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"Four Women" est un cri de révolte, un titre engagé, puissant, dans lequel Nina Simone exprime toute sa colère face aux injustices subies par les femmes noires.
Sorti en 1966, dans l'album "Wild is the Wind", il est le seul titre composé par la chanteuse sur cet opus. Il sort à une époque où l'artiste est elle-même pleinement engagée dans la lutte pour les droits civiques : elle fréquente des activistes comme Angela Davis, Malcolm X et Martin Luther King.

"Four Women" dresse le portrait de quatre femmes afro-américaines, Aunt Sarah, Saffronia, Sweet Thing et Peaches, qui illustrent, chacune à sa manière, la violence raciale aux Etats-Unis. Mais ces portraits illustrent aussi les facettes de cette chanteuse réputée pour son tempérament révolté : "il incarne totalement la personnalité de Nina Simone qu'on a souvent jugée 'TROP' : trop forte, trop violente", explique la productrice radio et journaliste Nathalie Piolé. Le morceau est d'ailleurs jugé si violent qu'il fut interdit de diffusion sur certaines radios à sa sortie.

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Musique
Transcription
00:00 "For a woman", c'est un morceau qui sort en 1966 dans l'album "Wild is the wind".
00:06 C'est la seule composition de l'album de Nina Simone.
00:10 Et quelle composition ?
00:11 Ce "For a woman", dans toute sa puissance, dans toute sa force, sa colère, il incarne
00:17 totalement la personnalité de Nina Simone qu'on a souvent jugée trop, trop forte,
00:22 trop violente.
00:23 Nina, dans ce morceau, elle est au piano et au chant.
00:34 Et c'est très bien aussi de rappeler que le piano, c'est vraiment son premier instrument,
00:39 son instrument du cœur, son instrument qui est connecté à ses tripes.
00:42 C'est un morceau qui commence dans la douceur et au fur et à mesure, sa voix se tend, son
00:48 jeu de piano devient de plus en plus implacable.
00:53 Et tout ça se termine dans un chant qui n'est presque plus un chant, qui est un cri, un
01:02 cri de rage.
01:04 Nina Simone dresse le portrait de quatre femmes afro-américaines à différentes périodes
01:14 de l'histoire.
01:15 Il y a d'abord Aunt Sarah.
01:17 Ma peau est noire, mes bras sont longs, mes cheveux sont laineux, mon dos est fort, assez
01:41 fort pour endurer la douleur, infligée encore et encore.
01:48 Comment m'appelle-t-on ? Mon nom est Aunt Sarah.
01:56 Évidemment, Aunt Sarah, c'est une esclave aux États-Unis.
02:00 Nina Simone évoque le passé esclavagiste de ce pays qui, à ce moment-là, dans les
02:05 années 60, est encore engluée dans des énormes, immenses problèmes de ségrégation raciale.
02:12 C'est en plein mouvement de lutte pour les droits civiques qu'elle sort ce morceau,
02:16 en 1966, il ne faut pas l'oublier.
02:18 À cette période-là, Nina est déjà très engagée politiquement.
02:22 Elle fréquente des activistes comme Malcolm X ou Angela Davis.
02:27 Évidemment, elle connaît Martin Luther King, elle l'a rencontré.
02:30 Ils ne sont pas tout à fait d'accord sur comment mener cette révolution puisque Martin
02:35 Luther King prône la non-violence et que Nina l'affirmera plusieurs fois.
02:38 C'est qu'elle, elle pense que la violence est nécessaire pour changer ce système de
02:43 ségrégation.
02:44 Ma peau est claire, mes cheveux sont longs.
02:53 Entre deux mondes, je me trouve.
03:02 Mon père était riche et blanc.
03:08 Il a forcé ma mère, une nuit.
03:16 Comment m'appelle-t-on ?
03:18 Safronia est métisse.
03:21 Elle vit entre deux mondes.
03:23 Elle n'est pas acceptée par les Noirs, elle n'est pas acceptée par les Blancs.
03:28 Moi, je pense aussi à cette jeune pianiste classique qui se retrouve rejetée par la
03:34 musique classique quand elle loupe son concours d'entrée à l'Institut Curtis de Philadelphie.
03:40 Ils ne m'ont pas donné l'opportunité de commencer en tant que pianiste classique noire.
03:45 J'ai été refusée de l'études parce que je suis noire.
03:48 Oui, je regrette.
03:49 Je suis désolée de ne pas être la première pianiste classique noire au monde.
03:55 Je pense que j'aurais été plus heureuse.
03:58 La troisième femme ensuite, c'est Sweet Thing.
04:01 La douce chose.
04:03 On parle quand même de chose, ce mot chose.
04:07 Ma peau est brune, mes cheveux sont fins.
04:12 Mes hanches teintent vite.
04:23 Mes lèvres sentent bon comme le vin.
04:28 De qui suis-je la petite fille ?
04:32 N'importe qui qui a assez d'argent pour m'acheter.
04:36 Sweet Thing, c'est une prostituée qui est acceptée par les noirs et par les blancs.
04:44 Pourquoi ? Parce qu'elle vend son corps.
04:46 C'est-à-dire que c'est sa solution à ce moment-là.
04:49 Et puis, il y a la dernière, la quatrième, celle qui explose à la fin du morceau, "Peaches".
04:56 Ma peau est marron.
05:00 Mes manières sont rudes.
05:05 Je tuerai le premier salaud que je verrai.
05:12 Ma vie a été dure.
05:16 Je suis terriblement amère ces jours-ci parce que mes parents étaient esclaves.
05:30 "Peaches", elle porte les histoires passées de ses trois femmes sur ses épaules.
05:37 Et sa réaction, c'est le cri, c'est la rage.
05:40 Elle prononce son nom en hurlant.
05:43 Mon nom est Peaches.
05:51 Et "Peaches", elle est absolument indispensable dans ce morceau,
05:55 puisque c'est la seule qui exprime sa colère.
06:00 Ce morceau, "For Women", ce n'est pas forcément un morceau d'espoir.
06:03 Elle en a fait, des morceaux engagés, politiques, avec un petit peu plus d'espoir.
06:08 Le "Ain't got no, ain't got life".
06:09 I got my hair, my head, my brain, my ears, my eyes, my nose, got my mouth, got my soul.
06:17 C'est un morceau où elle explique qu'elle n'a pas d'argent, pas de maison,
06:21 mais qu'elle a son corps et son esprit, et qu'après tout, elle est vivante, et qu'elle a sa vie.
06:24 Ça, c'est positif, ça, c'est de l'espoir.
06:26 "For Women", c'est beaucoup plus sombre que ça.
06:28 L'espoir, il vient uniquement par la révolte, par le cri.
06:32 It's still Peaches !
06:36 Et c'est un morceau qui, encore aujourd'hui, ne laisse absolument pas indifférent.
06:39 Quand on l'écoute, on est secoué.
06:41 D'ailleurs, à l'époque, au moment de la sortie, en 1966,
06:45 le morceau est interdit de diffusion par plusieurs radios locales,
06:48 qui le jugent trop agressif, trop mordant.
06:52 C'est un des puissants morceaux de cette pianiste et chanteuse américaine,
06:57 qui était une grande figure de femme libre, révoltée, passionnée, à sa manière.
07:04 "I'm old and feeble now, my name is Aunt Sarah."
07:13 ♪ ♪ ♪

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