En cette veille du 8 mai, la matinale week-end s'interroge sur les forces armées du pays : "Où va l'armée française ? Pourquoi la France se réarme-t-elle ? La spécialiste de l'armée et historienne Bénédicte Chéron et le général Jérôme Pellistrandi étaient les invités de la matinale de France Inter, dimanche 7 mai.
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00:00 Question ce matin sur l'armée française.
00:02 Quelle vocation désormais ? Quel moyen ? Dans quel but donc ?
00:05 Eh bien on va en parler avec nos deux experts.
00:07 Bénédicte Chéron, vous êtes historienne, maître de conférence à l'ICP, l'Institut
00:12 catholique de Paris, spécialiste des armées.
00:14 Et le général Jérôme Pili-Strandi, rédacteur en chef de la revue Défense Nationale.
00:20 Bonjour à tous les deux.
00:21 Bonjour.
00:22 Bénédicte Chéron, les Français se sont longtemps crus protégés par la meilleure
00:27 armée du monde.
00:28 Dans les faits aujourd'hui, est-ce encore le cas ?
00:31 Alors je ne sais pas si les Français se sont longtemps crus protégés par la meilleure
00:34 armée du monde parce qu'en fait même du temps de la guerre froide et de l'armée
00:37 de conscription, ça n'allait pas forcément de soi.
00:41 Ça dépend vraiment des périodes et de perceptions qu'ont les Français.
00:45 Ce qui est certain c'est qu'en fait les opérations extérieures du début du 21e siècle, l'enchaînement
00:50 de l'Afghanistan, du Mali, du Sahel, ont amené une beaucoup plus forte médiatisation
00:57 de ce que font les armées en opération et aussi en conséquence une plus forte médiatisation
01:03 de leur fragilité, du manque de moyens, du manque de matériel.
01:08 Et en fait les réductions budgétaires successives sont devenues très visibles et très palpables.
01:12 Et c'est dans le contexte du déploiement de la violence guerrière à l'est de l'Europe,
01:19 et bien ces choses visibles depuis quelques années prennent une sensibilité nouvelle
01:25 dans le débat public, même si les questions militaires demeurent quand même, alors on
01:30 en parle ce matin et je vous en remercie, mais c'est vrai, l'objet d'un débat public
01:34 assez faible en France pour des tas de raisons.
01:36 Et donc c'est souvent des choses qui sont assez peu connues de la population.
01:39 On va en parler ce matin.
01:40 Emmanuel Macron a fait le choix de réarmer la France.
01:42 On va en parler dans un instant.
01:43 Mais d'abord expliquez-nous, Nédic Chéron, pourquoi tous ses prédécesseurs depuis les
01:48 années 70 pratiquement ont préféré désarmer le pays ?
01:52 Il y a des raisons toujours très variées dans ses choix.
01:57 D'abord, comme tout choix budgétaire, ça engage des questions, précisément budgétaires,
02:01 des questions de politique intérieure, des questions d'opinion publique, de perception
02:05 par l'opinion publique de l'opportunité de ses dépenses, et puis des questions géopolitiques,
02:10 stratégiques, internationales.
02:11 Précisément, pourquoi on a désarmé ?
02:14 Et bien parce qu'on a considéré, notamment à partir des années 1990, qu'on entrait
02:21 dans une période nouvelle, une période faite de paix pour l'Europe, d'une paix libérale
02:27 qui donnait envie et qui donnait envie aux Européens, pour des tas de raisons tout à
02:31 fait légitimes.
02:33 Et on a estimé qu'il n'était plus forcément nécessaire d'entretenir une armée comme
02:38 on l'entretenait auparavant.
02:39 La difficulté, c'est qu'on est entré aussi dans une période où on a un peu tout réduit
02:44 d'un coup, à la fois les moyens matériels, à la fois les moyens humains, et où le modèle
02:47 d'armée a considérablement évolué, on est passé d'une armée de conscription à
02:52 une armée professionnelle, sans que ce qui avait été annoncé au moment de la professionnalisation
02:56 ne soit finalement tenu, pour arriver à cet état en fait de la fin des années 2000,
03:02 où bien les armées disciplinées, et n'ayant pas trop droit à la parole, on le sait, ont
03:08 tout accepté, tout mis en œuvre, sans que les conséquences ne soient forcément anticipées.
03:14 - Général Jérôme Pellistre en dit, qui a pris exactement cette décision dont on
03:19 est en train de parler, de réduire nos investissements militaires pendant toutes ces années ? Est-ce
03:22 que ce sont les politiques qui ont estimé qu'effectivement c'était plus nécessaire,
03:25 ou est-ce que ce sont les généraux, les états-majeurs, qui eux aussi ont jugé qu'on
03:30 n'en avait plus besoin ?
03:31 - Souvenez-vous d'une expression employée par un ancien Premier ministre lorsqu'il
03:36 était en fonction, il était temps de toucher les dividendes de la paix.
03:38 - Qui a dit ça, rappelez-nous ?
03:41 - C'était Laurent Fabius lorsqu'il était Premier ministre.
03:43 Et donc à partir de là, on a eu effectivement, comme le dit très bien Bénédicte Chéron,
03:48 à la fois le passage à une armée professionnelle, donc la fin de la conscription, qui était
03:53 un des piliers historiques de notre défense depuis en fait, en gros, la fin du XIXe siècle,
03:57 et la défaite de la France contre à l'époque la Prusse, devenue l'Allemagne, et donc
04:05 armée d'une conscription à une armée professionnelle, sans pour autant effectivement que tous les
04:10 moyens soient accordés.
04:11 - Donc c'est le politique qui décide, mais le militaire ne dit pas non.
04:15 - Le militaire, non.
04:17 On est sous la Ve République, c'est bien l'autorité politique qui décide et qui demande
04:22 aux militaires en gros, quel est le bras qu'il faut couper, comment faire.
04:27 Et il faut souligner que les chefs militaires, on va dire des périodes 2000 jusqu'à en
04:31 gros 2015, ont essayé de préserver au maximum les capacités de l'outil de défense, en
04:38 gros, pratiquer un peu le bonsaï, mais de préserver les capacités, ce qui nous permet
04:44 d'ailleurs d'envisager une remontée en puissance.
04:47 - Préserver les capacités ? Je fais le bilan, la feutre d'hélicoptère, elle est dans un
04:50 état déplorable, nos chars sont en berne, nous sommes en retard sur les drones, notre
04:54 parc aérien serait comparable à celui de Singapour, on a préservé quoi ?
04:59 - On a préservé notamment les savoir-faire et les hommes et les femmes capables de mettre
05:04 en œuvre.
05:05 Ça c'est un point extrêmement important.
05:06 Il est vrai qu'effectivement, et vous avez raison, il faut souligner le fait que les
05:11 matériels, ça coûte cher, ce qui coûte cher aussi c'est leur entretien, et vous savez
05:16 quand on fait, c'est comme quand vous avez une grande demeure, que vous n'avez plus les
05:21 moyens de l'entretenir, vous allez laisser tomber un petit peu les pièces du haut, puis
05:26 le sous-sol, et puis vous préservez sur la cuisine.
05:29 - Donc on a un vrai problème de matériel aujourd'hui en France ?
05:32 - On a eu.
05:33 Alors il y a aussi le fait que la sophistication des matériels rend leur entretien très compliqué.
05:39 Je vais prendre une comparaison très simple.
05:41 Nos voitures aujourd'hui sont bourrées d'électronique et d'informatique, et il est fini le temps
05:46 où vous pouviez en quelque sorte faire votre vidange vous-même, je ne parle pas des questions
05:50 de pollution, mais c'est fini.
05:53 Donc un entretien coûte cher.
05:55 Et quand on essaye de faire des économies, on dit "tiens on va essayer d'étaler", et
06:01 au final ces matériels peuvent tomber en panne, il y a une fragilité indéniable.
06:04 - Un exemple général, celui des munitions, et d'ailleurs l'exemple de Wagner en Ukraine
06:09 est éloquent.
06:10 Wagner reproche à Moscou de ne plus envoyer de munitions.
06:14 En France on ne fabrique plus de munitions.
06:16 On se rend compte qu'on en a besoin aujourd'hui dans les conflits en Ukraine.
06:19 On s'est donc trompé ?
06:20 - Alors oui, oui et non.
06:21 On ne fabrique plus en France de munitions de petit calibre.
06:25 - Ça veut dire quoi ?
06:26 - Le petit calibre c'est ce que l'on met par exemple dans les pistolets automatiques,
06:30 dans les fusils.
06:31 On continue à fabriquer des munitions, des obus de 155 mm, ceux qui sont utilisés notamment
06:36 en Ukraine, mais à une cadence qui effectivement était relativement limitée.
06:41 - Les canons aussi, on met beaucoup de temps à les fabriquer ?
06:43 - Alors oui, vous prenez l'exemple effectivement du canon César.
06:46 Avant la guerre en Ukraine, il fallait à peu près 36 mois entre la commande et la
06:52 livraison du canon.
06:54 Il y a le véhicule, le tube, c'est complexe.
06:57 Et bien depuis un an, on a réduit, on en est maintenant à moins de 18 mois.
07:02 Et ça veut dire que l'industriel a dû se réorganiser pour pouvoir produire davantage.
07:07 - Bénédicte Chéron, Emmanuel Macron a donc décidé de redonner un cap à l'armée française
07:14 avec un budget en hausse, une stratégie.
07:15 Que retenez-vous d'ailleurs de la dernière loi de programmation militaire présentée
07:20 il y a quelques semaines ?
07:21 - On en retient effectivement qu'il y a des annonces budgétaires très nettes sur des
07:25 augmentations, mais on voit bien que le contenu de ces annonces, c'est toujours le débat.
07:30 Parce qu'en fait, le choix d'augmenter budgétairement, d'augmenter le budget des armées, c'est
07:35 un choix politique.
07:36 Et on voit en France qu'en raison de ce qu'est la constitution de la Vème République,
07:40 qu'en raison aussi de la place du fait militaire dans notre société, une fois qu'on a donné
07:45 un chiffre, il y a finalement assez peu de débats sur ce chiffre lui-même, sur son
07:49 contenu, sur ce qu'il recouvre.
07:50 Or un chiffre budgétaire ne dit rien de l'usage, de l'efficacité qu'il va avoir.
07:57 Donc on peut retenir un tas de choses.
07:59 On peut retenir qu'il va effectivement y avoir des augmentations sur certains matériels,
08:02 mais pas sur d'autres.
08:03 On peut retenir qu'on promet davantage de réservistes, mais on voit bien que la réserve
08:08 est aussi un petit peu, avec tout le respect que j'ai pour les réservistes, qui font beaucoup
08:12 de bon travail, mais parfois la variable d'ajustement de recrutement qu'on ne veut pas faire parce
08:20 que recruter massivement pour une armée professionnelle, ça coûte cher, parce que c'est du frais
08:24 de formation, des frais d'équipement.
08:27 Et finalement, une des difficultés probablement, c'est que dans le débat public, il n'y a
08:31 pas de point très saillant de cet LPM et on a l'impression qu'il y a une myriade de
08:35 petites priorités sans choix qui soient absolument clairs.
08:38 Et voilà, l'objet des semaines qui viennent, ça va probablement être de pouvoir davantage
08:43 expliquer le contenu de cet LPM.
08:45 La loi de programmation militaire.
08:47 La loi de programmation militaire, mais il est dommage et regrettable qu'en fait il n'y
08:51 ait pas davantage de débat public sur cet LPM parce qu'on est dans des périodes de
08:55 contraintes budgétaires.
08:56 Comme on le sait, le débat politique est très aigu sur le sujet.
08:59 Et en fait, c'est devenu un objet très consensuel parmi le personnel politique, le fait qu'il
09:04 faille augmenter les dépenses de défense.
09:07 Mais c'est quelque chose de très impalpable, de très lointain pour la population française.
09:12 Et donc, sans ce débat public qui vienne rendre les choses un peu plus claires et concrètes,
09:16 il y a une difficulté de compréhension.
09:17 Parce qu'en fait, ce qu'on se demande, ce qu'on se dit, c'est il y a un danger imminent
09:22 pour qu'on soit dans une telle procédure, dans un tel moment, dans une telle période
09:26 d'accélération.
09:27 Vrai ou faux ? Il y a un danger ou pas ?
09:29 Il y a une myriade.
09:30 En fait, le travail des gens qui travaillent dans les milieux de défense, des militaires
09:34 et des civils, c'est d'anticiper ce qui peut se produire pour la nation française.
09:39 Et donc ?
09:40 Et d'anticiper un certain nombre de scénarios.
09:42 Et en fait, la difficulté dans les quelques semaines qui viennent de s'écouler sur cette
09:45 loi de programmation militaire, c'est qu'on voit qu'on est passé d'un moment où on
09:48 nous a dit "ouh là là, si on était envahis comme l'Ukraine est envahie, nous ne saurions
09:52 pas nous défendre".
09:53 Ce qui est une vision un peu simpliste des choses.
09:56 Parce que la France est une puissance nucléaire, parce que nous ne sommes pas à la frontière
09:59 de la Russie, contrairement à l'Ukraine.
10:01 Donc, le scénario d'invasion identique est assez peu envisageable.
10:06 À un moment où c'est vrai que du côté du ministère des Armées, il a été répondu
10:09 "oui, mais précisément, nous sommes une puissance nucléaire, donc nous n'avons pas
10:12 besoin de moyens dont nous aurions besoin si nous étions envahis".
10:15 Et on a un peu oublié qu'en fait…
10:17 Et Emmanuel Macron, en même temps, nous dit l'année dernière, en juin 2022, il faut
10:22 entrer dans une économie de guerre.
10:23 Voilà.
10:24 On ne comprend pas pourquoi il a utilisé ces mots-là.
10:26 En fait, on a une espèce de débat totalement polarisé entre des scénarios gravissimes,
10:31 celui de l'invasion, et puis finalement, la tranquillité, nous sommes sous parapluie
10:35 nucléaire, tout va bien, sans toute la gamme d'emplois des armées intermédiaires, en
10:41 fait, entre les scénarios gravissimes et un autre scénario gravissime qui est l'emploi
10:46 de l'arme nucléaire ne soit présenté aux Français.
10:49 Par exemple, on n'explique jamais que, heureusement, il faut que nous disposions d'autres moyens
10:54 militaires que l'arme nucléaire pour pouvoir répondre à un certain nombre de menaces,
10:59 autrement que par l'arme nucléaire.
11:00 Et en fait, ces scénarios-là sont assez peu explicités, assez peu présentés.
11:04 Il y a une espèce de grande pudeur politique parce que c'est plus simple aussi de garder
11:08 ces débats dans un cercle assez fermé.
11:11 Et donc, finalement, on passe de l'économie de guerre à, finalement, nous avons l'arme
11:16 nucléaire, sans qu'il y ait des scénarios qui soient explicités et présentés.
11:20 Général Pélistrandi, le ministre de la Défense, le cornu, l'a dit en présentant
11:25 sa loi de programmation militaire, c'est un budget pour faire face aux nouvelles menaces
11:30 qui pèsent sur la France.
11:32 On a envisagé, on vient de l'entendre, éventuellement d'être envahis, bon, c'est pas d'actualité,
11:37 quelles sont les nouvelles menaces qui pèsent sur la France ?
11:39 Je vais prendre un exemple extrêmement concret.
11:42 Cette semaine, il y a eu une cyberattaque contre le site internet du Sénat qui a été
11:46 revendiqué par des hackers prorusses.
11:49 Donc, voilà un exemple de menace dans lequel il faut avoir des outils pour pouvoir contrer
11:55 ce type de menaces.
11:56 Donc, même si dans le cas où ne serait-ce que, par exemple, les attaques contre les
12:02 hôpitaux, les cyberattaques contre les hôpitaux, on a également le fait que l'espace,
12:08 un lieu de confrontation, le domaine maritime, on sait que les Russes, mais aussi les Chinois,
12:17 passent très près de certains câbles sous-marins par lesquels transite internet, et donc une
12:22 partie de notre économie.
12:23 Donc, les menaces, elles sont nombreuses.
12:26 Les menaces s'élargissent et c'est là l'une des problématiques, effectivement.
12:30 Alors, c'est difficilement quantifiable et explicable parce qu'effectivement, on
12:33 peut commander 20 avions de combat, c'est visible.
12:38 Développer des capacités pour protéger des câbles sous-marins, ce n'est pas très
12:42 visible.
12:43 Mais là, on a quand même l'impression qu'on s'agit avec l'opération Orion 23,
12:46 par exemple.
12:47 Ça faisait des années qu'on ne faisait plus ce genre d'opération un peu partout
12:49 en France, dans différentes régions.
12:50 Pourquoi on n'en faisait plus et pourquoi là, tout à coup, on a refait quelque chose
12:54 avec de très grande ampleur ?
12:56 Oui, vous avez tout à fait raison.
12:57 Et ce qui est très intéressant, c'est qu'un exercice comme Orion 23, c'est un exercice
13:01 qui a été décidé il y a déjà cinq ans.
13:03 C'est-à-dire qu'il y a eu la prise de conscience, notamment à l'époque par le
13:08 général Burkhardt, qui était chef d'état-major de l'armée de terre, qui est maintenant
13:10 chef d'état-major des armées, qu'il fallait retrouver des capacités de combat de haute
13:16 intensité, indépendamment de ce qui s'est passé en Ukraine.
13:19 Et donc, l'exercice Orion permet de mettre sur le terrain toutes les capacités, y compris
13:24 logistiques.
13:25 Et c'est extrêmement riche d'enseignements parce que cela permet de voir quels sont nos
13:30 points forts, mais aussi quelles sont nos faiblesses et là où il va falloir travailler.
13:35 Par exemple, on sait que la logistique constitue un problème majeur.
13:41 Et cette logistique, on le voit, les Russes y sont confrontés, les Ukrainiens y sont
13:45 confrontés.
13:46 Et donc, nous devons nous y préparer.
13:47 L'exercice Orion y contribue directement.
13:49 Bénédicte Chéron, l'indépendance et la grandeur de la France, telle que le vante
13:54 aujourd'hui le chef de l'État.
13:56 C'était aussi les anciens maîtres mots de la défense française.
14:01 Emmanuel Macron veut les remettre au goût du jour.
14:03 Est-ce que ces valeurs morales tiennent encore aujourd'hui ?
14:06 Par valeurs morales, vous entendez celle de la population française ?
14:11 Comment c'est perçu par le peuple aujourd'hui ?
14:14 Oui, les militaires sont plutôt une très bonne image dans la société française.
14:19 Une bonne image comme dans l'ensemble des sociétés d'Europe occidentale, il faut
14:24 le préciser.
14:25 Mais avec quelque chose en plus, si je puis dire, pour la situation française, c'est
14:30 qu'effectivement, on est une puissance nucléaire et qu'on tient à cette place, sur la place
14:35 de la puissance militaire dans le monde.
14:38 Donc, les armées ont plutôt une bonne et une très bonne image.
14:41 Mais j'ai souvent l'habitude de dire, en fait, les militaires savent qu'ils sont aimés,
14:44 mais ils ne se savent pas forcément compris.
14:46 Et on voit effectivement, pour les Français, il y a une très bonne image des armées,
14:52 avec souvent une assez forte incompréhension, parce qu'il y a une distance de ce que vivent
14:56 les militaires sous l'uniforme, de ce qui fait l'engagement militaire.
14:59 C'est sans doute plus clair aujourd'hui qu'il y a une vingtaine d'années, mais
15:02 il est vrai que pour les autorités politiques, afficher du militaire, c'est quelque chose
15:08 de très rentable politiquement.
15:10 La loi de programmation militaire, elle veut embaucher, elle veut recruter 6500 militaires.
15:15 Engagez-vous ! Est-ce que ça a encore du sens pour un jeune français aujourd'hui, ça ?
15:20 Alors oui, les armées ont un recrutement plutôt qui, en France, est meilleur que chez
15:25 les voisins, même s'il y a des difficultés, notamment des difficultés récentes, où
15:30 il y a un peu moins de candidatures au recrutement.
15:32 J'ai dit un jeune français, j'aurais dû dire une jeune française aussi, bien sûr.
15:36 Exactement.
15:37 Alors évidemment, filles et garçons sont recrutés.
15:38 Donc ça, c'est quelque chose qui fonctionne encore, mais c'est quelque chose qui fonctionne
15:44 avec des difficultés de fidélisation, des difficultés à conserver les compétences
15:49 en interne, notamment quand les carrières avancent et que ceux qui sont sous l'uniforme
15:55 se rendent compte que les suggestions de la vie militaire, comme on dit, ne sont pas si
15:59 simples à supporter, à encaisser, notamment pour la vie de famille.
16:03 Et en fait, on voit qu'on est dans des équilibres un peu délicats, où ça a du sens.
16:08 Clairement, ça a du sens.
16:09 C'est un sens qui est plutôt reconnu dans la société française, mais un sens qui mérite
16:14 toujours reconnaissance pour que ça fonctionne.
16:16 Et avec, dans une alchimie un peu compliquée, entre la reconnaissance matérielle, c'est-à-dire
16:21 les revenus, les conditions de vie matérielles, et puis la reconnaissance symbolique, qui
16:26 est celle qui passe notamment par la parole politique et la manière dont le politique
16:29 montre qu'il comprend ce que vivent les militaires sous l'uniforme.
16:32 Mais aujourd'hui, et pour finir, pour conclure presque, notre avenir militaire, il est français
16:37 ou il est européen, Général Pélistrandi ? Parce que les budgets militaires européens,
16:41 et on n'en a pas eu le temps d'en parler, mais eux aussi ont fortement, fortement progressé
16:44 ces derniers mois.
16:45 Je répondrai les deux, mon général, en quelque sorte.
16:48 Vous avez le droit.
16:49 Voilà.
16:50 Bien entendu, le président de la République d'ailleurs le réaffirme de manière régulière.
16:56 Oui, il faut qu'il y ait une prise de conscience au niveau européen des enjeux de sécurité.
17:00 Maintenant, la difficulté, c'est comment articuler cette défense avec l'OTAN ? Il
17:05 est vrai que lorsque vous êtes polonais ou dans les États baltes, votre premier réflexe,
17:09 c'est que l'OTAN pour la sécurité est l'UE pour la prospérité.
17:15 Donc c'est un travail qui est long, avec parfois des incompréhensions.
17:20 Il y a le fait aussi, et ça c'est extrêmement important, c'est que nous, la France, on
17:25 regarde partout et il faut faire partager cette conviction à nos partenaires européens.
17:29 Oui, et il faudrait convaincre l'Allemagne qui préfère rester sous l'OTAN quand Emmanuel
17:33 Macron regarde du côté de l'Europe.
17:35 Donc c'est effectivement aussi la difficulté de l'exercice.
17:37 Merci à tous les deux, Bénédicte Chéron et le général Pili Strandi d'être venu
17:41 nous éclairer ce matin.
17:42 Merci à vous et bonne journée.