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"J'étais la mère de mon enfant, j'étais la femme de mon conjoint, et je n'avais plus vraiment d'identité propre."
Sophie Astrabie dénonce les injonctions faites aux mères et rappelle l’importance de préserver son identité de femme.

Sophie Astrabie a écrit le récit "Mère modèle" dans l'ouvrage collectif "De mères en filles : dix récits de transmission féministe à l'ère de MeToo", dirigé par Camille Abbey et publié aux éditions Solar.

Catégorie

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Éducation
Transcription
00:00J'étais la mère de mon enfant, j'étais la femme de mon conjoint
00:03et je n'avais plus vraiment d'identité propre.
00:05J'avais l'impression de disparaître.
00:08À la naissance de ma première fille,
00:09j'ai été un peu submergée par une vague qui m'a un peu ensevelie
00:12parce que le rôle de mère qu'on attendait de moi
00:15était beaucoup plus imposant que le rôle de père,
00:17je pense, qu'on attendait de mon conjoint.
00:18Tout tournait autour de moi,
00:20c'est-à-dire que c'était moi qu'on appelait quand l'enfant était malade.
00:23Je faisais la valise pour aller peut-être passer des vacances
00:25chez mes parents, mes grands-parents.
00:26On me demandait toujours à moi si j'avais pensé à mettre le maillot pour aller à la piscine,
00:29des choses comme ça.
00:30Et c'est vrai que du coup, toutes ces responsabilités qu'on attend de moi
00:32et puis ce rôle qui prend énormément de place dans tous les pans de ma vie,
00:36j'avais l'impression de disparaître.
00:37C'est-à-dire que j'étais la mère de mon enfant,
00:39j'étais la femme de mon conjoint
00:41et je n'avais plus vraiment d'identité propre.
00:43Et en fait, un jour, j'ai eu une sorte de déclic aussi
00:45parce que ma fille regardait une photo de moi avant sa naissance.
00:48Et en fait, je me suis dit, la personne qu'elle regarde sur la photo,
00:50elle ne la connaît pas.
00:51Et je me suis même dit, moi, en fait,
00:53est-ce que vraiment je suis encore cette personne-là ?
00:55Et donc, si je voulais offrir un modèle à mes enfants,
00:57il fallait que vraiment je préserve cette femme que j'étais.
00:59Et pour cela, il faut que je fasse des choses qui sont propres à mon identité.
01:02Donc, c'est-à-dire sortir voir des amis, faire des activités.
01:05Parce que je trouve qu'on attend des mères qu'elles soient extrêmement présentes,
01:07qu'elles soient là à la sortie d'école, qu'elles soient là à tous les moments.
01:11Sauf que parfois, ça ne marche pas avec la vie qu'on a aujourd'hui,
01:13c'est-à-dire que les femmes travaillent aujourd'hui
01:14et donc, ça ne peut pas fonctionner.
01:15Et donc, la culpabilité, si en plus, on s'absente pour le travail
01:18et qu'on s'absente pour les loisirs à un moment donné,
01:20on a cette culpabilité de se dire,
01:21OK, le travail, c'est peut-être obligatoire, donc on n'a pas le choix,
01:23mais les loisirs, c'est un choix.
01:25Sauf que moi aussi, ce que je trouve, c'est qu'il vaut mieux être un peu moins là
01:29qu'être tout le temps là, mais de mauvaise qualité.
01:31Parce qu'en fait, on pense que nos enfants ont besoin de nous en permanence,
01:34alors qu'en fait, ils ont juste besoin de nous libérer de nos frustrations.
01:36Je pense qu'il est important que j'offre un modèle comme celui-ci
01:39pour qu'elles s'autorisent plus tard à être aussi libérées
01:43de toutes ces injonctions, de ce poids que nous, on peut ressentir.
01:46C'est un combat aussi pour que quand elles soient elles-mêmes mères,
01:49elles n'aient pas eu ce modèle-là de mère surprésente
01:52qui pallie tous les problèmes pour le reproduire avec leurs enfants à leur tour
01:56et qu'on se sorte de cette prison, enfin pas de cette prison,
02:00mais de ces chaînes un petit peu quand même de la maternité.
02:02Je pense que les mères, il faut qu'elles s'aiment elles-mêmes
02:04parce que c'est vraiment la personne avec qui elles passent le plus de temps.
02:07Il y a parfois des gens qui ont peur en ayant un deuxième enfant
02:09de ne pas avoir assez d'amour pour son deuxième enfant.
02:11Et la phrase qu'on dit tout le temps, c'est que l'amour, ça ne se divise pas, ça se multiplie.
02:14Et en fait, ça s'applique pour nos enfants, mais on ne l'applique pas pour nous.
02:16C'est-à-dire que l'amour qu'on se porte, ça ne va pas enlever l'amour qu'on porte à nos enfants.
02:19C'est juste de s'aimer soi et de continuer à privilégier cette relation
02:24qui est celle qui durera toute notre vie.
02:25Donc mon discours, il est très tourné vers un cadre familial assez classique
02:29d'un papa et une maman et c'est vrai que ce n'est pas toujours le cas.
02:31Parfois, les mères, elles sont seules avec leurs enfants, ça arrive très souvent.
02:34Moi, je sais que ce qui m'arrive parfois, c'est que je dis à mes amis
02:36que je vais m'occuper de leurs enfants pendant un week-end
02:39pour faire souffler aussi l'autre personne.
02:40Et je pense que ce n'est pas à la mère célibataire à demander,
02:43c'est plus à la personne de proposer cette aide-là parce que justement,
02:46encore une fois, la culpabilité fait qu'on a du mal à demander l'aide
02:49parce qu'on attend des mères qu'elles sachent être présentes tout le temps
02:52et qu'elles sachent tout gérer sans l'aide extérieure.
02:55Et en fait, ce n'est pas possible.

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