Visite de V. Zelensky à la Haye : "il faudra qu’un jour monsieur Poutine réponde de ses actes"

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Transcript
00:00 Emmanuel Daoud, bonsoir. Vous êtes avocat au barreau de Paris, inscrit à la Cour pénale internationale.
00:04 Expliquez-nous ce qu'est le crime d'agression qu'invoque justement Volodymyr Zelensky contre Vladimir Poutine.
00:11 C'est un crime qui est différent du crime de guerre, du crime contre l'humanité, du crime de génocide.
00:18 Ce qu'il cherche, c'est un crime qui a une définition beaucoup plus restreinte.
00:24 Et en réalité, monsieur Zelensky considère que la Russie et en particulier monsieur Vladimir Poutine mènent une guerre non licite
00:36 qui est visée par un article du statut de Rome, qui est l'article 8 du statut de Rome, qui donc régit la Cour pénale internationale.
00:43 Donc le fait d'avoir agressé l'Ukraine et d'avoir mené cette guerre illicite sans aucun fondement est ce crime d'agression.
00:53 Mais on n'est pas sûr des qualifications qui sont celles du crime de guerre, du crime contre l'humanité, du crime de génocide.
01:03 C'est le fait d'avoir déclenché cette guerre dans ces conditions que monsieur Zelensky dénonce.
01:09 Et il considère que la Cour pénale internationale serait compétente pour lancer un tribunal spécial.
01:17 Justement, quelles sont les chances que ce tribunal spécial aboutisse ?
01:21 En l'état actuel des choses, aucune.
01:25 D'abord, la Cour pénale internationale elle-même n'est pas compétente pour prendre cette décision.
01:31 Le fait qu'évidemment monsieur Zelensky le déclare et le demande à nouveau dans ce lieu est une annonce symbolique, d'une grande symbolique et d'une grande force, mais elle n'est pas compétente.
01:42 Ensuite, si l'on veut rentrer dans les détails, il y a un accord de Kampala qui date de 2010 qui circonscrit ce crime d'agression par rapport au statut de Rome qui a été adopté en 2002.
01:57 Et notamment, il faut pour que ce crime d'agression soit poursuivable par la CPI qui serait donc réunie,
02:05 encore faudrait-il que les Etats partis, c'est-à-dire que la Russie et l'Ukraine soient Etats partis.
02:12 Ce n'est pas le cas, donc ça paraît un peu compliqué.
02:15 En revanche, le Conseil de sécurité pourrait prendre cette décision.
02:20 Aujourd'hui, il est présidé par la Russie.
02:23 Alors pourquoi, au vu de ce que vous nous dites,
02:27 pourquoi Volodymyr Zelensky ne veut-il pas d'un tribunal hybride qui serait rattaché à la justice ukrainienne,
02:33 sachant que le tribunal spécial a peu de chances d'aboutir en l'état actuel des choses ?
02:37 Je pense que Monsieur Zelensky pense qu'il n'aura pas forcément de majorité au niveau du Conseil de sécurité.
02:48 Mais à mon avis, l'analyse qui est la sienne, je le dis en dépit des apparences avec humilité, n'est pas pertinente.
02:58 Il s'agit de dénoncer l'impunité qui est celle de la Russie.
03:05 Évidemment, dire c'est bien la Copenhagen International a lancé ces mandats d'arrêt à l'endroit de Monsieur Vladimir Poutine et de Madame Maria Belova,
03:15 s'agissant de la déportation forcée des enfants ukrainiens.
03:19 Mais ce n'est pas suffisant. Il faut qu'on se place en amont.
03:22 Et en amont, c'est quoi ? C'est cette guerre qui est un crime d'agression.
03:25 Et tant qu'on n'aura pas tranché cette question-là, je pense, je ne suis pas dans la tête de Monsieur Zelensky,
03:32 que celui-ci ne sera pas satisfait. Il est dans son rôle en essayant de demander la création de ce tribunal spécial pour le crime d'agression.
03:40 En l'état, les conditions ne me semblent pas juridiques, ne me semblent pas réunies. Politiquement, c'est en dehors de mon ressort et de ma compétence.
03:48 Alors, vous avez aidé précisément à la saisie de la CPI pour ce mandat international qui a été émis contre Vladimir Poutine
03:54 pour crime de guerre de déportation illégale d'enfants ukrainiens.
03:58 Alors, en tant qu'avocat, j'imagine que vous croyez forcément à la force du droit. Mais combien cela de temps peut-il prendre ?
04:04 Alors d'abord, on a mené ce combat avec l'ONG que nous représentions pour l'Ukraine, leur liberté et la nôtre.
04:12 C'était un travail qui était en collaboration avec des ONG ukrainiennes. Je préfère le dire.
04:18 C'est un travail collectif avec mon confrère Gabriel Seba du même cabinet Vigo que le mien.
04:23 Et nous avons été très surpris, très agréablement surpris par la rapidité avec laquelle ces mandats d'arrêt ont été délivrés.
04:33 Et je tiens à préciser une chose. Cela veut dire qu'à ce stade, la Cour pénale internationale a considéré qu'il y avait des éléments de preuve vraisemblable suffisants
04:46 pour mettre en cause la responsabilité pénale personnelle de M. Vladimir Poutine et de Mme Maria Bellova.
04:53 Donc ce n'est pas n'importe quoi. C'est une analyse juridique. Ça n'a rien de politique.
04:59 Ensuite, à partir du moment où on lance ces mandats d'arrêt du côté de la Cour pénale internationale,
05:04 c'est que l'on pense que l'on va un jour ou l'autre juger, ce qui veut dire interpeller.
05:10 Le crime de guerre est imprescriptible. Donc M. Poutine et Mme Maria Bellova sont aujourd'hui en place, sont au pouvoir.
05:19 Est-ce qu'ils le seront encore dans un an, dans deux ans, dans trois ans ?
05:23 La justice pénale est à la fois, en l'occurrence, rapide parce que c'est la première fois dans l'histoire du droit pénal international
05:30 que les preuves sont constituées au jour le jour. Elles sont là. Elles sont documentées.
05:34 Les images que vous tournez, Média, le travail sur le terrain des enquêteurs, le travail des ONG, le travail de l'autorité judiciaire ukrainienne,
05:42 tout cela est documenté pas à pas. Donc les éléments existent pour que des procès puissent être enclenchés rapidement.
05:49 Donc moi, le pari que je fais, qui est un pari raisonnable, c'est que contrairement à ce que pourraient dire certains,
05:56 en prenant l'exemple soudanais de M. Omar El-Bechir, qui pendant dix ans n'a pu se balader où il voulait dans certains pays,
06:06 je ne pense pas que cela sera le cas de M. Poutine. Je rappelle, mais je sais que vous le savez déjà,
06:14 que M. Milosevic a été remis par l'état de Serbie. Il a perdu les élections et c'est l'état de Serbie qui a remis M. Milosevic à la cour pénale internationale.
06:26 Pour une raison simple, c'est que la Serbie a voulu rejoindre la communauté des nations et qu'il y a eu un certain nombre de conditions préalables qui ont été posées.
06:36 Si M. Poutine perd cette guerre, et espérons qu'il la perde, et espérons surtout qu'elle s'arrête, cette guerre, parce qu'il y a trop de souffrance,
06:45 et du côté évidemment des Ukrainiens, mais aussi d'une certaine façon du côté de la population russe, il y aura un changement de régime.
06:54 Est-ce que M. Poutine sera incarcéré ? Est-ce que, je suis quelqu'un de pacifiste, il y aura une révolution de palais, il sera exécuté ?
07:02 Est-ce qu'il sera incarcéré et remis aux autorités judiciaires internationales ? Nous verrons bien, mais je crois plutôt à cette seconde hypothèse.
07:07 – Mais c'est ce que j'allais dire, juger Vladimir Poutine c'est une chose, mais l'interpeller, l'arrêter, c'en est une autre.
07:12 – Nous sommes bien d'accord, mais on avait dit au déclenchement de cette guerre illicite, de ce crime d'agression commis par la Russie,
07:23 qu'un jour ou l'autre M. Poutine serait poursuivi et jugé. On nous avait ri au nez, je dis un certain nombre d'entre nous, avocats et avocates,
07:34 je constate, déjà il est poursuivi, et donc moi je pense qu'il sera jugé. Et je vais vous dire pourquoi je le pense.
07:42 Parce que nous avons tous une responsabilité collective quant au fait que M. Poutine a cru penser, a cru pouvoir se dire,
07:52 "je peux faire ce que je veux". Il rase Grosny, il extermine 300 000 civils, personne ne bouge, on continue à le recevoir.
08:01 – Oui, c'est pourquoi il n'a pas été condamné. – C'est pourquoi il n'a pas été condamné, mais il n'a même pas été poursuivi.
08:05 Il rase, aux côtés de Bachar el-Assad, Alep, plus récemment, il ne se passe rien, et on continue à négocier,
08:13 on continue à faire des affaires avec la Russie. Et qui font ces affaires ? Ce sont les nations…
08:19 – On pourrait se poser la même question pour Bachar el-Assad d'ailleurs.
08:22 – On pourrait se poser la même question pour Bachar el-Assad. Donc il envahit la Crimée, il ne se passe rien.
08:26 Donc là je pense que compte tenu de l'ampleur des crimes, de la variété de ces crimes, du fait qu'on s'attaque aux personnes
08:34 les plus vulnérables, que l'on retrouve les mêmes séquences dans beaucoup de théâtres de conflit, le viol de guerre systématisé,
08:41 là avec cette particularité de la déportation des enfants ukrainiens, je pense que là la communauté internationale,
08:48 aux côtés de l'Ukraine, ne laissera pas passer et qu'il faudra qu'un jour, M. Poutine réponde de ses actes.
08:55 – Eh bien on a bien entendu votre appel, Emmanuel Laoud, merci.
08:58 – Je vous en prie.
08:59 – Je vous rappelle que vous êtes avocat au barreau de Paris, inscrit à la Coupe pénale internationale.
09:02 Merci beaucoup d'avoir été l'invité ce soir de France 24.
09:05 24.

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