• l’année dernière
Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.Le 23 août 2015, la mère de Laurence Dézélée décède. Conformément à son souhait, son corps est légué à la science, à l’université Paris-Descartes rue des Saints-Pères. Mais quatre ans plus tard, sans qu’elle ne soupçonne quoi que ce soit, une enquête de L’Express révèle l’impensable. L’établissement abritait depuis des années un vaste charnier. Pour Yahoo, cette femme, dont la vie a été brisée, a accepté de se livrer sur ce scandale. Comme beaucoup d’autres, elle a fait part de son combat pour comprendre dans quelles conditions sordides a fini la dépouille de sa mère.Au total, quelque 170 personnes ont porté plainte dans le cadre de cette affaire. Pour rappel, le don du corps consiste à donner le sien au moment du décès à des fins d'enseignement et de recherche. La décision doit être prise de son vivant et le consentement exprimé par écrit.

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Transcription
00:00 ma mère, qui est décédée en août 2015, a décidé de donner son corps à la science.
00:06 Au centre du don des corps, de Paris-Descartes, j'ai découvert qu'elle avait été dans
00:10 un charnier.
00:11 Ma maman est décédée le 23 août 2015.
00:18 Son corps a été transféré à Descartes le 24 août au matin.
00:21 Elle m'avait prévenu qu'à son décès, elle deviendrait un numéro.
00:24 Et c'est ce qui s'est passé.
00:25 Elle m'avait dit que je n'aurais aucune nouvelle.
00:27 C'est aussi ce qui s'est passé, jusqu'à ce que j'apprenne par la presse le scandale
00:33 du charnier Descartes.
00:34 Donc aujourd'hui, je n'ai pas énormément d'informations sur ce qu'elle est devenue,
00:38 puisque la faculté refuse de me le dire, mais qu'un courrier a été envoyé à mon
00:41 père pour lui donner une date de crémation et une date de dispersion des cendres au cimetière
00:47 de Thiers.
00:48 On ne sait pas si ce qu'on a obtenu est vrai ou pas.
00:49 D'autres familles ont eu des dates, mais en appelant plusieurs fois de suite, ils ont
00:52 eu des dates contradictoires.
00:53 Donc on ne peut plus faire confiance, on ne sait pas.
00:56 Je sais qu'elle n'a servi ni à la dissection, ni à la recherche.
01:00 Mais à quoi est-elle servie ?
01:01 Le lendemain du décès de ma maman, elle est décédée un dimanche, et le dimanche,
01:05 évidemment, le centre du don des corps est fermé.
01:06 Donc on m'a expliqué que son corps allait devoir reposer à la morgue de l'hôpital
01:10 pendant une nuit, et qu'on allait venir la chercher le lendemain matin.
01:13 J'ai donc négocié de pouvoir venir quand même le lendemain matin, lui dire un dernier
01:17 au revoir avant qu'on me l'enlève, ce que j'ai obtenu.
01:20 Et depuis, à tel été, jusqu'au centre du don des corps, je n'en suis même pas
01:25 sûre.
01:26 Quand je suis sortie de ce scandale dans la presse, quand j'ai appelé la morgue,
01:30 on m'a dit qu'il n'y avait pas de trace d'elle et qu'elle n'avait jamais séjourné
01:32 là-bas.
01:33 Alors que je sais qu'elle y était, puisque j'y ai été la voir.
01:35 Ça veut dire que je peux tout croire, tout soupçonner maintenant.
01:38 Qu'est-ce qui me dit qu'elle n'a pas été l'objet d'une commande, et qu'elle
01:42 n'a finalement pas atterri ailleurs qu'au centre du don des corps ?
01:45 Est-ce qu'il n'y avait pas une complicité entre la chambre mortuaire et le transporteur
01:49 de corps ? Est-ce qu'il n'y avait pas un business ?
01:50 Une commande de corps, peut-être.
01:52 Peut-être une commande de pièces anatomiques.
01:53 Peut-être des dissections sauvages, cachées, clandestines.
01:57 Peut-être, comme disait mon avocat, encore pire.
02:00 On parle de messes noires.
02:02 Même si c'est très tabou, il paraît que ça existe encore.
02:04 Alors évidemment, au fil de mes recherches, lorsque j'ai appris toute cette histoire
02:08 sordide, je me suis mise à fouiller un peu partout.
02:10 Et avec tout ce que j'ai pu recueillir, évidemment, tout le monde pourra le vérifier
02:13 dans ce qui a été publié.
02:15 Ce qui se passait à Descartes, c'était inimaginable.
02:18 Imaginez que dans un quartier aussi chic que la rue des Saint-Père, au cinquième étage
02:23 de cette faculté de médecine, il pouvait y avoir des choses aussi affreuses.
02:25 Comment pouvoir l'imaginer ? Des corps démembrés à même les couloirs, des chambres
02:31 froides qui ne réfrigéraient plus, des poignées de porte qui ne se clanchaient plus parce
02:34 qu'elles étaient pleines de rouille, pas de climatisation dans les salles de dissection,
02:38 le soleil qui tape sur les vitres et sur les corps, des gens qui viennent disséquer,
02:43 qui ouvrent des corps avec des verres qui sortent, des corps contaminés au VIH qui
02:46 sont donnés à disséquer à des étudiants, des préparateurs de corps un peu fous qui
02:52 s'amusent avec des morceaux de corps qui se donnent des claques.
02:54 Il y en a un qui pissait sur les têtes, paraît-il.
02:57 Comment on peut imaginer un truc pareil au XXIe siècle en France, pays civilisé soi-disant.
03:02 Depuis les révélations de l'existence de ce charnier en 2019, je dois dire que ma vie
03:08 a complètement basculé.
03:10 Il y a déjà beaucoup de nuits qui ont du mal à être calme, à être sereine dans
03:13 le sommeil.
03:14 Des fois, il y a des nuits sans sommeil du tout.
03:16 Évidemment, j'ai refusé de prendre des traitements puisqu'on m'en a proposé.
03:19 Et dès le premier temps, j'ai eu beaucoup d'images qui revenaient de ce charnier, des
03:24 réveillants sursauts avec des corps, la tête à l'envers.
03:29 Ça vient des photos que j'ai vues, puisque j'ai vu des photos du charnier.
03:32 Beaucoup de gens me disent qu'il n'aurait pas dû aller regarder ces photos.
03:36 Mais si c'était à faire à nouveau, je le referais exactement pareil parce que ce
03:42 qui m'a animée dans cette volonté de voir les photos, c'est que je cherche ma mère
03:45 toujours.
03:46 Je vais essayer de la retrouver et je me dis que si j'ai eu une chance de la voir et
03:50 de voir ce qu'ils en ont fait, au moins je saurais qu'elle était là déjà, qu'elle
03:53 n'a pas fait l'objet d'un trafic ailleurs, qu'elle a bien été au centre du don, première
03:57 chose.
03:58 Et deuxième chose, je veux savoir ce qu'ils en ont fait.
04:00 Ils ne veulent pas me le dire, mais moi, je veux savoir quelle que soit la photo.
04:03 De toute façon, rien ne sera plus difficile que de ne pas savoir.
04:06 Donc ma vie depuis est assez difficile quand même.
04:09 J'ai été suivie un temps par un psy que j'ai pris, puisque nous, on ne nous a rien
04:13 proposé, on n'a aucune aide.
04:15 Donc j'arrive à survivre, mais c'est dur.
04:17 Et le fait d'écrire m'a fait beaucoup de bien par contre.
04:19 Ça m'a permis de déverser un petit peu tout ça, d'avoir quelque chose d'abouti,
04:25 d'écrit, de pérenne.
04:26 Plus jamais, personne dans le futur pourrait dire que ça n'a pas existé, parce que c'est
04:30 là, c'est posé maintenant.
04:31 Donc j'ai deux jumelles, deux filles qui ont maintenant 19 ans.
04:35 Au début de cette histoire, quand j'ai découvert l'existence du charnier, j'ai tenté de
04:39 leur cacher le plus de choses possibles.
04:41 Évidemment, c'était sans compter leur finesse d'esprit.
04:45 Elles ont vu que ça n'allait pas bien, que leur maman n'était plus comme avant.
04:48 Et puis surtout, elles se sont intéressées à l'actualité.
04:50 Et elles ont appris ce qui s'était passé.
04:53 Donc elles ont voulu savoir, pas trop de choses, mais un petit peu quand même.
04:57 Donc j'ai essayé de les épargner vraiment le plus possible.
04:59 Là, elles m'ont demandé mon livre.
05:02 Elles m'ont demandé à le lire.
05:04 Donc je vais leur donner.
05:05 Aujourd'hui, j'ai eu un témoignage très intéressant d'un préparateur de corps
05:09 que j'ai rencontré pour mon livre.
05:11 Il m'a envoyé un message très sympa.
05:13 Et il m'a dit que j'avais réussi à trouver les mots pour décrire l'horreur qu'il
05:17 y avait à Rue des Saint-Père sans heurter les gens.
05:21 Donc j'espère qu'elles vont pouvoir le lire sans être trop heurtées par ce que
05:24 j'ai écrit justement.
05:25 [Générique]
05:27 Merci.

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