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00:00 Pourquoi a-t-on construit le périphérique parisien à cet endroit ?
00:02 Du noir au gris en passant par le vert, cet espace autour de la capitale en a vu de toutes les couleurs.
00:06 Sous le béton de cette autoroute urbaine se cache en fait l'histoire oubliée de la zone.
00:10 C'était la zone et tout ce qui s'en suit.
00:15 1973, le périph' est officiellement ouvert à la circulation.
00:20 Cette œuvre est un succès.
00:22 La raison d'être de ce boulevard périphérique est d'améliorer la circulation
00:28 dans la région parisienne et en particulier aux limites de Paris.
00:32 Les limites de Paris.
00:34 Pour comprendre, il faut remonter un peu le temps.
00:36 Ces limites dont parle l'ancien Premier ministre de Pompidou
00:39 sont calquées sur la zone qui s'étend autour des fortifications de tiers,
00:43 l'ancien président de la République, construite au milieu du 19ème siècle.
00:46 Cet espace de 250 mètres de large et 34 kilomètres de long
00:50 sert aux manœuvres militaires et n'est pas constructible.
00:53 En 1850, les travaux d'Haussmann ont pour but de sécuriser
00:57 et d'embourgeoiser Paris, ce qui provoque le déplacement
01:00 des classes populaires de la capitale vers les banlieues.
01:02 Entre les deux se trouve…
01:04 Cet espace interstitiel de la zone où on trouve le lumpenproletariat,
01:09 les plus pauvres d'entre les ouvrières et les ouvriers.
01:12 Et c'est une espèce de tiers-espace du conflit de classes.
01:15 Ni des ouvriers, ni des bourgeois.
01:18 Et physiquement, ce nid l'un ni l'autre s'incarne au pied de Paris.
01:22 On appelle les zoniers ceux qui s'installent dans la zone.
01:25 Principalement déchiffonniers et ouvriers de petits métiers,
01:29 comme des récupérateurs de déchets, des marchands ambulants,
01:32 ou encore des remouleurs,
01:33 ceux qui aiguisent à la meule des lames d'outils tranchants.
01:35 Et ils sont stigmatisés par les écrivains et journalistes de l'époque.
01:39 L'un d'entre eux, Alfred Delvaux,
01:40 popularise l'expression "les sauvages de la civilisation",
01:44 ce qui montre…
01:44 Comment finalement la bourgeoisie,
01:48 les classes dites dominantes par les sociologues,
01:50 ont ensauvagé les marges.
01:52 Et les personnes qu'elles ont repoussées hors de la norme.
01:56 Ceux qui y vivent dérangent.
01:57 Et cette zone noire, considérée comme insalubre et dangereuse,
02:01 alimente les légendes urbaines orchestrées par la presse et les politiques.
02:05 Les journaux illustrés de l'époque se nourrissent par exemple
02:07 des méfaits de la fameuse bande criminelle des Apaches.
02:09 Je veux devenir une Apache.
02:11 Les grands zoniers, ceux qui exploitent l'espace,
02:12 profitent de cette mauvaise réputation de la zone, car…
02:15 Ce qu'ils réclamaient eux, c'était des droits de propriété tout à fait légaux,
02:19 et donc une intervention de la puissance publique sur ces espaces
02:24 et une réglementation qui finirait par les reconnaître
02:28 comme les légitimes occupants de cette zone.
02:32 Sachant que les terrains aux portes de Paris,
02:34 s'ils étaient légalisés, pourraient valoir très très cher.
02:37 Mais les autorités ne vont pas aller dans ce sens.
02:40 Après la Première Guerre mondiale,
02:41 s'engagent des discussions sur le réaménagement de cet espace
02:44 avec le concept d'utopie urbaine,
02:47 décrit par la sociologue Marie Charvet,
02:49 qui résonne encore aujourd'hui.
02:50 L'une d'entre elles, c'est la conversion de la zone noire en zone verte,
02:56 pour aérer la capitale, pour faire respirer Paris
03:00 et d'une certaine façon, aplanir les conflits.
03:04 Évidemment, cette zone verte, elle ne verra jamais le jour.
03:07 Les anciennes fortifications sont progressivement détruites
03:10 dans le courant des années 1920, pour laisser place au HBM,
03:14 les habitations bon marché, sur la moitié de l'enceinte de Paris.
03:18 D'espace occupé par des abris de fortune,
03:20 cette zone devient le lieu des quartiers pauvres que l'on construit,
03:23 en marge de la modernité, celle de la ville de Paris.
03:26 D'un espace physique, au travers de ce mot zone,
03:28 on passe à la désignation d'un espace symbolique de la marginalité,
03:32 qui se détache finalement de son origine parisienne
03:35 et qui vient qualifier ou disqualifier tout un ensemble d'espaces
03:39 où on repère des problèmes sociaux, de la marginalité.
03:44 Parler de la banlieue comme si c'était une zone de dépravation,
03:49 de danger pour la société dans son ensemble, etc.
03:53 C'est très ancien.
03:54 À la veille de la Seconde Guerre mondiale,
03:55 l'idée de construire une autoroute pour contourner Paris
03:58 fait son chemin pour deux raisons.
03:59 Fluidifier la circulation et pour la distinguer de ses alentours.
04:03 Paris doit être définie de manière élégante et précise,
04:06 afin que les étrangers abordant l'île de France puissent dire
04:10 « voici Paris », sans la confondre avec Levallois,
04:12 Aubervilliers, Pantin, Vitry ou Malakoff.
04:15 Ce qui est quand même une conception très hiérarchique
04:17 de l'urbanisme et de la planification urbaine.
04:21 Après les années 1960, la zone se dilue dans ce grand chantier urbain
04:25 et le terme de « zonier » disparaît.
04:27 On parle désormais de « zonard ».
04:29 Issue des marges, des banlieues ouvrières
04:32 serait une jeunesse de plus en plus conçue comme problématique.
04:36 Des artistes s'emparent de l'histoire de la zone
04:38 et en font une véritable référence dans la culture populaire.
04:41 C'est l'heure où les zonards descendent sur la ville.
04:45 C'était la zone et tout ce qui s'en suit.
04:49 La fine fleur, l'élite du pavé.
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