Avec l’inscription dans le temps des manifestations contre la réforme des retraites et la multiplication des violences policières dans le cadre de la répression des mouvements sociaux, se pose la question de l’exposition des manifestants à des situations violentes. Au-delà des risques de blessures physiques, se confronter à un sentiment de danger pour sa vie ou à la peur d’une altération de son intégrité physique ou psychique n’est pas sans conséquences sur le long terme. Ainsi la possibilité de blessures psychiques consécutives à la participation à une manifestation existe, c’est l’état de stress post traumatique (ESPT).
Notre journaliste santé Eloïse Nguyen-Van Bajou nous explique alors comment arriver à distinguer un état de stress aigu, un stress réactionnel normal et un état de stress post-traumatique. Comment l’ESPT se manifeste t’il ? Quelles conséquences peut-il avoir sur la vie au quotidien et quelles précautions prendre pour prendre soin de sa santé en rentrant de manifestation ? Car connaître les conséquences de ce dernier et les moyens de les éviter devrait être un outil indispensable pour tous les manifestants dans le contexte actuel. Petit guide d’autodéfense sanitaire.
Ressources, bibliographie et lieux de soins : https://cn2r.fr/
Notre journaliste santé Eloïse Nguyen-Van Bajou nous explique alors comment arriver à distinguer un état de stress aigu, un stress réactionnel normal et un état de stress post-traumatique. Comment l’ESPT se manifeste t’il ? Quelles conséquences peut-il avoir sur la vie au quotidien et quelles précautions prendre pour prendre soin de sa santé en rentrant de manifestation ? Car connaître les conséquences de ce dernier et les moyens de les éviter devrait être un outil indispensable pour tous les manifestants dans le contexte actuel. Petit guide d’autodéfense sanitaire.
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00:00 *Générique*
00:05 Bonjour Héloïse.
00:07 Bonjour Nadia.
00:07 Alors aujourd'hui, tu voulais nous parler de santé mentale, en particulier de stress post-traumatique suite aux violences potentielles en manifestation.
00:15 Alors pour commencer, est-ce que tu pourrais nous définir ce qu'est le stress post-traumatique ?
00:19 Comment le différencier d'un état de stress normal et nous dire à quel signe on doit être attentif ?
00:27 En effet, nous traversons tous des événements de vie stressants, il est donc hyper important de faire la différence entre le stress classique, le stress aigu et le trouble de stress post-traumatique.
00:37 Pendant une manifestation, si une grenade GM2L explose à une centaine de mètres de vous, il est normal de ressentir une peur vive, d'avoir le rythme cardiaque qui s'accélère et une immédiate envie de fuir.
00:49 Cette sensation, normalement, elle disparaît rapidement lorsque l'élément considéré comme dangereux disparaît en lui-même.
00:55 C'est une réaction de stress classique.
00:57 Cependant, certains événements peuvent être suivis d'une phase de stress beaucoup plus importante, dite de stress aigu, qui peut durer quelques jours, voire quelques semaines.
01:07 On ressent alors de la tristesse, de la colère, de la culpabilité, parfois dans un mélange de sensations, d'émotions qui questionnent.
01:15 D'autres personnes, au contraire, vont elles se sentir complètement coupées de leurs émotions comme anesthésiées.
01:20 Toutes ces réactions sont habituelles et, un peu comme ce qu'il se passe dans le cadre d'un deuil, elles vont petit à petit diminuer, voire disparaître au fil du temps, généralement au bout d'un mois.
01:31 Leur disparition montre alors qu'on a complètement digéré l'événement.
01:35 Mais dans un troisième cas, il arrive que l'on rencontre des difficultés pour surmonter la situation traumatogène et qu'il y ait des conséquences plus durables sur notre vie.
01:46 C'est ce que l'on appelle l'état de stress post-traumatique.
01:50 Le souvenir revient alors faire irruption dans notre quotidien, que ce soit sous forme de cauchemars, de flashs, de pensées qui nous envahissent même si on ne le veut pas.
01:58 On se sent en alerte en permanence, voire en danger, et certaines activités deviennent plus difficiles, voire impossibles, comme travailler, sortir avec des amis ou faire des courses.
02:10 Par exemple, ça peut donner le fait de ne plus pouvoir se promener sereinement, de sursauter avec le cœur qui s'emballe à chaque fois qu'un pigeon s'envole,
02:17 parce que notre cerveau lui croit, l'espace d'un bref instant, que c'est une grenade de désencerclement qui est en train de tomber.
02:23 Ces reviviscences post-traumatiques peuvent survenir très vite après l'événement et persister dans le temps, ou au contraire n'apparaître que des mois, voire des années après.
02:32 Et c'est tout ça que l'on appelle le syndrome de stress post-traumatique.
02:35 Les manifestations, si on n'est pas directement blessé, est-ce qu'elles sont vraiment un événement à risque de troubles de stress post-traumatique ?
02:44 Oui, il faut bien comprendre qu'un événement traumatisant n'est pas nécessairement une situation d'une gravité exceptionnelle, mais un événement qui laisse des traces durablement dans le temps.
02:52 Ça peut être évidemment une catastrophe naturelle, un attentat, des violences sexuelles ou physiques, la mort d'une personne,
02:58 mais ça peut être aussi des situations beaucoup plus banales, comme un accident de la route ou du travail, ou enfin les violences en manifestation.
03:05 En fait, il s'agit de tout événement qui nous confronte à la mort et nous fait craindre une atteinte grave à notre intégrité physique ou morale.
03:13 Et ces événements peuvent nous toucher directement, toucher notre entourage proche, ou il suffit même tout simplement d'en être témoin.
03:20 Alors, il n'est pas nécessaire d'avoir été grièvement blessé au cours d'une manifestation pour avoir été exposé à un événement potentiellement traumatique.
03:28 Si vous avez vu des personnes mutilées, si un de vos proches a été blessé, si vous vous êtes retrouvé nassé, assuffoqué ou si vous avez eu peur de prendre des coups
03:37 et que cela vous a marqué durablement, vous avez vécu une situation à risque.
03:42 Après, le trouble de stress post-traumatique survient dans la rencontre d'un événement traumatogène, d'un contexte, à un moment donné, de la trajectoire particulière d'un individu.
03:52 Et comment on prévient la survenue d'un trouble de stress post-traumatique ? Est-ce qu'on peut vraiment l'éviter quand on est exposé ?
04:00 Excellente question. Et suite à l'afflux massif de personnes exposées à des situations graves de danger lors des attentats du 13 novembre 2015,
04:08 des chercheurs se sont demandé ce qui faisait qu'exposées à la même situation, certaines personnes développent un trouble de stress post-traumatique ou pas.
04:16 Une étude a ainsi été menée sur un groupe de victimes qui se trouvait au Bataclan.
04:20 L'objectif était de trouver des indicateurs fiables pour essayer d'identifier qui avait le plus de risque de développer un TSPT à distance de l'événement.
04:29 Cette étude a évalué les participants pendant 30 mois, ce qui reste malgré tout assez court pour tirer des conclusions sur un trouble dont les effets peuvent parfois apparaître des années après l'événement,
04:39 mais les résultats n'en sont pas moins intéressants.
04:41 Le premier résultat, c'est que toutes les personnes de la cohorte n'ont pas déclenché un trouble de stress post-traumatique.
04:47 26% d'entre elles n'avaient en effet aucun symptôme à plus de deux ans de distance de l'événement.
04:53 Le deuxième, c'est que deux des facteurs principaux de protection du TSPT sont l'étayage social et la capacité à analyser ses propres réactions et émotions.
05:02 Ainsi, le meilleur conseil que l'on puisse se donner, c'est de s'entourer.
05:06 Et cela a été prouvé par la suite par plusieurs études scientifiques sur le TSPT.
05:11 Le soutien social est le facteur de protection le plus important.
05:14 Moralité, après une manifestation tendue, entourez-vous de vos proches,
05:19 de personnes capables de recevoir l'information sans portée de jugement, et ça c'est très important.
05:24 Des personnes qui vous aident à nuancer, à reformuler ce que vous avez vécu.
05:29 Échangez sur ce que vous avez vécu sans le minimiser, sans jouer dans la surenchère sur le courage,
05:34 mais en partageant avec sincérité ses émotions, ça c'est vraiment crucial.
05:39 N'hésitez pas à vous dire ce que vous avez ressenti, même si c'était de la vulnérabilité, de la peur ou de la colère.
05:45 Cela reste le meilleur moyen de protéger votre santé mentale
05:49 et de continuer encore longtemps à pouvoir participer aux mobilisations.
05:53 Et si ce n'est pas le cas, si vous devez vous protéger quelques temps, pas de culpabilité, ce n'est pas de votre faute.
05:59 Et il y a bien d'autres manières de contribuer aux mouvements sociaux,
06:03 comme de soutenir des actions logistiques, d'abonder aux caisses de grève, etc.
06:07 Attention aussi dans les autres conseils à l'alcool et au cannabis,
06:11 qui sont, on le sait, des anxiolytiques extrêmement puissants.
06:14 Cependant, les études ont montré qu'un stress extrême modifie la chimie cérébrale
06:19 avec une augmentation du risque associé de développer à terme un trouble des usages de l'alcool.
06:25 Prenez soin aussi de votre sommeil, qui permet le retraitement des souvenirs,
06:29 puisqu'en fait le TSPT, c'est ça, c'est les souvenirs qui ne se classent pas bien dans le cerveau
06:34 et qui réapparaissent à des moments inappropriés.
06:36 Attention dans le cadre des problèmes de sommeil qui peuvent apparaître dans les premiers temps
06:41 au benzo diazépine et à certains somnifères.
06:44 Si vous êtes stressé et si vous le pouvez, n'hésitez pas à faire du sport.
06:48 Enfin, on le sait, le maintien de nos activités habituelles offre souvent un cadre sécurisant.
06:54 Acceptez qu'on puisse avoir des difficultés tout en prenant garde à l'évitement des situations stressantes,
06:59 mais sans risque avéré.
07:01 Évaluez, analysez les situations qui vous stressent au quotidien et faites des exercices de relaxation si besoin.
07:08 Et enfin, si les symptômes persistent, au-delà de la phase de stress aiguë dont on a parlé au début,
07:14 c'est un mois, parlez-en à votre médecin.
07:17 Pour finir, n'hésitez pas à aller consulter les conseils sur le site du Centre national de ressources et résilience,
07:24 le CN2R, en cas de besoin, car on vient de le voir, savoir et se connaître en matière de santé mentale.
07:31 c'est déjà un peu prendre soin de soi.