Olivier Schneider, président de la Fédération française des usagers de la bicyclette, le 5 mai 2023 sur franceinfo.
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00:00 Olivier Schneider, il y a quelques mois, vous réclamiez un plan Marshall pour le vélo en France.
00:05 Est-ce que vous avez été entendu ?
00:07 Les détails restent à annoncer.
00:10 D'après les éléments qui ont été fuités depuis hier, il semble qu'il y a enfin un budget sérieux.
00:17 Donc nous, on va être maintenant très attentifs, non seulement au montant du budget,
00:21 mais à la façon dont cet argent sera dépensé.
00:24 Parce que c'est facile de dépenser de l'argent public.
00:28 À l'heure où il est rare, il faut que chaque euro soit dépensé de manière efficace.
00:32 Sur les 50 000 km de piste cyclable qu'on a aujourd'hui, l'objectif étant de doubler à 100 000,
00:37 il y en a une grande partie qui ont été mal réalisées, qu'il faudrait commencer par raser pour recommencer.
00:42 Donc là, il faudrait que tout ce qui sera fait avec l'argent du gouvernement
00:46 soit exemplaire et soit aussi duplicable pour permettre à tous les territoires
00:52 de rendre la pratique du vélo sereine et accessible.
00:56 - Alors un indice, peut-être Christophe Béchut, le ministre de la Transition écologique,
00:59 dit dans les colonnes du Parisien aujourd'hui en France qu'on ne financera pas cette fois de la peinture,
01:03 mais de vraies pistes cyclables sécurisées et séparées du trafic automobile.
01:08 C'est quand même ça un changement, peut-être même dans la mentalité des décideurs publics ?
01:13 - Oui, tout à fait. Jusqu'à présent, depuis 30-40 ans,
01:17 l'erreur, c'était de faire des pistes cyclables en se basant sur ceux qui faisaient déjà du vélo.
01:23 Alors que le but, par rapport à tous les enjeux,
01:26 Grand Golfe, le vélo, de santé publique par rapport à la sédentarité,
01:30 de pouvoir d'achat avec le prix de l'énergie,
01:32 mais également de transition écologique, d'émission de gaz à effet de serre,
01:37 et également de filière économique. On pourrait créer,
01:40 d'après le plan de transformation de l'économie française, jusqu'à 300 000 emplois.
01:44 Pour tout ça, il faut faire des aménagements qui conviennent
01:48 aux trois quarts des gens et pas juste à 5% des gens. Et donc, en effet,
01:51 faire des vraies pistes cyclables séparées du trafic
01:54 et faire en sorte qu'elles créent un réseau,
01:57 et non pas qu'on ait des confettis de petits bouts de pistes cyclables par-ci, par-là.
02:00 Ça va être ça l'enjeu.
02:01 - On a pu le voir ces dernières années, particulièrement dans les grandes villes,
02:04 et surtout à Paris, c'est quand on met en place de vraies infrastructures sécurisées
02:08 qu'on a une hausse du trafic. Il faut en fait
02:10 dupliquer ce modèle-là partout en France ou c'est encore plus compliqué que ça, en fait ?
02:15 - C'est un tout petit peu plus subtil que ça parce que
02:17 Paris est la ville la plus dense d'Europe.
02:21 Paris fait que 100 km², il y a des millions de personnes qui y travaillent ou qui y habitent.
02:26 Donc évidemment, dans une ville qui fait la moitié de cette surface
02:29 mais avec 10 fois moins de population,
02:31 les densités ne sont pas les mêmes, donc les solutions ne sont pas les mêmes.
02:34 Par contre, ce qu'on a vu à Paris,
02:36 c'est que quand on apporte une infrastructure de qualité,
02:39 elle se remplit.
02:41 Et donc ce ne sont pas juste les anciens cyclistes qui sont plus contents
02:43 d'avoir une meilleure infrastructure, mais on a des nouveaux cyclistes.
02:46 C'est ce que dans le jargon on appelle le report modal,
02:48 c'est-à-dire des gens qui font le même déplacement qu'avant mais avec un autre mode de transport.
02:52 Et c'est de ça dont on a besoin pour atteindre tous les objectifs que je disais,
02:55 sur le pouvoir d'achat, sur la santé, etc.
02:57 - Parce qu'à Paris, on a aussi les détracteurs du vélo,
02:59 souvent les automobilistes, qui se plaignent de voir leur place réduire
03:03 et donc les bouchons augmenter.
03:05 Est-ce que finalement, c'est ce qui nous attend dans toute la France ou pas du tout, en fait ?
03:10 - Globalement, on ne peut pas extrapoler ce qui se passe à Paris
03:14 au-delà peut-être des quelques cœurs de métropoles comme Lyon ou autres.
03:18 Mais sur le reste de la France, il faut vraiment analyser différemment.
03:24 Vraiment, l'idée, c'est d'apporter le vélo à tout le monde.
03:27 Aujourd'hui, le vélo, c'est entre guillemets, excusez-moi, le véhicule du pauvre
03:31 dont se saisissent les CSP+.
03:32 C'est le véhicule qui peut aller partout, dont se saisissent les gens
03:36 qui ont déjà le métro, les bus, etc.
03:39 Donc si on veut apporter du transport bon marché, bas carbone, bon pour la santé,
03:43 partout en France, il faut arrêter d'uniquement regarder la rue de Rivoli
03:46 et le boulevard Sébastopol.
03:48 - Ça veut dire surtout construire des pistes cyclables, par exemple,
03:50 au bord des nationales ou des départementales qui relient les petits bourgs
03:55 aux villes moyennes, par exemple, où là, elles n'existent très souvent pas du tout,
03:59 alors que ce serait possible de faire quelques kilomètres par jour de vélo,
04:02 c'est à la portée d'à peu près tout le monde ?
04:04 - Faire 10 kilomètres à vélo, ça paraît important.
04:07 Avec un vélo assistance électrique qui atteint assez facilement les 25 km/h,
04:10 c'est moins d'une demi-heure.
04:11 Mais en effet, dès qu'on sort hors agglomération,
04:15 c'est là que la cohabitation avec les véhicules lourds devient insupportable.
04:19 Ce n'est pas pareil d'être en ville à 50 ou 30 km/h,
04:22 et ce n'est pas pareil de croiser des poids lourds qui vont à 80 ou 90.
04:25 Et donc aujourd'hui, c'est vraiment ça l'enjeu.
04:28 D'ailleurs, les 244 tués à vélo l'année dernière,
04:32 les trois quarts étaient hors agglomération.
04:34 En ville, on se fait peur, mais heureusement, il n'y a pas d'accidents.
04:37 Et quand il y en a, la majorité des cas, c'est des bobos, voire des gros bobos.
04:43 Par contre, les décès, c'est hors agglomération,
04:46 parce que le différentiel de vitesse fait que le moindre choc est fatal.
04:50 Et en effet, pour rendre accessible le vélo à chacune et à chacun,
04:55 il faut faire des vraies infrastructures, justement, entre les bourgs.
04:59 - Sensibiliser les enfants au vélo dès l'école, ça c'est une bonne idée ?
05:04 - C'est surtout un impératif de santé publique.
05:07 Vous avez vu les différents rapports qui sont sortis ces derniers mois,
05:10 c'est dramatique.
05:11 Les cardiologues nous disent que... - Sur l'obésité infantile notamment ?
05:14 - Pas que, globalement sur la sédentarité, pas que sur l'obésité,
05:17 c'est la partie visible de l'iceberg.
05:19 Aujourd'hui, on travaille sur une génération qui se prépare son infarctus à 30 ans.
05:24 Donc, quel que soit ensuite l'âge de la retraite jusqu'à laquelle on espère faire travailler ces personnes-là,
05:29 encore faut-il qu'ils soient en bonne santé.
05:32 Et donc, aujourd'hui, la bonne nouvelle, c'est que
05:35 une heure d'activité physique par jour compense 8 heures de sédentarité.
05:40 Sédentarité, ce n'est pas que le manque d'activité physique,
05:41 c'est juste le fait d'être assis, qui est une position agréable mais pas bonne pour la santé.
05:46 Et donc, on a vraiment un impératif, à la fois qu'ils sachent faire du vélo,
05:50 mais qu'ils aient envie de le faire.