités contre le régime ségrégationniste sud-africain. À sa libération, elle avait été autorisée à quitter son pays, à condition de ne plus y revenir. Elle était devenue la représentante de l'ANC en France, le parti de Nelson Mandela et affirmait être suivie et surveillée. Que savaient les services secrets français ? Caroline Dumay, Stefan Carstens et Nadine Theron reviennent sur cette affaire.
En décembre 2022, la justice française a débouté la famille de Dulcie September qui avait assigné l'État pour faute lourde dans l’espoir de rouvrir l’enquête sur cet assassinat jamais élucidé. Dulcie September militait ardemment pour que les Européens imposent de lourdes sanctions contre le régime sud-africain et respectent l'embargo sur les armes imposé par les Nations unies. La militante a-t-elle été assassinée devant le siège de l’ANC à Paris pour avoir enquêté sur un trafic d’armes entre la France et l’Afrique du Sud ? Un trafic qui, selon elle, passait par l’ambassade sud-africaine à Paris.

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Transcript
00:00 [Générique]
00:13 C'est un crime impuni, un meurtre politique non résolu, 35 ans après les faits.
00:19 L'assassinat de la militante anti-apartheid Dulcie September, en plein cœur de Paris, le 29 mars 1988.
00:28 Avec cette question, était-elle bien sous surveillance des services secrets français ?
00:33 Et si oui, pourquoi n'ont-ils pas empêché son assassinat ?
00:37 Revenons en arrière.
00:38 Dans les années 70, et pour ses activités contre le régime ségrégationniste sud-africain,
00:44 Dulcie September avait été emprisonnée pendant 5 ans dans son pays.
00:48 Après quoi, elle avait été autorisée à quitter l'Afrique du Sud à condition de ne plus y revenir,
00:53 et elle s'était installée en Europe.
00:55 En cette année 1988, Dulcie September était la représentante de l'ANC en France,
01:01 le Congrès national africain, le parti de Nelson Mandela,
01:04 et elle militait ardemment pour que les Européens imposent de lourdes sanctions contre le régime sud-africain.
01:10 Voici l'une de ses toutes dernières interviews.
01:14 Dans les prochains mois à venir, nous allons intensifier nos actions,
01:18 tant sur le plan politique que militaire, à l'intérieur même de l'Afrique du Sud.
01:24 Est-ce que cela passe par le terrorisme ?
01:27 Nous n'acceptons pas ce mot.
01:29 C'est le régime sud-africain qui est terroriste.
01:33 Nous, notre action est politique et militaire.
01:41 Alors, est-ce pour cette action politique et militaire qu'elle a été assassinée de 5 balles dans la tête,
01:47 devant le siège de l'ANC à Paris ?
01:49 Est-ce parce qu'elle a enquêté sur un trafic d'armes entre la France et l'Afrique du Sud,
01:54 malgré l'embargo, un trafic qui, selon elle, passait par l'ambassade sud-africaine à Paris ?
01:59 Elle avait été harcelée, affirmée qu'elle était suivie et que son téléphone était sur écoute.
02:05 En savait-elle trop ?
02:07 Pire retour sur l'assassinat de Dulcé September.
02:10 C'est un reportage de Caroline Dumais, Stéphane Carstens et Nadine Théron.
02:19 Arkeuil, la Rouge, comme on l'a surnommé, était le lieu de vie préféré de l'exil de Dulcé September.
02:25 Dans cette commune ouvrière, elle se sentait en sécurité.
02:29 Elle habitait au 4e étage de cet immeuble.
02:31 Jacqueline, alors professeure d'anglais et militante anti-Apartheid, l'aidait à traduire ses communiqués.
02:37 Donc, ici vécue Dulcé September, représentante de l'African National Congress,
02:43 assassinée le 29 mars 1988 par l'Apartheid.
02:47 Voilà, hommage de la ville d'Arkeuil.
02:50 Et du point de vue travail, c'était un bourreau du travail.
02:54 Vraiment un bourreau du travail.
02:56 Elle ne laissait rien passer.
02:58 Et moi, je me souviens d'un coup de fil qu'elle m'a passé à peut-être une heure du matin, quelque chose comme ça.
03:05 Elle me dit « Tu te rends compte, il y a un chanteur qui va aller en Afrique du Sud, mais c'est pas possible.
03:11 C'est pas possible, il y a les sanctions, il faut que tu fasses...
03:15 Qu'est-ce que tu fais ? Tu roupilles ? » me dit-elle, parce qu'elle parlait très mal le français,
03:18 mais elle avait appris ce mot « roupiller ». Alors je ne sais pas pourquoi.
03:22 Donc elle me dit « Mais tu roupilles ? »
03:23 Ah ben, j'ai dit « Oui, je roupille, écoute, il est une heure du matin, on verra demain. »
03:27 Voilà, ça c'était Dulcy.
03:30 Donc c'était vraiment une personne complètement dévouée à la cause.
03:36 Moi, je l'avais surnommée l'incorruptible.
03:39 Le premier exil de Dulcy, à peine sortie des geôles de l'Apartheid, c'était Londres.
03:44 Puis elle arrive en France en 1983, fière de représenter le mouvement de libération.
03:49 Dans les derniers mois de sa vie, elle avait confié au maire communiste d'Arceuil qu'elle se sentait suivie.
03:55 Pas suffisant pour que le gouvernement français lui accorde une protection.
03:59 C'est en entrant dans ses bureaux, aux 28 rues des petites écuries, qu'elle a été assassinée.
04:07 Deux hommes l'attendaient.
04:08 Elle a été abattue en sortant de l'ascenseur de cinq balles tirées à bout portant
04:12 et d'une balle dans la nuque pour l'achever.
04:15 Des faux-peintres espionnaient le bureau depuis plusieurs semaines.
04:18 On ne les a jamais revues.
04:19 Cette militante est aujourd'hui une icône dans les banlieues métisses du Cap qui l'ont vu naître.
04:28 Elle s'était réfugiée dans le pays des droits de l'homme où elle croyait pouvoir tout dire.
04:32 Elle est la seule représentante de l'ANC à avoir été exécutée hors du continent africain.
04:37 35 ans après ce meurtre, ses amis n'ont toujours pas tourné la page.
04:44 Maître Yves Laurin, proche de l'avocat de Nelson Mandela, s'empare de la cause et ne cessera de chercher la vérité.
04:51 Il refuse la thèse de la justice française qui classe ce dossier comme une affaire de droit commun.
04:56 Il dénonce une enquête bâclée.
04:58 Il avait fallu 13 jours pour saisir un juge d'instruction.
05:02 L'unicéaire public a demandé l'arrêt de la procédure, j'en suis à peu près certain.
05:06 Et donc le juge a conclu, a conclu dans le lieu.
05:10 C'est-à-dire qu'il n'y a jamais eu d'audience publique.
05:12 Tout ça s'est passé dans des cabinets et dans des couloirs.
05:15 Il n'y a jamais eu d'audience, il n'y a jamais eu de débat.
05:19 Ça veut dire que c'est une affaire évidemment d'État, il y a la raison d'État.
05:25 Parce qu'il s'agit des relations France-Afrique du Sud pendant toute la période d'Apartheid, pendant 40 ans.
05:32 Et ce dossier-là, on ne tient pas à l'ouvrir.
05:35 À force de persévérance, maître Laurin a réussi à se faire entendre.
05:40 En novembre dernier, au palais de justice de Paris, famille et amis de Dancy étaient là pour le soutenir.
05:45 Je profite, hein ?
05:47 C'est notre communiqué de presse, là.
05:49 Je sais pas si je t'ai envoyé ça.
05:50 Si, si, si, tu m'as...
05:52 Ah ben tu m'as envoyé en français.
05:54 Merci bien.
05:56 Audience à huis clos et l'avocat n'aura que 20 minutes pour plaider.
06:00 Pour la justice française, quelles que soient les résolutions votées par la France au Conseil de sécurité de l'ONU,
06:06 le crime d'Apartheid n'est reconnu qu'à partir de la loi française de 2013.
06:12 C'est tragique.
06:13 C'est aligner la position juridique de la France sur celle du régime d'Apartheid dans les années 80.
06:23 Les deux pays, ensemble, ont régné le crime d'Apartheid.
06:27 C'est insensé pour l'image de la France.
06:30 C'est désastreux.
06:31 Il est temps que les autorités judiciaires redressent un peu la barre.
06:37 La famille de Dolce September a fait appel.
06:42 Il n'y a pas de date d'expiration pour nous.
06:46 Nous voulons que justice soit faite.
06:49 Qu'a-t-elle fait pour mériter ça ?
06:57 L'état français n'a pas été très transparent quand les membres de la commission vérité et réconciliation
07:03 chargés d'enquêter sur les crimes de l'Apartheid sont venus demander des compléments d'information.
07:09 Pourtant, Eugène Decoque, chef d'un escadron de la mort, avait déclaré en 1998
07:14 que la mort de Dolce était probablement liée aux échanges entre Paris et Pretoria.
07:20 Il avait même signalé le nom d'un ancien parachutiste français.
07:23 Jean-Paul Guerrier n'a jamais été entendu et personne aujourd'hui ne sait où il vit.
07:33 Dans les archives de l'ANC, il reste très peu de notes personnelles de la représentante à Paris.
07:42 Mission française. Et là, ce sont les lettres.
07:48 Mais le peu qu'il reste laisse penser qu'elle enquêtait sur le détournement de l'embargo sur les armes.
07:54 Ces notes, par exemple, sur un navire au départ de Bordeaux, 2000 tonnes de matériel,
07:59 faussement destiné à l'Argentine et qui arrive à Durban.
08:03 La déclassification des documents militaires sud-africains permettra plus tard de comprendre
08:08 les compromissions des gouvernements européens avec le régime de l'Apartheid.
08:12 En 2017, un groupe de chercheurs du CAP publie une enquête remarquable.
08:17 Il démontre qu'une trentaine de pays ont permis de détourner l'embargo sur les armes
08:22 avec la complicité de 200 banques.
08:26 La France était à l'époque, avec Israël, la plaque tournante des ventes d'armes.
08:30 C'est dans ce contexte que Dulcey September a été assassinée.
08:36 Grâce à l'une de nos sources, nous avons pu établir qu'un sud-africain a fait passer
08:41 l'arme du crime hors d'Europe.
08:43 Et on sait, rétrospectivement, que la police française a fait disparaître tous ses documents
08:48 importants après son meurtre.
08:51 Mais le plus important peut-être, c'est de bien comprendre les réseaux qui ont profité
08:56 de ce crime.
08:57 La société sud-africaine d'armement Armscore avait ses bureaux pendant 20 ans dans les
09:02 bureaux de l'ambassade sud-africaine à Paris.
09:05 Une trentaine de responsables, dont certains avaient des passeports diplomatiques, avaient
09:10 pour mission d'acheter et de vendre des armes à travers l'Europe.
09:14 Il y a très peu de doute, les autorités françaises le savaient.
09:17 Contacté par téléphone, Michel Roussin, ancien membre des services de renseignement
09:23 français, dont le nom est plusieurs fois mentionné dans les archives sud-africaines,
09:28 a refusé de commenter.
09:29 Il affirme n'avoir aucune information sur le meurtre de Dulcey September alors qu'il
09:34 est né en 1988 à la mairie de Paris.
09:36 L'entente cordiale entre Paris et Pretoria transcende les clivages politiques.
09:43 La centrale nucléaire de Kouberg, négociée depuis 1974 sous la primature de Jacques Chirac,
09:49 est terminée en 1985.
09:51 L'année suivante, Paris vend 66 hélicoptères Super Puma que les sud-africains adaptent
09:57 et rebaptisent Oryx, un contrat confirmé sous la présidence de François Mitterrand.
10:02 En 1987, le missile Mistral, que l'armée française n'a pas encore déployé, sera
10:08 offert aux sud-africains pour être testé en Angola.
10:10 Cet ancien militaire sud-africain que nous avons retrouvé près de Dorban nous confirme
10:20 que les guerres en Afrique australe servaient de terrain d'essai au matériel militaire
10:24 français.
10:25 - On volait dans des mirages, des avions de chasse.
10:30 On prenait des hélicoptères super frelons.
10:32 C'était les meilleurs du monde.
10:33 J'adorais ce matériel.
10:34 J'ai été entraîné dans un Panhard français, un véhicule militaire de combat français.
10:39 En 1987, cet homme avait été recruté par les services secrets sud-africains pour mener
10:44 les opérations en Europe.
10:46 Il voyageait sous un faux nom, Roger Cronin, et il nous montre volontiers ses archives.
10:50 - Voilà le niveau de détail sur lequel nous travaillons.
10:54 Vous reconnaissez bien ici, sur les plans.
10:59 Regardez, ça, c'est l'étoile.
11:01 Il supervisait les missions dans toute l'Europe jusqu'en 1990.
11:07 Il affirme avoir été surpris par l'assassinat de Dulcey September, qu'il qualifie aujourd'hui
11:13 de malheureux.
11:14 - Je n'ai jamais eu l'information que les services secrets soient impliqués dans cette
11:19 opération.
11:20 Bien sûr, on dit que l'Afrique du Sud essayait de terroriser les militants pour déstabiliser
11:25 la ANC.
11:26 Maintenant, je peux vous dire que, de mon point de vue, de ma perspective d'opérateur,
11:33 cette opération était contre-productive.
11:35 Nous, on voulait que nos ennemis se sentent à l'aise.
11:40 On adorait la surveillance électronique.
11:42 On plantait des micros dans tous les bureaux.
11:44 Cela nous permettait de récolter énormément d'informations.
11:47 Et là, on a quelqu'un qui sème le chaos parmi les militants de l'ANC en exil.
11:51 Ils deviennent obsédés par la sécurité et ils ne parlent plus comme avant.
11:55 Donc, cela s'avère contre-productif pour nous.
11:59 Mais ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est qu'on avait aussi des cow-boys.
12:06 Les cow-boys occupaient le terrain.
12:07 Et ils étaient extrêmement nationalistes.
12:11 Ils étaient d'extrême droite, presque néo-nazis.
12:14 Le régime de l'Apartheid avait sa cinquième colonne, composée de mercenaires, la plupart
12:20 agents doubles, qui travaillaient tant pour Paris que pour Pretoria.
12:24 L'un d'entre eux, Richard Rouget, ancien militant d'extrême droite, a été le premier
12:29 accusé dans l'affaire September.
12:30 Nous l'avons rencontré en Afrique du Sud.
12:33 Il affirme avoir été victime d'une guerre des services.
12:36 Quand il travaillait avec Bob Donnard au Comores, il était payé par les Sud-Africains,
12:41 qui se servaient de l'île pour faire transiter les armes avant de les laisser naviguer tranquillement
12:47 vers l'Afrique du Sud.
12:50 Ces trafics sont maintenant connus des anciens militants anti-Apartheid.
12:55 Ce Sud-Africain a longtemps travaillé en clandestinité.
12:59 Il a rencontré Dolce September.
13:00 Il savait qu'elle était exposée.
13:02 Dolce a dû rendre compte de ce qu'elle savait à Londres.
13:10 Elle a dû envoyer des messages au plus haut placé là-bas.
13:16 Et ce que nous savons aujourd'hui, c'est qu'il y avait des agents doubles, des maillons
13:21 faibles, des gens qui informaient l'ennemi, parfois même sans le savoir.
13:26 Et il nous montre dans son agenda le nom de Solly Smith, l'adjoint de Dolce September,
13:38 dont on sait aujourd'hui qu'il avait servi d'informateur à la police de l'Apartheid.
13:44 L'organisation était infiltrée.
13:46 Et certaines personnes le savaient.
13:49 Pourquoi n'ont-ils jamais rien dit ? Est-ce qu'ils cherchaient à protéger des membres
13:57 au placé de l'ANC, bien du Parti communiste sud-africain ?
14:02 Du côté de l'ANC, on est réticents à évoquer ces heures sombres.
14:08 Les anciens présidents Tabumbeki, longtemps en exil à Londres, ou Jacob Zuma, clé de
14:14 voûte de la lutte clandestine, ne se sont jamais exprimés.
14:17 Une seule personne a accepté de nous recevoir, ancien combattant de la lutte armée, responsable
14:23 des renseignements du mouvement homo-zambique.
14:25 L'ANC était parfaitement au courant de tout ce qui se passait.
14:32 On en sait beaucoup plus que vous ne pouvez l'imaginer.
14:35 Mais en France, vraiment, il y avait un climat de droite dur.
14:38 Et ce genre de climat facilite le recrutement de soutien de l'Apartheid.
14:42 Il ne risquait rien dans ce pays.
14:44 Il pouvait opérer facilement.
14:45 Cela aurait été beaucoup plus compliqué s'il y avait un risque.
14:49 Mais il ne prenait aucun risque.
14:50 Il n'y avait aucun risque à l'époque et aucun risque maintenant.
14:54 Tous les ans, le 29 mars, on honore après Toria la mémoire de Dulci September.
15:03 Son nom est gravé dans le mur des héros.
15:07 Sa brique figure parmi les 75 000 autres briques des victimes de l'Apartheid.
15:13 Et tous les ans, une personnalité lance un nouvel appel.
15:17 Les mots ne suffisent plus.
15:22 Il faut maintenant agir.
15:24 Et ce sont nous, citoyens sud-africains, qui devons faire pression sur notre gouvernement
15:34 pour qu'il approche le gouvernement français et qu'il dise
15:36 "Nous voulons ces documents qui appartenaient à Dulci September
15:40 et qui ont été confisqués par la police française".
15:43 Police.
15:45 Une enquête policière a été ouverte cette année en Afrique du Sud.
15:48 La famille espère que les deux pays vont enfin coopérer.
15:52 Si aucune cour française ne veut entendre notre cas,
16:00 nous envisageons d'approcher la Cour européenne des droits de l'homme.
16:08 Avec l'épreuve du temps, les mémoires s'estompent et le témoin meurt.
16:12 Ironie de l'histoire, celle qui s'est battue toute sa vie
16:15 pour exposer la vérité d'un régime oppressif
16:18 risque d'être victime à jamais d'un déni de justice.
16:24 Et voilà pour ce reportage.
16:25 35 ans après l'assassinat de Dulci September.
16:30 A retrouver sur France24.com.
16:32 A très vite pour un nouveau numéro de Birodo.
16:35 [Musique]

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