Bruce Toussaint a perdu ses deux parents. Une expérience qui l’a mené à s'interroger sur le deuil. Il dénonce les jours de congés insuffisants pour décès d’un parent et les processus administratifs auxquels sont confrontées les personnes endeuillées.
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00:00 le crématorium, les obsèques, l'église, le cercueil qui descend dans le caveau,
00:04 enfin tout ça.
00:05 Oh mon Dieu, on s'inflige des choses, mais j'ai détesté ça.
00:10 Mon père est mort, il avait 68 ans, il est mort d'un cancer en 2016.
00:14 Ma mère est morte en 2021 d'une crise cardiaque dans la rue.
00:17 Elle avait 73 ans.
00:18 Je me suis rendu compte après coup que ce deuil ne passait pas.
00:22 Je me suis dit c'est quand même étrange
00:23 parce qu'on n'arrête pas de nous dire que c'est dans la nature des choses
00:25 de perdre ses parents, certes.
00:27 Mais plus dire de cette mélancolie qui nous gagne et qui ne s'éteint jamais.
00:33 Je parle de perpétuité dans le livre parce que je connais des gens
00:36 qui ont perdu leurs parents il y a 15 ans, il y a 20 ans et qui me disent
00:39 ça ne s'est jamais arrangé.
00:41 Parfois, on vit des choses de la vie quotidienne, des petits plaisirs.
00:45 Être avec ses amis, profiter du soleil, d'un éclat de rire.
00:49 Et quand il arrive une catastrophe, là, d'un seul coup, on se rend compte
00:52 que tout ce qui nous emmerde un petit peu dans la vie de tous les jours,
00:57 on aurait peut-être dû mettre ça de côté et profiter davantage.
00:59 Quand on est confronté à ces douleurs là,
01:01 bon, on a une vision de la vie qui change un peu.
01:04 Je ne veux pas plomber l'ambiance, mais quand même,
01:06 quand vos parents disparaissent, vous regardez un peu devant vous.
01:10 Il n'y a plus personne.
01:11 Donc, en fait, le prochain sur la liste, c'est un peu vous.
01:14 Cela aussi, ça change un peu le rapport à la vie.
01:16 Ça aide à relativiser, mais parfois, ça peut vous plomber un peu aussi.
01:20 Chacun est différent face au rite funéraire.
01:22 Par exemple, il y a des gens qui ont besoin de voir le corps de la défunte
01:26 ou du défunt. Pour moi, c'est vraiment un truc.
01:28 Quand je les ai vus dans le cercueil, c'est tellement bizarre.
01:31 C'est tellement plus les personnes que j'ai connues.
01:34 C'est autre chose. Je ne sais pas ce que c'est que d'un seul coup,
01:36 je me suis retrouvé sans aucun sentiment.
01:38 Je n'ai rien ressenti dans mon esprit, mais c'est encore une fois très personnel.
01:42 C'était déjà fini.
01:44 J'avais dit au revoir à mes parents au moment où ils sont partis.
01:46 Je n'avais pas besoin de ça.
01:48 Pareil, le crématorium, les obsèques, l'église,
01:52 le cercueil qui descend dans le caveau, enfin tout ça.
01:55 Mon Dieu, on s'inflige des choses, mais j'ai détesté ça.
01:59 Quand une personne décède, on se retrouve face à une multitude de choses
02:03 à gérer, de notaire, de vente de maison,
02:07 simplement un certificat d'essai qu'on doit donner à un employeur,
02:11 la sécu, la pension de retraite, etc.
02:15 Enfin, je sais bien que c'est pour éviter les abus,
02:18 mais est-ce qu'on ne pourrait pas essayer de faire ça plus simplement ?
02:22 Je ne sais pas, remplir une déclaration qui servirait un peu à tout le monde ?
02:25 Honnêtement, vous avez juste envie de penser à autre chose.
02:28 Vous avez envie de tout, sauf de remplir des papiers.
02:31 C'est ça qui est vraiment pénible, en fait.
02:34 Quand vous perdez votre père ou quand vous perdez votre mère,
02:36 la société vous donne trois jours de congé.
02:38 Trois jours, ça ne va pas, ça ne suffit pas.
02:41 Vous n'avez même pas le temps d'organiser des obsèques,
02:44 puisque chacun sait qu'il faut au moins quatre jours, cinq jours
02:46 pour pouvoir organiser un enterrement.
02:48 Ça n'a aucun sens.
02:50 Donc là, il faut absolument que le gouvernement se saisisse de ce sujet
02:54 à l'occasion peut-être de la loi sur la fin de vie
02:56 qui devrait être présentée courant 2023.
02:59 Je pense que dans cette loi sur la fin de vie,
03:01 il doit y avoir des choses qui concernent ceux qui restent
03:04 et pas seulement ceux qui partent.
03:05 Je pense qu'on pourrait accorder à ceux qui le souhaitent
03:09 une heure de séance avec un psy.
03:11 Ça fait du bien de parler, moi, ça m'a fait du bien.
03:13 Et je pense aussi que le décès des parents et donc des grands-parents,
03:17 c'est le premier contact avec la mort pour les enfants.
03:20 Mais ça serait bien aussi, pourquoi pas qu'on donne peut-être
03:23 une possibilité aux enfants de ne pas aller à l'école
03:26 pendant un ou deux jours pour être en famille,
03:28 ou alors peut-être aussi leur donner une assistance psychologique.
03:32 Le deuil en France, ça coûte 700 millions d'euros par an en arrêt maladie.
03:39 Ça veut bien dire que les trois jours, c'est pas suffisant,
03:42 que l'assistance psychologique, elle, est nécessaire
03:45 et que pour ce qui concerne les enfants, on peut faire plus.
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